Et voilà cela devait arriver.
Mon premier abandon.
Est-ce qu'il y a des raisons à cet évènement. On en trouve toujours de bonnes entre la sinusite de la semaine précédente, la préparation tronquée et la fatigue accumulée pour cause de biberons.
Mais franchement, peu importe les raisons, je suis dégoûté.
"Fallait pas y aller" me diront certains. Et puis quoi encore. Un défi est un défi.
J'ai été vaincu par plus fort c'est tout. 72km et 1800m de D+. La Saintelyon. Ils sont fous ces gaulois.
Et vous savez quoi, j'ai envie d'y retourner.
Ce truc de malade. Une aventure incroyable qui vous oblige à aller au bout de vous.
Les raisons pour lesquelles j'ai abandonné : syndrome de l'essui-glace sur mon genou droit et poumon en feu à force de respirer par la bouche.
Vous n'avez pas encore tous les éléments en main pour saisir certaines informations.
La Saintelyon est un raid nocturne reliant Saint-Etienne à Lyon passant à travers les Monts du Lyonnais durant la nuit de samedi à dimanche le premier WE de décembre.
Le départ est donné à minuit. Il y a 5 ravitaillements et la t° variait cette année entre 2° et -5° (ressenti entre 0 et -8°). Le tout accompagné d'un vent du nord et d'un fin crachin neigeux.
L'organisation est assez incroyable. Les dossards se retirent à Lyon. Ensuite, vous êtes transférés à Saint-Etienne par navette pour attendre le départ dans un immense hangar.
Et c'est là que vous tombez dans une dimension parallèle.
Tout semble normal sauf que tous ces "raideurs"-"traileurs" (pas nous quoi) campent littéralement sur place dans l'attente du départ : sac de couchage, matelas, chauffe-plat...
Et là, on se dit qu'on est vraiment pas prêt.
Il est 19h. Il y a encore 5h avant le départ. Qu'allons nous faire si ce n'est manger ? Dormir sur le sol en béton ? taper le carton ?
Ce n'est pas le même monde.
Après un repas de sportif, nous commençons déjà à tourner en rond et l'énergie fout le camp. Déjà que j'étais arrivé à fatiguer.
Pendant ce temps, la vie s'organise dans ce village d'irréductibles.
Minuit arrive enfin et l'adrénaline. On y est avec tous les autres pour le grand saut dans l'inconnu...en tout cas pour nous.
00h20, départ de la dernière vague dans la bonne humeur et à la lumière des frontales.
Et c'est parti avec tout d'abord 8km de bitume pour sortir de Saint-Etienne pas façon le Plat Pays qui est le mien.
Et après...après c'est le no man's land.
Vos seuls repères sont le faisceau lumineux de votre frontale et le serpent lumineux des concurrents qui vous précèdent ou vous suivent.
Vous ne voyez plus l'horizon. Vous n'avez plus de repère géographique. Vous passez de chemins en routes en sentiers. Le serpent disparaît mais pour aller où ? Un bois, une descente, un tunnel ? Aucune idée.
De temps en temps vous croisez des autochtones qui ont allumés des feux pour célébrer votre passage (véridique et il était 4h du matin) et le lendemain en regardant une carte vous vous rendez compte que vous avec traversé un certain nombre de villages sans vous en rendre compte.
Au détour d'un bois, vous découvrez la tente du ravitaillement.
Malgré vos trois épaisseurs, le vent vous glace.
Vous maîtrisez totalement le mouchage du nez avec les doigts. Vous buvez parce que c'est nécessaire mais cela vous glace l'estomac.
A force de respirer par la bouche vos poumons brûlent.
Dans les descentes ravinées vous manquez de glisser tous les 10m et vous vous tordez régulièrement la cheville.
Votre corps compense et le genou grince. Vous n'arrivez plus à courir.
Vous réfléchissez ravitaillement par ravitaillement jusqu'à ne plus pouvoir repartir.
La mort dans l'âme vous donnez votre numéro au bénévole qui enregistre les abandons.
Vous sortez votre couverture de survie et rejoignez le point d'attente du bus de rapatriement vers Lyon.
Il est 6h45 du matin, vous avez une dernière fois encouragé la personne qui le faisait avec vous et qui elle poursuit. Vous n'avez qu'une seule envie, qu'elle y arrive même si vous vous en voulez à mort de l'avoir laissé tomber.
Et jusqu'à son arrivée, frénétiquement vous consultez le site officiel pour suivre son évolution.
Il terminera en 11H41 et 3 secondes et vous serez heureux.
J'en ai pleuré de cet abandon et pourtant qu'est ce que j'en ai chié avec mes poumons et mon genou.
Je reviendrai pour la vaincre et pour vivre jusqu'au bout cette aventure qui est avant tout humaine.
Je voudrais remercier tous ceux qui nous suivent dans notre défi et faire un clin d'oeil à Marc. Merci beaucoup Marc et le défi ne sera terminé qu'après le marathon de Londres.
, le 17.12.2014 à 00:25
Respect.
Il faut en avoir (de la folie) pour faire ce genre de raid.
, le 17.12.2014 à 07:14
Ah ben dis.
Chapeau tout de même.
Je suis également en pleine souffrance due au syndrome de l’essuie-glace (ou tendinite du fascia lata).
C’est une douleur qui vous chope l’extérieur du genou et qui apparaît toujours au bout d’une certaine distance, et qui disparaît dès qu’on arrête de courir.
Quelle merde. J’ai ça depuis le marathon. Et je n’ai pas voulu en tenir compte.
Et tu sais quoi? Il faut du repos. 6 semaines disent-ils.
Ou alors courir sur une plus courte distance que celle qui fait apparaître les douleurs (chez moi 5 kilomètres, super, courir en dessous, ça vaut vachement la peine de s’habiller et tout et tout).
Je fais de l’électro thérapie mais là, j’ai décidé d’arrêter au moins jusqu’après Noël de courir.
Et c’est deux anti-inflammatoires généraux (à avaler) par jour, et une pommade anti-inflammatoire en local deux fois par jour également.
Je veux que ça foute le camp, je hais ce truc. Oui, je le hais.
Donc soigne-toi bien.
Cela dit, j’hésite à refaire un truc qui fout en l’air au final ce que tu pouvais très bien faire avant.
Tu devrais réfléchir à refaire ce défi: ton corps t’a peut-être simplement dit que c’était trop. Tu devrais peut-être l’écouter.
, le 17.12.2014 à 07:42
Pour avoir souffert de multiple tendinites (rotulienne, achiléenne) depuis des années, je peux te dire que le repos total n’est jamais une bonne solution.
A chaque fois que je m’y suis contraint, la tendinite revenait de plus belle dès la reprise.
Le seul remède qui a marché chez moi (je n’en fais pas une généralité), c’est un renforcement musculaire quasi quotidien, strict et depuis les douleurs sont quasi anéanties (même si ça revient si je fais un surcroit d’activité ou au forte hausse de l’intensité).
Et je ne prends pas d’anti-inflammatoires (mon estomac ne le supporte pas), dans mon cas, la glace est le meilleur remède et il a l’avantage de ne pas injecter de chimie dans mon corps.
, le 17.12.2014 à 07:51
C’est la raison pour laquelle je fais de l’électro-stimulation, dont je vous parlerai un de ces quatre.
, le 17.12.2014 à 07:52
A part ça, j’aime bien ces images des préparatifs. Ça montre bien ces endroits un peu glauques où tout le monde attend, la boule au ventre, l’heure du départ. Quand t’es plusieurs, ça doit être pas mal, moi, la plupart du temps (toujours en fait), je suis seul, je ne parle à personne et je trouve toujours la chose assez angoissante.
, le 17.12.2014 à 09:04
félicitations tout de même. L’important c’est de participer. Tu finiras l’année prochaine.
je connaissais pas ce truc de l’essuie-glace.
Bonne récupération à toi, François
, le 17.12.2014 à 09:09
Je sais bien que le défi est inscrit dans nos gênes et que tous les sportifs en herbe ou confirmés cherchent à aller toujours plus loin… mais parfois je m’interroge sur cette quête infinie.
Quand tu auras réussi cette affaire, tu pourras mettre le cap sur l’ultramarathon;-)
Sincèrement, bravo d’avoir tenté cette course et bonne chance pour l’année prochaine… mais essaie de ne pas casser la machine car à partir d’un certain âge, c’est toujours plus difficile de récupérer ou même de réparer.
T
, le 17.12.2014 à 09:10
Quand on a mal, il faut arrêter le geste qui fait mal. Si on peut continuer à faire son sport d’une façon ou d’une autre sans ressortir de douleur, il faut le faire, même si c’est beaucoup moins longtemps ou intensément qu’avant. La vraie reprise, une fois guérie, en sera accélérée.
Parallèlement, comme le dit très justement DrakeRamore, une rééducation kinésithérapique peut faire des merveilles. Ça peut être du renforcement musculaire, ou des étirements, bien ciblés. Ne pas hésiter à consulter ! C’est pour ma part la seule chose qui supprime mes douleurs occasionnelles en tant que cycliste. Il faut s’y astreindre très régulièrement et ça peut être ch… mais les résultats en valent la peine.
Pour l’électrostimulation, j’ai toujours été sceptique. J’attends l’article en question…
, le 17.12.2014 à 10:15
Au fond, le sport, c’est prétendument bon pour la santé …
Mais alors, les gars, comment nommer ce que vous faites, vous ? Du sport encore, ce martyre ? Un pari avec soi, une prise de risque sans finalité, une envie inconsciente de se battre avec soi jusqu’à perdre le combat, un frisson pour frôler l’autodestruction ? L’équivalent des flagellations et pénitences des siècles passés, pour une religiosité du soi ? Ou peut-être une étape avant la pratique du wingsuit ?
On n’est pas loin d’une addiction, c’est pas très bon, ça.
En fait, si on arrive à se dépasser, pas étonnant qu’on se retrouve forcément, une fois dépassé par soi, à suivre derrière, à la fin. Et qu’on doive abandonner parfois.
, le 17.12.2014 à 11:12
Aucun anti-inflammatoire n’a d’effet sur une tendinite. L’inhibition de la secrétion des prostaglandines perturbe l’hémodynamique rénale ce qui n’est pas souhaitable chez un coureur.
Le traitement repose sur
– le repos
– la contention si nécessaire
– la glace
– et enfin le massage transverse profond
, le 17.12.2014 à 11:25
alternance glace-chaud, glace-chaud, glace-chaud…
, le 17.12.2014 à 13:21
et courir droite-gauche, gauche-droite, droite-gauche, gauche-droite, droite-gauche, gauche-droite, jusqu’a production d’étincelles…..
, le 17.12.2014 à 14:03
Désolé pour toi, bien sûr! Et je t’espère un bon rétablissement.
Mais je ne peux pas cacher que je suis très heureux de ne pas avoir à affronter tout ça! Un manque terrible d’appétence pour ce genre d’efforts… Et un foncier qui est au sport ce que la paramécie est à l’auroch de base…
J’ai préféré travailler le dodu… Devant ton immense déception, je compatis, bien sûr, mais que je suis heureux d’avoir fait ce choix! ;)
, le 17.12.2014 à 16:52
@François, le repos j’y ai été contraint une fois lors d’une inflammation de la voute plantaire. J’avais un peu trop insisté en passant que cela passerait et j’en ai pris pour 6 mois.
Pour le coup maintenant j’arrête quand mon corps dit stop afin d’éviter ce repos forcé de 6 mois.
Sinon, ce n’est nullement une addiction juste une envie de découverte .
Je n’ai pas couru des centaines de km avant de rejoindre Saint Étienne. Nous étions plus dans l’idée de faire quelque-chose de différent que le bitume habituel. Et nos vies étant plutôt chargées autant participer à un mythe. Le risque était calculé. Mais il n’était pas question que je déçoive les personnes qui me suivaient. Tout le long je mesurais très bien où j’en étais.
J’ai ressenti des choses que je n’avais jamais ressenties avant. J’ai pleuré de déception pas de douleur. J’ai explosé de joie à l’arrivée de mon compère.
On aime juste courir mais jamais cela ne commandera notre vie. Si cela arrive un jour j’arrêterai.
, le 18.12.2014 à 01:38
@ cvanquick, vu de Grenoble, respect total !
Bon, j’étais curieux d’en savoir plus sur l’inflammation de la voûte plantaire.
Très impressionnant !
Comment s’en protéger ? En choisissant soigneusement son matériel, et en le préparant méticuleusement.
Cet élégant modèle en fibres naturelles, tout terrain, ignifugé et garanti à vie, saura répondre à vos attentes les plus extrêmes. Issu de technologies innovantes et durables, sa thermoplasticité en fera, par alternance répétée de bains à +60/-5°, un allié indissociable de vos performances.
Désolé, trop tentant … j’ai presque honte, là ;D
, le 18.12.2014 à 13:51
Bonjour,
Il faut être un peu « fou » pour faire ce genre de truc, « fou » comme l’est mon gendre qui est passé du vélo au trail, « fou » comme je l’étais quand plus jeune je faisais les grandes randonnées à vélo (RCP, BRA …). Mais quand on est accro on oublie vite la fatigue pour ne retenir que le plaisir d’avoir participé. En on a une seule envie, y retourner. Mon gendre a été « finisher » à la SaintéLyon, en avance sur son tableau de marche et maintenant il attend le tirage au sort de l’Ultra Trail du Mont-Blanc … un truc de dingue.
Bravo et meilleure chance pour la prochaine
, le 18.12.2014 à 21:58
On prête, à raison ou à tort, la phrase suivante à Napoléon : « le champagne, en cas de victoire, je le mérite; en cas de défaite, j’en ai besoin ».
Pour avoir su t’écouter, pour avoir respecté ton corps – on en a un seul et même si on peut changer certaines « pièces », autant veiller à ce que celles d’origine durent le plus longtemps possible – je pense que tu as vécu une victoire. Et même si au moment où tu as pris la décision de t’arrêter, tu l’as peut-être vécu comme une défaite, je reste convaincue que le champagne, tu l’as mérité !
, le 21.12.2014 à 22:35
Mais puisqu’on vous dit que le sport c’est dangereux !
Je n’ai essayé qu’une fois de continuer à pédaler, en forçant, alors que je ressentais une douleur : ça n’a fait que s’amplifier et s’étendre pendant des kilomètres.
Au retour, je ne pouvais presque plus marcher, et ça a été dur pendant quelques jours : le pédalier était légèrement de travers (moins de trois degrés, invisible à l’œil nu).
Et bin je ne recommencerais plus ! Je n’ai pas l’esprit de compétition, le vélo étant plus un moyen de transport qu’un but en soi, d’ailleurs, pour toutes ces pauvres articulations malmenées par la course, un australien a trouvé la solution :
Le Bionic runner, un vélo pour courir sans violence, à quand un test sur cuk ? François, le plus déplaisant, dans un vélo, c’est la selle, non ?
z (en tout cas, merci pour le récit, je répêêêêêêêêêêête : ça donne envie de se lancer dans la grande distance… mais sur roues, hein ;o)
PS : Chi va piano va sano e va lontano (ou kèk’chose comme ça)