Dans l'article précédent, j'avais parlé de la ville universitaire de Louvain-la-Neuve en vitesse, promettant d'y revenir pour la décrire un peu plus en détail. C'est l'un des objets de cet article-ci, qui comme les précédents prend prétexte d'une de mes balades cyclistes pour vous proposer des descriptions de quelques endroits remarquables du Brabant belge, agrémentées de photos dénichées sur le web, principalement sur Wikipédia (n'ayant jamais su me mettre sérieusement à la photographie…). C'est donc le troisième et probablement le dernier de la série, bien qu'il ne faille jamais être trop affirmatif.
Ce dimanche, je m'étais donc décidé pour une excursion à thématique « universitaire » : de Bruxelles (où se nichent déjà quelques universités importantes, comme l'ULB francophone ou son pendant néerlandophone VUB), direction tout d'abord Louvain (Leuven) en Brabant flamand, puis Louvain-la-Neuve en Brabant wallon, et enfin retour à Bruxelles. Soit une petite centaine de bornes, effectués par un temps relativement frais, très venteux, mais sec, ce qui est devenu très rare ici en cette saison :-(
De chez moi à Bruxelles jusqu'à Louvain, à une vingtaine de kilomètres vers l'est, le trajet est presque complètement plat et assez monotone. Le seul côté vraiment remarquable de cette partie de l'itinéraire est qu'on passe juste à côté de l'aéroport de Zaventem, au point que certains jours j'ai vu les avions passer à 20 ou 30 m au-dessus de moi… Impressionnant ! Ceci dit, on suit un itinéraire cyclable très sûr (voyez ici son itinéraire) qui longe plus ou moins la ligne de train à haute vitesse reliant Bruxelles à Liège, laquelle passe par Louvain.
En suivant le balisage de cet itinéraire, on arrive à la gare de Louvain (Leuven), ville d'environ 30 000 habitants, à très haut intérêt touristique et qui vaut impérativement le détour si vous passez un jour dans les environs. Il serait criminel, en particulier, de louper le magnifique hôtel de ville (stadhuis) sur sa Grand'Place (Grote Markt), un des plus beaux de Belgique, une œuvre du 15e siècle de l'architecte Mathieu de Layens, du genre gothique flamboyant. Pour ma part, quand j'y passe à vélo je ne manque jamais de faire une halte devant son incroyable façade, dont les très nombreuses niches (sur conseil du touriste avisé qu'était Victor Hugo, pour l'anecdote) sont chacune ornées de personnages sculptés.
Le magnifique hôtel de ville de Louvain.
Sur la même Grand'Place, vis-à-vis de l'hôtel de ville se trouve la collégiale Saint-Pierre (Sint-Pieterskerk), surtout remarquable par son intérieur :
L'intérieur de la collégiale Saint-Pierre de Louvain.
À ceci, on peut ajouter le plus grand béguinage de Belgique, aujourd'hui occupé non plus par les béguines, cet ordre féminin semi-religieux aujourd'hui disparu, mais par des étudiants et cadres fortunés. Car le cadre est particulièrement reposant.
Une petite partie du béguinage de Louvain, oasis de tranquillité en plein cœur de la ville.
Et puis, il y a l'Université de Louvain (Katholieke Universiteit Leuven, KULeuven ou KUL en abrégé) : fondée en 1425, une des plus anciennes d'Europe, elle a structuré la ville entière et lui a légué nombre de ses bâtiments les plus spectaculaires, comme sa majestueuse bibliothèque :
Le bâtiment principal de la bibliothèque universitaire de Louvain.
…ou le château d'Arenberg, dans les faubourgs louvanistes (à Heverlee précisément), qui se trouve aussi sur la route que je me suis proposé de suivre, en sortant de Louvain par le sud, direction Wavre et Louvain-la-Neuve en Brabant wallon.
Le château d'Arenberg, siège de la section des sciences appliquées de l'université.
Il se trouve que Louvain a été le théâtre, entre 1963 et 1968, d'une des plus féroces querelles linguistiques de l'histoire de la Belgique. Querelle dont j'ai parlé en détail dans cet article. Pour aujourd'hui, il me suffira de rappeler que la partie francophone de l'université de Louvain (qui hébergeait jusqu'alors aussi bien une section francophone qu'une section flamande) a dû progressivement quitter cette ville flamande à partir de 1970, pour s'établir définitivement à Louvain-la-Neuve, à une trentaine de kilomètres plus au sud seulement, mais en Wallonie, partie francophone de Belgique.
C'est en quelque sorte la « direction » de cet exil que prend la suite de ma balade. Quittant Louvain par le sud, mon itinéraire passe d'abord par les demeures cossues (et les routes pitoyables…) de la commune résidentielle d'Oud-Heverlee, où les Louvanistes se ruent en masse le week-end pour se balader autour du lac appelé Zoet water (eau douce), ou dans la grande et belle forêt de Meerdaal (Meerdaalwoud), pendant local de la forêt de Soignes bruxelloise.
le « Zoet water ».
La forêt de Meerdaal.
Et puis j'entre en Wallonie, dans la commune de Grez-Doiceau, au sud de la forêt de Meerdaal. À partir de là, l'atmosphère est plus champêtre, les environs étant assez nettement moins peuplés. L'endroit a acquis une notoriété malheureuse en 2001 lorsque deux trains sont entrés en collision près de la gare de Pécrot, une localité de Grez-Doiceau, faisant huit morts et douze blessés. Le bilan aurait été beaucoup plus lourd si l'un de ces trains n'avait pas été vide de passagers et si l'autre n'en transportait qu'un nombre peu élevé. L'image du choc est parlante…
L'accident de Pécrot (photo du journal De Morgen)
Il semblerait qu'à l'origine de la collision se trouve — outre le fait avéré qu'un des conducteurs n'avait pas respecté la signalisation — un quiproquo linguistique, un de plus : un employé wallon de Wavre, averti de l'erreur du conducteur (injoignable, la ligne n'ayant pas de canal radio et lui-même n'ayant pas de téléphone portable…), aurait tenté d'avertir ses homologues de la gare de Louvain, mais d'un côté on ne comprenait que le français et de l'autre uniquement le néerlandais, d'où blocage supplémentaire… et l'accident.
Je passe vite fait sous l'endroit de l'accident (un pont ferroviaire), pour rentrer brièvement en Flandre, dans la commune d'Huldenberg et plus précisément dans la localité d'Ottenburg, perchée au sommet d'une colline, laquelle je grimpe via une côte raide « cyclistement » réputée dans la région et que je dévale pour à nouveau passer en Wallonie et arriver à Wavre, chef-lieu du Brabant wallon, dont j'ai parlé dans l'article précédent. Aujourd'hui comme auparavant Wavre ne m'est qu'une transition, pour atteindre cette fois-ci Louvain-la-Neuve, juste à côté, au sud.
Louvain-la-Neuve, sa Grand'Place. Cinéma, faculté de théologie…
Fondée en 1970 comme dit plus haut, première ville nouvelle de Belgique (couplée à la bien plus vieille localité d'Ottignies) depuis Charleroi au… 17e siècle, c'est un endroit déroutant à plus d'un titre.
D'abord, le centre-ville est entièrement piéton. Les voitures sont priées de se « parquer » dans le sous-sol dudit centre-ville, lequel sous-sol n'est effectivement qu'un vaste parking (aujourd'hui payant), ou bien d'aller trouver refuge dans l'un des nombreux parkings alentours (dont certains, aux dernières nouvelles, sont restés gratuits).
Ensuite, il semblerait que les concepteurs de ce centre-ville aient juré de désorienter au maximum le visiteur, tant il est aisé de se perdre dans ces dédales de rues sans cohérence visible, et surtout sans fléchage digne de ce nom. Croyez-le ou non, je n'ai jamais pu quitter cette ville à vélo sans me perdre momentanément dans les quartiers alentours…
Comme Louvain, l'endroit est bâti autour de bâtiments universitaires, ceux de l'Université de Louvain, (la francophone), alias UCL. Tout ces bâtiments ayant été construits assez vite, pour la plupart dans les années 70-80, ils n'ont évidemment pas le cachet architectural de ceux de la KULeuven, leurs équivalents flamands. Néanmoins, les concepteurs de la ville ont eu la bonne idée de les intégrer au maximum dans le tissu urbain, en suivant l'excellent principe de la mixité des fonctions, de sorte qu'il est difficile de distinguer les habitations, notamment les « kots » (logements universitaires particuliers des étudiants) des bâtiments universitaires proprement dits. L'endroit est donc à échelle humaine, ce qui lui donne une atmosphère assez chaleureuse, malgré l'omniprésent béton.
La place de l'université, bel exemple de mixité urbaine. On y trouve des bâtiments universitaires, des logements… et la gare ferroviaire.
En dehors du centre-ville, on trouve cinq grands quartiers résidentiels, nommés Baraque, Biéreau, Bruyères, Hocaille et Lauzelle. Les personnels enseignants, notamment, y crêchent pour la plupart. Certaines demeures, surtout dans le quartier de la Baraque, sont assez croquignolesques, et cela peut valoir le coup de flâner dans ces quartiers pour les admirer.
Les touristes non universitaires, ceci dit, ne trouveront pas grand'chose pour prolonger la visite de cette ville, hors son atmosphère si spéciale… si ce n'est que le musée Hergé, l'auteur de Tintin, s'y est installé tout récemment. À ne pas manquer pour les « Tintinophiles » !
L'entrée du musée Hergé (photo tirée de son site web)
Revenons à ma balade cycliste. C'est à Louvain-la-Neuve même que je décide de faire une vraie pause, en l'occurence une pause casse-croûte, à la Crêperie bretonne la Mère Filloux, une des institutions gastronomique de la ville. Le très sympathique personnel nous y propose une variété incroyable de crêpes de toutes sortes, pour des prix allant du raisonnable à l'ahurissant, ainsi que d'autres possibilité de restauration sur le pouce. Ceci au milieu d'affiches d'époque aussi bien en flamand qu'en français… Endroit idéal pour le cycliste affamé que je suis qui y dévore une bonne crêpe aux champignons (à 11,5 euros, car c'était consistant !). J'en profite aussi pour faire la conversation avec un jeune couple se baladant en tandem, avec leur petite fille de 4 ans sur une selle supplémentaire :-).
De là, je repars le ventre plein et je prends le chemin du retour vers Bruxelles, par la route déjà parcourue dans ce sens lors de l'itinéraire précédent. Juste un petit détour, pour la forme (sportive), par la drève de Stadt à Wavre, un petit mur pas piqué des vers en pleine ville. Une côte avec de forts pourcentages comme je les aime, mais avec une crêpe non encore digérée dans l'estomac, c'est comme si le pourcentage augmentait encore ! :-/
Et ceci conclut cet dernière escapade brabançonne. Si cette dernière série d'articles ne vous a pas convaincu de la richesse tout aussi impressionnante que méconnue (y compris par ses habitants) de cette région de Belgique, c'est qu'elle a manqué son but. J'espère en tout cas que cela vous aura donné l'envie d'y faire un tour… si possible à vélo. N'hésitez pas à demander le guide cycliste, il crêche quelque part à Bruxelles… et publie régulièrement sur cuk.ch ! ;-)
, le 16.10.2014 à 05:50
Oui! À chaque article je me laisse prendre et me dis que boudiou, faudra bien qu’j’y aille un jour, dans ce pays d’où viennent tant de bon chanteurs dits français!
Euh… Là je ne te promets rien! Mais cela ne m’empêchera pas de te contacter pour taquiner le houblon en ta compagnie!
, le 16.10.2014 à 08:50
Souvenirs, souvenirs …
J’ai commencé mes études à Leuven pour les terminer en dernière année à Louvain-La-Neuve…
A l’époque, j’ai adoré Leuven et détesté LLN qui pour moi ressemblait trop à un ghetto étudiant contrairement à Leuven où on pouvait fréquenter des gens normaux ;-)
Merci pour la balade
, le 16.10.2014 à 08:53
Tiens, à propos des béguinages… cherchez un peu à quoi servaient ces béguines (qui n’étaient pas des sœurs, ah ça non!). La décence empêche souvent d’évoquer la fonction première de ces femmes consacrées à Dieu et surtout à ses représentants. Ah la Belgique et sa joie de vivre !
, le 16.10.2014 à 12:18
Bravo à Franck Pastor pour cette belle balade!
Je peux comprendre, la différence est flagrante!
Pour ma part, je n’ai étudié qu’à LLN: c’est vrai qu’on est dans un monde à part, et on ne se rend pas toujours compte qu’il y a quelque chose à l’extérieur. J’y ai passé des années magnifiques de ma vie, mais je ne voudrais jamais y retourner pour y habiter!
C’est une ville qu’il faudrait visiter aussi en soirée prolongée: les hordes d’étudiants, plus ou moins éméchés et chantant dans les rue ne vous laisserait pas indifférent…
Au sujet de LLN, on peut signaler également un événement unique en son genre: les 24 heures vélo, dont la 38è édition se termine en ce moment. Au hasard d’une recherche Google, je vous propose l’article suivant.
, le 16.10.2014 à 14:43
Dominique, je ne bois jamais d’alcool d’habitude, mais je promets de faire une petite exception… si tu prends ton vélo juste avant ;-)
Filou 53 (et Migui) : Louvain-la-Neuve a aujourd’hui plus diversifié sa population, on y croise bien plus de gens de tous les âges qu’il y a encore, disons, une vingtaine d’années (époque où j’y faisais un stage de fin d’études). Et je connais des gens qui y habitent et qui travaillent, non pas à l’UCL, mais à Bruxelles ! Bref, l’endroit est devenu plus attractif qu’autrefois.
Guru : les béguines étaient un ordre laïc en effet, mais j’avoue ne pas le connaître très bien. En particulier je n’ai jamais rien entendu de croustillant associé à leur nom… Je vais voir plus en détail, promis.
Migui, les 24 heures vélo, j’ai choisi délibérément de ne pas en parler : à moins que ça ait changé en bien depuis quatre ou cinq ans, j’ai surtout souvenir d’une beuverie monumentale, ce qui m’avait fortement déçu : en tant que cycliste, j’espérais une place plus importante accordée au vélo par rapport à la Jupiler !
, le 16.10.2014 à 17:18
merci pour cette découverte
, le 16.10.2014 à 22:14
Disons que c’est un événement qui fait partie du folklore, mais je t’avouerai que ce n’est pas mon genre non plus! Je me rappelle que, déjà à l’époque, les gens qui n’étaient pas saoûls passaient leur temps à chercher leurs amis disséminés dans toute la ville (les téléphones portables n’existaient pas encore!).
, le 16.10.2014 à 22:16
Franck, merci pour cette visite : le château d’Arenberg est vraiment superbe !
Dominique : moi, je taquinerais volontiers le houblon, même (et surtout) sans vélo :-) On demandera à Franck de nous ramener… à pieds !
, le 17.10.2014 à 05:34
Madame P.: :-)
, le 17.10.2014 à 08:39
Encore une évocation qui me rappelle un voyage. Je l’avais fait à la recherche de vieillies orgues à la fois pour entendre leur son ( et pouvoir le décrire) et les filmer. Comme nous avions tout en matériel, nous étions en voiture, mais un jour nous avons fait à vélo de Louvain à… J’ai une incertitude. Je pensais à Wavre, mais je ne me souviens pas de la montée célèbre dont tu parles. En tout cas, j’en garde un souvenir lumineux.
, le 17.10.2014 à 12:10
Si j’ai bien compris, je vais servir de Bob version piétons pour Dominique et madame Poppins ? :-)
Anne, pour faire la montée célèbre (relativement, hein ! et uniquement pour les cyclistes du coin!) que j’ai empruntée sur le chemin de Wavre, il faut emprunter un chemin de traverse, nettement plus pentu que l’itinéraire normal ;-)
, le 17.10.2014 à 18:13
Admets quand même, Franck, que ça serait assez top, une rencontre à Bruxelles, avec Dominique notamment : vivement que je termine ma formation super-méga-over-chronophage et que je puisse à nouveau prévoir de vraies sorties (comme les examens ont lieu dans 12 mois, c’est pas comme si ça allait se faire tout de suite, malheureusemen).
Suis même prête à envisager un tour à vélo avant le houblon ;-)
, le 17.10.2014 à 20:01
Bieeeen, ça m’apprendra a lancer des idées comme ça! Non quelle soit mauvaise. Mais en fait, je voyage très peu. Et même si c’est vrai que je visiterais vontiers la Belgique, ça fait quand même pas mal d’années que je le dis et pour l’instant ça n’en prends pas le chemin…
Ceci dit, avec en supplément une rencontre cukienne peut-être que je me laisserai tenter!
, le 17.10.2014 à 21:34
Dominique, tu as le temps d’y penser : au cours des douze prochains mois, je suis à plein régime dans la préparation d’un brevet; les examens ayant lieu en octobre 2015, je n’aurai pas le temps d’aller découvrir la Belgique avant.
Donc, laisse l’idée faire son chemin, peut-être qu’elle prendra la route ensuite !
, le 18.10.2014 à 18:21
Bravo pour l’article.
J’adore l’architecture de louvain-la-neuve. J’y ai habité pendant mes études universitaires (mais j’allais à Bruxelles à l’ULB). Les souvenirs des 24 vélos sont très précis, c’est une immense beuverie sur roue. Les poubelles de la gare d’Ottignies sont pleines de bouteilles d’alcool après les 24 heures.
C’est devenu une vrai ville, bourgeoise, avec une université.
ZUT : antidote n’est pas adapté à Yosemite :-)