A l’ombre de la grue

Grue contrechamp

La grue vue de­puis le trot­toir d'en face. En ar­rière-fond, la Vieille ville de Zu­rich

A-t-elle fait cou­ler de l’encre, cette grue!

Œuvre d’art ou tas de fer­raille? Cette ques­tion ré­sume les dé­bats. Tas de fer­raille, c’est in­con­tes­table. On voit qu’elle a subi les in­tem­pé­ries – elle rouille. Art? Les avis di­vergent.

Elle est là à la suite d’un concours in­ter­na­tio­nal pour une «in­ter­ven­tion ar­tis­tique» au bord de la Lim­mat. L’idée de don­ner à Zu­rich un par­fum de port ma­ri­time a plu au jury, qui dé­fend son choix en termes ly­riques.

Grue tot AC

La grue venue de Ro­stock est ins­tal­lée sur le quai au bord de la Lim­mat.

 Il y a sept ans que l'idée a surgi au sein d'un petit groupe d'ar­tistes et de fonc­tion­naires, qui vou­laient faire de la ville au bord de la Lim­mat Zu­rich tran­sit ma­ri­time. Après tout, il y a de nom­breux siècles, à l'époque où le trans­port flu­vial et la­custre te­nait lieu d'au­to­routes, à l'em­bou­chure de la ri­vière il y avait eu un port. Et l'idée de re­faire un port à l'em­bou­chure de la Lim­mat a res­surgi – et vite été aban­don­née – dans la pre­mière moi­tié du XXe siècle. Le port de Ro­stock, qui se trou­vait en Al­le­magne de l'Est, avait été laissé à l'aban­don (comme beau­coup d'autres in­fra­struc­tures in­dus­trielles) et ne re­trouve la vie que main­te­nant. On a consi­déré qu'il fal­lait chan­ger les grues – celles qui étaient là au­raient certes pu conti­nuer à ser­vir si on les avait en­tre­te­nues, mais comme on les avait lais­sées à l'aban­don, on a dé­cidé de les chan­ger. Et un petit groupe de Zu­ri­chois a eu l'idée de faire d'une de ces grues, avant qu'elle ne fi­nisse au vieux fer, une «in­ter­ven­tion ar­tis­tique».

J'ima­gine que dans leur es­prit, cela de­vait fonc­tion­ner un peu comme l'idée du poète Lau­tréa­mont, cela crée­rait le choc d'une ren­contre in­at­ten­due – ce se­rait «comme la ren­contre for­tuite sur une table de dis­sec­tion d'une ma­chine à coudre et d'un pa­ra­pluie.» Ou comme les Rea­dy­mades de Mar­cel Du­champ, qui prend un pis­soir, un cintre à cha­peaux, un porte-bou­teilles, une roue de vélo, et ainsi de suite, les signe, les met dans une ex­po­si­tion ou un musée et les dé­clare oeuvres d'art. Pro­vo­ca­tion in­té­res­sante, qui date ce­pen­dant d'un siècle. Cela se pas­sait, même, à Zu­rich – à deux cents mètres de là. Re­faire ça, main­te­nant?

La po­pu­la­tion a été dès le dé­part hé­si­tante. Le plus sou­vent, les gens ne com­pre­naient pas. Les choses sont de­ve­nues en­core plus com­plexes lorsque les par­tis po­li­tiques s'en sont mêlés. Les mi­lieux cultu­rels eux-mêmes sont res­tés très par­ta­gés. Fi­na­le­ment, lors­qu'il s'est agi de prendre une dé­ci­sion ferme, il a fallu sou­mettre le cré­dit né­ces­saire au vote po­pu­laire. Une vo­ta­tion assez confuse: per­sonne ne sai­sis­sait très bien, et l'en­thou­siasme des pro­mo­teurs pas­sait mal. On a beau­coup dit que les Zu­ri­chois était de pauvres mé­diocres qui ne sa­vaient pas ap­pré­cier une in­ter­ven­tion ar­tis­tique qui al­lait sans doute ap­por­ter à la ville cé­lé­brité, tou­ristes, com­merce. Osez, c'est le mo­ment!, leur di­sait-on. Je vous avoue que c'était tel­le­ment confus que moi aussi, qui suis pour­tant his­to­rienne de l'art, qui n'ai ja­mais craint les pro­vo­ca­tions, ai hé­sité sur com­ment voter. Mais pour finir le cré­dit a été ac­cepté, et le pro­jet s'est mis en route.

Grue

De près, on se rend bien compte que le tra­vail, les an­nées et les em­bruns ont peu à peu rongé ce té­moin d'un autre temps - et d'un autre lieu.

Beau­coup de cu­rieux ont as­sisté au mon­tage de la grue en avril.

Une fois qu'elle a été ins­tal­lée, j'ai voulu sa­voir ce que pen­saient les gens et par un jour de beau temps, je suis allée m'as­seoir sous la grue, sûre que je pas­se­rais une jour­née très ani­mée.

Que non. Per­sonne ne passe sur le trot­toir, per­sonne, à part moi, ne s'as­sied sur les  bancs. Les pas­sants du trot­toir d'en face ne tournent pas la tête, ne lèvent pas les yeux.

Je finis par com­prendre que si je veux en­tendre et sol­li­ci­ter des avis, ce n’est pas sous la grue que je dois me tenir, mais jus­te­ment sur le trot­toir d’en face, où il y a tout de même des gens.

J’y vais. Je fais les cent pas, j’écoute, je sol­li­cite des avis.

Ceux des tou­ristes que j’in­ter­roge (on avait as­suré que la pré­sence de la grue les fe­rait ar­ri­ver par hordes) igno­raient tout de l’at­trac­tion. La grue au­rait dû ex­ci­ter les cu­rio­si­tés. Ç’a été vrai pen­dant qu’on la construi­sait. Main­te­nant, il n’est même pas sûr que les gens la voient. Ce n’est en tout cas pas évident.

Ce qui est évident, par contre, c’est que les mi­lieux ar­tis­tiques dont l’idée est venue ont réussi à faire pas­ser leur dis­cours dans la par­tie (mi­no­ri­taire) de la po­pu­la­tion qui est à l’af­fût de nou­veau­tés cultu­relles. Pour eux, la grue se­rait un ca­ta­ly­seur, le fait qu’on se de­mande si c’est une œuvre d’art pro­vo­que­rait une dis­cus­sion bien­ve­nue; sans la pré­sence de cette grue, pré­tend-on, le débat n’au­rait pas lieu. Le nom du pro­jet, Zu­rich tran­sit ma­ri­time, la trans­for­me­rait en un de ces ob­jets dont les rêves sont faits.

Nous sommes main­te­nant mi-juillet. La grue a pro­vo­qué deux évé­ne­ments. Il y a d'abord eu un apéro or­ga­nisé par la der­nière épi­cière de ma rue (puisque la grue est plan­tée dans mon quar­tier), la mer­veilleuse Hé­lène Faigle, qui ré­siste à vents et ma­rées dans sa pe­tite bou­tique, en­tou­rée de lé­gumes frais qu'elle va choi­sir au mar­ché lorsque nous dor­mons en­core tous, de bonne bou­teilles, de crois­sants crous­tillants, de fro­mages suc­cu­lents… et de tout ça, et de tout le reste.

Grue Hélène

Hé­lène Faigle, grande or­ga­ni­sa­trice de fêtes, a es­sayé de faire re­vivre l'am­biance du port jusque dans le cos­tume, créé pour l'oc­ca­sion.

 Le quar­tier s'est re­trouvé sous la grue, Hé­lène a donné un petit concert de mé­lo­dies sif­flées (c'est une vir­tuose) ac­com­pa­gnée de l'or­phéon du quar­tier, elle s'était ha­billée en marin, les mu­si­ciens aussi. Elle a of­fert la bière, nous avons ap­porté les ca­na­pés et les gâ­teaux.

Grue Hélène2

Et voici l'«in­ter­ven­tion ar­tis­tique» d'Hé­lène Faigle, vir­tuose de la mé­lo­die sif­flée, et de son or­chestre.

 Et il y a eu di­manche der­nier la fête pré­vue dès la concep­tion de l'«in­ter­ven­tion», avec quelques stands qui ven­daient nour­ri­tures et gad­gets proches et loin­tains, l'obli­ga­toire or­chestre as­sour­dis­sant, et beau­coup de monde sur le quai dont les trams étaient ban­nis. Ici et là quelques coins (un pour les en­fants, un autre pour qu'on puisse se par­ler en toute tran­quillité, dit Spea­kers' Cor­ner), quelques pro­me­nades en ba­teau sur la ri­vière, un tour­noi de pé­tanque (mais en été la pé­tanque est pra­ti­quée avec achar­ne­ment à Zu­rich, fête ou pas).

En de­hors de ces deux évé­ne­ments, je m'avance peut-être, mais… pas grand-chose.

Les ini­tiants res­tent ly­riques et on sent que pour eux cette ac­tion est un som­met cultu­rel, ils tissent au­tour d'elle des des­crip­tions mi­ro­bo­lantes, pro­jettent pour Zu­rich des consé­quences cultu­relles in­ouïes de leur ini­tia­tive. Ils sont vrai­ment tou­chants, et je les écoute tou­jours avec in­té­rêt.

Mais j'ai eu beau faire l'ef­fort, je n'ai ja­mais réussi à me dé­faire de la sen­sa­tion que le roi est nu. J'ai beau cli­gner des yeux, j'ai beau les fer­mer et ten­ter de rêver: lorsque je les rouvre, je ne vois qu'un tas de fer­raille, et je ne me sens pas trans­por­tée dans un port, même pas celui de Bâle, où de telles grues sont chez elles et où l'on sait que les ba­teaux qui passent fi­ni­ront très loin, là-bas, à Rot­ter­dam puis, qui sait, en Amé­rique ou en Aus­tra­lie. Rien à faire, dans mon es­prit la Lim­mat reste la Lim­mat.

Voilà pour­quoi, une ou deux fois, je suis allée m'as­seoir sur un banc pour es­sayer de com­prendre ce que les autres voient que je ne per­çois pas. J'ai en tout cas fini par conclure que lorsque l'on sort du cercle fi­na­le­ment li­mité des par­ti­sans, le ci­toyen or­di­naire pa­raît re­la­ti­ve­ment in­dif­fé­rent. Le débat, ar­tis­tique ou poé­tique, ne l’in­té­resse guère.

Ce qui ne laisse pas in­dif­fé­rent et passe mal, par contre, c’est le coût de l’opé­ra­tion: 600’000 francs (+/- 500'000 euros), pris dans la bourse com­mu­nale, plus des sommes, dont je n'ai pas trouvé le total, at­tri­buées par di­vers spon­sors, mais il doit pro­ba­ble­ment s'agir d'en­core une fois plus ou moins la même somme.

C'est évi­dem­ment là que le bât blesse. Dans une ville où, comme ailleurs, on taille vo­lon­tiers dans les dé­penses sur la culture, et où les spon­sors donnent de plus en plus chi­che­ment, l'ins­tal­la­tion d'une vieille grue pour faire contraste était-elle vrai­ment le meilleur pla­ce­ment pos­sible des de­niers pu­blics? Ça tom­bait d'au­tant plus mal qu'au même mo­ment, la Com­mune dé­ci­dait qu'elle ne pou­vait plus fi­nan­cer le petit Musée du Strau­hof, un musée de la lit­té­ra­ture pour­rait-on dire où des ex­po­si­tions mer­veilleuses (je vous en ai parlé plu­sieurs fois) sont or­ga­ni­sées avec des moyens mo­destes.

Le week-end der­nier, les Zu­ri­chois sont venus voir ce qu'on avait fait de la grue, et la ma­ni­fes­ta­tion a été bon en­fant. Mais en cir­cu­lant dans la foule, on a en­tendu vrai­ment très sou­vent que si c'était à re­faire, on ne re­vo­te­rait pas 600'000 francs pour ça.

Les or­ga­ni­sa­teurs ré­pondent à ces ho­che­ments de tête en s'ex­ta­siant sur le ma­gni­fique débat qu'ils ont pro­vo­qué: nous avons in­té­ressé des Zu­ri­chois lambda aux pro­blèmes cultu­rels, rou­coulent-ils.

A la ques­tion sou­vent posée: fal­lait-il vrai­ment dé­pen­ser une telle somme pour pro­vo­quer le débat?, le conseiller com­mu­nal res­pon­sable du pro­jet ré­pond avec in­di­gna­tion que ça coûte moins de deux francs par ha­bi­tant, les Zu­ri­chois peuvent bien se payer ça. C’est vrai. On es­père sim­ple­ment qu’il tien­dra le même rai­son­ne­ment lors­qu’il s’agira de pé­ren­ni­ser l'exis­tence du musée du Strau­hof: pour l'ins­tant, la Com­mune a re­culé de­vant les pro­tes­ta­tions in­nom­brables, mais le Musée de la lit­té­ra­ture reste en sur­sis, et pour­rait tout de même dis­pa­raître dans trois ans.

La grue sera dé­mon­tée en dé­cembre, et par­tira alors vé­ri­ta­ble­ment à la fer­raille.

Je ne sais pas si on peut se faire une idée de la ques­tion à dis­tance, avec les quelques ex­pli­ca­tions et les quelques pho­tos (prises avec mon iPhone 5) que je donne ici. N'em­pêche, l'avis des cu­kiens m'in­té­resse.

 

29 com­men­taires
1)
fxc
, le 14.07.2014 à 00:28

J’y vais. Je fais les cent pas, j’écoute, je sol­li­cite des avis.

Cette grue c’est le pied(;D

2)
Anne Cuneo
, le 14.07.2014 à 05:49

Et là-des­sus tu es sorti, j’es­père! Après t’être ex­cusé, bien sûr.

3)
Ma­cramé
, le 14.07.2014 à 05:59

Je pense que cer­taines formes d’art ont tou­jours dé­rangé en leur temps … L’amas de fer­raille que re­pré­sente la Tour Eif­fel n’a pas été ap­pré­cié par tous à l’époque de sa construc­tion …
Il m’ar­rive assez sou­vent de ne pas ap­pré­cier telle ou telle oeuvre, mais de pen­ser que c’est bien que tel ar­tiste en ait eu l’idée et l’ait réa­li­sée…

A part cela, je ne suis pas fan de cette grue… Mais pour­quoi pas après tout !

4)
fxc
, le 14.07.2014 à 07:04

Dé­solé de t »avoir cho­quée par ce jeu de mots

dé­fi­ni­tion: »
Ap­pa­rue au XVIIe siècle, l’ex­pres­sion « faire le pied de grue » a rem­placé « faire la jambe de grue ». Celle-ci pro­ve­nait du verbe « gruer » qui si­gni­fiait « at­tendre ».

5)
Diego
, le 14.07.2014 à 08:26

Moi je l’adore cette grue ! Elle donne une di­men­sion tout à fait ex­cep­tion­nelle au quai, elle ouvre l’ho­ri­zon de la ville. J’ai en­tendu des Zu­ri­chois dire qu’elle don­nait à la Lim­mat des airs bâ­lois, ce qu’il faut bien sur com­prendre comme une cri­tique pour eux, mais un bien­fait pour moi.

@PhB : tous les plon­geurs lé­ma­niques en ont rêvé de ton idée®, on a même tenté d’y faire cou­ler l’Ita­lie en son temps ;-)

6)
Mo­dane
, le 14.07.2014 à 08:43

Cette ini­tia­tive me rap­pelle la presse Bliss de Gen­ne­vil­liers… Mais dont l’ins­tal­la­tion est, elle, dé­fi­ni­tive.

La pré­sence des usines Chaus­son a mar­qué la vie et l’his­toire de Gen­ne­vil­liers. Au mo­ment de la dé­mo­li­tion des bâ­ti­ments de l’usine, la Ville a conservé une presse d’em­bou­tis­sage « Bliss » de 155 tonnes et 7 mètres de haut. Son vo­lume, sa masse, ses cou­leurs, tout concourt à en faire une vé­ri­table sculp­ture à forte charge émo­tion­nelle.
Après plus d’un siècle de pré­sence en plein coeur de Gen­ne­vil­liers, l’em­prise des an­ciens éta­blis­se­ments Chaus­son laisse place à un vaste pro­jet ur­bain : l’éco­quar­tier Chan­don-Ré­pu­blique.

Sou­cieuse de rendre un hom­mage par­ti­cu­lier aux gé­né­ra­tions de « Chaus­son », la Ville de Gen­ne­vil­liers a dé­cidé d’ins­tal­ler dé­fi­ni­ti­ve­ment cette presse dans l’es­pace pu­blic sur les lieux mêmes d’en­trée des an­ciennes usines. La va­lo­ri­sa­tion ar­tis­tique de cet ou­vrage hors du com­mun a été confiée à deux ar­tistes, Mi­chel Ver­jux et Phi­lippe Daney.

7)
Diego
, le 14.07.2014 à 09:01

@PhB Quel ar­tiste ce ca­pi­taine ! Je ne l’avais ja­mais vu comme ça non plus note °°°8<)

8)
ysen­grain
, le 14.07.2014 à 09:11

Rien que pour nous voir mon­tré Hé­lène Faigle, Anne: mer­cis.

Les ma­ni­fes­ta­tions ar­tis­tiques in­ter­rogent sou­vent: j’ai vu un re­por­tage sur un évé­ne­ment qua­li­fié « ar­tis­tique » hier. Il s’agis­sait entre autres autres ob­jets d’un em­pi­le­ment en forme de py­ra­mide de rou­leaux de pa­pier-toi­lette, en vente pour … 90000$ !!

Bon, un hap­pe­ning (ça s’ap­pelle comme ça ?) à 600000 CHF, pour­quoi pas ?

Enfin, au delà de l’as­pect qua­li­fié « ar­tis­tique », que l’es­pace soit ha­bité par cette géo­mé­trie ne me per­turbe pas.

9)
Fran­çois Cuneo
, le 14.07.2014 à 09:21

C’est moche.

Ça ne si­gni­fie rien.

Ça m’énerve que ça coûte si cher au dé­tri­ment d’autres choses.

L’art m’agace, sou­vent. Mais je pense que c’est le but, tu le dis d’ailleurs, pro­vo­quer le débat.

En fait je n’en ai même pas envie.

Et Mo­dane, la presse de Gen­ne­vil­liers est belle, elle rap­pelle une his­toire.

Cette grue aussi, peut-être, mais alors pour­quoi ne pas avoir « re­tapé » celles qui ont été dé­truites juste avant?

10)
coa­coa
, le 14.07.2014 à 09:49

J’ai vu cette grue quand nous sommes venus jouer à Zu­rich début juin. Comme Diego, je l’aime bien. En fait, je l’aime même beau­coup. Je l’aime – le jeu de mot est in­vo­lon­taire mais les da­daïstes nés à quelques pas de là au­raient sans doute ap­pré­cié – parce qu’elle est « in­con-grue ». Elle n’a rien à faire là mais elle est là. Ou, comme di­rait Marc Augé en par­lant du rôle de l’art, elle opère un « dé­ca­lage ». Et où pour­rait-on opé­rer un dé­ca­lage de ce type mieux qu’à Zu­rich, ville riche et propre et nette (que par ailleurs j’adore) ? Cette grue, je l’aime comme un bou­ton au mi­lieu du vi­sage d’un man­ne­quin non pho­to­shopé. Tout le monde trouve que le bou­ton est moche et gâche tout. A moi, il rap­pelle que le man­ne­quin est un sem­blable.

Sur la ques­tion du coût, bien sûr, de tels chiffres semblent énormes, mais comme tou­jours dans le cas d’ins­tal­la­tions mo­nu­men­tales de ce type, l’ar­gent est allé dans les poches des ou­vriers qui ont dé­monté et re­monté la grue, dans celles de ceux qui l’ont trans­por­tée, dans celles des gens qui ont conçu l’ins­tal­la­tion, etc, etc… Bref, c’est de l’ar­gent qui n’est pas allé dans la Lim­mat mais qui a payé des sa­laires.

Cela étant dit, merci pour les pho­tos, je suis vrai­ment amou­reux de cette ville.

11)
Phil­Sim
, le 14.07.2014 à 09:58

Mais, plu­tôt qu’éphé­mère, ne pour­rait-on pas en faire un évé­ne­ment du­rable ?

En par­ti­cu­lier en « re­ta­pant » cette belle ma­chine (j’aime bien ces grues de port aux formes ta­ra­bis­co­tées), dont je suis sûr qu’elle se­rait ra­pi­de­ment in­té­grée dans l’en­vi­ron­ne­ment aux yeux des ri­ve­rains.

Et même l’uti­li­ser, par exemple en fixant au bout du fil une na­celle per­met­tant de voir l’en­vi­ron­ne­ment de­puis quelque hau­teur, ou même une table et or­ga­ni­ser des repas aé­riens, comme j’ai vu que cela se fait par­fois (mais je suis sûr qu’il existe au moins 35 rè­gle­ments ne per­met­tant pas ce genre de chose, snif)…

12)
Jaxom
, le 14.07.2014 à 10:18

Per­son­nel­le­ment je ne di­rais pas que j’aime cette grue. Et il est pos­sible qu’en tant qu’évé­ne­ment ar­tis­tique ce soit un raté.

Ce­pen­dant, est-ce pour ces rai­sons qu’il au­rait fallu y re­non­cer ? On ne peut pas sa­voir à l’avance si ce genre d’évé­ne­ment sera une réus­site ou non.

Per­son­nel­le­ment j’ai vrai­ment re­gretté le refus des lau­san­nois pour le musée au bord du lac. J’étais sur qu’il au­rait donné quelque chose de très bien.

Et comme l’a dit coa­coa, cet ar­gent n’a pas dis­paru dans un trou noir. Une très grosse par­tie est d’ailleurs re­tour­née dans les caisses pu­bliques via im­pôts et taxes.

13)
Karim
, le 14.07.2014 à 10:34

Il suf­fit de la bas­cu­ler, elle peut ser­vir de pont…

Mais avec ce genre de com­men­taire, on est in­évi­ta­ble­ment ca­ta­lo­gué et passé le pre­mier sou­rire (?) on s’at­tire le mé­pris de ceux qui ont ac­cédé au sens pro­fond de l’œuvre… C’est la vieille op­po­si­tion entre ar­tiste in­com­pris d’une part, et d’autre part bour­geois réacs ou peuple igno­rant (réunis pour une fois ! Les ver­tus de l’art…)

Dans le cas de cette grue, tu as bien dit Anne que Mar­cel Du­champ est déjà passé par là avec son uri­noir, et cette grue me semble plus re­le­ver du pro­cédé que d’un acte créa­tif… Mais elle est au lé­gi­ti­mée par ceci, au moins : elle a fait l’ob­jet d’un vote. C’est la gran­deur de la Suisse.

Je ne connais­sais pas cette grue, elle m’a tout de suite fait pen­ser à cette ré­flexion au sujet de l’âne de Paola Pivi :
où va cet âne ?

14)
To­TheEnd
, le 14.07.2014 à 11:23

Je vais pas don­ner le fond de ma pen­sée parce que sinon, ça va en­core faire un drame… et les drames en pé­riode es­ti­vale, c’est moche. Je sou­haite quand même re­ve­nir sur ça:

Dans une ville où, comme ailleurs, on taille vo­lon­tiers dans les dé­penses sur la culture, et où les spon­sors donnent de plus en plus chi­che­ment, l’ins­tal­la­tion d’une vieille grue pour faire contraste était-elle vrai­ment le meilleur pla­ce­ment pos­sible des de­niers pu­blics? Ça tom­bait d’au­tant plus mal qu’au même mo­ment, la Com­mune dé­ci­dait qu’elle ne pou­vait plus fi­nan­cer le petit Musée du Strau­hof, un musée de la lit­té­ra­ture pour­rait-on dire où des ex­po­si­tions mer­veilleuses (je vous en ai parlé plu­sieurs fois) sont or­ga­ni­sées avec des moyens mo­destes.

Donc la ques­tion, c’est de de­man­der à des qui­dams de Cuk si mettre de l’ar­gent dans un pro­jet qui ne trouve pas tel­le­ment grâce à tes yeux vaut plus que de mettre de l’ar­gent, au ha­sard, dans le musée du Strau­hof qui est « un musée de la lit­té­ra­ture pour­rait-on dire où des ex­po­si­tions mer­veilleuses (je vous en ai parlé plu­sieurs fois) sont or­ga­ni­sées avec des moyens mo­destes. »

Vendu comme ça, for­cé­ment, on se­rait ten­ter de dire: mais quel scan­dale de fi­nan­cer ce truc alors que ce gé­nial musée de la lit­té­ra­ture est me­nacé.

L’ap­proche du dos­sier étant to­ta­le­ment biai­sée, pour­quoi ne pas faire une liste com­plète des élé­ments spon­so­ri­sés par la ville de Zu­rich et de­man­der à tout le monde si c’est bien rai­son­nable de mettre de l’ar­gent ici ou là?

A Lau­sanne, l’en­cou­ra­ge­ment à la Culture a re­pré­senté en­vi­ron CHF 62 mil­lions en 2013. C’est donc en­vi­ron CHF 475.- par ha­bi­tant. Pour Zu­rich (bud­get an­nuel de CHF 186 mil­lions?), j’ima­gine que la somme par ha­bi­tant doit être sem­blable voire su­pé­rieure ce qui veut dire que CHF 2 re­pré­sente moins de 0.4% du bud­get culture par ha­bi­tant.

Même si j’ai la plus haute opi­nion du lec­to­rat de Cuk, je doute que de pré­sen­ter des élé­ments sous un forme aussi par­tiale fasse avan­cer le débat d’une quel­conque façon. Com­bien de pro­jets cultu­rels se­raient re­ca­lés si on les sou­met­taient à l’ap­pro­ba­tion du bon peuple? Des di­zaines si ce n’est pas des cen­taines.

T

15)
Anne Cuneo
, le 14.07.2014 à 11:53

Et même l’uti­li­ser, par exemple en fixant au bout du fil une na­celle per­met­tant de voir l’en­vi­ron­ne­ment de­puis quelque hau­teur, ou même une table et or­ga­ni­ser des repas aé­riens, comme j’ai vu que cela se fait par­fois (mais je suis sûr qu’il existe au moins 35 rè­gle­ments ne per­met­tant pas ce genre de chose, snif)….

C’est, à vrai dire, ce qui m’a le plus cho­quée, per­son­nel­le­ment. Qu’on n’uti­lise pas la grue sous quelque forme que ce soit. J’ai vu dans un re­por­tage qu’on peut en­trer dans la ca­bine. Je me suis at­ten­due à ce que, une fois que cette grue a été là, elle soit in­té­grée à la vie quo­ti­dienne de façon ani­mée, je veux dire par là qu’il se passe des choses, qu’on re­tape la grue comme tu dis. Mais à part la fête of­fi­cielle, il ne se passe RIEN – il a fallu l’épi­cière du coin pour qu’on danse une fin d’après-midi.

16)
Anne Cuneo
, le 14.07.2014 à 12:08

Donc la ques­tion, c’est de de­man­der à des qui­dams de Cuk si mettre de l’ar­gent dans un pro­jet qui ne trouve pas tel­le­ment grâce à tes yeux vaut plus que de mettre de l’ar­gent, au ha­sard, dans le musée du Strau­hof

Il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai pas dit.
Ce qui a cho­qué, dis-je, est la CONJONC­TION du cré­dit de 600’000 francs pour la grue et l’an­nonce de la fer­me­ture du Strau­hof par «manque de fonds».

A la ques­tion sou­vent posée: fal­lait-il vrai­ment dé­pen­ser une telle somme pour pro­vo­quer le débat?, le conseiller com­mu­nal res­pon­sable du pro­jet ré­pond avec in­di­gna­tion que ça coûte moins de deux francs par ha­bi­tant, les Zu­ri­chois peuvent bien se payer ça. C’est vrai. On es­père sim­ple­ment qu’il tien­dra le même rai­son­ne­ment lors­qu’il s’agira de pé­ren­ni­ser l’exis­tence du musée du Strau­hof

Je suis par prin­cipe op­po­sée à râler parce qu’on a donné de l’ar­gent à un pro­jet ar­tis­tique plu­tôt qu’à un autre. Aussi à un rai­son­ne­ment qui n’est pas le mien, j’ai pro­posé qu’on ap­plique le même rai­son­ne­ment au musée. Qu’on donne aux deux, en d’autres termes. Il y avait un petit sou­rire en coin là-de­dans, M’sieur.

A part ça, TTE, je ne sais vrai­ment pas ce que j’ai fait pour qu’à cha­cune de mes in­ter­ven­tions tu dé­verses tant de hargne sur moi. Je ne te connais pas, je ne sais pas ce que je peux t’avoir fait. Et tu es tel­le­ment har­gneux que tu dé­formes com­plè­te­ment mes pro­pos. Après avoir an­noncé bien en­tendu en en­trée que «tu ne don­ne­rais pas le fond de ta pen­sée parce qu’au­tre­ment on en fe­rait en­core un drame.» Ras­sure-toi: le fond de ta pen­sée est bien là. Une fois de plus, tu ne m’as pas lou­pée.
Et là-des­sus, que tu t’étales ou pas sur ce sujet, je t’igno­re­rai.

17)
To­TheEnd
, le 14.07.2014 à 12:25

L’af­fir­ma­tion « qu’à cha­cune de mes in­ter­ven­tions tu dé­verses tant de hargne sur moi » est er­ro­née… mais déjà que tu as de la peine à voir des promp­teurs de chaque côté d’Obama, je ne pense pas que tu re­vien­dras sur cette af­fir­ma­tion.

J’ai bien com­pris l’af­faire conco­mi­tante du cré­dit pour une grue et l’an­nonce du musée… mais mon ma­laise est bien là, une com­mune ou une com­mis­sion cultu­relle doit tous les jours prendre une dé­ci­sion de ce type. Com­bien de pro­jet sont re­je­tés chaque jour? Com­bien de pro­jets sont sa­cri­fiés pour un autre? Com­bien d’idées passent la rampe? C’est bien tout le pro­blème, il n’y aura ja­mais suf­fi­sam­ment d’ar­gent pour la culture et je trouve mal­adroit de poser le pro­blème Grue vs Musée… alors qu’on ne sait même pas de com­bien se monte le bud­get al­louer à ce musée.

Bref, j’au­rais uti­lisé les mêmes ar­gu­ments si Sa­luki ou je ne sais qui au­rait posté cette his­toire mais libre à toi de pen­ser que j’ai que ça à faire de mes jour­nées que d’at­tendre tes pu­bli­ca­tions pour venir te cas­ser du sucre sur le dos.

T

18)
Sa­luki
, le 14.07.2014 à 15:40

Vous avez re­mar­qué que le Sa­luki, évo­qué plus haut par TTE n’a pas pointé sa truffe dans ce fil de com­men­taires.
En fait je suis par­ti­cu­liè­re­ment mal à l’aise car cela me rap­pelle une si­tua­tion de choix/di­lemme un peu si­mi­laire à la­quelle j’ai eu à faire face il y a bien vingt ans de temps.
Je ne suis tou­jours pas cer­tain d’avoir bien choisi.
Ou pas.

19)
Anne Cuneo
, le 14.07.2014 à 16:58

J’es­père que tu auras com­pris Sa­luki, que mon di­lemme à moi était grue ou pas et non grue ou musée. Ceci dit, une fois que le choix de la grue a été fait, je re­pro­che­rais plu­tôt aux or­ga­ni­sa­teurs de ne pas avoir sol­li­cité da­van­tage d’ar­gent, dans le sens du post No 13 de Phil­Sim.
Cette grue est, dans l’état ac­tuel des choses, une pré­sence mo­rose, qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Alors qu’on au­rait pu or­ga­ni­ser au­tour d’elle une ani­ma­tion ré­gu­lière, qui, j’en suis cer­taine, au­rait ap­pri­voisé beau­coup de scep­tiques. Comme dit Phil­Sim, on au­rait pu la re­ta­per en pu­blic, on au­rait pu s’en ser­vir, la faire mar­cher. On au­rait même pu en faire un plai­doyer contre le gas­pillage… que sais-je. Je suis convain­cue qu’il se se­rait trouvé des vo­lon­taires en­thou­siastes.
L’autre jour, le pa­tron du bis­trot où je vais sou­vent dé­jeu­ner ex­po­sait ce qu’il au­rait fait, lui, si on lui avait confié l’ani­ma­tion de la grue: c’était un vé­ri­table feu d’ar­ti­fice d’idées, sou­vent drôles, par­fois très ori­gi­nales.
Il au­rait, bien en­tendu, fallu in­ves­tir cent ou deux cents mille francs de plus.
Mais au-delà du vote pour le cré­dit, on n’a pas sol­li­cité la po­pu­la­tion du tout, sinon à consom­mer, à la fête du week-end der­nier, ou en ache­tant quelques gad­gets très chers dans un contai­ner ad hoc qui n’est même pas placé près de la grue.

20)
Mirou
, le 14.07.2014 à 19:12

Mais pour moi, tout l’in­té­rêt ar­tis­tique de cette grue est jus­te­ment qu’elle ne sert à rien.

Il ne vien­drait à per­sonne l’idée de re­ta­per en pu­blic Maman de Louise Bour­geois, ni de faire grim­per les en­fants sur un chien géant de Koons..

… Enfin du moins j’es­père pas!

21)
Mirou
, le 14.07.2014 à 19:53

Ah j’ai ou­blié dans mes exemples: on ima­gi­ne­rait ja­mais faire uri­ner le pu­blic dans un des Uri­noirs de Du­champ…

Quoique pour le coup, la trans­for­ma­tion de l’Oeuvre par la Per­for­mance au­rait quelque chose d’as­sez in­té­res­sant.

22)
Anne Cuneo
, le 14.07.2014 à 20:15

Mais pour moi, tout l’in­té­rêt ar­tis­tique de cette grue est jus­te­ment qu’elle ne sert à rien.

D’ac­cord avec toi. Et les ac­ti­vi­tés lu­diques qu’on pour­rait ima­gi­ner au­tour de cette grue, ser­vi­raient-elles à quelque chose? A amu­ser ceux qui les pra­tiquent, peut-être, à in­té­grer l’ob­jet dans la vie des gens. Même ainsi, selon moi, la grue res­te­rait aussi in­utile que le pis­soir de Du­champ, qui sert tout de même à faire dé­pla­cer les gens au musée, à faire des pho­tos et des re­pro­duc­tions mi­nia­ture ou non.
La grue ne peut pas être com­pa­rée di­rec­te­ment à une oeuvre de Koons, qui n’a certes pas pensé à faire grim­per des­sus des en­fants (du moins c’est ce que nous pen­sons). La grue a été faite pour être une grue por­tuaire. La re­ta­pe­rait-on en pu­blic, que sur le quai de la Lim­mat elle res­te­rait ma­gni­fi­que­ment in­utile.
C’est phi­lo­so­phique, tout ça… ;–))

23)
Mirou
, le 14.07.2014 à 22:54

En fait je crois que je se­rais cho­qué qu’on la re­tape: une grue neuve n’au­rait plus la si­gni­fi­ca­tion faus­se­ment his­to­rique que j’ap­pré­cie. La dis­tor­sion de réa­lité qu’elle in­duit en étant toute pour­rie se­rait di­mi­nuée si elle pa­rais­sait neuve. Je suis éton­nam­ment conser­va­teur au point de vou­loir la lais­ser comme ça…. Ça me pro­voque en in­terne un débat. C’est ce que j’at­tends d’une œuvre!

Mais si le voi­si­nage veut se l’ap­pro­prier alors tant mieux. Il fau­drait dé­po­ser une pé­ti­tion pour la sau­ve­gar­der! Et or­ga­ni­ser un fes­ti­val de la Grue tous les pre­miers di­manche de juillet pour cé­lé­brer la fin des tra­vaux por­tuaires.

24)
Phil­Sim
, le 15.07.2014 à 07:48

Pour­quoi parle-t-on d’art en l’oc­cur­rence ? Ne fau­drait-il pas plu­tôt par­ler d’art dé­co­ra­tif (je sais, cela fait tri­vial au re­gard du « grand art »), mais entre re­gar­der cette grue vert dé­lavé et rouillée s’étio­ler et prendre de plein fouet les ef­fets de l’en­tro­pie (peut-être pour nous rap­pe­ler notre propre dé­cré­pi­tude et fi­ni­tude), ou la voir en cou­leur « re­vivre », s’ani­mer et jouer un (petit) rôle dans la vie du quar­tier, il me semble qu’il n’y a pas photo.

Je fais le pa­ral­lèle avec ces vieilles lo­co­mo­tives à va­peur res­tau­rées par des pas­sion­nés, qui éructent (les locos, pas les pas­sion­nés), ha­lètent, sifflent, et prennent à bord des wa­gons ac­cro­chés à elles un lot de gens qui ap­pré­cient ce mo­ment. On est dans le di­ver­tis­se­ment ? Peut-être, mais quel plai­sir !

Cela me fait pen­ser aussi aux créa­tions mo­biles de Jean Tin­guely, qui bougent, grincent, bref, sont vi­vantes et joyeuses (même avec une tête de sque­lette ani­mal pour l’une d’entre elles, si je me sou­viens bien). Ces ob­jets, me semble-t-il, nous aident à ne pas trop nous ap­pe­san­tir sur la pers­pec­tive de notre dé­cré­pi­tude et fi­na­le­ment de notre propre pas­sage à la casse, plu­tôt que de la contem­pler avec mo­ro­sité.

Et ne pas ou­blier non plus dans tout cela la va­leur ajou­tée de la pré­ser­va­tion du pa­tri­moine in­dus­triel !

25)
Diego
, le 15.07.2014 à 08:22

Ah j’ai ou­blié dans mes exemples: on ima­gi­ne­rait ja­mais faire uri­ner le pu­blic dans un des Uri­noirs de Du­champ…

Note …

26)
Anne Cuneo
, le 15.07.2014 à 08:51

entre re­gar­der cette grue vert dé­lavé et rouillée s’étio­ler et prendre de plein fouet les ef­fets de l’en­tro­pie (peut-être pour nous rap­pe­ler notre propre dé­cré­pi­tude et fi­ni­tude), ou la voir en cou­leur « re­vivre », s’ani­mer et jouer un (petit) rôle dans la vie du quar­tier, il me semble qu’il n’y a pas photo

J’au­rais dû l’ex­pri­mer plus clai­re­ment dès le dé­part: c’est exac­te­ment de là que vient ma dé­cep­tion. Je n’étais pas sûre que j’avais envie de voir cette grue, je me de­man­dais si ça va­lait ce que ça coû­tait, mais en fait, je crois que si une fois pla­cée là, elle avait été sol­li­ci­tée d’une ma­nière ou d’une autre, si on avait fait re­vivre son passé, si on l’avait re­peinte pour l’ave­nir – je me sais pas moi, il y a mille pos­si­bi­li­tés, j’au­rais sans doute fini par être ré­con­ci­liée à l’idée.
Mais il n’y a pas eu ça, seule­ment de grands dis­cours sur l’art (qui conti­nuent d’ailleurs al­lè­gre­ment) et cette pauvre grue, que je trouve en soi at­ten­dris­sante si je pense à tout son poids d’his­toire, plan­tée là et vite de­ve­nue in­dif­fé­rente à (presque) tous. Si on parle d’in­ter­ven­tion ar­tis­tique, je trouve qu’en quelque sorte elle a été ar­rê­tée à moi­tié.

27)
dj­trance
, le 15.07.2014 à 11:45

Peu im­porte le prix, ce vieux tas de fer­raille n’ap­porte rien au pay­sage, au contraire je trouve qu’il le dé­na­ture to­ta­le­ment. C’est im­monde!

C’est une to­tale aber­ra­tion d’al­louer 600’000 balles à un truc pa­reil (quel que soit la part fi­nan­cière in­di­vi­duelle de chaque ci­toyen et quel que soit le pour­cen­tage que cela re­pré­sente) et qu’il y a mille et un pro­jets (on ne va pas en faire la liste) qui fe­raient du bien à la com­mu­nauté!

28)
Fran­çois Cuneo
, le 24.07.2014 à 23:50

Ben au risque de pas­ser pour un pauvre type qui n’a rien com­pris à l’AAAAArt: je suis d’ac­cord avec toi, dj­trance.

Purée, et dire qu’il y en a qui n’ont pas à bouf­fer.

29)
To­TheEnd
, le 16.01.2015 à 16:58

Hip hip hourra… cette grue sera dé­mon­tée à par­tir de lundi…

T