Profitez des offres Memoirevive.ch!
Brienne et ses com­mé­mo­ra­tions

Au­jour­d'hui 6 juin, date de pa­ru­tion de cette hu­meur, 70e an­ni­ver­saire d'Over­lord, on as­siste à une concen­tra­tion ra­re­ment éga­lée de "tou­ristes de mé­moire", sous casque, en ran­gers et sou­vent à bord de Jeeps, GMC ou autres moyens de trans­port des an­nées qua­rante. Et ils ploient sous le poids de leurs har­na­che­ments va­riés.
Dans nombre de pays, il existe des as­so­cia­tions de "re­cons­ti­tueurs" pas­sion­nés.

Brienne-le-Châ­teau est une com­mune de l'Aube, peu­plée d'en­vi­ron 3500 ha­bi­tants, en Cham­pagne.
C'est dans cette ville que Na­po­léon Bo­na­parte a fait ses études, dans un in­ter­nat mi­li­taire où il se sen­tait exilé, mais aussi la ré­gion où ont été li­vrées nombre de ba­tailles achar­nées lors de la Cam­pagne de France en 1814.

Il vient de s'y dé­rou­ler plu­sieurs jour­nées de com­mé­mo­ra­tion.

En 1814, Na­po­léon est en re­traite et les com­bats de la Ba­taille de France vont se dé­rou­ler es­sen­tiel­le­ment en Cham­pagne ; de fin jan­vier à avril 1814, il ne pourra que conte­nir sans par­ve­nir à les re­pous­ser ses en­ne­mis de tou­jours : Rus­sie, Prusse, Bri­tan­niques mais aussi Suède et Au­triche sans ou­blier les an­ciens al­liés qui ont senti le vent tour­ner tout comme un cer­tain nombre de ses ma­ré­chaux qui au­raient in­venté la mode de la veste à double face
Pour n'en citer qu'un : Au­guste-Fré­dé­ric-Louis Viesse de Mar­mont, Ma­ré­chal d'Em­pire, Duc de Ra­guse, pour­tant ami in­time - et de longue date- de Na­po­léon. Au XIXe siècle, le terme de ra­gu­sade, main­te­nant désuet, est sy­no­nyme d'igno­mi­nie, de tra­hi­son. Drôle de coïn­ci­dence, Mar­mont, qui fut le plus jeune ma­ré­chal de France, est natif de Châ­tillon sur Seine, tout comme Pe­tiet qui fut le Mi­nistre de la Guerre du Di­rec­toire et ré­di­gea l'ordre de mis­sion de Bo­na­parte pour l'Ita­lie.
Le 5 avril 1814, la red­di­tion de son corps d'ar­mée ouvre aux Al­liés la route - qu'il dé­fen­dait - de Fon­tai­ne­bleau où se trouve l'em­pe­reur.
De crainte d’af­fron­ter la co­lère de Na­po­léon, il choi­sit de faire pas­ser tout le corps, qui dé­fen­dait la route du pa­lais, à l’en­nemi. Cela dé­cide le tsar à exi­ger l’ab­di­ca­tion sans condi­tions de l’Em­pe­reur. 

Les troupes en pré­sence ne sont pas du tout au même ni­veau : trois ar­mées coa­li­sées (près d'un mil­lion d'hommes !) convergent vers Paris, et en ef­fec­tifs de l'ordre de 400 000, l'ar­mée na­po­léo­nienne n'était com­po­sée que de "Marie Louise", les conscrits de l'an 14, en­ca­drés de vé­té­rans. De plus, nombre de ré­gi­ments tiennent en­core des places comme Ham­bourg…
Mal­gré cela, l'Em­pe­reur en­re­gistre des vic­toires dont Cham­pau­bert ou Mont­mi­rail ou en­core Craonne …et Brienne.

L'ar­mée coa­li­sée du centre, dite de Si­lé­sie, est com­man­dée par un sieur que l'on re­trou­vera plus tard, un cer­tain Geb­hard Le­be­recht von Blücher qui, a Brienne, ne dut son salut qu'à un obs­cur ser­vi­teur. Je vous le conte­rai plus avant.

Mais ve­nons-en aux jour­nées na­po­léo­niennes de Brienne.

Il semble qu'en Rus­sie, ils soient plu­sieurs di­zaines de mil­liers à se frot­ter à ces ma­ni­fes­ta­tions mé­mo­rielles, es­sen­tiel­le­ment pour des re­cons­ti­tu­tions moyen­âgeuses (j'en par­lais déjà dans cette hu­meur) mais aussi, nous al­lons le voir/re­voir pour l'épo­pée na­po­léo­nienne. Ici, ils sont venus, en car, une bonne cen­taine, mais avec aussi "armes et ba­gages" et sur­tout des che­vaux. On y ren­contre éga­le­ment des Belges, des Mu­ni­chois, des Hon­grois et des Gardes Suisses venus de la ré­gion de Lu­cerne !

Brienne-37

Le Châ­teau

Ce n'est pas là l'École Mi­li­taire, où le jeune Na­po­léon fit ses études, mais le châ­teau construit dans les an­nées 1770-78, à la place d'un don­jon féo­dal, par Louis-Ma­rie-Atha­nase de Lo­mé­nie, frère cadet du car­di­nal-ar­che­vêque Etienne-Charles, et Mi­nistre de Louis XVI. Le châ­teau do­mine la plaine alen­tour et consti­tue un point d'ob­ser­va­tion idéal qui don­nait la maî­trise d'une des routes qui me­nait aux Foires de Cham­pagne, au Moyen-Âge et même bien avant puis­qu'une voie ro­maine court en­core dans les en­vi­rons. Lo­mé­nie pro­fita de son poste de se­cré­taire d'État à la Guerre pour ins­tal­ler l'École Mi­li­taire à Brienne. On n'est ja­mais mieux servi que par soi-même.
Je ne vous in­vi­te­rai cer­tai­ne­ment pas à y sé­jour­ner au­jour­d'hui, car ce lieu est de­venu l'hô­pi­tal psy­chia­trique dé­par­te­men­tal, dans des bâ­ti­ments si­tués en contre­bas.

Brienne-113

Il ne reste pas gran­d'chose de la splen­deur pas­sée, hor­mis la hau­teur sous pla­fond. Aïe, la classe éner­gé­tique…

 

Les re­cons­ti­tu­tions se sont dé­rou­lées sur l'es­pla­nade der­rière le châ­teau. Al­lons-y, vou­lez-vous ?
Nous n'y sommes pas allés les trois jours, mais un seul après-midi. On y jouait de la ca­va­le­rie, de l'ar­tille­rie et du bi­vouac…

Brienne-40

À la ma­nœuvre

Nous al­lons nous concen­trer sur les ca­va­liers, car, pour des ama­teurs, fussent-ils aver­tis, ma­nœu­vrer en rangs n'est pas chose aisée. Il suf­fit que l'un des che­vaux change de rythme pour que toute la troupe le suive.

Brienne-64

En 1814, ils n'étaient pas mé­lan­gés de la sorte !

Et même si elle a cer­taines ori­gines pour par­tie slaves, Ma­dame Sa­luki ne leur au­rait pas servi à boire, et avec un tel ré­ci­pient :

Brienne-47

Za zda­ro­vié ! ou bien : pro­sit !

 

Brienne-50

Les chefs se­raient-ils obli­ga­toi­re­ment be­don­nants ?

 

Brienne-66

À la Charge !

 

Brienne-90

Com­ment peuvent-ils voir ?

 

La par­tie bi­vouac était aussi fort in­té­res­sante, voire ins­truc­tive.
Le fusil dit de l'an IX est dé­rivé du mo­dèle de Gri­beau­val (le même qui a mis au point le canon épo­nyme). Il fut fa­bri­qué jus­qu'en 1822, ce qui veut dire qu'il était ro­buste et tou­jours "com­pé­ti­tif" face au "Brown Bess" bri­tan­nique.
Il pe­sait 4,6 kg, me­su­rait plus de 1,5 mètres de long, les balles fai­saient 16,5 mm de dia­mètre et pe­saient "vingt à la livre", soit plus de 27 grammes. De quoi faire du dégât, car à 400 m la vi­tesse était en­core de 125 m/s… même si la pré­ci­sion n'était cor­recte que jus­qu'à 100-125m. On pou­vait, avec de l'en­traî­ne­ment bien sûr, tirer trois et peut-être quatre coups à la mi­nute.

Brienne-98

La dé­cence m'in­ter­dit de pré­ci­ser com­ment les sol­dats de­vaient se pro­cu­rer un li­quide pour dé­cras­ser le canon sur le champ de ba­taille

 

Brienne-54

Au bi­vouac !

 

Brienne-55

Les couvre-chefs pro­tègent les armes de la pluie (éven­tuelle).

Brienne-96

Y'a pas que d'la prune (Au­diard)…

 

La ca­non­ne­rie était aussi "en pro­grès". On verra à Wa­ter­loo (après le ro­dage dix ans plus tôt) la der­nière in­ven­tion des An­glais : l'obus à balles qui a pris le nom de son in­ven­teur, un cer­tain Shrap­nel. En­tre­temps, on charge à bou­lets, à bombes, à mi­traille, à Bis­cayen, etc.
Mais ces ob­jets sont …beaux, j'ai presque honte à le dire.

Brienne-109

Belle fon­de­rie, n'est-il pas ?

 

Nous sommes ar­ri­vés un peu tard pour as­sis­ter à la dé­mons­tra­tion de ca­non­nade, nous l'avons en­ten­due de loin, mais en­core à temps pour voir les pièces en place. Ces deux ca­nons pro­viennent d'un musée des Vosges dont j'ai mal­heu­reu­se­ment ou­blié le nom.

Brienne-68

 

Quand on verse un seau d'eau par la gueule du canon, il faut bien qu'elle res­sorte !

Brienne-103

Concur­ren­ce­rait-on ici cer­taine sta­tue bruxel­loise ?

 

En tout cas pour res­ter dans les ci­ta­tions d'Au­diard, je vous ga­ran­tis, pour y avoir goûté, que le contenu n'était pas de l'eau ga­zeuse.

Brienne-111

J' suis pas Law­rence d'Ara­bie. J' tra­verse pas le dé­sert sans boire (Au­diard).

 

Dans une salle du châ­teau il y avait plu­sieurs pla­teaux de mi­nia­tures qui étaient elles-même des re­cons­ti­tu­tions des si­tua­tions de ba­tailles. En faut-il des heures pour peindre ces per­son­nages et consti­tuer ces dé­cors.

Brienne-117

Le pont d'Ar­cole ?

 

Brienne-116

 

Les al­lées alen­tour sont aussi tra­ver­sées par des per­son­nages du temps passé : n'étaient les ca­mé­ras des ac­tua­li­tés ré­gio­nales, on doit se frot­ter les yeux pour ne pas se lais­ser duper…

Brienne-120

…ou se bou­cher les oreilles quand leur té­lé­phone sonne !

 

Enfin, dans un stand de livres, nous trou­vons le ca­ta­logue d'une ex­po­si­tion qui vient de se tenir en …Ka­za­khs­tan et vendu pour la mo­dique somme de 5€ com­pre­nant plus de deux cents pages. Il a été im­primé l'an der­nier par la RMN. Vé­ri­table Pierre de Ro­sette, ce ca­ta­logue tri­lingue est riche de pho­tos d'ob­jets d'époque, tels le cof­fret de pis­to­lets de Mas­séna. En voici les pe­tits cou­sins, ici.

Brienne-127

 

Il est temps de ren­trer car si les ma­nœuvres se ter­minent vers 17h, le feu d'ar­ti­fice se pré­pare mais n'est évi­dem­ment prévu qu'après 22h30 et, à part les bis­trots de la ville, ou le Musée Na­po­léon que nous avons déjà vi­sité, il n'y a pas gran­d'chose à faire sauf si­ro­ter, va­po­ter, pa­po­ter.

Brienne-114

La sono est digne de Ro­ck'n Poche ! La vue porte à plus de 30 km.

 

Je vous avais pro­mis, et ceux qui ont eu le cou­rage de me lire jus­qu'ici le mé­ritent am­ple­ment, une anec­dote sur Blücher.
Alors qu'il dî­nait au châ­teau, siège de son état-ma­jor, une es­pèce de com­mando avant l'heure a at­ta­qué et très vite la gar­ni­son a été dé­faite, l'état-ma­jor cap­turé. Le maître d'hô­tel, dont le nom n'a pas été gravé dans l'ai­rain, a conduit Blücher - sans son cha­peau !- vers une porte du mur d'en­ceinte du parc pour qu'il s'échappe à pied ! Et qui di­ri­geait les troupes fran­çaises ? Mar­mont, pardi !
Sans ce ser­vi­teur at­ten­tionné, le cours de la fu­ture ba­taille de Wa­ter­loo en au­rait sans doute été changé et ce se­rait bien Grou­chy qui se­rait ar­rivé à temps.

Il nous reste au­jour­d'hui un très agréable sou­ve­nir de cet après-midi, et…

Brienne-126

…un jour­nal

La se­maine pro­chaine, il y a une cé­ré­mo­nie pré­vue à Mour­me­lon, mais c'est une autre his­toire (dont je vous par­le­rai peut-être) : la bri­gade de vo­lon­taires russes en 1914 et peut-être les am­bu­lances of­fertes par la Tsa­rine, des Benz…

5 com­men­taires
1)
Hervé
, le 06.06.2014 à 16:11

Je n’ai pas une grande ad­mi­ra­tion pour le Na­po­léon mi­li­taire, même de génie, mais de son génie po­li­tique (Code civil, etc.) , oui

Par contre, suis très friand de re­cons­ti­tu­tion his­to­rique et Brienne au­rait été plus près, j’au­rais eu plai­sir à y as­sis­ter (à condi­tion d’avoir eu l’in­for­ma­tion à temps), avec mon « Canon » – cela au­rait été de cir­cons­tance !

Spa­siba !

2)
Mo­dane
, le 06.06.2014 à 17:33

Gé­nial! On peut à nou­veau faire des com­men­taires et re­mer­cier l’au­teur. Dont acte! Et je veux une fon­taine comme sur la photo! Mieux que celle de Tati!

3)
PSPS
, le 06.06.2014 à 18:09

De­puis ce matin que je me de­mande quelle sot­tise j’ai bien pu com­mettre pour avoir fait dis­pa­raître les com­men­taires !

Je vou­lais sim­ple­ment sou­li­gner que le mois de juin pré­sente d’autres dates im­por­tantes pour la France et son his­toire, en deux époques ca­pi­tales. Je parle du 18 juin, date de Wa­ter­loo et de l’Ap­pel qui consti­tua le dé­part de notre dé­li­vrance…

Et un grand merci pour ce re­por­tage unique du bi­cen­te­naire de la Cam­pagne de France :-)

4)
Fran­çois Cuneo
, le 06.06.2014 à 22:33

Ah Sa­luki! Tu avais blo­qué les com­men­taires! Heu­reu­se­ment, Noé veillait (bon, il avait été alerté par des lec­teurs éton­nés).

Mais je te par­donne, va…

5)
Sa­luki
, le 06.06.2014 à 23:06

Je m’éton­nais du peu de suc­cès rem­porté par l’em­pe­reur quand le pré­sident fait un tabac ce même jour ;°))

Je suis con fus de cette mau­vaise ma­nœuvre, qui prouve que j’ai en­core beau­coup à ap­prendre sur Word­Press.

Bon, comme Hervé, je pré­fère et de loin le ccôté  »civil » de ce règne : le Code Civil, les ly­cées et le bac­ca­lau­réat, les pré­fets, le Conseil d’État, la Bourse, que sais-je en­core ? Pour au­tant, les qua­li­tés tac­tiques ou stra­té­giques mé­ritent d’être consi­dé­rées : du­rant la Cam­pagne de 1814, il a rem­porté toutes les ba­tailles de Cham­pagne, sauf … la der­nière à Mon­te­reau.
Pour ceux que ça in­té­resse, il y a à l’Hô­tel Dieu de Troyes jus­qu’au 2 no­vembre une expo sur le sujet. Dé­tails ici..
Venez plu­tôt après le 25 juin : c’est le début des soldes dans les Centres de Marques et vous pour­rez va­lo­ri­ser ainsi l’éco­no­mie réa­li­sée par l’ac­cès gra­tuit au musée.
Bon, je crois qu’il est temps de battre en re­traite…