Notre grande enquête de la semaine dernière n'a pas permis de dégager une bonne raison d'acheter un ordinateur pour quelqu'un qui n'en a pas l'usage a priori. Serait-ce que les constructeurs échouent à en faire l'objet utile universellement qu'ils nous vendent pourtant dans leurs discours?
J'avais tout d'abord écrit "l'objet indispensable qu'ils nous vantent dans leurs publicités". Mais il m'a fallu reprendre, car vos réponses en forum l'ont souligné, l'ordinateur n'est pas indispensable. Quant aux publicités, ce n'est pas une vie quotidienne pimentée des joies libératrices de l'informatique qu'elles mettent en scène, contrairement à celles pour les services internet ou les téléphones portables. Le discours se limite en gros à la qualité (Mac) ou la quantité (PC), mais la question qui me turlupinait reste posée : pour quoi faire ?
Au tout début des années 80, je vendais des ordinateurs dans un magasin parisien. Il y avait là des TRS, des Commodore, des Acorn en kit, et des Apple ][. Je me souviens avoir été étonné de constater que nous ne proposions aucun logiciel… De fait, celui-ci se limitait souvent à des bouquins de programmes à recopier pieusement pour nourrir son interpréteur BASIC, et obtenir enfin le jet d'adrénaline au moment de valider le RUN fatidique qui lancerait notre œuvre. Autant dire qu'on achetait alors un ordinateur comme d'autres un four à poterie.
Ce panneau de logiciel qui manquait dans la boutique, et qui devait à mes yeux justifier l'achat de machines de la part d'un nouveau public, il est apparu plus tard. C'est Apple qui a livré du logiciel en bundle avec ses Macintosh (MacWrite et MacPaint), puis l'avènement du PC dans le monde professionnel pavant la voie à celui de Microsoft. C'est depuis le logiciel, bien évidemment, qui prescrit l'achat d'informatique, fournissant à l'ordinateur non seulement un usage, mais aussi un sens. Disons que l'effet de l'achat était comparable à celle d'un outil tel qu'un PDA (Palm…) aujourd'hui. Valorisant, vraiment utile, mais dans certaines circonstances seulement, et sinon, plutôt encombrant.
Puis est venu internet, et l'ordinateur est devenu plate-forme de connexion, autre porte sur le monde. La prédominance du logiciel cède le pas à celle du contenu numérique, et l'on achète, en plus des usages précédents, un robinet à information. Celui-ci, soit dit en passant, fonctionne à double sens, offrant accès direct à notre intimité aux importuns commerciaux ou autres mal intentionnés à notre égard. Ce que l'ordinateur nous donne, ils commencent à nous le reprendre, et c'est plus grave que de supporter des tunnels de publicité au milieu d'un film à la télé. Par l'autre bout du tuyau, le PC est une tête de pont fantastique au cœur de notre univers domestique.
On pourrait penser que j'ai là changé de propos, mais non ! Cela explique une communication axée sur le fait d'acheter un ordinateur plutôt que sur l'idée de s'en servir… C'est bel et bien eux qui s'en servent, une fois que nous l'avons acheté ! Si ce n'était pas le cas, comme chez Apple, où l'on a une autre conception des choses, c'est l'usage et ses conditions qui primeraient, et la question que je pose depuis deux humeurs chroniques qui dominerait. Mais les efforts d'Apple ne sont pas probants, ou plutôt, lorsqu'ils le sont, ils sont aussitôt recyclés à la sauce de la galaxie concurrente.
Or si j'ai acheté, et fait acheter de nombreux Macintosh, c'était bien pour améliorer ma vie ou celle de ceux que je conseillais, mais aussi changer le monde en distribuant ainsi une philosophie plutôt saine. Or, désormais que celle-ci serait salutaire, je ne peux que constater cet odieux tarissement de mon argumentaire. Convaincrai-je d'échapper au Charybde Microsoft, me voilà tomber dans le Scylla d'un réseau pré-Palladium… Et rien qui puisse offrir en retour un motif libératoire, faire de l'ordinateur un appareil qui soit aussi utile à ma chère mère que sa machine à laver la vaisselle… Après tout, cela la préserve de la pollution internetienne et me fait économiser quelques heures de formation, si bien que, tant que l'informatique sera surtout faite pour ceux qui la vendent, je ne vois pas de raison d'insister. Bonne semaine à tous.
, le 14.12.2002 à 10:10
Vu, je ne sais plus dans quoi à la télé, un dialogue effrayant entre un commercial quelconque (X) et un possesseur de télé (Y) (ça se passait aux US) :
Y : je ne veux pas regarder les pubs…
X : vous avez acheté une télé, vous etes obligé de regarder les pubs, c’est dans le contrat, sinon je vous fais un procès.
, le 17.12.2002 à 21:30
m o i j e v e u x b i e n , m a i s b o n . . .