Si vous avez deux heures à consacrer à plus d'intelligence des choses de la vie, voilà une occasion indispensable: aller voir "Bowling for Columbine", de Michael Moore, dans tous les bons cinémas car primé à Cannes. Suivi par un animal-caméra, ce cher Michael ZeBigOne pose à sa société la question qui tue (beaucoup plus là qu'ailleurs): pourquoi tant de violence?

Les États-Unis n'ont pas une Histoire en dentelle, certes, mais n'est-ce pas le cas de bien d'autres civilisations? Bien sûr, il est ici inscrit dans la constitution, que chacun a droit à ses armes. Enfin chacun, ça reste à voir, car tout le monde n'est pas chacun dans ce cauchemar. À cet égard, l'animal-caméra fait un petit tour d'un monde en noir et blanc sur des télés couleur, d'un Hollywood où la pollution remplace le glamour, et où l'on achète ses flingues au supermarché du coin.

Tiens, et de l'autre côté du fleuve, ce Canada où plus encore d'armes font tellement moins de morts? Et savez-vous quoi, ces idiots-là ne ferment même pas leur porte à clé la nuit… Que signifie une culture de paix? Mais voyons, il n'ont rien compris, et heureusement que Michael est là pour nous rafraîchir la bouillie de conscience par sa théorie: une couche de violence, une couche de pub, la peur fait vendre.

Bon sang mais c'est bien sûr car il ne saurait mentir! Il a raison, c'est aussi con que ça… Et moi qui m'échinais à défaire les fils d'un éternel complot contre l'amour car il est liberté, enfin des trucs blabla comme ça… Qui cherchais l'essence géopoliticopsychanalytique de ce qui leur faisait faire un monde aussi nul. Qui me morfondais à comprendre quelle ambition crédible laisserait supporter une œuvre aussi mal embouchée. Ben non, rien, juste faire du fric. Ne me dites pas que je rêve, j'ai peur de me réveiller dans Matrix.

En fait, j'ai peur de me réveiller tout court. Et même pendu haut et court, parce que ces traditions critiques s'exportent comme une fièvre tropicale. Cela me donnera peut être l'occasion d'être à la hauteur de ce monde qui me toise avec un mépris béat. Un monde dans lequel pour le prix d'un Macintosh, on peut acquérir un arsenal. Dans l'intention bien sûr de ne pas s'en servir, de résister à la tentation permanente du show télévisé. Cette frustration programmée, cette double pensée sado-masochiste, ce mélange effroyable de doute et de culpabilité, ce brouet obscène qu'on nous fait avaler, pour nous faire consommer, en avons-nous vraiment besoin?

Et si c'était des Macs que le cinéma montrait en action? Mais pas pour piloter le dernier gadget meurtrier de James Bond, disons pour que des enfants essayent d'empêcher des malintentionnés de faire capoter un projet destiné à en finir avec la faim dans le monde (pour moins cher qu'une guerre). Il y a vraiment besoin de se tirer dessus, ou de compter sur les effets spéciaux pour ne pas s'ennuyer, dans la vie? Ce jour là, tiens, j'irai peut-être plus souvent au ciné. Comme celui où je suis allé voir "Bowling for Columbine", et faire quelques pas aux côtés de Michael dans le cimetière paisible et hanté.