Courir m’a pris comme ça du jour au lendemain avec l’aide d’un collègue. Progressivement, je suis passé du tour de piste éreintant à la sortie de 30km épanouissante. Combien de temps ? C’est flou mais je pense un an. Pour finalement réaliser que cela était une partie de mon puzzle.
Aujourd’hui, j’y reviens toujours malgré les évolutions professionnelles, familiales, les soucis de santé...
Je ne suis pas un "accro". Je ne suis pas en manque quand je ne cours pas. Mais, sans la course, je ne me réalise pas complètement. D’autant plus maintenant qu’un proche y a pris goût et me demande de l'accompagner. De vous à moi, il est meilleur que moi mais ce n’est pas une science exacte.
Je me suis demandé comment le partager avec vous. Des chiffres, des références historiques, des photos...Non, rien de cela ne me convient. Je vais vous raconter mes plus grands moments, douloureux ou agréables, ceux qui ont généré les émotions les plus vives et parfois les plus contradictoires.
5 avril 2009, marathon de Paris, 5h06 (de mémoire)
Quand je relis ce temps j’ai mal au cœur. Dire que je partais pour 3h45. Défaillance ? Même pas. Un manque d’humilité tout simplement. Les 30 premiers kilomètres ont été courus en 2h32, presque que sur les bases de 3h30. Mais je n’avais pas voulu voir tous les signaux qui me disaient "Attention Danger". Durant les 10 semaines de la préparation, j’ai eu deux petits accidents : une chute à cause d’un chauffard et un coup mal placé juste au dessus de la malléole durant un déménagement. Le premier incident m’a fait perdre un poil de rotation sur mon genou et le second m’a obligé à courir strappé. Les deux blessures ayant endommagé la même jambe, elle ne supporta pas l’effort. Et au lieu de prendre une décision sage au départ, à savoir ralentir mon rythme le principal étant de finir, j’ai persévéré mû par une volonté irrésistible d’y croire. Arrivé au 32ème km je ne pouvais quasiment plus plier ma jambe. J’ai parcouru les 12 derniers km en autant de temps que les 30 premiers. Et en passant la ligne d’arrivée, je n’avais pourtant qu’une seule envie... revenir.
J’ai tiré de cette course la plus grande des leçons vis à vis du marathon : humilité et respect.
15 Novembre 2009, semi-marathon de Boulogne-Billancourt, 1h47’06
5 mois après Paris, je décide de participer au marathon de La Rochelle. L’idéal durant une prépa marathon est de prévoir un semi 2 à 4 semaines avant l’échéance pour se tester. Le but est de le courir à son allure marathon soit 5’17 en l'occurrence. La préparation se déroule bien. Pas de bobo. Beaucoup de sérénité. J’écoute les habitués. Pour ce semi, tous me disent la même chose : suivre le plan est la première règle mais il ne faut pas perdre de vue que cela doit rester un plaisir. Ils m’invitent à courir les 16 premiers kilomètres à l’allure marathon et à lâcher les chevaux sur les 5 derniers. "Pour le plaisir, le moral, pour sentir que tu es bien". Je suis leurs conseils à la lettre. Les 16 premiers kilomètres sont avalés à un rythme variant entre 5’17 et 5’ au km (entre 11,4 et 12 km/h). Et ensuite je me suis amusé, accélérant progressivement jusqu’à la fin : 4’39, 4’37, 4’23, 3’58 et 3’52 (entre 12,9 et 15,5 km/h). Un pied monumental. En passant la ligne d'arrivée j’étais bien, épanoui, apaisé. Aucun signe d’essoufflement. Je n’avais pas été au-delà de mes limites. J’avais écouté les autres et mon corps.
29 novembre 2009, marathon de La Rochelle, 3h44’50
La préparation s’est très bien passée. Avec énormément de plaisir. Le but est clair : finir en bonne santé en 3h45. J’ai prévu une marge de 2 secondes par km soit 5’17 au lieu de 5’19. Conditions météo prévues idéales : 6° à 10°, pas trop de vent, et un léger risque de pluie. Le parcours est sympa. On passe 4 fois devant le vieux port donc 4 fois devant la famille. C’est important. Allez c’est parti. Et là, gros couac au départ : 1er km en 6’20 par la faute d’un goulet d’étranglement. Déjà 1 minute de retard. Pas grave, j’ai 2 secondes de marge, ce sera rattrapé. Passé ce 1er km, que du bonheur pendant 3h45. Je gère. L’allure, le ravitaillement, le coucou à la famille, la pluie. Rien ne peut venir gâcher cette course. Toujours une minute de retard au semi. Normal parce que tu perds toujours un peu de temps aux divers ravitaillements. Arrive le 34ème km. Petit point sur le corps, le cœur et la tête : tout va bien. "Allez c’est maintenant, fais toi plaisir, rattrape le temps perdu". Entre 4’50 et 5’10 pour les 8 derniers kilomètres. Marathon terminé en bonne santé (même mieux que ça), en moins de 3h45 et avec à la clef une performance en "negative split" (la seconde moitié de course plus rapide que la première). J’ai dormi comme un bébé l’après-midi et mes proches ont mangé la bourriche d’huîtres offerte à tout "finisher". Ils le méritaient bien. Moi j'avais pour moi ce sentiment incroyable, un bonheur phénoménal, cet épanouissement étourdissant.
11 avril 2010, marathon de Paris, 3h52’40
Préparation tronquée cause gastro et grippe. Je suis arrivé au départ sans aucune idée de mes capacités réelles. En plus, je devais courir avec une connaissance. On a décidé de partir sur les bases de 4h et surtout de profiter de tout ce qui avait autour de la course. On parlait avec les autres coureurs, on applaudissait les groupes de musique qui nous encourageaient. On a fait quelques pauses pipi. On discutait, on chantait. On visitait Paris. Bon à la fin j’ai eu mal aux jambes. Il me manquait quand même plus du tiers de la prépa. Et pourtant ce fut une belle course. Et j’ai croisé le fameux "mur", ce moment bizarre où votre tête veut quelque chose et le dit à votre corps mais celui-ci ne répond plus, il est au bout de ses possibilités. Un très beau moment de communion avec les autres. C'est aussi ça le marathon.
7 octobre 2012, marathon de Bruxelles, 4h33’52
On passe sur la performance. Pris de crampes d’estomac à partir du 28ème km, j’ai terminé en marchant. Mais ce n’était pas le plus important. Sur ce marathon, pour la première fois j’avais essayé de transmettre, à mon tout petit niveau, mes acquis à un proche. C’était son premier marathon. Je lui avais préparé son plan d’entraînement. Régulièrement je lui faisais part de mes expériences pour lui permettre d'apprivoiser cette épreuve particulière. Je l’avais déjà accompagné sur un 10 et un semi. Son but était de finir, avant toute chose, en moins 4h pour le chiffre et secrètement je l’avais préparé pour moins de 3h45. Je savais, sentais qu’il en était capable. Une prépa ce n’est pas que des chiffres. C’est aussi transmettre des enseignements tirés de sa propre expérience: gestion de l’effort, du ravitaillement, l’humilité, le plaisir. Je l’ai accompagné sur les bases de 3h45 jusqu’au 28ème km et là j’ai dû l’abandonner. Je savais qu’il pouvait le faire. A lui de croire en tout ce qu’il avait réalisé pendant 10 semaines. Il est arrivé en 3h44’28 (de mémoire) et çela devant sa compagne et son fils sur la Grand Place de Bruxelles. C’était autant une récompense pour lui que pour moi. A jamais il sera un marathonien et personne ne peut lui voler ce titre.
Voilà 5 courses différentes. 5 aventures. 5 souvenirs. Et toujours autant de frissons en en parlant. Je les revis comme si c’était hier.
La course est une partie de ma vie. Le Marathon est une leçon de vie. Vous vous découvrez à un point que vous ne soupçonnez pas. Vous apprenez l’humilité, le respect de soi, des autres et surtout le respect de cette épreuve. Pour ma part, mais cela est très personnel, je suis aussi respectueux et humble face à un marathon que face à la mer et la montagne. Et chaque fois il me le rend bien.
, le 30.04.2014 à 08:54
Intéressantes ces mémoires de coureur. Personnellement il ne me serait pas possible des mots sur les sensations que j’éprouve pendant que je cours. Je ne cours que depuis moins d’un an, et n’ai jamais participé à aucune course – et je ne suis pas certain d’en avoir l’intention. J’ai peur de gâcher mon plaisir qui reste très personnel.
Une question me taraude: comment fais-tu pour savoir que tu es à 5:17 et que tu peux ralentir à 5:19? C’est à ce point ancré en toi? Ou tu regarde ta montre en permanence?
, le 30.04.2014 à 08:58
Je ne suis pas un coureur, donc je j’ai peux-être pas tout compris. Alors je me lance a te poser une question surement très co**e.
D’ou viens ton titre 42,195 ? ;)
, le 30.04.2014 à 09:45
42.195 km est la distance d’un marathon.
Mirou, la montre aide mais dans le cadre d’une prépa tu habitues ton corps à un rythme sur des sorties longues.
La montre ensuite vient en back-up. Chaque km tu as un avertissement et tu t’adaptes. Sincèrement tu sens très vite une changement d’allure même léger.
Et tu calcules ton allure très facilement. tu peux même prévoir que ta montre te signale si tu es trop lent.
Au bout du compte, tu ne la regardes pas beaucoup sauf quand tu débutes.
Après plus tu cours, moins tu as besoin de la montre. Ton corps est ton meilleur indicateur.
, le 30.04.2014 à 11:01
Merci pour ces retours de course !
Le marathon me fait rêver, je me suis inscrit pour mon premier semi le 1er juin prochain.
Mais actuellement ma préparation est chaotique !
Au plaisir de te relire !
, le 30.04.2014 à 17:52
Belle humeur, qui me met de bonne humeur, merci!
, le 30.04.2014 à 19:11
Eh bien!
Beaux temps!
J’ose te demander ton âge?
Quant au marathon, cette année, ce sera donc le complet, comme je l’ai dit, en octobre, et un semi en septembre je crois, plus d’autres courses comme Morat-Fribourg.
A chaque fois que je pars dans ces courses, je ne sais pas pourquoi, j’ai la trouille.
Alors sur le marathon, tu penses si je comprends ton respect!
, le 30.04.2014 à 20:26
Merci pour ces tranches de vie, faites de plaisir mais aussi de souffrance : bravo !
marcdiver, c’est quoi une préparation chaotique ou, plus précisément, ça serait quoi une préparation non chaotique ?
François, je serai là pour « faire la claque », lors de ton marathon en octobre !
Bonne soirée à toutes et tous,
, le 30.04.2014 à 22:37
François, je vais avoir 40 ans cette année.
Mon record sur marathon est le temps de la Rochelle : 3h44’50.
Je m’en sors mieux sur le semi en moins de 1h36 et sur 10km en moins de 43. Mais rien n’est plus beau que de finir un marathon.
Quant à ta trouille, c’est une bonne trouille dis-moi ?
Quant à la claque, c’est comme du dopant sur une course comme le marathon.
Et pour mes 40ans je me suis concocté un petit programme de courses dont je te parlerai ultérieurement.
, le 01.05.2014 à 10:31
Je ne cours pas. A tel point que pendant longtemps j’avais une sort d’incompréhension du plaisir qu’on pouvait y trouver. Le pompon, c’est quand je marche à la montée et que je me fait dépasser pqr deux joggeurs… qui discutent! Dans ces moments, j’ai des envies de meurtre.
Enfin… j’avais. Parce que depuis quelques temps, j’ai commencé à envisager les choses sous un autre angle et je commence à comprendre qu’on puisse aimer ça. En partie parce que j’ai moi-même fait l’expérience, en courant par nécessité pour attraper le bus par exemple, que oui, peut-être, avec 20 kilos en moins et en soignant mon arthrose, je pourrais peut-être en venir à aimer… Mais aussi en lisant cuk, et les différents billets – notamment de François.
Mais là, ce billet, comment dire… Curieusement, ce que j’en retiens principalement se trouve dans ces différents mots et phrases:
• Humilité et respect
• En passant la ligne d’arrivée j’étais bien, épanoui, apaisé
• J’avais pour moi ce sentiment incroyable, un bonheur phénoménal
• Un très beau moment de communion avec les autres.
• Et toujours autant de frissons en en parlant.
• Je suis aussi respectueux et humble face à un marathon que face à la mer et la montagne. Et chaque fois il me le rend bien.
Alors oui, j’ai bien lu aussi les mentions des difficultés et souffrances, mais, alors que d’habitude ce sont ces aspects moins « sexy » que je retiens, là c’est différent. Tu as réussi à me faire envie.
Un grand merci!
, le 01.05.2014 à 14:40
Dominique, ton message me fait extrêmement plaisir car cela veut dire que j’ai réussi à retranscrire ce plaisir assez personnel que j’ai en courant.
J’en ai bavé comme tu as pu le lire et plusieurs fois mais cela ne m’a jamais empêché d’y revenir. Surtout cela n’a jamais gâché mon plaisir, cette sensation d’un accomplissement.
, le 01.05.2014 à 20:17
Mme Poppins, une préparation non chaotique signifierait pouvoir s’entraîner de manière fixe au moins 3x par semaine, avec des séances variées. D’ordinaire je peux le faire, mais durant ce mois de mai, avec tous les concerts et autres engagements professionnels, je ne peux que grapiller des minutes ici ou là….
, le 02.05.2014 à 02:45
Super article !!
J’ai commencé à courir il y a un mois avec ma copine, afin de perdre un peu de poids et je dois reconnaître que je commence à y prendre vraiment goût !
Mais combien de temps as-tu mis pour atteindre cette vitesse ? (J’ai fais mon premier 10km chronométré ce WE en 58′ pour te donner une idée, mais même en faisant du fractionné, je n’arrive que difficilement à descendre en dessous des 4’30/km !!)
, le 02.05.2014 à 10:58
4’30 au kil c’est excellent à mon sens…
, le 02.05.2014 à 11:53
J’ai commencé à courir fin 2007 début 2008.
Mon premier 10km était autour de 50′ sans préparation particulière et mon second 10km en moins de 43′ (de peu) début 2009.
Je peux courir longtemps à rythme régulier mais pas forcément très vite. Je ne suis pas sur de pouvoir courir 3h15 sur un marathon sauf avec un entraînement lourd de 5 séances par semaine.
En revanche, je dois pouvoir faire le semi en moins d’ 1h35 et le 10km en 40′ avec une préparation correcte mais pas chronophage.
Tout cela dépend de votre physionomie corporelle, cardiaque et respiratoire.
, le 02.05.2014 à 11:56
4’30 au kil ce n’est pas à la portée de tout le monde.
Patience, cela ne fait qu’un mois.
Refais un 10km après 6 mois, je pense que la progression sera fulgurante.
Ensuite, mixe bien endurance et fractionné. Et pour le fractionné, pas que du très court. Faut se faire mal sur des 800m, des 1000 et des 2000 aussi. Surtout pour un 10 bornes.
, le 02.05.2014 à 12:46
Merci de ces encouragements !
En tous cas ton article donne vraiment envie de continuer et même si je ne suis qu’au début, je me suis surpris à avoir envie de courir en voyant un jogger ce matin, alors que j’étais il y a quelques mois encore comme l’était Dominique avant (à penser que c’était une façon un peu absurde de se dépenser !)
De plus (cet article et ses commentaires en sont la preuve) le running est un sport où il y a beaucoup plus de partage qu’on pourrait le croire !!
Alors si vous hésitiez, n’hésitez plus ! :D