Cha­grins d’Ar­mor

image

Je ne sais pas si je vous l'avais mon­trée, celle-ci, la der­nière fois. Tou­jours Lo­guivy de la Mer. À la haute, avec un beau co­ef­fi­cient.

Tou­jours éme­raude, tou­jours douce et pas­tel, cette mer aura été bien­veillante tout l'été. Elle nous aura fourni frai­cheur, har­mo­nie et joies. Et aussi... Que vou­lez-vous, ne sommes-nous pas om­ni­vores?...

image

J'ai beau sa­voir que les ha­bi­tants de la mer, en voie de ra­ré­fac­tion qu'ils sont, ne sont pas des­ti­nés uni­que­ment à mon es­to­mac, ils res­tent à chaque voyage l'ob­jet d'un presque rite, d'un presque pè­le­ri­nage. Où vais-je les trou­ver, mes ho­mards, ce coup-ci, à quel prix presque donné pour un pa­ri­sien qui n'en voit, hors de prix, que dans des aqua­riums im­pro­bables, si pe­tits, si jeunes, pê­chés presque ados par une in­dus­trie sui­ci­daire?

Dé­solé, mais les ho­mards, je les aime ma­ture. Avec du vécu. Du tren­te­naire. Du qui a ba­taillé son congre à chaque mue, et qui est tou­jours là, cou­turé de la ca­ra­pace, la pince re­pous­sée presque à la taille de l'autre, et prêt à me bouf­fer si d'aven­ture je connais­sais for­tune de mer et que j'aille le vi­si­ter, aban­donné aux flots, au fond des creux de son ro­cher.

Quel pê­cheur aura ris­qué sa coque sur les épines de gra­nit af­fleu­rantes, ca­chées dans les algues et l'écume, pour tirer la cage de corde ou d'osier de l'eau, rem­plie au bon­heur la chance d'un sei­gneur, la queue bat­tante, ou de tour­teaux clow­nesques et à la force gi­gan­tesque.

image

Pas de chance pour eux : tour­teaux, je vous aime aussi. Et je vous prie de m'ex­cu­ser si au­jour­d'hui c'est moi qui vous mange. Je n'en au­rait que plus de res­pect en­core pour votre for­mi­dable équi­pe­ment, votre cui­rasse ex­cep­tion­nelle et votre ter­ri­fiant ar­me­ment.

Je vous ai choisi. Vous aviez l'air ter­rible et for­mi­dable. Mes deux mains ne cou­vraient pas votre corps et j'ai gardé les ves­tiges de vos pinces pour ef­frayer mes in­vi­tés. Je vous ai mangé, mais vous sur­vi­vrez par les his­toires, par la saga, par la pa­role. Je par­le­rai sou­vent de vous. Comme Pha­raon, votre lé­gende courra, et courra en­core quand mes en­fants man­ge­ront les vôtres, avec res­pect et re­con­nais­sance; et nos pe­tits-en­fants, peut-être, se connaî­tront.

Et puis... En y pen­sant... Vous ne vou­liez quand même pas finir comme ce­lui-là, mort de ma­zout au fond d'un port, flot­tant entre deux vases, et parti sans lais­ser de trace, sans his­toire ni lé­gende, be­queté par un goé­land stu­pide et sans hon­neur? À y pen­ser, main­te­nant, j'en suis sûr, nous sommes amis...

image

Mais ne me croyez pas seule­ment in­té­ressé par mes proies, dans ce bes­tiaire marin. Chaque voyage m'y fait ren­con­trer, de façon dés­in­té­res­sée, des choses éton­nantes. Comme celle-ci, dans un creux de ro­cher... Comme un coup de spal­ter sur le ro­cher, comme une tribu de cham­pi­gnons apeu­rés... Que m'a-t-on en­core in­venté là?...

image

 

Ou les oi­seaux, connus comme le cor­mo­ran, si frêle en sur­face, mais si im­pla­cable pré­da­teur sous la sur­face, ou in­con­nus comme ce groupe de... de... j'en sais fichtre rien, qui sau­tillaient sur la plage, au ras de l'eau, re­tour­nant conscien­cieu­se­ment les algues comme on se plaint d'un garde-man­ger trop vide.

image

image

Mais brus­que­ment la brume est de re­tour, comme le si­gnal de l'ar­ra­che­ment, comme un voile sur le tré­sor, mais aussi comme le tré­sor lui-même... Si blanche qu'elle fait la lu­mière cruelle et dure. Finie la dou­ceur de l'été, rap­pel­lons-nous que nos lèvres ger­ce­ront bien­tôt sous le vent d'hi­ver.

Je le sais bien : dans deux heures le so­leil sera de re­tour, et les ga­mins pour­rons par­tir vi­si­ter l'ar­chi­pel sur leur ca­ta­ma­ran, pleins de rires et d'idées étranges. Mais c'est un aver­tis­se­ment : il est temps. Par­tons!

image

20 com­men­taires
1)
Diego
, le 02.09.2013 à 07:28

Tu m’en mets les em­bruns à la mous­tache et l’eau à la bouche, c’est pô juste.

Merci

2)
Alain Le Gal­lou
, le 02.09.2013 à 09:07

Le brouillard est gé­né­ra­le­ment dû à un excès de cha­leur. Il n’y a plus de brouillard de­puis ce week-end, et la tem­pé­ra­ture a baissé. Ce lundi 2 sep­tembre 9h06, le vent est au nord et ma sonde Ne­tamo in­dique 7.7° à l’ex­té­rieur de la mai­son. Il fait beau et vent nul. C’est une se­maine de grand beau temps qui est an­noncé avec du vent faible du Nord et Est.

3)
Roger Bau­det
, le 02.09.2013 à 09:33

La pointe Bre­tagne, j’y suis en­core. Le tou­riste a qua­si­ment dé­serté le pay­sage. Hier, nous avons fêté le Grand Par­don à Ca­ma­ret (une cé­ré­mo­nie dé­diée aux ma­rins dis­pa­rus). De­main, nous fe­rons un tour au “Crabe Mar­teau” à Brest, un resto comme notre ami Mo­dane sau­rait ap­pré­cier. Apple et l’in­for­ma­tiques, c’est bien, mais ici, au bout du bout de la France, on dé­couvre qu’il y a aussi autre chose!

4)
Sa­luki
, le 02.09.2013 à 09:49

De l’autre côté de l’Océan, à St Mar­tin, il y a aussi de quoi se bien tenir à table
(J’ai flouté la tête d’une dame qui n’a rien à voir ici)
Et les vi­si­teurs de la plage sont dif­fé­rents

5)
Blues
, le 02.09.2013 à 13:44

Ah t’as la côte en Armor ;) Trop top… pour moi l’en­droit le plus ma­gique de la Bre­tagne.

Au fait, d’hab le lundi y’a tou­jours la grande ques­tion à la la­quelle tout le monde es­saye de ré­pondre de son mieux ? Ah, ben non, pas cette fois > c’est pas la ré­dac­trice du lundi !

6)
Ma­dame Pop­pins
, le 02.09.2013 à 15:17

Mo­dane, la pro­chaine fois, fais signe si tu as be­soin d’un por­teur de va­lises, d’aide pour Petit Mo­dane : il y a des des­ti­na­tions qui font rêver, sur­tout cu­li­nai­re­ment par­lant (vous allez finir par croire que je ne fais que man­ger, ce qui ne se­rait pas tout faux !)

Quant à la ques­tion du lundi, elle sera men­suelle do­ré­na­vant et le pro­chain billet n’aura même pas de ques­tions : c’est dire si les chan­ge­ments sont “rudes” !

8)
Mo­dane
, le 02.09.2013 à 16:34

>Roger: Petit vei­nard, va! :)

>Sa­luki : Sont-ce de demi-lan­goustes que je dis­cerne, der­rière, là?

>Blues : J’ai une ques­tion, si vrai­ment tu en manques : “Le ho­mard : de­bout ou cou­ché?”

>Miss Pop­pins : mal­heu­reu­se­ment, Pe­tit-Mo­dane porte ses ba­gages seul. Mais moi, à votre pro­po­si­tion, je sens que déjà je fa­tigue…

>Alain : Merci pour les web­cam! Un coup d’oeil, et on res­pire!

9)
Phil­maout
, le 02.09.2013 à 17:16

Cela me fait pen­ser à la se­maine pas­sée il y a peu à Bré­hat… Je ne me lasse pas de cette côte.

Pour la table, on a la même chose en Sud-Fi­nis­tère, avec les lan­gous­tines en plus évi­dem­ment et on en pro­fite très lar­ge­ment :) . J’au­rai une pen­sée émue pour tous les Cu­kiens la pro­chaine fois ;)

11)
Mo­dane
, le 02.09.2013 à 22:16

Merci! Tout ce que j’aime!

13)
Sa­luki
, le 03.09.2013 à 13:21

Et avec le ba­teau de pas­sa­gers (385) qui vient de s’échouer à Mo­lène, tes ’’pin­ceux’’ risquent d’avoir à cro­quer.

OK, c’est de mau­vais goût, je ====>

14)
Mo­dane
, le 03.09.2013 à 13:35

Dingue, ça… À l’en­trée du port, sur un caillou si­gnalé, avec un coef de 70?! Moi je dis qu’il y en a qui ne sucent pas que de la glace!

15)
Mo­dane
, le 03.09.2013 à 18:10

Mau­vaise langue que je suis!… Le brouillard…

16)
iVince
, le 03.09.2013 à 21:14

Les oi­seaux in­con­nus qui sau­tillent en re­tour­nant les algues sont des Tour­ne­pierres à col­lier.

De­puis ma point Saint-Ma­thieu…

17)
Mo­dane
, le 03.09.2013 à 22:33

Ah merci, alors! Je me de­man­dais vrai­ment!

18)
Fran­çois Cuneo
, le 08.09.2013 à 06:36

Chan­tier du des­sus, un gars a passé hier soir, vu les inon­da­tions, dans notre chambre à cou­cher à tra­vers le pla­fond… Il au­rait pu tom­ber sur le lit, il s’est rat­trapé juste avant… Mais chambre in­uti­li­sable, donc dodo dans la chambre des en­fants, et donc pas tel­le­ment dodo.

On s’en fout! Ça me per­met de lire tout ce que je n’avais pas eu le temps de lire cette se­maine folle.

Mo­dane, la forme est aussi belle que ce que tu dé­cris.

Il faut vrai­ment qu’on aille y pas­ser des va­cances. Ça fait 20 ans, voire plus, que je me le dis.

19)
Mo­dane
, le 08.09.2013 à 21:32

Pas cou­rant, ça…

Dé­solé pour ton pla­fond et ton som­meil! Et merci!

20)
zit
, le 09.09.2013 à 11:19

Ahhh, quel plai­sir, quand tout le monde se la­mente sur les va­cances ter­mi­nées, d’être comme un coq en pâte à la cam­pagne, avec comme pro­gramme : vélo, cui­sine, miam, lec­ture, dodo…

En­core une se­maine loin de mon or­di­na­teur, à me lever et cou­cher avec les poules (heuu, pas de mal­en­tendu, c’est une ex­pres­sion bien connue ;o).

z (Il y a un pro­verbe Bre­ton bien connu qui dit « Quand les mouettes ont pied, il est temps de virer », je ré­pêêêêêêêêêêête : le ca­pi­taine ne de­vait pas le connaître ;o)