En ce premier août, jour de fête nationale suisse, je devais vous présenter la suite de ma petite série d’article concernant l’audiophilie. Malheureusement, quelques soucis informatiques m’empêchent de tester pleinement le logiciel incroyable qu’est Audirvana. Pas d’inquiétudes ! Dès le mois prochain, je reprendrai le cours normal de ma petite série d’articles.
Mais puisque nous sommes en pleins dans les vacances, je ne vais pas vous parler de mes malheurs informatiques, mais plutôt vous donner un conseil de lecture pour ces chaudes journées d’été !
Rappelez-vous, il y a quelques années de cela, je vous avais introduit quelques livres parlant d’imposture scientifique ou, plus généralement, d’adaptation de la réalité par certains charlatans. Je vous avais notamment présenté « l’Imposture scientifique en dix leçons » de M. De Pracontal qui présente les erreurs scientifiques au travers de la vision d’un journaliste. Sous un autre point de vue, celles des physiciens, on trouve aussi l’excellent livre de G. Charpak et H. Brock « Devenez sorciers, devenez savants » que je vous avais également conseillé.
Curieuses histoires de la Science
Aujourd’hui, j’ai décidé de vous parler d’une autre manière de voir les erreurs scientifiques : celle du philosophe ! Dans son livre « Curieuses histoires de la Science », paru aux éditions Jourdan (2010, Paris - Bruxelles), Jean C. Baudet va présenter l’histoire des sciences sous un regard un peu particulier : celui du raisonnement et des erreurs de celui-ci.
Dans son livre, l’auteur va nous faire remonter les siècles, depuis l’Antiquité et Thalès de Milet (VIe siècle avant J.-C.) jusqu’à nos jours, pour nous présenter les différentes évolutions majeurs de la science mais surtout les grandes erreurs qui ont jalonnées cette évolution. Le tout, non pas en étudiant les errements mathématiques ou physiques des protagonistes, mais ceux de leur raisonnement !
En tant que philosophe, Jean C. Baudet s’intéresse à la démarche intellectuelle qui a permis à la science de s’imposer pour façonner notre monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il définit d’ailleurs le début de la science comme le moment où l’homme refusa d’accepter pieusement les idées de la tradition. Il en découle la définition de la science comme étant «la tradition qui rejette toutes les traditions», en opposition frontale avec « la pensée spontanée, archaïque, toujours respectueuse des traditions ».
Dans le même ordre d’idée, l’auteur va plusieurs fois relever l’extrême mérite des plus brillants cerveaux de notre monde qui ont su se détacher de la facilité. Selon lui, il est en effet plus normal pour l’esprit humain d’inventer (et de nommer !) des choses qui n’existent pas plutôt que de le contraindre à observer une rigueur méthodologique. D’ailleurs, pour Jean C. Beaudet « ce qui est intéressant, ce ne sont pas les inévitables fantasmagories de la pensée la plus ordinaire, mais les étonnants ratages de la pensée la plus exigeante ».
Les débuts de la science...
Et ces ratages vont être présentés tout au long du livre sous la forme de petits chapitres reprenant quelques moments clés de l’évolution scientifique. Par exemple, il va nous présenter les débuts de la science avec Thalès de Milet (625 - 548) qui sera le premier à rejeter la tradition en établissant la théorie du monisme (on peut expliquer le multiple par l’unique) ce qui débouchera sur la fameuse théorie des quatre éléments (eau - terre - feu - air) d’Empédocle. Cette dernière sera à tort reprise par Platon (428 - 347) et influencera des siècles durant la pensée de l’homme.
En plus de tenter une démonstration hasardeuse de la présence de quatre uniques éléments, le platonisme va amener une autre erreur de raisonnement : se basant sur la géométrie et le fait qu'il existe uniquement cinq polyèdres réguliers, Platon veut absolument y voir une correspondance avec les éléments. Le problème ? Cinq polyèdres pour quatre éléments. Les platoniciens vont donc devoir introduire un nouvel élément, l'éther, pour faire corespondre leur théorie avec leur croyance...
Les principes de Kepler
L’auteur nous présentera aussi comment de grands esprits, se basant sur des erreurs, vont finalement pouvoir révolutionner en profondeur la vision du monde. L’un des exemples les plus intéressants est celui de Kepler (1571 - 1630) : acceptant l’idée de Copernic que les planètes tournent autour du Soleil, il va élaborer une théorie esthétique se basant sur le fameux polyèdre platonicien !
Selon lui, les différents orbites des planètes tournant autour du Soleil sont nécessairement distribués selon ce polyèdre pour respecter une certaine harmonie. Problème : cinq polyèdres mais six planètes connues... Son trait de génie, comme le relève l’auteur, sera - après avoir pris connaissance du travail de Tycho Brahé - de remettre en cause toute sa théorie basée sur la « beauté mathématique » pour aboutir aux fameuses lois qui régissent encore aujourd’hui le mouvement des planètes autour du Soleil.
La science fait des erreurs !
A la manière des exemples précédent, Jean C. Baudet va également aborder des thèmes plus actuels comme l’origine de l’idée de l’existence des Martiens, la mémoire de l'eau ou la « fusion froide ». Son but n'est pas de se moquer des erreurs scientifiques mais plutôt de mettre en valeur celles et ceux qui ont su garder le sérieux méthodologique plutôt que de sombrer dans la facilité idéologique.
Car au final, à part une vision philosophique de la science, l’auteur va surtout nous rappeler que c’est parce que la science fait des erreurs - et parce qu’elle sait les reconnaître - que celle-ci reste fiable.
NB: Pour ceux qui ont ouvert les deux liens sur mes articles passés, ils appraissent comme signés par "inconnus" à cause d'une erreur grossière de ma part. J'avais, en effet, effacé mon compte sur cuk.
, le 01.08.2013 à 10:33
Tes suggestions de lecture scientifique tombent à pic en cette période estivale et à l’approche de mes vacances.
Étant moi-même féru de science, je vais aller de ce pas me renseigner sur ces livres que je ne connais pas!
Merci!
, le 01.08.2013 à 10:37
Dans le domaine des concepts erronés, mais encore non expliqués, ma spécialité en traine une assez étonnante.
La néphrologie, médecine des maladies des reins a depuis 40 ans, entièrement débobiné les mécanismes de l’hypertension artérielle. Au centre de la physiopathologie de l’HTA se trouve le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRA)
Il a été montré, dans plusieurs publications de très haut niveau, avec des arguments qu’aujourd’hui encore, on ne sait contredire ou leur trouver un biais de raisonnement, que le blocage du SRA faisait reculer l’aggression sur les tissus du rein, en clair faisait reculer, voire disparaitre le délai d’apparition d’une insuffisance rénale chronique.
L’idée de réaliser un double blocage du SRA par 2 types de médicaments appropriés s’est fait jour. Ce double blocage consistait en l’administration simultanée d’un
– inhibiteur de l’enzyme de conversion et d’un
– antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II
L’expression de l’agression sur le rein est mesurée par la quantité de protéine émise dans les urines (albuminurie). Dès le début de l’évaluation, les néphrologues jubilaient: la protéinurie régressait massivement. On tenait enfin un traitement efficace.
Méta-analyse après 12 mois de traitement. Patatras !! Dans plus de 9 cas sur 10 l’insuffisance rénale avait progressé très sérieusement !!
Personne ne sait encore expliquer la contradiction entre un raisonnement irréprochable et la réalité constatée.
, le 01.08.2013 à 11:13
L’imposture scientifique de M. De Pracontal est un must pour ceux que le sujet interesse. Le pire c’est quand l’imposture sientifique rencontre la politique.
Je ne pense pas aux avions renifleurs de pétrole qui ont fait la réputation de notre ami Giscard mais plutot à un dénomé Lyssenko dont les théories scientifiques sur l’évolution ont conduit la totalité de l’agriculture soviétique à un desastre pendant plus de 30 ans durant le XXeme siècle.
Pour les curieux, le lien wikipédia est disponible
Quand doctrines politiques et impostures scientifiques se rencontrent, cela conduit toujours à des désastres (l’histoire en est pleine).
Bonne journée
, le 01.08.2013 à 13:42
Merci pour vos commentaires. Il existe pleins de références en tout genre sur le sujet, mais ce qui est intéressant ici, c’est qu’on a pas le regard de quelqu’un qui veut convaincre mais qui apporte une vision philosophique.
Bon 1er août à tous :)