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Une jour­née bien or­di­naire

Par­fois, les jour­nées com­mencent d'une façon qui nous dit que celle-ci, de jour­née, va être dia­ble­ment in­té­res­sante. Dans le sens chi­nois du terme, in­té­res­sant. Celui qui vous dit que l'on sou­haite vous voir mau­dit, vous et vos quinze pro­chains des­cen­dants, que l'huile bouillante et le sup­plice de l'eau sont trop doux pour vous et que vous mé­ri­tez bien mieux. Là, ce jour-là, c'est le ré­veil qui donné le top dé­part.

Mon ré­veil, que j'ai choisi com­pa­tible iBi­dule, me donne toute sa­tis­fac­tion. On peut y écou­ter la radio, on peut y écou­ter notre dis­co­thèque, à des vo­lumes so­nores conve­nables, même pour le sour­dingue que je suis, les oreilles confites par trente ans de hard rock à fond de po­ten­tio­mètres, en re­mer­ciant par­ti­cu­liè­re­ment les bat­teurs in­ca­pables d'ar­rê­ter de jouer entre les mor­ceaux, et les gui­ta­ristes n'ayant pas en­core per­cuté, mais ça vien­dra un jour, que les lar­sens ne sont pas de la mu­sique à pro­pre­ment par­ler et que quand on écoute Hen­drix, ça n'ar­rive quand même pas à lon­gueur de disque, les lar­sens. Bref...

Réglé à six heures, mes ac­ti­vi­tés sont ma­ti­nales au­jour­d'hui, le vo­lume assez bas pour ne pas ré­veiller les mal­heu­reux qui ne sai­sissent pas leur chance de pou­voir en écra­ser sau­va­ge­ment pen­dant que les autres vont bos­ser, je sais, de­voir se lever à neuf heures et demie à cause de la salle de sport, c'est pas vi­vable, je com­pa­tis, je m'at­ten­dais donc à un ré­veil pai­sible et har­mo­nieux.

C'est pour ça que quand le gros cor­niaud de Rires et Chan­sons m'a hurlé dans les oreilles, à 135 dé­ci­bels, qu'après avoir écouté Elie Sey­moun, j'al­lais avoir la chance de me taper une im­pos­ture  de La­fesse, celle-là jus­te­ment qui m'avait déjà énervé la veille, et en­core la veille, et aussi la veille de la veille de la veille, ils pour­raient quand même mettre un peu de po­gnon dans la pro­duc­tion, ces co­chons, au lieu de re­su­cer des vieille­ries, gé­ron­to­philes, va, j'ai com­pris que les chats étaient venus dor­mir sur mon ré­veil, et que le petit, comme tous les pe­tits, vous savez ce que c'est, ils sont bons en in­for­ma­tique, les jeunes, même les chats, donc, avait quelque peu re­pro­grammé ledit ré­veil.

Rhâââ, jus­te­ment je de­vais me lever, je vais me taper un bon café, sur­tout qu'il est sept heures et des bro­quilles grâce à ces mu­tines pattes de chat et que je vais de­voir faire l'im­passe sur les tar­tines aux rillettes ma­tu­ti­nales, que c'est déjà un petit bon­heur qui s'échappe.

Bon... le café, au moins, il ne peut rien m'ar­ri­ver. Une cap­sule, une tasse, un sucre et un nuage de lait, et feu... Et là, on sonne à la porte. Ça tombe bien, de toute façon quel­qu'une a dû épui­ser le stock de cap­sules avec ses co­pines, hier, les divas, ça se trans­porte en trou­peau, et qu'est ce que ça consomme, heu­reu­se­ment, pen­dant ce temps-là, elles ne chantent pas. Le café, je vais faire l'im­passe. Pis c'est mau­vais pour la santé. Pas les divas, le café. Enfin... Les divas aussi mais ça n'in­té­resse pas l'OMS.

Je vais ou­vrir : une li­vrai­son. Le ca­mion bouche la rue, et déjà trois voi­sins râlent de leur ba­gnole, der­rière. Je leur sou­ris ami­ca­le­ment, je crois bien lire sur une paire de lèvres, en re­tour, un truc du genre : "C'est en­core cet e.... de fils de p... d'em­man... de sa race qui fait ch... sa mère, je suis pressé, y'en a qui bossent, quand même", mais c'est pas grave puisque c'est lui même un enf... de casse-c... qui fait de tra­vaux de­puis dix mille ans dans sa ba­raque d'à côté, et tou­jours de nuit. Bref...

Le li­vreur, très sympa, fleu­rant déjà bon, mal­gré l'heure ma­ti­nale, les herbes folles et la conjonc­ti­vite chro­nique, me de­mande si c'est bien moi qui ait com­mandé des pro­duits de beauté chez Bio Très Cher Un­li­mi­ted, qu'il y en a trois car­tons, qu'ils sont lourds et qu'il va fal­loir l'ai­der.

Je lui dit de mieux me re­gar­der, que pour soi­gner ce genre de peau, il fau­drait li­vrer les pro­duits en ca­mion-ci­terne, pas en ca­mion­nette, en li­sant va­gue­ment le bon de li­vrai­son. Ma­dame Mo­dane. Ah oui, c'est ici. Par­don... Sur­tout qu'elle vient d'ap­pa­raître à sa fe­nêtre pour me de­man­der de faire moins de bruit, on s'en­tend plus dor­mir, ici, en toute nu­dité su­pé­rieure, qu'elle a fort émou­vante, et qui vient de don­ner l'idée au li­vreur d'ou­blier su­brep­ti­ce­ment un colis pour re­ve­nir le li­vrer quand je serai parti. Je lui de­mande donc d'abou­ler les trois colis et de ne pas en ou­blier, fissa, j'ai pas que ça à faire, et le voi­sin tor­tion­naire de cloi­son, qui se des­sèche der­rière, non plus.

Trois colis donc. Dont un qui ne passe pas par la porte. Un jour, je pren­drai tous les pro­duits que Ma­dame Mo­dane achète, je les met­trai en file in­dienne, un tous les vingt cen­ti­mètres, et je vous in­vi­te­rai à faire une pe­tite bal­lade Terre-Lune, de bou­chon en cou­vercle, dans des fra­grances d'Ar­gan et de ka­rité. Pro­mis, je vous ap­pelle quand c'est prêt.

Bon... Là, faut juste vider le gros car­ton d'un côté de la porte dans un car­ton de l'autre côté, en res­tant bons amis avec les conduc­teurs blo­qués qui ont déjà in­vité un cer­tain nombre de potes à se joindre à eux. Im­pres­sion­nante, la file. J'ai hé­sité à prendre une photo. Mais bon... je crois que ce n'était pas le mo­ment : j'ai en­core vu des lèvres bou­ger et je n'ai pas voulu tra­duire.

On a fini par y ar­ri­ver. La cour est pleine de tubes, de pots et de fla­cons dis­sé­mi­nés sous le ciel me­na­çant. Tout le monde est re­parti, plu­tôt fu­ri­bard. Vite, la bé­cane, passque là, je suis à la bourre comme pas per­mis. Deux coups de fil pour ex­pli­quer le re­tard, un im­pon­dé­rable, ma mère, tout ça, non, je t'as­sure, c'est pas grave mais on remet, oui, je m'ex­cuse, un casque, la porte du ga­rage...

Ah non, pas la porte du ga­rage. Parce que quel­qu'un s'est garé de­vant, et qu'on ne peut pas ou­vrir. Et j'at­tends...

On sonne à la porte. C'est le li­vreur de chez Bio Très Cher Un­li­mi­ted, très sur­pris,  qui me dit qu'il pen­sait avoir ou­blié un colis et puis que fi­na­le­ment non, je m'ex­cuse. Et qui re­part. Pfff... D'un pré­vi­sible... J'au­rais fait la même chose...

Tou­jours blo­qué, vers neuf heures et demie, j'avoue, j'ai eu comme un petit coup de blues. Je me suis dit : raté pour raté, je re­tourne me cou­cher. Et fi­na­le­ment non. Très heu­reu­se­ment, un chat ef­frayé par le ram­dam de la li­vrai­son s'était ou­blié sur mon lit, et un autre, le do­mi­nant, vexé, était en train de re­cou­vrir les dé­gâts, avec d'autres dé­gâts, mais des trucs à lui, au moins, on a sa fierté de do­mi­nant.

Je suis res­sorti dans la cour. La vigne fai­sait pous­ser plein de nou­velles pe­tites grappes. Le lau­rier du Ca­nada em­bau­mait comme avant la pluie. Qui est ar­ri­vée. Et qui fai­sait comme des étin­celles sur le bou­chon des pro­duits de Ma­dame Mo­dane. Tiens?... Et si j'y al­lais à pied?... Fi­na­le­ment... Une pe­tite tra­ver­sée de Paris, sous la pluie, ça vous remet une jour­née d'équerre! For­cé­ment...

12 com­men­taires
1)
Ma­dame Pop­pins
, le 03.06.2013 à 06:17

Tu es mon héros : faire un billet aussi drôle alors que tout était ligué contre toi, c’est très fort ! Merci pour la tranche de rire alors que ma jour­née a com­mencé à 5h30 – ben ouais, je me suis fait un café avant de te lire – plus de cap­sule ici pour mon breu­vage noir du matin –

Re­tourne plu­tôt au­près de Ma­dame Mo­dane, la pro­chaine fois :-)

2)
Alain Le Gal­lou
, le 03.06.2013 à 08:16

@Mo­dane

Coïn­ci­dence, je n’ai pas de ré­veil et l’usage de faire ré­veiller par les doux rayons du so­leil, ce qui est sou­vent tard vu la météo en Bre­tagne. Ce matin, c’est à l’aube 7h30 que je suis ré­veillé par des coups de Mer­lin sur un coin. C’est mon voi­sin qui fend des grosses bûches dans mon jar­din avant la cha­leur, car de­puis trois jours il fait chaud ici avec un ciel to­ta­le­ment bleu. Chienne de vie me ré­veiller à 7h30. Et comme dans l’his­toire de Mo­dane je ne peux rien faire pour l’ar­rê­ter, pour cause, les grosses bûches, qu’il fend, sont les miennes. Et il le fait gra­cieu­se­ment, juste pour s’oc­cu­per. Sur­prise, je ne lui avais même pas de­mandé. 7h52 les crois­sants sont cuits. Sûr, je serai prêt avant 8h30 pour par­tir sur mon ba­teau. Mais même avec un ciel bleu, à cette heure il fait en­core frais pour dé­ca­po­ter une voi­ture. Chienne de vie. Com­ment as-tu fait Mo­dane, en écri­vant ton pa­pier, pour dé­pla­cer tes ca­tas­trophes chez moi ?

3)
Anne Cuneo
, le 03.06.2013 à 08:27

Trop bien! Merci.

4)
Fran­çois Cuneo
, le 03.06.2013 à 09:15

C’est du grand Mo­dane!

:-)))

Alain, pas trop dure, la vie?:-)

5)
Leo_11
, le 03.06.2013 à 10:39

Mer­veilleux… on se sent tout à coup moins seul…

Mille MER­CISSSS

6)
jibu
, le 03.06.2013 à 12:59

c’est pas fa­cile d’ex­pli­quer à ses ga­mins pour­quoi on pleure de rire avant d’al­ler bos­ser… ptdr comme ils disent …

7)
Tom25
, le 03.06.2013 à 13:33

Très drôle, merci. Manque que des pho­tos ! (Pas des files de voi­tures, ni des pro­duits de beauté ;-) )

8)
Leo_11
, le 03.06.2013 à 14:10

J’avoue Tom que je n’ai pas osé… mais je te suis sur ce che­min :-)))

9)
Sa­luki
, le 03.06.2013 à 14:33

Comme vous le voyez, pour moi c’est bien au mo­ment de la sieste que le rire m’étreint. Sauf que je ne fais pas la sieste mais que j’ai mal noté le jour de ce ren­dez-vous. Juste une se­maine d’écart, merci iCal !

10)
ReReX
, le 03.06.2013 à 16:43

Ça fait du bien, cette tranche de ré­veil fa­ti­guant.

11)
Mo­dane
, le 03.06.2013 à 21:00

Héros?! Ma­dame Pop­pins, il faut ab­so­lu­ment que vous ve­niez me le ré­pé­ter ré­gu­liè­re­ment!

>Alain, je suis ab­so­lu­ment dé­solé. Je ne pen­sais pas être aussi conta­gieux. Heu­reu­se­ment que l’éloi­gne­ment a at­té­nué l’ef­fet!

> Tom et Léo, faut qu’on s’ar­range pour les pho­tos. Je compte sur Anne et Fran­çois pour m’ou­vrir un compte pas loin de chez eux.

À tous : très heu­reux de faire rire! :)

12)
iYan­nick
, le 04.06.2013 à 11:41

Avec ma jour­née qui a com­mencé de ma­nière assez en­nuyeuse, c’est le genre de billet qu’il me fal­lait pour ren­ver­ser la va­peur et rire un bon coup ! Merci Mo­dane !