Je me permets de rédiger un préambule à cette troisième et dernière partie consacrée au mythe du sang pour vous dire que je suis désolée de sa longueur ; croyez bien que j’ai tout tenté pour endiguer l’hémorragie des mots, mais le sujet est si vaste qu’il m’a été impossible de condenser certains passages. Aussi, pour vous remercier d’avoir le courage de me lire, voudrais-je citer Alphonse Allais qui disait : « Une chose facile à avoir en décembre, c’est du sang-froid ».
Je ne sais pas s’il vous sera facile de conserver votre sang-froid en ce mois de mai, mais que vous le gardiez ou non, tous les commentaires seront les bienvenus, qu’il s’agisse de précisions médicales, de souvenirs de lecture ou de compléments d’analyse. Pour les plus vaillants d’entre vous, je me permets également de mentionner que la première partie (« Le sang, encre de la mort ») se cache ici et que la deuxième (« Le sang des femmes, cet inconnu ») vous attend là.
Enfin, je retrouve mon sérieux pour rappeler que les références religieuses présentes dans cette tentative d’essai sont seulement des données culturelles, et non du prosélytisme de ma part, ou au contraire la critique de faits religieux, quels qu’ils soient ; je respecte les convictions et les croyances de chacun, soyez-en assurés.
« Le sang, c’est la vie », écrivait Bram Stoker dans son roman Dracula. Au fil des siècles, ce besoin vital de sang n’a pas manqué de trouver des échos imaginaires et le sang est devenu le breuvage d’une autre vie. C’est ce sang promesse de renaissance, élixir de jouvence et or des dieux que nous allons évoquer à présent, car des ombres des vampires à la lumière du Graal, le mythe du sang s’est répandu, faisant d’un fluide de vie un miroir de fantasmes et l’eau sacrée de la transcendance.
La croyance en un sang sale n’a pas manqué de donner vie à son contraire, à savoir la dévotion à un sang pur, voire supérieur ; le mythe du sang bleu connut ainsi ses heures de gloire et doit probablement encore perdurer de nos jours. Pourtant rien n’est plus universel que le sang, chaque homme ayant le même liquide qui circule dans ses artères. Point de privilèges naturels donc, si ce n’est que le besoin de préserver une communauté, quelle qu’elle soit, a donné naissance au cours des siècles à une hiérarchisation des classes, et à l’apparition, au sommet de ces organisations sociales, d’un chef doté de ce sang particulier que serait le sang bleu ; ce sang fut ainsi nommé, car circulant sous une peau plus fine, il donnerait à voir la couleur bleue des veines. Nous le devinons, ce sang prétendument supérieur ne saurait se mêler et s’affaiblir, et il fut l’objet d’une vénération avant de perdre de sa force avec l’éclosion de la bourgeoisie.
L’idée même d’un sang impur dépasse le clivage social, elle est souvent politique. En effet, alors que toute société condamne le meurtre, il n’est pas rare de trouver une exaltation de celui-ci au nom d’un sang qu’il faudrait éliminer ; La Marseillaise, hymne d’une Révolution pourtant enfant des Lumières, ne nous dit-elle pas « qu’un sang impur abreuve nos sillons » ? Ce n’est plus directement l’idée de survivre et de verser le sang qui est en cause, mais la volonté de préserver un sang particulier que l’on imagine comme porteur d’espoir dans le meilleur des cas, et c’est probablement le sens de La Marseillaise, ou comme étant supérieur, et c’est là le triste cas des théories raciales et fascistes. La hiérarchisation du sang a ainsi coexisté avec des doctrines des plus néfastes qui considéraient qu’une race d’un sang d’exception se devait de dominer le monde et donc d’asservir, voire de supprimer tout individu qui serait constitué d’un sang supposé inférieur ; on pense évidemment ici à la prétendue suprématie du sang aryen instrumentalisée par les nazis.
Cette idée de catégoriser le sang et les hommes prend paradoxalement racine dans le progrès scientifique, même si la médecine n’est pas responsable de l’éclosion des pires idéologies engendrées par l’humanité. Le début du XXe siècle voit la découverte des groupes sanguins et donc du classement des êtres humains selon leur empreinte biologique ; il convient toutefois de rappeler qu’en aucun cas appartenir à l’un ou l’autre des groupes ferait d’un individu un être supérieur, une personne possédant un sang compatible pouvant sauver la vie d’une autre personne, quelle que soit son appartenance ethnique. Dans la fiction occidentale, les groupes sanguins et les profils psychologiques que certains courants de pensée leur attribuent sont peu utilisés, même si l’œuvre d’Émile Zola dont nous avons déjà parlé pourrait s’approcher d’une forme de déterminisme biologique ; au Japon en revanche, il est amusant de constater que les personnages de mangas sont souvent définis, entre autres choses, par leur groupe sanguin, ceci afin de donner au lecteur une sorte de fiche de lecture sur le héros en question.
Le sang versé et partagé sur les champs de bataille formait un cercle horizontal entre les hommes, il fondait une tribu ; le sang hiérarchique et élitiste dont nous venons de parler dessine quant à lui une société verticale, il instaure une vision de la communauté dans laquelle chacun aurait sa place selon la valeur présupposée de son sang. Le sang des frères unissait, le sang des autoproclamées élites divise.
Le sang est la force des hommes, mais au cours des siècles, il est aussi devenu l’élixir des surhommes. Ce concept d’un homme exceptionnel n’a pas toujours trouvé un écho systématique dans la réalité et donné naissance à des régimes politiques dangereux, mais il a progressé dans l’imagination des hommes et engendré de nombreux fantasmes. Car si le sang est capable de donner la vie et de la sauver, pourquoi ne la redonnerait-il pas, qu’est-ce qui pourrait en effet empêcher le sang d’avoir une force de vie supérieure au déchaînement de la mort ? C’est ainsi que le mythe des vampires fit son apparition dans l’imaginaire collectif, et c’est un mythe qui suscite, depuis le XIXe siècle en particulier et l’invention du personnage de Dracula, un vif engouement, même si les vampires contemporains fort prisés par la fiction sont nettement plus photogéniques et aseptisés, osons-le dire, qu’ils ne le furent jamais dans la littérature et les mentalités.
Dans les cauchemars inavouables des hommes, les vampires existent depuis fort longtemps, l’image des buveurs de sang étant universelle et ancestrale : l’Antiquité avait ses striges, des démons qui suçaient le sang des enfants, le Moyen Âge était peuplé de revenants qui affaiblissaient toute vie autour d’eux, des créatures qu’il fallait éliminer à tout prix en les fixant d’un pieu à leur cercueil. La croyance en l’existence réelle des vampires était solide, elle est d’ailleurs attestée dans de nombreux documents ; Jean-Jacques Rousseau écrivait ainsi : « S’il y eut jamais au monde une histoire garantie et prouvée, c’est celle des vampires ». Et même si la papauté a condamné cette croyance, les hommes ont continué de prêter quelque attention à de surprenants phénomènes survenus de-ci, de-là. Le XIXe siècle, loin de négliger les êtres de la nuit, s’est emparé du vampirisme avec ferveur, la littérature a ainsi inventé des vampires aussi disparates les uns des autres, on peut penser à La Morte amoureuse de Théophile Gautier, au Horla de Guy de Maupassant ou encore au Comte de Lautréamont qui demandait dans les Chants de Maldoror :
« Homme, n’as-tu jamais goûté de ton sang, quand par hasard tu t’es coupé le doigt ? Comme il est bon, n’est-ce pas ? »
Pourtant imaginés différemment, les vampires ont toujours la même nature, ils sont des corps réanimés qui sucent le sang des vivants et entraînent leur mort. En se nourrissant du sang d’autrui, le vampire se dote d’une force qui le maintient dans une étrange vie, son cadavre ne se décomposant plus. Il faut souligner que le mythe du vampire unit non seulement le sang au dépassement de la mort, mais également à la sexualité, la morsure prenant bien souvent une connotation érotique. Si le XIXe siècle a largement contribué au succès du mythe du vampire, c’est le monde slave et l’Europe de l’Est qui en ont posé les fondements. En effet, bien que l’on ne sache pas avec certitude l’origine du mot « vampire », tout porte à penser qu’il dérive d’un terme serbo-croate, transcrit en allemand et en français par « vampir » et « vampyre », terme repris ensuite par les Anglo-Saxons ; l’origine elle-même du mot est méconnue, mais on pense que le terme slave « ubyr » signifiant « sorcière » est à retenir.
Personne ne méconnaît en revanche le vampire le plus célèbre, le Comte Dracula, seigneur des ténèbres par excellence, élevé au rang de mythe par le cinéma et la culture populaire, et né du souvenir déformé du guerrier sanguinaire Vlad Tepes (l’Empaleur), même si la légende et les faits historiques ne semblent guère s’accorder au sujet du prince des Carpates. C’est l’écrivain Bram Stoker qui a ancré le vampirisme dans l’imaginaire collectif en publiant en 1897 un roman directement intitulé Dracula, un patronyme dont l’étymologie se réfère au dragon, et par extension au diable (voir la note 1). Le succès de ce roman, et de l’image romantique du vampirisme qu’il présente, peut essentiellement s’expliquer par la nécessité d’exorciser la peur de la mort, mais également par le reflet qu’il renvoie à une société en perte de repères et par la mise en scène d’un désir latent et fascinant à la fois, tout aussi morbide que transgressif, qu’il propose. Dracula, c’est un mal insaisissable surgissant d’un pays lointain et prenant sa source hors du temps, c’est un pouvoir surnaturel sur les hommes et les éléments, c’est l’errance sempiternelle d’un monde fébrile et un violent désir de survie ; et ce sont là tout autant de thèmes séduisants pour la société postromantique. Car le XIXe siècle est l’époque des révolutions industrielles, des mutations, des sens bousculés, une ère de cendres et de sang, un siècle qui donnera naissance à bien des fantasmes et à des ombres qui hantent encore les esprits, l’ombre de Dracula donc, tendant à la société victorienne le miroir de ses propres peurs, ou également l’ombre de Jack l’Éventreur, monstre sanguinaire bien réel cette fois, mais dont le caractère sordide engendra un imaginaire profondément malsain. Depuis le XIXe siècle, le fantasme du sang s’est plus que jamais installé dans le cœur des hommes ; loin de l’imagerie sanglante des champs de bataille, le sang est devenu peu à peu la métaphore d’une époque et le reflet de ses misères.
Paré de tous les fantasmes, le sang s’est fait science, une science parfois rationnelle, nous l’avons vu avec la découverte des groupes sanguins, mais quelquefois aussi une science prêtant à polémique, c’est le cas dans l’observation de la porphyrie. Des études médicales sur cette pathologie rare (il s’agit d’une maladie génétique héréditaire due à des déficiences dans le sang) virent le jour assez tôt au XXe siècle, le premier cas recensé par le corps médical datant de 1920. Mais ce n’est qu’en 1985 qu’un professeur divisa les scientifiques en affirmant que les malades de porphyrie étaient à l’origine des hystéries ancestrales liées aux créatures de la nuit ; selon ce chercheur, ces malades avaient tous les stigmates attribués aux vampires, à savoir une pâleur extrême, des dents allongées, une photosensibilité ainsi qu’une pilosité importante, et ils ne pouvaient trouver l’apaisement qu’en buvant du sang.
On peut le constater, le sang est une énigme qui réussit à unir les fantasmes les plus romantiques aux explications les plus rationnelles, les maladies liées au sang n’ayant jamais cessé au cours des siècles de jeter le trouble, nous pouvons penser au sida et à son cortège de peurs qui n’est pas si éloigné de nous. Avec le sida, l’homme fut associé au sang malade, alors que nous l’avons vu dans la deuxième partie, c’était auparavant la femme qui était considérée comme malade de son sang indocile ; même si des femmes ont également contracté le virus du sida, celui-ci a soudainement placé les hommes sous le joug du sang, et il les a confrontés aux peurs et aux préjugés des autres hommes.
Dans l’adaptation cinématographique du Dracula de Bram Stoker qu’il a proposée, Francis Ford Coppola a bien montré cette tension liée à la transmission du sang, il a filmé la vie que l’on prend brutalement ou que l’on donne telle une alliance secrète et interdite. Car le mythe de Dracula s’accompagne toujours du pacte de l’ombre, celle-ci se coule entre les mots et abreuve les plans de cinéma, et le mal du sang inonde alors l’intrigue, il envahit non seulement le temps, mais également l’espace. Comme un fantôme insaisissable, le sang effraie parce qu’il se transmet et qu’il s’échappe, il est un complice étrange, une créature surhumaine. Et même s’il fait peur, par la fascination qu’il suscite, le sang s’avère grandement cinématographique ; depuis ses débuts, le septième art a joué avec lui et il ne l’a dissimulé que pour mieux le mettre en lumière.
Le sang est bien plus que la vie qu’il transmet ou qu’il ôte aux vivants, il devient lui-même une entité dotée d’une existence propre, prenant une identité certes informelle, mais perceptible. De fait, dans de nombreuses civilisations, et ce depuis le néolithique, le sang et l’âme se confondent. Le sang était puissant, le voici invisible et sacré. Pour les Hébreux et dans la Bible, le sang est l’âme, le Lévitique nous le dit bien, « le sang, c’est l’âme », les Romains quant à eux affirmant que « le sang est le siège de l’âme ». Le sang et l’esprit sont donc indissociables, on trouve ainsi un hadith qui nomme le sang « al-nafs al sa’da », l’âme liquide. Et seule la civilisation chinoise a conservé l’idée de deux âmes distinctes, à savoir une « âme-souffle » et une « âme-sang ».
Que le sang soit l’âme ou une entité en relation avec le souffle, il détermine le comportement humain à adopter envers les vivants et les morts ; c’est en effet notre attitude devant la mort qui va découler de cette relation intime entre l’âme et le sang, et notamment la manière de tuer un animal en versant, ou non, son sang. Dans la Genèse, Dieu dit à Noé : « Vous ne mangerez point la chair avec son âme, c’est-à-dire avec son sang » ; les juifs consomment ainsi une nourriture kasher et les musulmans sont tout aussi attachés à ne pas ingérer le sang animal. Les Iroquois évitaient également de verser le sang du cheval blanc qu’ils offraient en sacrifice, et les coutumes turco-mongoles ont fait de même, non plus seulement pour les animaux, mais aussi pour les êtres humains ; on sait par exemple que Gengis Khan fit exécuter son grand chaman en lui brisant les reins.
Si le sang est l’âme, il est dès lors transcendé et divinisé, et c’est naturellement que nous le retrouvons associé à l’image que les hommes se font de leurs dieux. Le sang a ainsi permis aux hommes de cheminer vers le divin ; en effet, combien de sacrifices d’humains ou d’animaux furent-ils perpétrés au cours des siècles pour apaiser un dieu ou pour l’honorer ? « Les sanctuaires des dieux ruissellent de sang », affirme Euripide dans Les Troyennes ; de fait, nombre de civilisations ont adoré des dieux assoiffés de sang, ce qui fera dire à Charles Baudelaire dans Les Fleurs du mal :
« Les sanglots des martyrs et des suppliciés
Sont une symphonie enivrante sans doute,
Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,
Les cieux ne s’en sont point encore rassasiés ! »
Certes, les sacrifices avaient pour but de convoquer les dieux parmi les hommes, mais ils étaient avant tout l’assassinat structuré d’un martyr choisi pour mourir ; il fallait tuer un être vivant pour sauver tous les autres, il fallait éviter une violence anarchique et préjudiciable à la communauté en la concentrant sur une seule et même personne. Dès lors, le meurtre est érigé en symbole et on associe le dieu à cette métaphore sanglante, il devient le témoin du sacrifice, et aussi un peu son coupable, puisque c’est bien ce dieu qui a voulu la mort des hommes, et c’est là l’occasion de le lui rappeler.
Car la valeur expiatoire du sacrifice n’est pas communément admise, elle est essentiellement hébraïque et biblique ; ce qui est universel en revanche, c’est la conscience sacrée de l’offrande, il s’agit de ne pas tricher, mais de donner une victime parfaite aux dieux insatiables, on peut penser aux Aztèques qui offraient des flots de sang humain au Soleil, celui-ci vieillissant sans cesse et demandant toujours plus de sang pour réchauffer les hommes. L’humanité a longtemps immolé hommes, femmes et animaux, mais finalement nombre de simulacres finirent par voir le jour ; les Romains ont sacrifié des animaux en sucre ou en pain, les Chinois ont brûlé des chevaux de papier, Marco Polo mentionne même un chien de paille sacrifié par les Mongols.
Pour se relier à son dieu, l’homme a donc utilisé des subterfuges, mais la divinité est également intervenue pour empêcher le sacrifice, c’est le cas lorsque le dieu d’Abraham lui demande d’épargner son fils Isaac et de lui offrir un bélier à la place. De fait, les civilisations judéo-chrétienne et grecque ont substitué l’animal à l’homme lors des offrandes rituelles ; en revanche, l’hindouisme ne distingue pas la vie humaine de la vie animale, et celle-ci revêtant autant d’importance que la première, les sacrifices humains ont longtemps perduré. Mais l’animal comme victime de substitution se retrouve dans bien des cultures, le christianisme s’appuyant d’ailleurs sur la croyance en l’agneau immolé qu’est le Christ, un acte fondateur qui abolit toute idée de sacrifice ultérieur, quel qu’il soit.
Le sang versé pour honorer une divinité n’est pas toujours lié à la mort, l’homme pouvant entrer en relation avec son dieu en se mutilant lors de fêtes ou de rites, en se flagellant par exemple comme c’est le cas dans la tradition catholique ; les mutilations rituelles sont nombreuses au cours de l’Histoire et datent même parfois de la préhistoire.
Mais les sacrifices et les mutilations ont laissé peu à peu la place aux symboles, et ceux-ci furent utilisés non plus comme subterfuges, mais en signe de commémoration, c’est le cas par exemple des fleurs rouges et du vin. En effet, pour rappeler la force du sang versé, les fleurs rouges étaient idéales et elles sont donc devenues la métaphore du sacrifice et de la mort ; à Rome, elles ornaient les enclos funéraires. Quant au coquelicot, il évoque le sang des champs de bataille et on le porte en souvenir de l’Armistice. La fleur fit sienne la symbolique du sang, et dépassant la seule mémoire de la mort, elle se fit également métaphore de la vie ; c’est ainsi que la rose fut choisie pour illustrer le symbolisme du sang et de l’amour, offerte aussi bien aux dieux antiques qu’aux femmes aimées, ce qui fera dire au mystique musulman Rûmî :
« Dans le voile ensanglanté de l’amour, il y a des roses. »
Les fleurs rouges ne sont pas les seuls symboles du sang, chez les Bambaras par exemple, le jus de tomate le représente également ; enfin, dans l’imaginaire collectif, les eaux ferrugineuses sont fatalement sanglantes et les fleuves de l’enfer ne peuvent être que de cette eau, souvenons-nous que Dante en eut la vision.
Mais quelle meilleure métaphore du sang que le vin ? Du sang, le vin partage et la couleur, et l’ivresse, aussi beaucoup de civilisations l’ont-elles choisi comme étant l’allégorie parfaite du sang ; à Rome, il fut le « sang de la vigne », dans la Bible, il est d’une importance capitale, essentiellement dans le Nouveau Testament, comme nous allons le voir.
Pour voyager vers leurs dieux, les hommes ont donc versé le sang ; mais les dieux ont également versé le leur pour rejoindre les hommes, et il convient ici de parler non seulement de Jésus, mais aussi d’Osiris, de Dionysos et de Mithra, le sacrifice des divinités n’étant pas rare au cours des siècles.
Nous pouvons penser que les hommes se sont initialement immolés afin de rendre à leurs dieux le sang que ceux-ci avaient versé pour leur prêter vie. Nous l’avons vu par exemple avec le Poème babylonien de la Création, de multiples croyances et mythologies reposent sur le sang versé d’un être divinisé ou supérieur, un sang qui conçoit le monde ; nous pouvons également nous référer au Rig-Veda qui fait du sacrifice de l’être primordial l’origine de tous les êtres humains. Nombreuses sont les divinités dépecées pour donner vie et espérance aux hommes, et le dieu égyptien Osiris est l’une d’elles ; si l’Égypte ancienne occulte plus ou moins le sang, Osiris est néanmoins démembré et ramené à la vie par Isis, attestant ainsi de la possibilité d’une vie après la mort :
« Osiris, regarde ! Écoute ! Lève-toi ! Ressuscite !
Osiris, tu es parti, mais tu es revenu.
Tu t’endormis, mais tu as été réveillé.
Tu mourus, mais tu vis de nouveau. »
Osiris revient à la vie et donne alors à l’humanité une raison d’espérer en l’immortalité ; il en est de même pour le dieu grec Dionysos, lequel fut dépecé par les Titans et ramené à la vie par Rhéa. Semblablement, le dieu Mithra était une divinité de lumière que les Romains voyaient comme un sauveur, un dieu exigeant le sang d’un taureau comme garant de l’immortalité ; ce culte de Mithra, exclusivement réservé aux hommes, fut contemporain des débuts du christianisme et l’on peut raisonnablement penser que les deux religions se sont mutuellement nourries.
Ce qui nous amène à parler de Jésus dont le sacrifice est à l’origine, pour les chrétiens, de la résurrection promise. Il faut noter que si le Christ agonise dans d’atroces souffrances, il meurt de suffocation, comme tous les crucifiés, et non en versant des flots de sang ; pourtant, il est bien question d’effusion de sang dans le récit de la Passion du Christ, pensons à la lance qui perce son flanc et qui unit le sang à l’eau, à la couronne d’épines, à la flagellation, à la sueur de sang, celui-ci est donc bien au cœur du sacrifice chrétien. Un sang que Jésus présente d’ailleurs explicitement à ses disciples comme boisson de rédemption et de vie éternelle en tendant une coupe de vin et en disant « Ceci est mon sang » ; dans le christianisme, celui qui est considéré comme le fils de Dieu fait donc de son sang la porte de l’autre vie, il doit l’offrir en sacrifice pour sauver les hommes, il doit également l’ancrer dans la tradition, en usant du vin, afin que les hommes à venir soient tout autant sauvés que les premiers disciples.
Le sang de celui que la chrétienté nomme Seigneur est très présent dans les rites des fidèles, l’histoire catholique puisant en abondance dans ce sang de mort devenu source de vie. De fait, à la suite de Jésus, nombreux sont ceux qui se sont inscrits dans son sang, et ce essentiellement à partir du XIIIe siècle qui mit en avant le sang rédempteur du Christ ; on peut penser aux stigmates des saints ou encore au sang des rois considéré comme sacré. Car il existe une mystique royale, universelle au demeurant, mais particulièrement attachée aux rois de France dans sa forme catholique ; certains spécialistes envisagent ainsi l’exécution de Louis XVI comme étant davantage celle d’un symbole que celle d’un homme.
Le sang est un breuvage qui promet l’éternité et les hommes ont soif de son mystère ; c’est cette quête d’ailleurs et de transcendance qui se cache derrière l’image du Graal. Le Graal, qui ne connaît pas cette merveille qui anima les récits arthuriens et qui n’a cessé, depuis des siècles, de toucher les esprits ? Le sang est la mort, le sang est la vie, le sang est la survie, le sang est l’alliance, nous l’avons vu ; avec le Graal, le sang devient un rêve, il est ce désir que les hommes ne combleront jamais tout à fait, il est ce souhait d’un bonheur enfui qui ne cesse de guider les hommes vers leur propre aventure.
Avant d’être saint, le graal fut simplement un objet, il s’agissait d’un plat. Et c’est Chrétien de Troyes qui lui a donné une postérité littéraire avec Le Conte du Graal, un roman initiatique qui a traversé les temps ; devant un Perceval hésitant et interdit, voilà qu’un étrange cortège se met en place et que l’on sert un Graal, accompagné d’une lance qui saigne, de jeunes gens, de demoiselles et de lumière à un roi singulier. Là est le mystère, là est l’imagination…
« Il sortait une goutte de sang
Du fer, à la pointe de la lance,
Et jusqu’à la main du jeune homme
Coulait cette goutte vermeille. […]
D’un graal tenu à deux mains
Était porteuse une demoiselle,
Elle s’avançait avec les jeunes gens,
Belle, gracieuse, élégamment parée.
Quand elle fut entrée dans la pièce,
Avec le graal qu’elle tenait,
Il se fit une si grande clarté
Que les chandelles en perdirent
Leur éclat comme les étoiles
Au lever du soleil ou de la lune. »
Ce qui fait la force du Graal de Chrétien de Troyes, c’est qu’il donne naissance au rêve, il n’impose aucune interprétation, mais agit comme un reflet, voire un révélateur, de Perceval, du monde arthurien, et finalement du lecteur. Laissé sans explications, Perceval ne sait que dire devant ce spectacle insolite et son silence sera à l’origine de la perte du Graal ; il fallait poser la bonne question, il fallait oser devant le Graal, car celui qui n’ose pas plonge le monde dans le chaos. Et il s’agira dès lors de tout mettre en œuvre pour revivre cet instant de plénitude qui a suspendu le Graal tel un désir, tel un rêve.
Mais aux confins du rêve et du Graal, tout est sang, le roi est blessé, la lance saigne sans fin et l’âge d’or s’éteint dès que le Graal disparaît ; ainsi le monde arthurien ne reconnaît-il plus ses chevaliers les plus valeureux et les héros d’autrefois n’en sont plus, Gauvain échouant à retrouver le Graal et Lancelot lui préférant Guenièvre dans le Perlesvaus, un texte du XIIIe siècle qui suivit le roman inachevé de Chrétien. Car voilà, Perceval perd le Graal dans le conte du même nom et Gauvain part à sa recherche, le monde devient étrange, tout n’est dès lors qu’attente fébrile et inversions des codes courtois, et soudain le récit se suspend, Chrétien de Troyes étant probablement mort en laissant le Graal offert à notre imagination. Écrire que le XIIIe siècle l’a cherché, ce Graal légendaire, serait peu dire, tant les continuateurs de Chrétien l’ont imaginé ; ils ont tantôt altéré sa forme, parfois son pouvoir, et peu à peu, de la merveille qu’il était, le Graal se fit relique sacrée. Par voie de conséquence, les chevaliers des temps courtois ne pouvaient plus trouver ce Saint-Graal et l’on imagina alors des chevaliers mystiques dignes de rapporter la coupe du paradis perdu, Galaad étant l’exemple parfait de ces chevaliers désincarnés.
La quête du Graal était une rêverie intérieure, elle se changea au fil des siècles en une démarche spirituelle, et il devint impératif de trouver la coupe du sang du Christ, une coupe qui donnerait la vie éternelle ; certes, le Graal prit plusieurs formes, il fut même une pierre incandescente, mais c’est sous sa forme de coupe qu’il est le plus représenté, la coupe répondant à la lance, le principe féminin faisant écho au masculin. De tout temps, la coupe fut le contenant d’une alliance divine, mais avec le Graal, elle est devenue le calice d’un désir de vie nouvelle.
Quand le Graal apparaît dans la littérature arthurienne, il suscite en effet un désir qui vient presque occulter toutes les aspirations courtoises de l’époque ; ainsi les chevaliers qui partent à sa recherche se trouvent-ils confrontés à un choix impossible, à savoir aimer leur dame ou adorer le Graal, celui-ci excluant peu à peu l’appartenance de corps et d’âme à une femme. Aussi le Graal serait-il le rival de la femme, serait-il un autre désir ? Rien n’est tranché, mais c’est perceptible ; toutefois, s’il est certes mis en concurrence avec les demoiselles de la littérature courtoise, le Graal est également un garant de leur sécurité, car dès lors qu’il disparaît, le monde devient violent, les dames sont bafouées et la bienséance s’efface. Il est même des demoiselles étranges qui se dressent sur la route des chevaliers pour les provoquer et rappeler leur faiblesse, la femme semblant à la fois la complice du Graal et son autre versant. Peut-être que le Graal anime un désir suprême qui se doit d’étouffer tous les autres désirs, celui de la dame avant toute chose ; pourtant, malgré cette condition impérieuse, Lancelot préfèrera Guenièvre au Graal, et c’est là une transgression magnifique que nous offre la littérature médiévale.
Perceval, quant à lui, est bien l’élu du Graal, son destin est lié à cette coupe qu’il a trouvée et qu’il a perdue ; mais il est aussi l’élu d’une demoiselle nommée Blanchefleur dans Le Conte du Graal, un amour qu’il aurait pu étouffer, mais qu’il finira par faire éclore. Perceval est peut-être le chevalier de toutes les incertitudes, un chevalier débutant et pétri de conseils qu’il ne faudrait pas forcément suivre. Et pourtant, c’est ce chevalier que le Graal a choisi, signe que Chrétien de Troyes préfère assurément la fragilité humaine à la perfection infaillible. Car au-delà de tout ce qui sera fantasmé au cours des siècles autour de la glorieuse coupe, il ne faudrait pas perdre de vue que le Graal parle avant toute chose à l’âme humaine, il reflète nos désirs et nos peurs, il anime notre soif d’aventure et nous attire vers la lumière, il parle de cet autre oublié qu’il faudrait retrouver, et peut-être parle-t-il principalement de nous-mêmes, le Graal étant avant tout en nous.
C’est probablement le sens du fameux épisode du sang sur la neige du Conte du Graal ; il s’agit là d’un thème folklorique auquel Chrétien de Troyes a donné une portée et une force littéraires remarquables :
« Le sang et la neige ensemble
Sont à la ressemblance de la couleur fraîche
Qui est celle du visage de son amie.
Tout à cette pensée, il s’en oublie lui-même. [...]
Il n’était plus que regard. [...]
Sur les gouttes rêve Perceval,
Tandis que passe l’aube. »
Le sang sur la neige que contemple Perceval est bien celui d’un souvenir. Mais cette vision du sang, c’est avant tout l’éveil des sens, c’est l’image poétique de ce que l’on ne sait plus nommer, mais qui nous manque intimement ; ce n’est pas une extase, mais bien un rêve éveillé, une métaphore de ce qui nous anime et ce qui nous attend, l’aventure de l’amour peut-être, l’aventure de la vie sûrement.
Le mythe du Graal est le mythe de la soif de l’âme, il raconte ce que le cœur humain a de plus merveilleux et de plus secret ; et si le Graal annonce une éternité resplendissante, il faut comprendre qu’il offre avant tout l’illumination humaine. Le Graal est peut-être sacré, mais c’est le rêve humain qu’il suspend dans les cœurs qui est encore plus sacré.
Si le Comte Dracula de Bram Stoker donne l’immortalité, le Graal de Chrétien de Troyes promet l’éternité ; mais les deux romans sont bien initiatiques, il s’agit de s’approcher du sang de l’outre-tombe et de désirer le sang de l’autre vie. Dans les deux textes, le sang est lié au désir et aux sentiments exacerbés, Dracula nous parle d’une possession qui défierait la mort, le Graal nous invite à une quête d’amour. L’amour, le mot est lâché, car le sang, c’est aussi l’amour, on saigne d’amour, on pleure du sang, et ces larmes qui coulent, c’est bien le cœur qui saigne, Rûmî dira ainsi :
« Nos yeux, nos visages, nos cœurs sont ensanglantés. »
Beaucoup de civilisations ont considéré le cœur comme étant le siège des sentiments ; au-delà de la pulsation de vie, le cœur est avant tout le centre des émois, et Rûmî d’écrire encore :
« Et le sang de mon cœur a coulé jusqu’au sol,
Viens et vois ce que l’amour a fait de moi. »
Le sang était la mort, il est devenu la vie et a donné l’amour ; « Quel bonheur de comprendre que son sang coule dans les veines de l’objet aimé », précisera ainsi Bram Stoker dans Dracula. Imprégnant les champs de bataille, s’échappant du corps des femmes, transmis comme une menace ou versé comme une offrande, le sang est là, il coule inexorablement comme un sentiment précieux.
Et malgré cette présence de tous les instants, le sens du sang est vraisemblablement dans le « sans » ; en effet, c’est quand il s’éclipse qu’il inonde tous les imaginaires. Aussi peut-on lire à la fin de Dracula : « Chose curieuse, dans l’ensemble des témoignages qui composent le dossier, c’est à peine s’il y a une pièce authentique ». Car la force du mythe du sang réside peut-être principalement dans son évanescence ; ainsi Dracula peut-il bien engendrer toutes les peurs du roman, il s’insinue cependant entre les lignes, tel le Graal, objet d’un désir inassouvi et éternel absent. C’est bien l’imaginaire qui rend le sang puissant, et finalement sacré.
Le sang est mort, il est naissance, il est renaissance ; il est la peur, il est le désir, il coule dans nos veines, mais il nous échappe. Au-delà de tous les fantasmes et toutes les transcendances, le sang est bien la vie, la vie dans ce qu’elle a de plus humain, la vie dans son cycle éternel. Le sang circule dans le corps humain comme les hommes cheminent dans leur histoire.
Note 1 :
Pour celles et ceux qui auraient envie d’approfondir leurs connaissances sur le mythe du sang et les multiples et étonnantes facettes du vampirisme, je ne saurais que trop conseiller le jeu Dracula 3, la Voie du Dragon que vous pouvez découvrir et télécharger sur cette page.
C’est un jeu un peu ancien (il fonctionne toutefois sur OS X Mountain Lion), aux graphismes soignés, mais assez statiques, qui vous surprendra néanmoins par la richesse de son contenu et l’intelligence de son scénario ; que vous aimiez l’Histoire, l’histoire de l’art ou les mythes littéraires, que vous vous intéressiez aux sciences humaines, à la biologie, aux sociétés secrètes ou au symbolisme, je pense que ce jeu, assez difficile, saura vous toucher.
Note 2 :
Je souhaite préciser que les recherches de Jean-Paul Roux et le Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant m’ont grandement accompagnée dans la rédaction de cet article.
, le 16.05.2013 à 09:10
Merci pour ces trois superbes billets. Très, très beau travail.
, le 16.05.2013 à 09:55
Je dirai même plus : Quelle écriture !
Cela étant dit, il va nous falloir un certain temps pour digérer ce texte et en tirer la substantifique moelle.
J’imprime, je lis et je reviens. Merci Anne.
, le 16.05.2013 à 10:08
Et dire que vous vouliez écrire tout cela dans un seul article!:-)
Merci pour le superbe travail.
, le 16.05.2013 à 15:30
Merci pour ces billets qui ont dû demander beaucoup de travail.
, le 16.05.2013 à 18:19
Quelle série ! Bravo et merci pour ces articles si fouillés et passionnants
, le 16.05.2013 à 18:22
Anne L,
Vos trois articles ont été tout à fait fascinants et j’ai beaucoup apprécié cette lecture. Je suis de plus “hallucinée” de voir que vous alliez des connaissances qui, pour moi, sont presque “antinomiques” (Maupassant et mangas par exemple).
J’espère que vous avez une autre trilogie en préparation !
, le 16.05.2013 à 18:54
Merci anne pour ces articles, Comme M.G. je vais imprimer pour une lecture plus agréable, le texte le mérite.
, le 16.05.2013 à 21:40
Merci beaucoup, vos commentaires et votre gentillesse me touchent beaucoup !
ysengrain, un grand merci ! Je m’interrogeais au sujet de la porphyrie en rédigeant l’article ; sauriez-vous si les traitements proposés actuellement sont efficaces et s’ils parviennent à soulager les malades, ce que je souhaite naturellement ?
Marc, merci beaucoup ! Je lirai vos remarques avec grand plaisir et beaucoup d’attention.
François, merci de votre confiance ! Effectivement, il valait bien mieux publier trois parties, c’était plus sage ainsi, et plus reposant pour les yeux. :-)
Tom, un grand merci également ! Cela m’a pris un peu de temps pour rédiger ces billets, c’est vrai, mais j’ai lu des textes si passionnants que j’ai eu beaucoup de plaisir à les préparer.
Radagast, un grand merci à vous ! Je suis heureuse que ces articles aient pu vous intéresser et toucher les lecteurs qui passent sur ces pages.
Madame Poppins, merci mille fois ! Votre remarque sur Maupassant et les mangas me touche sincèrement, je crois que vous soulevez là une question que peut-être d’autres personnes se posent également et qui est pertinente : peut-on aimer la littérature dite classique, cheminer avec elle, et apprécier d’autres formes de littérature, la bande dessinée ou les mangas par exemple ? Je pense que c’est très possible parce que les bandes dessinées occidentales ou japonaises sont comme toutes les littératures, elles proposent de très belles histoires, intelligentes et bien écrites, et des récits moins intéressants, même si par effet de mode, ce sont souvent ceux-là qui sont mis en avant. On ressent parfois une appréhension envers les mangas, et de fait, le lecteur potentiel est souvent noyé dans le flot de publications inégales qui paraît et le côté un peu réducteur que certains sites dits spécialisés présentent ; je ne suis pas une lectrice frénétique de mangas, mais ma curiosité m’a permis de découvrir certains titres humanistes qui mériteraient d’être connus en dehors du cercle des « consommateurs » habituels de cette forme de littérature. Cela me fait penser que j’aimerais un jour prochain vous parler des chevaliers errants et autres vagabonds de la littérature (ce ne sera peut-être pas une trilogie cela dit), et à ce sujet vous proposer un manga qui a tout pour toucher non seulement les adolescents, mais également les adultes, avec une pensée particulière pour ceux qui œuvrent à éduquer les plus jeunes, ce manga pourrait leur être utile. Donc voilà, j’essaie de m’intéresser aux histoires du monde. :-)
Laurent, merci beaucoup ! Je suis très touchée que certains d’entre vous impriment l’article.
Je voudrais aussi remercier ici art_graphic qui a écrit un très gentil commentaire à la suite de l’essai sur le sang, encre de la mort ; art_graphic, je suis désolée de n’avoir découvert votre intervention que ces jours-ci, mais sachez qu’elle m’a touchée.
François, comment puis-je savoir qu’un lecteur poste un complément à un article ? Je vois qu’il y a une case « Notification » à cocher au-dessus de la fenêtre des commentaires, est-ce la solution ? Mais est-ce que cela fonctionne pour les articles également ?
Encore merci à tous !
, le 17.05.2013 à 08:24
Bravo pour et article riche et passionnant. Comme d’autres, il ira rejoindre mon dossier “CUK”. Et j’attends patiemment les vagabonds de la littérature !
, le 17.05.2013 à 12:28
Merci pour cette somme !
Je n’ai jamais vraiment accroché aux histoires de vampires « classiques », sans doute ai–je été influencé par Le bal des vampires de Roman Polanski que j’ai vu assez jeune, et donc, pour moi, une histoire de vampires, c’est plutôt rigolo ;o).
Je pense donc immédiatement à Les morsures de l’aube de Tonino Benacquista, La vierge de glace de Marc Behm ou encore les nouvelles de Vamps de Norman Spinrad, que des petites merveilles.
z (quand au Graal, je ne peux penser qu’aux Monty Python, je répêêêêêêêêête : ou éventuellement à Indiana Jones…)
PS : une petite illustration, pour finir :
Au cours d’un concert un peu remuant, un slammeur (c’est quand le quelqu’un se jette dans la foule, depuis la scène), a un peu raté son plongeon et a atterri juste sur moi (ou alors, c’est moi qu’il visait), qui ne demandait rien, sur le coup, je n’ai rien senti, mais après 5 minutes, mon appareil était tout poisseux, j’ai été faire un tour en coulisses pour avoir un peu de lumière, et en fait, j’avais une veine du bras qui avait éclaté sous le choc, et j’étais tranquillement en train d’attendre que ça s’arrête quand des membres du groupe qui passait en premier se sont inquiété de mon cas et ont été chercher le pompier de service qui m’a fait un point de compression pour stopper le fleuve rouge… Je n’ai pas pu m’empêcher d’immortaliser la flaque sur le carrelage blanc :
https://www.dropbox.com/s/9wmwismugamfi0g/Blood.jpg
, le 19.05.2013 à 18:13
Préavis favorable; toutefois je me réserve une lecture imprimée car certaines transitions me semblent à première lecture relever davantage de l’acrobatie que d’un mouvement logique. Bref, je demeure méfiant et me retire en ma tanière pour vous lire à tête reposée. Vous tiendrai (publiquement ou non) au courant de mon avis définitif. A.
, le 20.05.2013 à 10:28
Tout d’abord, je remercie la sympathique (et anonyme) personne qui m’a permis d’être dorénavant informée des commentaires postés à la suite de l’article.
Merci également à ysengrain qui m’a gentiment envoyé les renseignements que je demandais sur les porphyries ; celles-ci étant des maladies orphelines, ça me donne l’occasion de rappeler ici combien il faut soutenir les personnes qui souffrent de ces maladies, elles sont parfois tellement isolées.
soizic, merci beaucoup pour votre commentaire ! Je ne sais pas si je me lancerai dans l’écriture de l’article sur les vagabonds littéraires ce mois-ci, car je vais traverser des semaines un peu compliquées, mais je le ferai rapidement, le thème me semblant fort intéressant et permettant de parler également du cinéma. Je vois que je ne suis pas la seule à avoir un « dossier Cuk » ; le mien est rempli d’articles qui m’accompagnent depuis des années et me nourrissent. Encore merci, soizic !
zit, un grand merci ! Votre commentaire me fait penser que ça fait longtemps que je n’ai pas revu Le Bal des vampires, il va falloir que je le regarde un de ces jours. En revanche, Sacré Graal ! des Monty Python est un film que je revois souvent, comme La Vie de Brian d’ailleurs ; vous savez, beaucoup de médiévistes travaillant sur le Graal aiment Sacré Graal !. Et c’est aussi le cas pour la libre adaptation du Conte du Graal proposée par Steven Spielberg, car c’est un film fidèle à l’esprit de Chrétien de Troyes ; inutile de dire que j’ai vu cette dernière croisade plusieurs fois, d’autant qu’un professeur avec lequel je travaillais ressemblait au Sean Connery du film ! :-)
Les Monty Python, Spielberg… Le mythe du Graal a grandement imprégné la culture occidentale, et même au-delà ; sans qu’on s’en aperçoive forcément, il a des avatars dans la littérature moderne, dans l’heroic fantasy, au cinéma, dans la publicité, il est vraiment ancré dans les mentalités.
Je n’ai pas lu les trois titres que vous mentionnez, je connais Les Morsures de l’aube à travers l’adaptation d’Antoine de Caunes, mais hélas, ma connaissance s’arrête là ; ce que j’ai lu à propos de ces livres m’a l’air intéressant et je vous remercie de m’en avoir fait part.
Quant à votre anecdote, elle est à la fois inquiétante, parce que vous ne deviez pas être en grande forme après cet incident, et drôle, grâce à votre recul et votre humour. Et vous me confirmez quelque chose qui me stresse grandement quand j’assiste à des concerts de rock, à savoir qu’il me faut surveiller la scène pour éviter que quelqu’un ne me saute dessus ; ça a bien failli m’arriver une fois, mais fort heureusement, la personne a sauté juste à côté de moi ! Un grand merci pour votre gentillesse, votre humour et vos conseils, zit !
Alias, je vous remercie sincèrement pour votre commentaire qui soulève un point intéressant, à savoir que cet article, assez long, méritait peut-être d’être accompagné de son plan détaillé. Cela dit, dévoiler les coulisses, est-ce vraiment passionnant (et je m’excuse par avance auprès de vous tous pour les lignes explicatives qui vont suivre) ? Quoi qu’il en soit, pour essayer de vous accompagner dans votre lecture, voici l’ossature de l’article en quelques lignes. Elle est de facture classique, je précise cela à titre informatif et non par prétention, l’article étant une tentative d’étude comparatiste ; à ce titre, j’ai essayé de concevoir un plan à la fois progressif et en miroir. Je dois avouer qu’élaborer un plan est un travail que j’ai toujours aimé, c’est tellement agréable d’organiser les idées, de chercher de jolis titres, et c’est tout aussi passionnant d’enseigner ensuite aux élèves comment procéder, de voir leur pensée se structurer, on apprend tellement en enseignant !
Comme cette troisième partie de l’article s’articule autour des fantasmes et des transcendances liés au sang, donc autour du mythe de Dracula et du mythe du Graal (ce sont-là deux grands mythes du sang), j’ai divisé le plan en quatre parties, Dracula et le Graal formant les parties 2 et 4, parties que j’ai liées à deux mouvements en rapport avec elles, à savoir un sang élitiste dans la partie 1 et un sang lié à l’âme dans la partie 3, puisqu’évidemment, qui dit vampires dit hiérarchie supposée et qui dit Graal imagine une forme d’élévation.
Le sang bleu, lié aux classes, permet d’enchaîner sur un sang instrumentalisé par la politique, un sang qui répertorie les êtres humains, ceci à l’image des groupes sanguins qui les classent également, et j’explique que cette hiérarchisation du sang instaure une vision élitiste.
Ce qui permet de continuer sur le mythe des vampires né d’une volonté d’imaginer des surhommes ; je débute la partie par l’histoire des vampires suivie de Dracula, et comme celui-ci est lié aux fantasmes et à la thématique de la transmission, je parle d’abord de la porphyrie, « maladie des vampires » (qui fait miroir aux groupes sanguins précédemment évoqués), puis du sida, maladie liée à bien des fantasmes également et évidemment à la transmission ; quant à la vision de Francis Ford Coppola, elle s’inscrit dans cette thématique du fantasme, d’autant plus que le film est sorti au cœur des années sida et que Coppola le soulignait à l’époque.
Dracula personnifiant le sang, il ouvre naturellement la partie 3 puisque j’explique que le sang a été vu comme une entité vivante par bien des civilisations et qu’il fut même lié à l’âme. Je développe ensuite ce qui découle de ce lien, à savoir le rapport à la mort et au divin, et donc au sacrifice. Le sacrifice des hommes est alors abordé, suivi de celui des dieux, en précisant en parallèle les subterfuges proposés et par les hommes, et par les dieux, ainsi que les substituts du sang. Le vin comme substitut par excellence nous permet, tout en restant dans la thématique de l’âme, de parler du Christ et des dieux sacrifiés, la mystique royale s’inscrivant dans la même vision sacralisée du sang que nous retrouverons avec le Graal, la coupe du sang du Christ servie à un roi.
L’enchaînement avec le Graal me paraît donc évident. Je le présente d’abord, j’interprète la scène du Graal ensuite, scène qui unit le sang au rêve (ce qui donne donc comme mouvements l’élite, les fantasmes, des hommes et des dieux et enfin le rêve, vous pouvez ainsi voir les échos entre les parties). J’explique que le Graal de cette scène deviendra une merveille sacrée au fil du temps, ceci en étant une coupe, et la coupe étant liée au principe féminin, je tente ensuite de montrer le lien existant entre la femme et le Graal (ce qui fait miroir avec la deuxième partie de l’article qui s’articulait autour des femmes) ; des femmes, du Graal et du désir, j’en arrive à l’interprétation du sang sur la neige qui les concerne tous les trois. Cet épisode me permet de dire que le Graal est humain avant tout, l’humanité, le sang et le rêve étant contenus dans le Graal.
Je continue en liant Dracula au Graal, les deux étant associés au thème du désir, et donc aux passions et au cœur ; celui-ci est même lié au sang qui coule dans la littérature, ce que je remarque. Enfin, je parle du « sans », car la notion d’absence s’applique aussi bien à Dracula qu’au Graal. Et je conclus en essayant de faire écho à l’introduction générale qui se trouve dans la première partie de l’article.
J’espère que cette explication un peu technique vous aura été utile, Alias, c’est son seul but, et je m’excuse une nouvelle fois de vous avoir éventuellement tous endormis avec cette structure. Quand il s’agit de plan, il ne faut pas non plus oublier que chaque personne a sa propre logique et qu’on peut imaginer, à partir d’un même sujet, plusieurs dissertations qui seront toutes intéressantes, mais construites sur des plans aussi différents que cohérents ; c’est là une des richesses du travail littéraire d’ailleurs, car c’est passionnant de voir en quoi la pensée doit suivre des codes pour être intelligible, mais conserve avant tout une grande liberté d’expression.
Je vous remercie très sincèrement d’avoir imprimé l’article et de lui avoir prêté attention ; en effet, ça me touche quand une personne prend la peine d’écrire un commentaire, une remarque, de participer à la discussion. Ce qui m’amène à vous dire avec bienveillance qu’il serait intéressant que vous nous fassiez part de vos lectures et de vos connaissances, ça permettrait l’échange d’idées et ce serait enrichissant. Et je ne crois pas que la méfiance soit vraiment nécessaire, il n’est rien à redouter ici, nous sommes sur un site de passionnés et non devant un jury de thèse ou que sais-je, aussi suffit-il de lire, de commenter avec des arguments constructifs, bref, de participer, chaque lecteur ayant quelque chose à ajouter, j’en suis convaincue. Et c’est avec plaisir que je vous lirai, Alias, car au même titre que toutes celles et tous ceux qui me font la gentillesse de m’accorder un peu de leur temps, je suis intéressée par vos messages.
Une nouvelle fois, merci à tous !