Rachel Z au Chorus

«Attention, ce soir c'est du lourd!» Je me souviendrai longtemps de la présentation de ce fabuleux  concert, le vendredi 11 mai, au Chorus, hélas rempli au tiers seulement… Effectivement, c'était du lourd, trois très grands musiciens de jazz (mais pas seulement de jazz): Rachel Z (alias Rachel Nicolazzo) au piano, Solomon Dorsey à la contrebasse, et l'immense Omar Hakim à la batterie (Santana, Weather report, Sting et Miles Davis, mais oui, dans «Tutu», c’est lui !). Probablement un des meilleurs batteurs du monde…

Rachel Z est peu connue en Europe, elle ne fait pas les grandes salles, mais c'est une fabuleuse pianiste et la liste de ses collaborations est impressionante: Steps Ahead, Peter Gabriel, Al di Meola, Stanley Clarke, Wayne Shorter…

Elle fait aussi partie du réseau de musiciens de jazz ArtistShare, tout comme Maria Schneider, dont j’ai parlé dans un article il y a quelques temps. Il s’agit d’un site regroupant des musiciens de jazz faisant eux même la promotion de leurs œuvres par le web.

Solomon Dorsey, beaucoup plus jeune, a joué avec Madeleine Peyroux: pas mal, pour un début! Un vrai contrebassiste de jazz, avec des gros biscottos et un sourire de gamin…

Ces 3 musiciens jouent sous le nom «Trio of OZ»: O pour Omar, et Z pour devinez qui. Ce sont les deux stars, en plus mariés depuis peu!

J'avais déja vu Rachel Z en trio, dans la même salle il y a 2 ans, mais avec d'autres musiciens: Maeve Royce à la basse (excellente), et Rodney Holmes à la batterie, issu du rock, pas très convaincant en jazz et surtout très… percutant! Au point de couvrir parfois complètement le piano…

Le style de Rachel Z est très particulier: beaucoup de reprises de grands standards de la chanson anglophone actuelle (Sting, Joni Mitchell, Depeche Mode, Neil Young, entre autres), mais avec une grande richesse d’improvisation. Cela me fait parfois penser à un autre pianiste de jazz: Herbie Hanckok… (The Joni Letters)

Elle n’a pas enregistré beaucoup de disques à son nom, les deux meilleurs étant à mon avis «Moon at the window» (arrangement de chansons de Joni Mitchell), et surtout son dernier CD : «The trio of OZ»

L’art du trio est peut être ce qu’il y a de plus difficile en jazz : mais quand la mayonnaise prend, que la complicité est totale entre les musiciens, quel plaisir !

Et ce fut bien le cas cette fois : après que Rachel ait entamé une petite introduction, la puissante machine du trio se mettait en route. Ce qu’on appelle une section rythmique du feu de dieu, avec une paniste aussi subtile, des montées en puissance magnifiques, un vrai régal de les voir jouer, et même éclater de rire parfois ! De la musique à réveiller les morts…

Et puis j’adore sa façon d’enchaîner les morceaux. J'ai fait quelques photos, mais n'ayant pas la possibilité de me déplacer, ni d'utiliser le flash, difficile de réaliser des chefs d'œuvres!

Je ne me souviens pas de tous les morceaux joués, mais au moins deux ont retenu mon attention : ESP de Miles Davis / Wayne Shorter, et King of Pain, de Sting. Et surtout le solo d’Omar Hakim, une démonstration de virtuosité à la batterie : les baguettes, les mailloches, les balais, les mains nues, la totale, quoi ! Je suis incapable de dire si ça a duré 5 ou 20 minutes ! La percussion à ce niveau là, c’est tout simplement de la folie…

Dommage, pas de morceau piano solo pour Rachel… C’est toujours très impressionnant un(e) pianiste de jazz qui se passe de sa section rythmique pour un moment d’écoute attentive.

Je n’oublie pas non plus l’extraordinaire Solomon Dorsey, utilisant joyeusement l’archet sur sa contrebasse.

Mais quand même : que se passe t-il avec le jazz actuellement pour qu’un concert de cette qualité n’attire que si peu de monde ? Peut-être que ce ne sont que les valeurs absolument sûres qui marchent, dans des très grandes salles ? Ou bien y a t-il trop de festivals qui, avec leur promo gigantesque, font de l’ombre aux petits clubs ?

Ça fait des années que je viens à Chorus, j’ai l’impression d’y voir chaque fois moins de monde… Et pourtant, les meilleurs concerts de jazz, c’est dans ce genre de petit club que je les ai écoutés, même s’il ne sont que très peu fréquentés par les grandes stars qui exigent des cachets astronomiques. La proximité avec le public est essentielle dans le jazz, on ne la trouve hélas pas tellement dans les grandes salles genre Victoria Hall. En revanche dans un petit club, on a en prime le plaisir de pouvoir discuter avec les musiciens à l’entracte ou à la fin du concert.

Rachel Z présente son groupe…

… Et prépare ses partitions

Et c'est parti pour 2 heures de bonheur.

Une grande complicité entre ces musiciens.

Un vrai contrebassiste de jazz!

Omar Hakim, un des plus grands batteurs de jazz.

Une aisance totale avec les baguettes…

… Mais aussi avec les mains nues.

Une inspiration constante au piano.

On range les partitions…

On remercie le public…

… Et c'est la fin (snif!)