Vous le savez, j'adore m'amuser en macro, au rapport un sur un, voire micro–photographie, je vous avais promis une suite, mais j'ai été assez occupé sur un autre projet. Bien que je turbine encore dessus à fond, j'ai profité d'un petit stage à l'atelier métal de l'école pour me détendre un peu à faire des copeaux d'aluminium pour la suite tant attendue.
Je voulais aller au maximum de ce que l'on peut faire en microphotographie, en restant avec du matériel photo de base : un boîtier, des optiques, sans microscope.
J'avais plus ou moins promis de parler du soufflet, et bien, ce n'est pas pour aujourd'hui, vu que les essais que j'ai fait me donnent de bien meilleurs résultats en terme de piqué avec une baleine.
Les accouplements contre–nature avaient déjà été évoqués dans l'article sus–mentionné, mais j'étais impatient de tester ça avec une plus longue focale sur le boîtier, et une plus courte retournée. J'ai dégoté en brocante ou à Bièvres diverses petites choses. Dont l'intérêt principal est qu'elles sont conçues pour des surfaces sensibles de petite taille (du film 8 mm, Super 8, 9,5...), donc, me disais–je, plus précises pour l'application qui nous intéresse (enfin, qui m'intéresse, vous, je ne suis pas sûr, mais c'est pas grave).
Au cours de mes premiers essais, les problèmes du cadrage et de la mise au point ont sensiblement freiné mon enthousiasme : environ 45 minutes pour cadrer son sujet à peu près comme on voudrait qu'il soit et faire la netteté, c'est un enfer, d'autant plus que certains sujets a priori prometteurs n'ont finalement aucun intérêt à des grandissements pareils. J'ai donc sagement attendu de trouver tout le matériel dont j'avais besoin pour me faire un « petit » statif au poil permettant de régler facilement la mise au point, pourvu d'un autre dispositif autorisant de faire bouger le sujet sur les axes x et y.
Voici l'engin :
Une colonne d'agrandisseur Durst 900 (du costaud, trouvée dans la rue, à Versailles) sur laquelle j'ai usiné un système pour venir y monter un support pour platine rapide Velbon afin d'y positionner la baleine (un bon vieux 2,8/300 AFI). En bas, un petit ascenseur (la dernière pièce qui manquait au système, trouvée à la braderie de Houilles) à mollette de laboratoire d'optique, parfait pour peaufiner la mise au point (un tour de molette pour un millimètre), surmonté d'une magnifique platine x y de microscope Nikon (trouvée à Bièvres il y a trois ans) pour les déplacements du sujet.
Premiers essais
J'ai vraiment bien fait de me bricoler un truc comme ça, parce que le problème, quand on arrive à des rapports pareils, c'est que quand c'est pas net, il n'y a pas d'image, rien qu'un désert gris s'il y a de la lumière ou noir si pas éclairé. Dans le cas d'un objectif Nikon monté à l'envers, je me suis aperçu que la distance de mise au point entre le sujet et la baïonnette de l'optique était toujours la même, et il s'avère que c'est la distance de tirage mécanique (on aura intérêt à se reporter à la page anglaise de wikipedia contenant un tableau très complet sur le sujet, ou l'allemande, avec un autre tableau), à savoir, dans le cas présent, 46,5 mm. Mais dans le cas des petites optiques chinées à droite et à gauche, montures inconnues, exotiques (8 mm, 9,5, Super 8 ?), il faut y aller au pif, tranquillement. Et ça ne marche pas !
À aucun moment je n'ai eu une image, même floue, rien du tout ! Comme ça fonctionne parfaitement avec une optique Nikon ou Leica (couvrant le format 24 x 36), avec une distance d'approximativement 20 mm entre les deux lentilles frontales (ça peut varier, en fonction du nombre de bagues d'adaptation de diamètre nécessaires ;o), j'ai soupçonné que la distance entre les deux frontales pouvait avoir une incidence (la bague principale ayant été réalisée au tour, le défaut de centrage n'est pas une option envisageable).
J'ai fait des essais en rapprochant le plus possible les deux optiques, rien à faire, toujours pas d'image.
J'ai donc longuement bricolé pour pouvoir adapter un petit soufflet en 42 à vis sur la baleine, sur lequel j'ai encore passé un moment à monter une crevette, ça me fait une distance pouvant varier d'environ 50 mm à 150 mm. J'ai testé, longuement, à environ toutes les tailles de soufflet (et bien sûr, à de nombreuses distances de mise au point), et toujours rien !
J'ai encore un peu bidouillé pour avoir une sorte de rampe hélicoïdale de plus courte distance que le tirage minimum du soufflet, et toujours rien... Si vous avez une idée de ce qui ne fonctionne pas, et surtout une solution à me proposer, je suis preneur !
Peut–être un problème de diamètre, le plus petit objectif, un Boyer, sans focale précisée a un diamètre de filetage (pour un filtre, donc) de 24,5 mm (et j'ai une bague 24 mm, une autre 25 mm, mais non, c'est 24,5, il a fallu que je bricole encore un truc pour le faire se tenir à peu près (le plus possible) parallèle au plan du film (ou perpendiculaire, c'est selon ;o), le 2/9 mm Leica fait 28 mm (mais j'ai une bague 28 mm qui ne correspond pas) et le 300 a un diamètre de plus de 120 mm...
Un petit dessin explicatif :
j'ai simplifié.
Bon, la crevette, je laisse tomber pour l'instant, c'est dommage, mais j'ai quand même du grain à moudre, et un article à rendre à l'heure...
Grossissement et netteté
J'arrive, en montant un objectif "TV lens 1,6/16" Cosmicar retourné et un multiplicateur x 1,4 plus un téléconvertisseur x 2 sur le 300 à cadrer environ 0,3 mm de large, ce qui, sur un capteur d'OMD, qui est en micro 4/3 et mesure 17,3 mm de large, nous fait un raport de reproduction d'environ x 56, et c'est quand même considérable sans avoir recours à un microscope. Mais la qualité d'image obtenue est médiocre, sans doute le Cosmicar n'est pas une optique fabuleuse, et surtout, il y a un énorme problème de vibrations, il suffit que je respire dans la pièce pour que l'image danse, et quand je marche, même délicatement, c'est spectaculaire... J'ai fait des essais avec à peu près toutes les optiques à ma disposition à partir du 50 mm et en dessous, et moins on grossis, meilleur c'est ! Avec un Fisheye Nikon 2,8/10,5, j'arrive à environ x 28 sans les multiplicateurs (0,6 mm de cadré), la qualité est meilleure qu'avec le Cosmicar, mais c'est quand même pas trop net non plus. J'ai continué avec un Nikon 2,8/20 AIS, qui me donne environ 1,1 mm de champ couvert, soit un grossissement d'environ x 15 à x 16, c'est mieux; puis avec encore de nombreuses optiques, du 28 au 50 mm, le résultat s'améliorant grandement avec un moindre grossissement, certainement ces histoires de vibrations.
J'ai fabriqué un système avec une LED puissante munie d'une lentille convexe (très) convergente pour éclairer. En effet, à ces tailles de sujet, le réflecteur d'un flash, ou n'importe quel éclairage, est une source de lumière diffuse (plus la taille apparente de la source de lumière est grande, plus la lumière est diffuse, plus la taille apparente de la source de lumière est petite, plus la lumière sera ponctuelle, j'ai appris ça dans l'excellent Manuel d'éclairage photo dont François avait parlé à sa sortie), et donc, il fallait essayer de concentrer au maximum le faisceau lumineux pour avoir le plus de relief possible.
Finalement, la LED de 1 watt, bien qu'extrêmement forte et très bien focalisée par la lentille ne suffit pas à obtenir des vitesses d'obturation assez rapides pour éviter le flou de bougé, j'ai fini par inventer un bidule pour mettre la lentille devant le réflecteur d'un flash cobra pour avoir la patate...
Au premier plan, le mécanisme de mise au point micrométrique surmonté de la table croisée, derrière à gauche, le flash avec sa lentille, je suis assez content de ce bricolage rapide, robuste et réglable.
Ça fonctionne magnifiquement bien, sauf que, comme l'angle d'incidence de la lumière a une importance prédominante à ces échelles, et qu'un flash cobra ne permet pas de contrôler le résultat final, c'est au petit bonheur la chance. il va falloir que je trouve un truc qui me permette de visualiser le résultat des prises de vue avant, c'est indispensable (et pas forcément si simple que ça).
Quelques images avec des trucs qui fonctionnent à peu près.
Bon, j'ai un magnifique machin, qui me permet de faire de superbes observations, mais dès que je veux prendre la photo, c'est moins bon que ce que je vois. Il y a encore du boulot avant que ça soit optimisé, mais ça a quand même bien progressé depuis mes premiers essais, en tout cas, en confort de cadrage et de mise au point. Il faut encore que je trouve un moyen d'éclairer correctement en ayant la possibilité de prévisualiser le résultat, il faut que j'aie des images plus nettes, et il faudrait aussi que je puisse tourner le sujet sur 180 ° facilement, sans le bouger avec mes gros doigts. Voilà donc les résultats de mes premières expériences, c'est impressionnant, mais je crois que je vais essayer de me faire la main à des rapports de reproduction moindres.
Donc quelques images en attendant mieux :
Mes premiers essais ont été faits en cadrant un réglet, un trait valant 0,5 mm, nous avons ici à peu près 2 mm de large (2,8/300 + TC 14 + Leica 1,4/50).
Avec le 2,8/20 mm
Le Cosmicar avec le 300 et les multiplicateurs, grossissement X 56.
Le 10,5, grossissement x 28, c'est meilleur.
Quelques essais de matières, toute la suite avec le 2,8/20 sur le 2,8/300, grossissement X 15 ou x 16 :
Une gomme, vous savez, les rose et bleu, juste à la limite entre les deux couleurs.
Un crayon à papier, la frontière entre le bois et la mine.
La pointe de la mine du crayon, bien taillé !
un ail phone (4s), du texte, partie blanche, avec le début d'une lettre en bas.
un caillou
Encore un caillou (de la fluorite d'Auvergne).
Le même caillou, ailleurs.
Détail d'un tirage argentique par contact.
Détail d'un tirage argentique Frontier.
Détail d'une diapositive (éclairage par transparence, le support du sujet est, au choix, un PMMA transparent, ou translucide, on a pensé à tout !).
Détail d'une diapositive 4 x 5", le sujet est flou, mais au moins un lecteur du site peu le reconnaître (le BigBossPatronD'Ici), et peut–être le sujet lui–même ;o), en petit la reconnaissance est plus facile qu'en grand... (indice : il s'agit d'un rédacteur).
De la croute de pain, bien sec.
La peau d'une poire, bio.
La peau d'une pomme, même provenance.
L'extrémité d'un de mes ongles (je vous épargne une petite croute sur le même doigt, la photo est réussie, mais, je sais que vous êtes nombreux à consulter au petit déjeuner...).
la lame d'un cutter, émoussée.
L'extérieur d'un grain de grenade.
Et voilà, c'est fini pour cette fois. Je suis bien conscient de la médiocre qualité des résultats, mais en ce moment, j'ai du mal à faire autre chose que ça, depuis plusieurs semaines, soit je suis à l'atelier pour bricoler un machin, soit je suis en train de faire des tests, et c'est long, très long...
Le plus surprenant de mes essais : une fleur de lavande séchée ! non seulement ce n'est pas violet, mais d'où viennent donc tous ces poils ?
À suivre...
, le 10.12.2013 à 08:05
Ah, Zit! Tu es vraiment un explorateur né! Réjouissant!
, le 10.12.2013 à 11:50
As-tu essayé un cheveux coupé en 4 dans le sens de la longueur…
Pas un des miens, oeuf corse (;D
, le 10.12.2013 à 12:42
Superbe ! c’est le grain sur le 4×5’ ? Pour le sujet, je crois avoir une idée…
, le 10.12.2013 à 16:09
Il est fou ce zit!
Moi ce qui m’hallucine, c’est tout le temps consacré à cela! Moi qui n’ai en général “pas le temps”, j’admire :)
Par contre, grosse déception: pas de gif animé ce coup-ci :P
Pour la lavande, zit, j’ai mon idée sur l’origine des poils, mais ça risque de ne pas plaire à tout le monde!
, le 10.12.2013 à 21:14
Modane, je suis curieux, il parait que c’est un défaut ;o).
PhB ah, mais oui, bonne idée que celle là, bien que je ne sois pas un fanatique de la post–production, ça me semble être une chose à essayer !
fxc, je n’ai pas encore tenté, mais, ça va venir… (il m’en reste encore quelques uns ;o).
Laurent, oui, c’est le grain…
djtrance, je n’ai « pas le temps » d’ouvrir mon courrier papier plus d’une fois tous les deux mois (environ, pour les factures d’énergie), ni pour plein d’autres choses, entre autre, faire un gif (et pourtant, ç’est un sujet qui s’y prêtait parfaitement).
z (qui retourne à ses tubes pleins de lentilles, je répêêêêêêêêêêête : chouette, encore plein de problèmes à résoudre !)
, le 10.12.2013 à 21:55
Magnifique.
Mais pas pour moi, faut trop bricoler.
Et pas seulement: tes connaissances en optique sont tout de même très poussées.
Parce que non seulement il a fallu la bricoler, cette idée, encore a-t-il fallu l’avoir, la penser, l’améliorer.
Bouhouhou… on se sent nuls à côté de toi!
, le 10.12.2013 à 21:58
Génial, j’adore!
Je n’ai pas tout compris au système, aux problèmes, mais la persévérance, l’ingéniosité et les résultats, j’adore!
, le 11.12.2013 à 13:03
Ahah. Zit mon héros.
Je comprends en général que dalle à tes bricolages fous, mais ça me fait complètement rêver. J’adore. Et les résultats préliminaires sont très encourageants.
, le 11.12.2013 à 18:49
Oh, le titre accrocheur !
Un titre à vous faire passer en navigation privée si l’on n’a jamais lu l’auteur de ce passionnant article ! Avec de nouveaux venus : une crevette et une baleine (1) ! Mais qu’es aquò que cette nouvelle trouvaille de Zit, me demandais-je, tout ébaubi ?
Je me souvenais du Kiloptyque. Une sorte de vitrail des temps modernes, au contenu essentiellement laïc et qui, contrairement à ceux vous imposant leur sens et que l’on ne peut voir que de loin, demande que l’on s’en approche, pour voir … Déjà, scotché ! Drôle de zigue ce Zit ;-)
Et là, un époustouflant boulot d’artisan, qui prend le problème du début, fabrique, avec ses petites (?) mains, les éléments dont il a besoin, les teste et nous montre les résultats de ses nombreuses tentatives dont il n’est évidement pas satisfait (Il sait ce qu’il attend, le bougre !). Un “vrai-tographe”, dixit Saluki, et l’expression est belle et justifiée. Epaté je suis. Peut-être parce que je ne suis jamais allé au-delà de la bague d’inversion sur un 1,4×50 Minolta pour “cadrer” une abeille butinant. Putain d’abeilles …
Juste une question :
Est-ce que tes idées de recherches ont à voir avec ta pratique du vélo de la mort qui tue ? (conséquences des secousses, par exemple) :D
Sérieusement, super article.
(1) Merci pour l’illustration, ça aide !
, le 12.12.2013 à 11:47
François, tu plaisantes, j’espère ? mes connaissances optiques ? mais je n’y comprends rien ! le coup de l’objectif retourné pour faire de la macro, je l’ai découvert sur le ouaibe, justement en faisant un de mes premiers articles sur le sujet, en me documentant, quoi. Et pourquoi ça marche avec certaines optiques et pas d’autres, je n’en sais rien du tout (mais je crois qu’optiquement, le système n’est pas trop simple).
Et puis quand on voit ce que ce photographe arrive à sortir (article DPreview, allez voir aussi son site où il explique avec quoi il fait ça), ça force l’humilité, je trouve, avec mon machin de la mort ki tue, je suis quand même bien moins net que lui, avec son pauvre petit compact avec une optique Zenit retournée, faut encore que je bosse (bon, les rapports de reproduction ne sont pas les mêmes non plus, mais c’est le résultat qui compte) !
Encore pire quand je jette un œil sur les résultats du concours annuel Nikon Small World, je me sens vraiment minuscule…
Donc l’idée de mes articles, ce n’est pas que les gens se sentent nuls à cause de moi, mais plutôt de les encourager à tenter des trucs, à s’amuser avec leurs appareils ;o).
ggkrail, rassures toi, je n’ai pas tout compris moi non plus ;o). Pour la persévérance, je prends mon temps quand même, c’est l’avantage d’avoir plein de projets divers et variés, et puis j’ai un article à rendre par mois, quoi qu’il arrive. Je dois dire que cuk est un très bon moteur à l’investigation en ce qui me concerne : d’une part, pour ne pas faire trop léger (c’est qu’on a un lectorat exigeant), il faut que je cherche, que je me documente, et puis à chaque fois, dans les commentaires, j’apprends de nouvelles choses.
infisxc, faut pas exagérer ! je ne fait que m’amuser… mais oui, je dirais aussi ça « les résultats préliminaires sont très encourageants », ça me va bien comme tournure ;o).
Jean–Yves, oui, je sais, mes titres ne sont en rien évocateurs (à quelques exceptions près) du contenu de l’article, j’ai parfois même du mal à m’y retrouver, et ce n’est pas vraiment une bonne idée du point de vue du référencement, mais ça m’amuse…
Quand à mes mains, elles sont effectivement assez petites (taille 8 en gants, pour un garçon, ce n’est pas très grand), et pas douées, mes mains, je suis ambisénestre (j’ai deux mains gauches), mais avec de la patience, et un bon outillage… Et puis, on fini par apprendre des trucs, par progresser, quand on passe longtemps dans l’atelier (même à bouzinner, faire des petites choses insignifiantes).
z (Quand à mon vélo de la morkitu, il ne secoue pas, je répêêêêêêêêêêêêête : il berce ;–D )
, le 12.12.2013 à 11:58
J’avais vu les photos délirantes du mec sur DPreview et ça confirme ce que j’ai souvent pensé: la macro est un domaine à lui seul dans la photo où il faut faire preuve d’encore plus de patience si on veut faire des progrès… et comme ma patience est proportionnelle à mon amour pour les journalistes… on comprendra que ça le fait pas!