1. Introduction
C'est la rentrée !
Enfin, pour les écoles, en Suisse, c'était il y a un peu plus d'un mois. Et pour les universités, partout en Europe, et en Suisse aussi, c'était il y a un peu moins de deux semaines.
J'adore la rentrée. On revoit plein de monde qu'on ne reconnaît même plus (eh oui, après trois mois de vacances, quand même !), on retrouve les auditoires bondés, les cafétérias où y a jamais de place...
Bref, le bonheur. Si, si, je vous assure.
Sauce bolognaise dans un système bolognais.
La rentrée universitaire rime aussi pour beaucoup avec Bologne et ses points de crédits. Justement le sujet de l'article du jour, ça tombe pas trop mal.
La sauce bolognaise Le Système bolognais peut paraître un peu opaque, de loin. Certains manifestent d'ailleurs contre. Grèvistes, les étudiants ? Souvenez-vous.
Toujours est-il que le Processus de Bologne est souvent incompris. D'ailleurs, peu d'étudiants que je connais - dont certains sont à fond contre - peuvent m'énumérer ses objectifs principaux.
Tentons donc de clarifier ensemble la chose.
2. Le Système de Bologne, en théorie
Petite historique d'abord, le Système de Bologne tel que nous le connaissons actuellement découle d'une suite de conférences et d'accords internationaux complexes. La Déclaration de Bologne (1999), qui a donné son nom au Processus actuel, n'est que la première d'une longue série. Des "mises-à-jour" politiques ont ainsi régulièrement eu lieu depuis lors, mais sans grand changement majeur apparent.
Le Processus de Bologne.
En effet, en 1999, les ministres de l'éducation de 29 pays (dont la Suisse et la France, notamment) ont décidé de signer une Déclaration dans le but de créer un "Espace européen de l'enseignement supérieur". Cela devait être terminé en 2010.
Les objectifs de ce projet étaient officiellement les suivants (d'après le site du Conseil de l'Europe) :
- adoption d’un système de diplômes aisément lisibles et comparables
- adoption d’un système qui se fonde essentiellement sur deux cycles principaux, avant et après la licence
- mise en place d’un système de crédits, comme celui du système ECTS
- promotion de la mobilité en surmontant les obstacles à la libre circulation des étudiants, des enseignants, des chercheurs et des personnels administratifs
- promotion de la coopération européenne en matière d’évaluation de la qualité
- promotion de la nécessaire dimension européenne dans l’enseignement supérieur
Personnellement, je simplifierais un peu et je dirais qu'il y avait au départ deux objectifs principaux :
- uniformiser les systèmes universitaires européens
- faciliter la mobilité des étudiants, des professeurs et des chercheurs
Depuis, peu de choses vraiment nouvelles ont été introduites dans la Déclaration au cours des conférences successives. Le Doctorat a été introduit au Processus de Bologne (2003), en plus du Bachelor et du Master, ce qui fait que l'on a à présent un système fondé sur trois cycles.
Et qui décide, dans notre système bolognais ? Quelques institutions internationales, comme le Conseil de l'Europe ou encore la Commission européenne, ainsi que les pays signataires (47, actuellement), entre autres.
3. Le Système de Bologne, en pratique
Bon, vous me direz, comme ça en théorie, ça a l'air très bien, mais est-ce que cela fonctionne ?
Eh bien, si l'on regarde d'abord le côté "uniformisation" de la chose, ça ne me semble pas trop mal.
D'après les comparaisons de Wikipédia, et même si certains pays sont encore en train de réformer administrativement leur système universitaire, un Bachelor signifie à présent la même chose en Belgique et en Espagne. C'est à dire les trois premières années d'études universitaires. Et une Laurea Specialistica, ou une Maîtrise suivie d'un DEA / DSS, s'appellent désormais simplement un Master. C'est à dire l'année (voir l'année et demie) qui suit le Bachelor.
Tout ça pour ça ?
Vous avouerez quand même que ça simplifie pas mal les choses. Et même s'il le système est encore un peu jeune pour que l'on puisse avoir connaissance des répercussions exactes, je pense que le fait d'écrire "Master en Sciences économiques" sur son CV devrait permettre de montrer rapidement ses connaissances auprès d'un futur employeur, par exemple. Qu'il soit belge, italien ou polonais.
Le CV. Simplifié grâce à Bologne.
Toujours à la page "uniformisation", mais cette fois-ci entre les disciplines universitaires, cela semble également assez bien fonctionner.
À présent, que vous désiriez faire un Bachelor en Chimie ou en Philosophie vous prendra le même temps, c'est à dire trois ans. Ceci permet donc de faire un Bachelor dans une discipline, puis d'envisager un Master dans une autre, complémentaire. À Bâle, il est ainsi possible de faire un Bachelor en Pharmacie, puis de poursuivre avec un Master en Toxicologie, par exemple.
De plus, de nombreuses Hautes Ecoles suisses (n'étant pas des Universités) intègrent peu à peu le Système de Bologne. Ainsi, on peut envisager à l'avenir, et pour une même discipline, une filière plutôt pratique et une autre, plutôt académique, aboutissant au final au même diplôme.
Observons à présent le système du point de vue "mobilité".
Le Processus de Bologne a engendré la création d'un système international de reconnaissance des cours universitaires, le fameux ECTS (European Credits Transfer System). Ainsi, nous autres, les étudiants, devont encaisser des points de crédits afin d'obtenir nos titres universitaires.
Selon le système bolognais, une année d'études universitaires (Bachelor ou Master) équivaut à 60 crédits. Puisque chaque crédit correspond à environ 30 à 35 heures de travail (que l'étudiant doit fournir, pauses-café non comprises), chaque cours universitaire est donc "taxé" selon la difficulté qu'il est censé poser aux étudiants qui s'y inscriront.
Ainsi, un cours d'une heure par semaine engendrant une heure supplémentaire de travail à la maison, et dispensé durant 15 semaines (la durée standard d'un semestre universitaire) aura donc une valeur approximative de 1 crédit ECTS. Vous suivez ?
Malheureusement, en pratique, certains cours sont largement sur-évalués. D'autres, au contraire, ne le sont pas assez. Et ce système a également tendance à orienter les étudiants vers le cours "le meilleur marché", et pas forcément le plus intéressant.
Bref, passons. Le but premier du système de crédits ECTS est d'encourager la mobilité des étudiants. Est-ce vraiment le cas ?
Dans la pratique, je dirais que non. En tout cas au niveau du Bachelor et du Master, il demeure encore aujourd'hui difficile de changer subitement d'Université au cours d'un des cycles. Au sein même d'un pays, ça va encore. Mais au niveau international, les échanges sont limités. Et la paperasse à remplir pour y parvenir décourage sans doute de nombreux candidats.
Les programmes des Universités ne sont également pas spécialement conçus pour les échanges au sein des cycles de Bachelor et de Master. Ainsi, en pharmacie, par exemple, de nombreux cours sont encore toujours bâtis sur quatre ans.
Au niveau du Doctorat, par contre, les échanges semblent très riches et diversifiés. Mais je crains que ce ne soit pas spécialement nouveau. Le Processus de Bologne a-t-il densifié le mécanisme ?
3. Conclusion
Etant étudiant depuis un peu plus de deux ans maintenant, je suis plongé dans le Système de Bologne tous les jours.
Globalement, je pense que les mécanismes d'uniformisation sont une bonne chose pour la reconnaissance internationales des nos "papiers".
D'un autre côté, j'ai déjà entendu de nombreux témoignages d'étudiants qui sont un peu "à côté", car ils ont effectué leur "Bachelor" dans l'ancien système et doivent évoluer dans le nouveau, avec d'autres exigences et d'autres systèmes.
De plus, j'ai récemment entendu des collègues se plaindre des diffcultés administratives pour passer d'une Université à une autre (en Suisse), de cours à rattraper ou de crédits à compenser...
Bon, n'oublions pas non plus que le Processus de Bologne est un peu comme la Cathédrale de Barcelone...
Un éternel chantier !
Et qu'il est sans doute encore tôt pour voir les impacts durables de ce nouveau système universitaire.
J'attends volontiers vos expériences et témoignages (positifs et négatifs) sur le Processus de Bologne, tel que vous le vivez au quotidien.
Merci pour votre lecture et à bientôt,
, le 30.09.2011 à 10:26
L’uniformité, c’est avoir des tomates bien calibrées qui n’ont aucun goût, idem pour les pommes de terre et tant d’autres fruits et légumes. On peut transposer.
, le 30.09.2011 à 13:26
Très intéressante synthèse!
, le 30.09.2011 à 14:29
Ce n’est pas une synthèse, on n’énumère que des points jugés positifs par l’auteur, qui ne voit aucun point négatif…
, le 30.09.2011 à 14:51
Je ne me sent pas l’âme d’un légume, je ne sais pas ce qu’il en est dans vos domaines du point de vue de l’uniformisation de la pensée. C’est vrai que si on est en sciences humaines, il est intéressant, voire même important d’avoir plusieurs angles de réflexion et de pensée. Dans le cadre de ma formation, on touche à plusieurs domaines et l’avantage certain d’être dans Bologne, c’est qu’au moins en Suisse je peut plus facilement voire à quel niveau je me trouve par rapport à des spécialistes dans ce domaine. L’uniformité elle doit être dans la manière de présenter le cour (sur des fiches: objectifs, buts et éléments à aquérir) mais pas dans le contenu enseigné, ce qui peut permettre de développer une spécialisation et/ou des compétences métier plus recherchées.
, le 30.09.2011 à 16:52
C’est en effet bien le cadre administratif des études qui est uniformisé, le contenu reste bien sûr différent d’une Université à l’autre. Pour preuve, de plus en plus de petites Universités se spécialisent sur un domaine très pointu afin de rester concurrentielles et d’attirer quand même étudiants et professeurs. Et proposent, dans “leur” domaine, Bachelor, Master et Doctorats. Reconnaissables partout. Et ça, je pense que c’est à la fois très positif et très diversifié.
Je le répète, plus clairement peut-être, mais je pense sincèrement et personnellement que la mobilité des étudiants, professeurs et chercheurs demeure faible. En ce sens, le système bolognais ne remplit pour l’heure pas l’une des missions qu’on lui avait initialement confiée.
, le 30.09.2011 à 18:19
Selon moi, Bologne ne marche absolument pas… A peine on décide de passer d’une université à l’autre, on a une paperasse inimaginable à faire! De plus, rien n’est simplifié, étant donné que je ne connais personne qui n’a pas dû faire un petit cours à gauche ou à droite histoire de valider un cours!
Constat 1: simplification loupée!
Facilité la mobilité n’est pas non plus une réussite, comme le dit l’auteur! Paperasse énorme, et fort logiquement les uni privilégie les étudiants qui ont suivi l’entier du cursus au sein de l’université… Pour simplifier, les “trucs” cool sont complets!
Constat 2: mobilité ne marche pas!
Observation 1: Grace à Bologne, le prix de certains cursus ont explosés depuis Bologne… En effet, les facs les plus demandées se sont dit que de doubler (ou plus), histoire de se calquer sur les facs anglophones étaient possibles… Quelle réussite!
Observation 2: Pourquoi la signature du traité de Bologne s’est fait en catimini??? Mettant les étudiants et les enseigants devant le fait accompli… Aucune discussion, ou processus participatif (c’est la mode), n’a été fait! Même certain recteur de l’époque ont ouvertement “râlé”?!?
Pour finir, je rejoints les propos plus hauts, je trouve ce récit sur Bologne au peu complaisant, ne mettant que les aspects positifs en avant! D’ailleurs, je trouve que c’est plutôt les aspects “théorique” de Bologne qui sont mis en avant… Et pas la réalité du terrain qui est décrite!
, le 30.09.2011 à 19:00
Ayant été “éduqué” (dans le sens anglo-saxon du terme) dans l’ancien régime, je ne connais pas grand chose du nouveau système qui fait suite à la réforme de Bologne.
Pour les avoir entendus plusieurs fois, je constate que de nombreux professeurs d’université se plaignent de ces “crédits”, qui favorisent potentiellement une mentalité d’apothicaire.
Il y a 25 ans, j’ai entrepris des études de chimie à l’Université catholique de Louvain: deux années de “candidature” et deux années de “licence”.
Ce que j’apprécie rétrospectivement à ce système, c’était le fait du bloc commun pour les trois premières années, alors que la spécialisation n’apparaissait qu’en 4ème année (et éventuellement plus loin avec un doctorat)
De plus, la notion de “crédit” nous était pratiquement inconnue: une année scolaire, on la réussissait (en juin ou en septembre, selon les cas)… ou pas! Personnellement, j’ai toujours considéré qu’une bonne formation, c’étaient non seulement des matières solides, mais également des matières dispensées dans un bloc assez compact, plutôt que de façon hachée.
Je nourris quelques craintes avec le nouveau système, et je serais assez réticent d’envoyer trop tôt des étudiants “aux quatre coins de l’Europe”. J’ai du mal à penser que les matières sont données de la même façon avec un même niveau…
Pour résumer, je dirais que, faire un marathon (>42 km), ce n’est pas compliqué. Le faire d’un bloc et avec un résultat convenable, ça l’est bien davantage!
, le 01.10.2011 à 18:38
Et cette sauce bolognaise, vous la préparez comment ? Boeuf hâché, tomates,céleri, carottes, ail, épices, et au départ, avec ou sans oignons ?
, le 03.10.2011 à 09:39
Pour ma part, je suis Etudiant de Longue Durée. ça fait bientôt dix ans que je sillonne les bancs universitaires.
Le processus de Bologne, j’ai vu l’avant, la mise en place, et l’application. Ben je suis nettement moins enthousiaste que notre auteur du jour.
Quand je dis que j’ai vu, je précise quand même que c’était de très près : j’étais délégué étudiant au sein du conseil de Faculté pendant presque toute cette période.
Pour faciliter la mobilité, plusieurs mesures étaient prévues, notamment la semestrialisation des études et les équivalences mathématiques. De ces deux mesures, je n’ai jamais vu d’application convainquante. Dans la plupart des facultés, les cours sont maintenant semestrialisés, mais encapsulés dans des modules annuels (les crédits étant alloués par module, ça empêche l’étudiant désireux de faire un semestre linguistique de le faire. La mobilité, c’est une année ou rien). Les équivalences mathématiques, c’était le voeux pieux des politiques, c’est-à-dire que les crédits obtenus dans une université d’un pays signataire sont reconnus tel quel et sans considération pour le contenu. Dans la pratique, la plupart des facultés ont adopté les équivalences réelles, c’est-à-dire que les crédits fait à l’étranger ne sont validés que s’ils auraient pu être obtenus sur place. La mobilité perd beaucoup de son intérêt dans ce cas.
La mobilité, qui était sensée être promue, semble même être devenue plus difficile. Les échanges Erasmus sont en légère diminution (mais ça peut aussi être lié à la crise).
Plus fort encore : dans bien des filières, le Bachelor n’a pas de valeur en soi. Lui qui devait être le titre de base, le Master étant déjà un post-grad, est devenu un équivalent d’une demi-license ne permettant pas de véritable débouchés professionnels. Pas dans toutes les filières, mais le cas est assez répandu.
En fait, c’est toute l’idée des crédits qui a été mal comprise. L’idée, très schématiquement, c’est que le système devient étudiant-centré. En clair, c’est l’étudiant qui créé son programme, choisis ses cours et sa charge. Les universités imposent simplement des conditions cadres, par exemple que pour obtenir un titre en sociologie, l’étudiant doit obtenir X % des ses crédits en sociologie.
Cela permet que chaque étudiant, en sortant des études, même le Bachelor, a un profil presque unique. Ce profil est d’ailleurs mis en avant, puisque le titre universitaire est maintenant accompagné du complément au diplôme indiquant la liste des cours suivis et les résultats obtenus.
Dans la pratique, lors de l’établissement des réglements, le corps enseignant a prit peur (“Mais si on laisse les étudiants choisir, il y a des postes qui vont gicler!” (SIC, malheureusement).
Dès lors, une bonne partie de leur effort a visé à verrouiller, boulonner, assurer par tous les moyens les postes existants. C’est là, notamment, que meurt la liberté académique. Au passage, on établit des cursus bien balisés, laissant (pour les chanceux) l’équivalent d’un semestre en option.
Les crédits, sous cette forme, ne servent à rien. Bologne, c’était une idée qui pouvait être intéressante pour les étudiants, mais l’application a mis systématiquement hors de la cible.
Le manque de souplesse du système est devenu tel, que les étudiants devant financer leurs études par un travail en parallèle n’arrivent pas à gérer les deux. Les organisations d’étudiants sont très claires sur ce point.
A mon sens, les cultures académiques européennes étaient trop différentes par rapport à la culture anglo-saxonne dont s’inspire Bologne. Mais avec un peu de recul, j’ai bon espoir que, les profs les plus âgés laissant la place aux plus jeunes, une nouvelle compréhension du système soit possible, et que la prochaine mouture soit agréable pour tous… Mais j’attendrais de voir…
, le 04.10.2011 à 10:41
Je ne peux qu’abonder dans le sens de Jérémie… Etudiant depuis 6 ans à l’Université de Lausanne, délégué depuis 3 ans au Conseil de faculté, depuis 1 an à la Fédération des associations d’étudiants (FAE), je reste sceptique quant à Bologne, ne serait que quant à la mobilité. Celle-ci est mise en avant, mais que de problèmes administratifs, de cours non reconnus entre universités, de crédits non octroyés alors que les cours et les examens ont été suivis et passés… Une belle gabegie et des complications qui n’existaient pas avant.
L’uniformisation a parfois du bon. Sur le papier, je pense que Bologne est un système très intéressant. Toutefois, la mise en vigueur de cet accord a été tout autre. Je le vois encore comme un système conçu par des politiciens, pour des… politiciens.