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Il était un très grand na­vire, qui n’a ja-ja-ja­mais na­vi­gué.

On di­rait que je suis l'en­voyée spé­ciale de Cuk.​ch à Stock­holm en août 1628, pour cou­vrir un évé­ne­ment ex­cep­tion­nel.

On di­rait que je suis ar­ri­vée à Stock­holm quelque jours avant l’évé­ne­ment: le lan­ce­ment du plus grand na­vire de guerre sué­dois de tous les temps, le Vasa.

Et on di­rait, enfin, que j’ai fait mon en­quête.

Avant le voyage inau­gu­ral

De­puis trois ans, char­pen­tiers, scieurs, for­ge­rons, cor­diers, sculp­teurs sur bois, voi­liers, peintres, cof­freurs,  et ainsi de suite s’af­fairent au­tour de ce qui va être, dans quelques jours, le plus grand na­vire de tous les temps. Il a été conçu pour être une ex­tra­or­di­naire ma­chine de guerre, et tout y est dé­me­suré.

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Le chan­tier du Vasa était vi­sible de­puis le pa­lais royal, et sa construc­tion a sou­vent été peinte

Il a fallu mille troncs de chêne pour la coque, et tout est l’ave­nant, les chiffres donnent le ver­tige: poids de la coque, 1'200 tonnes, lon­gueur to­tale, beau­pré in­clus, 69 m, lar­geur 11,7 m, hau­teur (de la quille au som­met du grand mat) 52,5 m, ti­rant d’eau 4,8 m, 1’275 mètres de voi­lure et dix voiles. Et tout à l’ave­nant.

Mais le plus ex­cep­tion­nel, la grande nou­veauté, c’est que le Vasa dis­po­sera de canon sur deux ponts su­per­po­sés, 64 en tout. Cela ne s’est ja­mais fait jus­qu’ici. Ce ba­teau sera donc le na­vire de guerre le plus puis­sant sur les eaux des mers sep­ten­trio­nales. Il en­voie un double mes­sage aux puis­sances eu­ro­péennes: d’une part qu’en dépit du fait que la Suède a perdu plu­sieurs na­vires dans un passé proche, il faut tou­jours comp­ter avec elle, et d’autre part qu’elle tient à gar­der son sta­tut de grande puis­sance. 

Pour le roi Gus­tave II Adolphe, la ma­rine a quatre fonc­tions: «Pro­té­ger la Suède contre les at­taques de l’étran­ger, trans­por­ter troupes et ma­té­riel de l’autre côté de la Bal­tique, gé­né­rer des re­ve­nus en blo­quant Dant­zig et autres ports afin de faire payer des droits de douane à ceux qui de­mandent le pas­sage, et enfin blo­quer des ports en­ne­mis pour em­pê­cher leurs na­vires de par­tir.»

«Et pen­sez-vous, Ma­jesté, que le Vasa pourra faire tout cela?»

«Sans aucun doute. Il peut trans­por­ter plus de 1’000 tonnes, trois cents sol­dats en plus de l’équi­page, et il est for­te­ment armé pour se dé­fendre.»

«En somme, vous avez confiance en lui?»

«Les in­tem­pé­ries et des re­vers nous ont fait perdre quelques na­vires ces der­nières an­nées. Mais nous comp­tons nous re­faire avec le Vasa. Rap­pe­lez-vous bien d’une chose, Ma­dame: le bon­heur de la na­tion sué­doise dé­pend d’abord de Dieu, mais tout de suite après de sa ma­rine.»

Il se di­rige vers la ca­bine du ca­pi­taine, où sont réunis les prin­ci­paux maîtres-ar­ti­sans. En me quit­tant, il me dit en­core: «Il faut que j’aille pres­ser un peu tout ce monde, sinon ce ba­teau ne sera ja­mais lancé à temps.»

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Le Vasa en coupe, avec ses deux ponts de ca­nons

Pour ma part, je par­cours la vé­ri­table ruche qu’est le Vasa. De tous côtés, les gens sou­pirent qu’ils manquent de temps, un char­pen­tier me souffle:

«On lance trop vite, parce que le roi le veut. On fe­rait mieux d’at­tendre, tout n’est pas en­core au point.»

Mais il faut dire pour la plu­part des ar­ti­sans et ou­vriers tra­vaillent, tout sim­ple­ment, aussi vite qu’ils le peuvent. On n’en­tend que de rares chants, re­cou­verts par le bruit des ou­tils.

Les ca­nons ont été ame­nés à bord et pla­cés de­vant les sa­bords. Des tonnes de ma­té­riel, as­siettes et cou­verts en bois pour les ma­rins, en métal pour les of­fi­ciers, nour­ri­ture, us­ten­siles de cui­sine, tout ar­rive presque en même temps. J’es­saie de poser des ques­tions, mais c’est im­pos­sible. Per­sonne n’a de temps pour moi.

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Comme la plu­part des na­vires, le Vasa est cou­vert de sculp­tures. Pour­quoi tant de tra­vail pour un na­vire qui du­rera (si tout va bien) à peine vingt ans? Les sculp­tures sar­cas­tiques sont là pour in­ti­mi­der l'en­nemi, d'autres sont ma­giques et pro­tègent, d'autres enfin ex­priment l'au­to­rité.

Je quitte donc le na­vire.

Dans les jours qui res­tent avant le dé­part, je ren­contre le construc­teur, Arent de Groot.

«Ce n’est pas moi qui ai des­siné ce ba­teau, c’est mon pré­dé­ces­seur, Hen­rich Hyb­bert­son. Il est mort l’an der­nier, et j’ai pris le tra­vail en route. Je ne fais qu’exé­cu­ter. Mais le roi lui-même a ap­prouvé le des­sin et a su­per­visé le début de la construc­tion.»

«Vous me pa­rais­sez sou­cieux?»

«Je n’ai pas d’ex­pé­rience avec un na­vire de ces di­men­sions. Je suis obligé de faire confiance, et par­fois… Nous avons fait un test de sta­bi­lité, et il ne m’a pas vrai­ment convaincu. Mais l’ami­ral Fle­ming était pré­sent, c’est le pa­tron de la Ma­rine, alors vous voyez… Il a constaté comme moi, mais tout ce qu’il a dit, c’est: “Si seule­ment le roi était ici!” Mal­heu­reu­se­ment, il n’était pas là, et per­sonne ne lui a rien dit, il tient tel­le­ment à ce que son ba­teau soit opé­ra­tion­nel que plus per­sonne n’ose le contre­dire. Il est le roi, après tout.»

Le len­de­main, pen­dant que fré­né­ti­que­ment on met la der­nière main au char­ge­ment, qu’on vé­ri­fie que les ca­nons sont bien amar­rés, que les écou­tilles s’ouvrent fa­ci­le­ment, que les mu­ni­tions sont à por­tée de main, le roi part pour la Prusse, il veut re­ce­voir son na­vire à l’ar­ri­vée de son pre­mier voyage.

Le voyage inau­gu­ral

La foule est amas­sée tout au long de la route: le na­vire est re­mor­qué le long de l’île de Gama Stan et di­rigé vers la mer ou­verte. On salue, on se crie des mes­sages, la voix des ma­rins par­vient af­fai­blie jus­qu’à la rive. Le Vasa se di­rige ma­jes­tueux vers le sud et la mer ou­verte, on en­voie quatre voiles. Il est quinze heures.

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Ce ne fut qu'un ins­tant, mais cet ins­tant fut beau.

Les sa­bords sont ou­verts, et le Vasa salue la foule en fai­sant feu de deux ca­nons avant de se di­ri­ger vers le large. C’est à ce mo­ment-là que la force du vent aug­mente, et qu’une ra­fale souffle du sud, for­çant les ma­rins à ra­me­ner les voiles. On a en­trevu un dés­équi­libre, mais rien de grave, et le na­vire conti­nue sa course vers le large. Les sa­bords sont en­core ou­verts lors­qu’une ra­fale un peu plus forte at­teint le Vasa, le na­vire com­mence à ba­lan­cer, l’eau s’en­gouffre dans les sa­bords in­fé­rieurs tou­jours ou­verts. Fé­bri­le­ment, sous les yeux de la foule mé­du­sée, l’équi­page tente de re­dres­ser le na­vire – en vain. Avec une ra­pi­dité à vous cou­per le souffle, le na­vire a coulé. Il n'est pas dix-sept heures.

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La ca­tas­trophe a été peinte de cen­taines de fois

Au­tour de moi fusent les cris les plus di­vers: «Non! Mal­heur! Ce n’est pas pos­sible!» Cer­taines femmes hurlent des noms en ten­dant les bras – leurs maris sont à bord. Des dé­bris de toutes sortes flottent sur l’eau, des ma­rins et les sol­dats qui étaient à bord s’y ac­crochent. Mais on le sait déjà: cer­tains ont été pris au piège, et on ne les re­verra pas.

Les cris se sont trans­for­més en la­men­ta­tion. On voit des femmes ac­cou­rir de par­tout. Des gardes tentent de les conte­nir, mais c’est dif­fi­cile. Elles veulent voir, elles veulent sa­voir. Le fra­cas est im­mense. Des pe­tites em­bar­ca­tions par­courent les flots, pour ten­ter de sau­ver des vies. Et en dépit de tout cela, l’eau est si lim­pide qu’un ins­tant, à cause de la po­si­tion du so­leil, on voit le Vasa au fond de l’eau.

«C’est un mau­vais pré­sage pour la na­tion, un mal­heur de ce genre: pen­sez, un ba­teau qui coule après avoir par­couru un quart de lieue!», me dit un vieux marin, re­con­nais­sable à ses ta­touages.

J’es­saie de ren­con­trer les res­pon­sables, mais en vain. Per­sonne ne par­lera avec des étran­gers avant que le roi ne soit in­formé.

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Les sa­bords étaient en­core ou­verts, trop près de la ligne de flot­tai­son, et un souffle de vent a suffi à faire en­trer l'eau.

J’ob­tien­drai quelques jours plus tard une en­tre­vue avec l’Ami­ral Erik Jönsson, qui était à bord au mo­ment où l’eau s’est en­gouf­frée dans les ou­ver­tures, il était en train de vé­ri­fier les ca­nons. «Lorsque je suis re­monté du pont in­fé­rieur», m’a-t-il dit, «l’eau était mon­tée si haut que l’échelle s’était dé­ta­chée et je n’ai pu sor­tir qu’avec la plus grande dif­fi­culté. J’ai avalé des quan­ti­tés in­vrai­sem­blables d’eau, j’étais bal­lotté d’une paroi vers l’autre, et j’ai fi­na­le­ment perdu connais­sance. C’est un de mes hommes qui m’a sauvé. Une cin­quan­taine d’autres n’ont pas eu cette chance, ils sont morts noyés. Quant à moi, je me re­mets tout juste.» 

L’en­quête

On s’est vite rendu compte que les res­pon­sa­bi­li­tés étaient par­ta­gées, et qu’il était im­pos­sible de dé­si­gner un cou­pable, en dépit du fait qu’en ap­pre­nant le mal­heur, le roi a dé­crété que «l’in­cu­rie se­rait punie».

Il n’y avait pas d’in­cu­rie.

Le roi avait ap­prouvé le des­sin du ba­teau lui-même. Les plans avaient été exé­cu­tés avec pré­ci­sions.

Per­sonne n’a été puni, fi­na­le­ment, mais on peut tout de même dé­tec­ter où étaient les «fautes».

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L'ar­rière du Vasa. Les ar­moi­ries royales sont en­tou­rées de guer­riers et de fi­gures ma­giques. On per­çoit la très grande hau­teur du na­vire.

Le ca­pi­taine, pre­mier cou­pable dé­si­gné, a dé­mon­tré que les ca­nons étaient fixés, que le bal­last était cor­rect, que les voiles étaient bien ma­ni­pu­lées. «Vous pou­vez me dé­cou­per en mille mor­ceaux si un seul canon n’était pas fixé. Et je jure de­vant Dieu que per­sonne n’était ivre. Le ba­teau a été coulé par une toute pe­tite brise. Il était trop in­stable, en dépit du bal­last.»

On a alors exa­miné les plans. On a constaté que la quille était trop pe­tite par rap­port à la coque, au grée­ment et à l’ar­tille­rie.

Alors? Qui est res­pon­sable?

L’Ami­ral Flé­ming qui a vu que le na­vire était in­stable, mais n’a rien dit parce qu’il sa­vait que le roi était pressé? Le roi Gus­tave II Adolphe lui-même qui vou­lait dis­po­ser ra­pi­de­ment d’un ba­teau avec un maxi­mum de ca­nons à bord et en avait ap­prouvé les di­men­sions? Le construc­teur du ba­teau, qui a pour­tant exé­cuté le ba­teau dans les règles de l’art? Tous les ba­teaux qui trans­por­taient de nom­breux ca­nons étaient hauts et in­stables, ce­lui-là était sim­ple­ment un peu plus haut que les autres, et l’ex­pé­rience a fait dé­faut.

Le construc­teur qui avait pris la re­lève après la mort de Ja­kobs­son, Arendt de Groot (qui n’a fait qu’exé­cu­ter ce qu’un autre avait pro­jeté) a fait re­mar­quer que tout était conforme aux spé­ci­fi­ca­tions du contrat.

Mais alors, à qui la faute?

De Groot a haussé les épaules, écarté les bras:

«Dieu seul le sait.»

On en est resté là, per­sonne n'a ja­mais été puni.

Marche avant ra­pide: pas­sage au temps pré­sent

Bien­tôt, le fond marin s’est re­fermé sur le Vasa, qui a re­posé par 32 mètres de fond pen­dant plus de trois siècles. La seule chose qu’on ait ré­cu­pé­rée avant 1960, ce sont les ca­nons, en 1658. Après cela, on ne s'est plus pré­oc­cupé du Vasa. Il est resté dans les pro­fon­deurs, et au XXe siècle on ne sa­vait plus très bien à quel en­droit pré­cis était l'épave. Ce n'est que dans les an­nées 1950 qu'un pas­sionné l'a lo­ca­li­sée et que, fi­na­le­ment, on a dé­cidé de la ren­flouer.

Le 14 avril 1961, le Vasa a ré­émergé après des pré­pa­ra­tifs longs et com­plexes, 333 ans après son nau­frage.

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La coque du Vasa re­voit le jour. Le na­vire est re­la­ti­ve­ment bien pré­servé, sa res­tau­ra­tion du­rera des an­nées, mais elle a été pos­sible. La plu­part des pièces sont d'époque.

De­puis lors, on a re­trouvé et on conti­nue à re­trou­ver des ob­jets. Le ba­teau lui-même a été traité pour être pré­servé, et a passé un cer­tain nombre d’an­nées dans un han­gar. En juin 1990, le Vasa a fait son tout der­nier voyage, jus­qu’au musée qui lui est dédié, où on peut le voir, ainsi que de nom­breux ob­jets et œuvres d’art ré­cu­pé­rés, une ma­quette du na­vire lui-même, des ma­quettes mon­trant com­ment il a été construit. C’est un lieu tout à fait ma­gni­fique, que je ne sau­rais trop re­com­man­der.

J’ai posé LA ques­tion à un des spé­cia­listes de la res­tau­ra­tion: à qui la faute?

«Ce n’était pas au dix-sep­tième siècle comme au­jour­d’hui», m’a-t-il dit. «On ne pou­vait pas faire de si­mu­la­tion, on ne connais­sait pas les cal­culs ma­thé­ma­tiques de sta­bi­lité. En terme mo­dernes, on pour­rait dire que le Vasa était un pro­to­type. C’était la pre­mière fois qu’on construi­sait un ba­teau avec des ca­nons sur deux ponts su­per­po­sés, le centre de gra­vité était trop haut et cela dés­équi­li­brait le tout. Mais cela était très dif­fi­cile à voir pen­dant la construc­tion. Lors­qu'on a dit que ce n'était la faute de per­sonne, on a eu rai­son. Il n'y avait pas UN res­pon­sable spé­ci­fique: plu­sieurs fac­teurs ont contri­bué, en­semble, à la ca­tas­trophe, et les connais­sances n'étaient pas assez avan­cées pour la pré­voir.»

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Au musée Vasa de Stock­holm, on peut voir le Vasa. Il n'a pas été re­peint, mais une ma­quette per­met de se faire une idée de l'ori­gi­nal. Il est presque im­pos­sible de faire des pho­tos du Vasa avec un ap­pa­reil nor­mal, car la halle est dans la pé­nombre, pour des rai­sons de pré­ser­va­tion.

Au Musée Vasa de Stock­holm, on vous montre tout cela en dé­tail, et en prime, vous pour­rez voir plein d’ob­jets du XVIIe siècle re­mon­tés in­tacts du fond de l’eau.

Dans les cours de ma­na­ge­ment on uti­lise l’exemple du Vasa, où tant de gens n’ont pas osé contre­dire le roi, pour dé­mon­trer qu’il faut par­fois sa­voir dire NON à ses su­pé­rieurs, même quand ils in­sistent.

20 com­men­taires
1)
Fran­çois Cuneo
, le 29.03.2011 à 07:10

Tout sim­ple­ment pas­sion­nant.

Et in­croyable: on le voit venir, mais on n’y croit pas!

Merci à notre en­voyée spé­ciale à Stock­holm pour cette belle his­toire. Fau­drait faire un film là-des­sus…

2)
zit
, le 29.03.2011 à 07:36

For­mi­dable !

Quand un ordre est ab­surde ou im­bé­cile, il ne faut pas l’exé­cu­ter, plus fa­cile à dire qu’à faire…

z (va­nité, or­gueil… je ré­pêêêêêêêêêête : vive le roi !)

3)
Ca­plan
, le 29.03.2011 à 07:43

Mille sa­bords!

4)
Gilles Tschopp
, le 29.03.2011 à 07:59

En 1997 je suis passé vi­si­ter le musée Vasa de Stock­holm : je me sou­viens tou­jours du choc que j’ai eu en dé­cou­vrant ce ba­teau ex­posé à l’échelle 1:1. C’est très im­pres­sion­nant de dé­cou­vrir ce na­vire !

Merci Anne pour cette re­dé­cou­verte !

5)
Stil­gar
, le 29.03.2011 à 08:20

Su­perbe ar­ticle.

Je di­rais qu’on peut trans­po­ser avec un fac­teur mul­ti­pli­ca­tif im­por­tant le constat “trop vite, pas assez de tests” à notre monde “mo­derne” pour­tant pourvu de ma­thé­ma­tiques mo­dernes,d’or­di­na­teurs puis­sants, de per­sonnes com­pé­tentes.

Le fau­tif ? Le consom­ma­teur car il en veut tou­jours plus (c’est nor­mal), tou­jours moins cher (il y a for­cé­ment une li­mite), tou­jours plus vite.

Au final, pour ré­soudre cette équa­tion “im­pos­sible” et pour pré­ser­ver la marge bé­né­fi­ciaire (in­dis­pen­sable pour qu’une en­tre­prise vive), on sa­cri­fie les tests, les contrôles qua­li­tés (échan­tillon­nage de plus en plus ré­duit)

6)
ysen­grain
, le 29.03.2011 à 08:26

Ma­gni­fique Anne, j’y étais … avec toi !!

Dans les cours de ma­na­ge­ment on uti­lise l’exemple du Vasa, où tant de gens n’ont pas osé contre­dire le roi, pour dé­mon­trer qu’il faut par­fois sa­voir dire NON à ses su­pé­rieurs, même quand ils in­sistent.

je « joue » à ce jeu de­puis plus de 35 ans … vai­ne­ment. Ré­sul­tats ? Éta­blis­se­ment ra­cheté 2 fois, nombre de lits di­visé par 2,5.

7)
Anne Cuneo
, le 29.03.2011 à 08:39

Le fau­tif ? Le consom­ma­teur car il en veut tou­jours plus (c’est nor­mal), tou­jours moins cher (il y a for­cé­ment une li­mite), tou­jours plus vite.

Oui, et du coup, on joue avec des pro­to­types, vite, pour faire du fric vite, ça gas­pille et ça tue, mais bon, que vou­lez-vous, on n’a rien sans rien… cela rap­pelle l’ac­tua­lité.

On pour­rait dire que pour le Vasa, le consom­ma­teur, c’était le roi Gus­tave II Au­guste. Mais lui n’a pas éco­no­misé, il n’a pas re­gardé à la dé­pense, même…

Merci pour les com­pli­ments à l’en­voyée spé­ciale ;–)

8)
Diego
, le 29.03.2011 à 08:48

Su­perbe ! Merci Anne pour ce re­por­tage en “léger dif­féré” ;-))

Quand on dit que les news, sur le net, ne to­lèrent pas 5 mi­nutes de délai …

Ça met éga­le­ment en lu­mière le fait que les ob­jec­tifs in­te­nables fixés par le ma­na­ge­ment, et dont tout le monde sait qu’ils au­ront des consé­quences fâ­cheuses sans pour au­tant oser l’ex­pri­mer, ne datent pas d’hier !

Dans le même veine, vous connais­sez peut-être la lettre de Vau­ban à son mi­nistre Lou­vois , datée du 17.7.1683, qui par­lera à tous ceux qui oeuvrent dans le génie civil.

9)
Anne Cuneo
, le 29.03.2011 à 09:25

Ma­gni­fique, la lettre de Vau­ban! Bien en­tendu, per­sonne n’au­rait rêvé de dire cela au roi

10)
je­so­pog
, le 29.03.2011 à 12:28

Ex­cellent re­por­tage que j’ai lu avec un réel in­té­rêt et fort bien illus­tré. Je connais­sais l’évé­ne­ment, mais sans plus… Me vient alors à l’es­prit l’idée de le rap­pro­cher d’un autre, celui du Ti­ta­nic. Les deux drames ne sont pas vrai­ment com­pa­rables, bien sûr… Ni la conjonc­tion de fac­teurs à prendre en compte pour ex­pli­quer leur sur­ve­nance… Il n’em­pêche, le nau­frage du Vasa et celui du Ti­ta­nic ont en com­mun un fait sus­cep­tible de don­ner à ré­flé­chir : leur voyage inau­gu­ral qui ne se ter­mine pas…

11)
pat3
, le 29.03.2011 à 14:12

Je salue les ta­lents d’écri­ture de la conteuse qui a su nous tenir en ha­leine pour un scé­na­rio dont on connaît déjà la fin; Anne Cunéo, le James Ca­me­ron de Cuk!

Pas d’ac­cord, en re­vanche, avec Stil­gar: le consom­ma­teur, il a été ins­truit par la sur­pro­duc­tion in­dus­trielle, qui a be­soin de lui pour écou­ler ses stocks de trop plein. Je piste cette fa­ci­lité qui consiste à ac­cu­ser la foule pour in fine dé­doua­ner ceux qui l’uti­lisent à leurs fins.

Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas ré­flé­chir et consom­mer moins; ça veut dire que la sur­con­som­ma­tion est une part du sys­tème (avec la sur­pro­duc­tion et la pu­bli­cité – né­ces­saire pour créer le be­soin), et qu’il y a in­té­rêt à re­gar­der ceux à qui ce sys­tème pro­fite le plus pour com­prendre son sens.

12)
Le Cor­beau
, le 29.03.2011 à 15:19

Le plus éton­nant, c’est qu’il ait été aussi bien conservé, cela m’avait frappé à l’époque.

Quand à dire non ou sim­ple­ment à émettre des ré­serves/alertes pour faire évo­luer un pro­jet, même dans une ad­mi­nis­tra­tion, cela est dif­fi­cile.

Vous êtes de suite taxé de pes­si­misme, dé­fai­tisme, d’im­mo­bi­lisme et autres noms d’oi­seau

13)
Anne Cuneo
, le 29.03.2011 à 16:12

Le plus éton­nant, c’est qu’il ait été aussi bien conservé, cela m’avait frappé à l’époque.

Cela tient à la qua­lité du sol marin, comme le ba­teau a coulé très vite, il a vite été re­cou­vert de boues qui l’ont pro­tégé. Par ailleurs, il est pra­ti­que­ment im­pos­sible de faire brû­ler et de faire pour­rir le chêne.

14)
Anne Cuneo
, le 29.03.2011 à 16:12

Le plus éton­nant, c’est qu’il ait été aussi bien conservé, cela m’avait frappé à l’époque.

Cela tient à la qua­lité du sol marin, comme le ba­teau a coulé très vite, il a vite été re­cou­vert de boues qui l’ont pro­tégé. Par ailleurs, il est pra­ti­que­ment im­pos­sible de faire brû­ler et de faire pour­rir le chêne. Sur la conser­va­tion, voir les pages spé­ciales du Musée Vasa de Stock­holm.

15)
je­so­pog
, le 29.03.2011 à 16:39

La bonne conser­va­tion du ba­teau tient aussi au fait que le bois res­tant to­ta­le­ment et en per­ma­nence im­mergé ne pour­rit pas. Pour que cela se pro­duise, il fau­drait la pré­sence d’oxy­gène en quan­tité suf­fi­sante ; ce qui n’est pas le cas dans l’eau.

Pour ex­pli­ci­ter ce phé­no­mène que l’on peut consta­ter par soi-même : des pieux de bois, restes d’un pon­ton à ba­teaux désaf­fecté, par exemple, su­bi­ront une iné­luc­table dé­gra­da­tion dans leur par­tie haute, im­mer­gée et émer­gée en al­ter­nance selon les fluc­tua­tions des ni­veaux du plan d’eau, alors que leur par­tie basse im­mer­gée en per­ma­nence ré­sis­tera long­temps.

16)
Anne Cuneo
, le 29.03.2011 à 17:48

L’ex­pli­ca­tion de je­so­pog est lo­gique si l’on pense à des villes comme Ve­nise ou Am­ster­dam, dont les fon­da­tions sont sur pieux, dans l’eau. On les en­tre­tient, bien sûr (pas assez pour ce qui est de Ve­nise), mais ils sont là de­puis des siècles.

17)
Mo­dane
, le 29.03.2011 à 18:44

Riche d’en­sei­gne­ments, ce ter­rible gag!

18)
je­so­pog
, le 29.03.2011 à 18:45

« des villes comme Ve­nise ou Am­ster­dam, dont les fon­da­tions sont sur pieux, dans l’eau »

Nous pour­rions prendre un autre exemple, celui de la ca­thé­drale Notre-Dame de Paris, construite “sur des fa­gots” !

19)
Mar­cOS
, le 29.03.2011 à 22:01

Un bel exemple de construc­tion. Dans le même genre, pen­sons au Ti­ta­nic. Et plus ré­cent aux cen­trales nu­cléaires de Tcher­no­byl, de Three Miles Is­land et du Japon.

Le pro­grès à un prix qui n’est pas le ren­de­ment des ac­tion­naires, mais la sé­cu­rité des per­sonnes. Lors­qu’on ou­blie l’as­pect sé­cu­rité pour le côté ren­de­ment, on ar­rive à des ca­tas­trophes.

Merci Anne pour cette leçon d’his­toire. Mar­cOS

20)
Le Cor­beau
, le 30.03.2011 à 09:15

La bonne conser­va­tion du ba­teau tient aussi au fait que le bois res­tant to­ta­le­ment et en per­ma­nence im­mergé ne pour­rit pas

ef­fec­ti­ve­ment, c’est une tech­nique de conser­va­tion qui a per­mis de re­trou­ver en bon état des bois sto­ckés pour la construc­tion na­vale. Cette tech­nique est éga­le­ment uti­li­sée sur terre avec ar­ro­sage semi per­ma­nent.
mais il y a une dif­fé­rence entre des bois em­pi­lés vo­lon­tai­re­ment au fond d’un port ou sur terre et un “as­sem­blage” sou­mis aux aléas des cou­rants, tem­pêtes et autres ancres et cha­luts…