Je vous propose aujourd'hui d’aborder le sujet des smartphones. Nos journaux sont aujourd’hui saturés d’articles mentionnant l’engouement de nos concitoyens pour ces petits terminaux «intelligents» couramment appelés smartphones et souvent attribuent à Apple la paternité de cette vague. Les tensions compétitives se nourrissent de sondages et autres analyses donnant avec autorité les parts de marché des principaux constructeurs, dont Nokia, illustrant ainsi le dynamisme d’un marché touchant plus d’un milliard d’individus par an. Mais au fait, c’est quoi un smartphone?
Bonne question, en effet, si j’en juge les avis à l’emporte-pièce que je peux entendre ici ou là. Non que je sois un expert, je me suis tout de même fait ma petite opinion que je souhaite partager avec vous, ici, chez Cuk, et nulle part ailleurs.
Si on se projette au début des téléphones mobiles dits de deuxième génération (GSM en Europe), on se souviendra surement que la compétition portait principalement sur la performance et l’autonomie des «natels». La lecture des comparatifs de la FNAC (pour les parisiens) permettait d’identifier avec sérénité le portable avec le meilleurs rapport qualité/prix, les fonctionnalités étant pratiquement identiques d’un modèle à l’autre: liste de contacts, calendrier sommaire et écran noir et blanc. La possibilité de personnaliser la sonnerie était à l’époque le summum de la branchitude, ainsi que de jouer à Snake (pour les Nokias).
Au début des années 2000, les fonctionnalités se sont enrichies, principalement par l’ajout d’un écran couleur, de jeux (en Java...), d’une caméra VGA et de sonneries polyphoniques. En adoptant le standard UMTS, on pouvait également espérer passer des appels en visiophonie et envoyer des MMS. Au passage, je reste persuadé que l’engouement des opérateurs pour la 3G était principalement justifié par la possibilité de doubler le nombre d’abonnés par cellule par rapport au GSM, rendant ainsi l’investissement en infrastructure plus rentable. Je doute que la consommation de données était vraiment le but premier même si le WAP était un argument marketing... En général, les possibilités d’un téléphone mobile étaient définis par le constructeur (et également par les opérateurs pour les variantes) et ne pouvaient être changées par l’utilisateur final: on parle là de «feature phone».
Il y avait bien quelques visionnaires pour proposer des modèles pouvant se synchroniser avec un ordinateur et offrir des applications plus bureautique, tel que Nokia avec la série des Comminicators lancée en 1996. On pouvait installer des programmes tierces répondant souvent à des besoins professionnels (mon 9300 de 2005 a encore le client d’accès à l’intranet de Nokia ainsi qu’à l’annuaire d’entreprise). Cette possibilité de faire évoluer les fonctionnalités d’un téléphone mobile justifiait une nouvelle catégorie: les smartphones. En fait, il s’agit plutôt de téléphone convergent, car on assista durant ces quelques années à la convergence du téléphone avec le PDA (R.I.P. Palm...) et des lecteurs mp3. Je préfère d’ailleurs ce terme car il n’y avait aucune «smartness» dans ces produits: pas d’intelligence embarquée (avez-vous essayé la reconnaissance vocale?), le design était rarement chic et élégant, et le fonctionnement ne répondait pas trop aux adjectifs vif et habile.
Depuis l’apparition de l’iPhone, cette convergence s’est encore accentuée, avec l’intégration de caméra en haute résolution (Nokia N8: 12 MPixels), de lecteur vidéo en Full HD (Nokia N8: sortie HDMI), l’apparition d’applications complexes tirant partie d’une interface tactile repensée (iMovie sur iPhone) et la possibilité de surfer sur le Web sans compromis. Surtout, le coup de génie d’Apple a été de centraliser la découverte et la distribution d’applications tierces dans un AppStore simple et élégant que la concurrence commence seulement à égaler (Nokia Ovi Store). Associé à un marketing très efficace envers les développeurs, un nouveau type d’écosystème applicatif a ainsi été créé faisant rêver des milliers d’entrepreneurs et d’ingénieurs (souvent les mêmes), recyclant au passage les anciens de NeXT par l’utilisation de frameworks développés depuis la fin des années 80 en Objective C.
Aujourd’hui, le smartphone est donc devenu un appareil multi-usage dont la possibilité de personnalisation post-achat à l’aide d’applications accessibles à travers un Store serait la principale caractéristique, en plus d’un accès au Web en HTML5 (pour bientôt), aux messageries en mode «push» et aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Foursquare); les fonctions d’appareil photo et de lecteur multimédia étant des pré-requis. En fait, cette définition convient aux OS historiques (Symbian, LiMo, iOS, Maemo, Moblin) mais également à la plupart des features phones vendus actuellement. Entres autres, la nouvelle génération de S40 chez Nokia répond tout à fait à cette définition! De façon très estimée, je pense qu’en Europe près de 80% des téléphones qui seront vendus en 2011 seront donc des smartphones...
Il est donc temps de reconnaitre une nouvelle catégorie que Jean-Louis Gassée a appelé Very Personal Computer. Ce nouveau haut de gamme (pour l’instant) bénéficie d’un multitâche rapide et efficace et d’un vaste écosystème avec des applications aux fonctionnalités avancées (suite bureautique, jeux complexes et évolutifs), en plus d’un design novateur. Les autres téléphones contribueront à la démocratisation de l’Internet mobile sans offrir la même richesse applicative car les programmes seront développés en Javascript plutôt qu’en Objective C, C#, C++ ou Java.
La guerre pour la conquête de ce nouveau créneau a déjà commencé, avec Microsoft (Windows Phone 7), HP (WebOS), Apple (iOS), Google et ses mignons: HTC, Motorola, Samsung, Sony-Ericsson (Android), RIM (BlackBerry OS) et Nokia (Qt/MeeGo). Il faudra également compter avec les opérateurs qui n’ont absolument pas l’intention de rester les bras croisés tandis que ces acteurs se partageront le gâteau (WAC, OS mobile européen...). Le futur sera passionnant!
Amitiés,
Arnaud
, le 13.12.2010 à 08:16
Bon résumé et belle synthèse du phénomène.
Sans remettre en question le fond de ce billet, et sans doute parce que mon mode de fonctionnement y est totalement étranger, enfin, bonnes gens, une suite bureautique sur un smartphone !!!! A la rigueur, du texte, peut-être un petit défilé s’apparentant à une présentation, mais une feuille de calcul, soyons raisonnable. On peut franchir les Alpes en vélo, oui, certains le font en Brompton
, le 13.12.2010 à 09:54
Tu oublies Bada de Samsung dans ta liste des OS :p
, le 13.12.2010 à 10:52
Gloups. Sérieusement, ils pensent vraiment chez Nokia que l’Ovi Store …égale l’App Store de Apple? Je ne lance qu’occasionnellement, suffisamment peu que pour devoir retélécharger régulièrement une mise à jour de l’appli avant de pouvoir l’utiliser (devoir, pas pouvoir). Bon évidemment c’est peut-être lié au fait que le beau téléphone “3G” que j’ai acheté est en UMTS et pas HSPDA (E63), et que parce que la connexion est lente (mais évidemment avec la manière dont le réseau est géré sur un Nokia passer au Wi-Fi est loin d’être évident). Bon passé ce détail, l’appli ne résiste pas à l’épreuve du “click count”. Genre on choisit sur “search”, on arrive sur un écran avec un champ texte (juste un champ texte et bouton “search”), on commence à taper …et rien ne se passe. Normal, il faut d’abord pousser sur “bas” puis “valider” pour arriver dans le champ texte (aucun indice visuel, évidemment, il n’y aurait pas de challenge). Une fois qu’on a tapé son mot à chercher, “valider” ne marche évidemment pas, ce serait trop facile. Non, il faut pousser sur “bas”, mais “bas” ne mène pas au bouton “search”, mais on ne sait pas où. Donc, il faut repousser 2 fois sur “bas” (la première fois pour sélectionner le champ texte, mais pas pour entrer dedans) et la deuxième fois pour arriver au bouton search, qu’on peut heureusement activer en poussant sur “valider” directement. Cela charge un nouvel écran, avec un bouton “search” et un champ texte. Pour sélectionner le premier résultat, il faut donc repousser trois fois sur “bas”: champ texte, bouton chercher, puis enfin le premier résultat.
Désolé, ce n’est pas mon genre de critiquer pour critiquer, mais est-ce qu’il y a un département “utilisabilité” chez Nokia? Enfin, je veux dire un département utilisabilité qui se concentre sur les téléphones qui sont dans le commerce, pas des recherches en R&D qu’on présente lors de gros shows. Ou bien alors est-ce ils se limitent à montrer des screenshots lors des réunions qui approuvent sans vérifier eux-mêmes? À quelques exceptions près, je peux sortir quelque chose d’au moins aussi long pour chaque fonction, y compris et surtout celles qui sont annoncées comme les “fonctions de base” du téléphone (messagerie en particulier).
Sinon pour moi ce qui fait la différence entre les smartphones et les autres est tout simplement la dépendance à Internet et l’utilisation de services cloud. Là où un feature phone est parfaitement utilisable avec une connexion limitée (UMTS ou GPRS), voire pas de connexion du tout, les smartphones ont besoin d’une connexion permanente au net pour être utilisés normalement.
, le 13.12.2010 à 12:54
Je suis presque tous les jours atterré par la nullité (dois-je parler d’idiotie?) des fabricants hors Apple: ce samedi, je me trouve dans un grand magasin de la région bruxelloise.
S’y trouve la nouvelle tablette Samsung Galaxy Tab.
Comparée à l’iPad, voici ses caractéristiques:
Tout cela pour la modique somme de… 750 EUR, à comparer aux 800 EUR de l’iPad le plus cher.
De plus, l’exemplaire en démo ne se rechargeait pas, je n’ai pas pu l’utiliser.
A croire que, pour certains, être nul est vraiment un plaisir!!!
, le 13.12.2010 à 19:24
En tout cas, j’adore mon iPhone 4!:-)
, le 13.12.2010 à 20:17
Citation de Arnaud
_Esquisse d’un tableau historique des progrès du téléphone mobile… _
Je ne trouve pas que le téléphone mobile soit un progrès qui nécessite un tableau “historique”. De Gaulle n’en avait pas, mais son appel est resté gravé dans l’Histoire. Ce n’est pas le cas de toutes les vacuités véhiculées par ces gadgets électroniques. La technologie progresse, pas les utilisateurs.
Tiens je vais me boire un p’tit coup de rouge bio de Camargue pour fêter mes 10 ans de non engouement pour les mobaïles !
, le 14.12.2010 à 22:15
80% de smartphones ?
Cela paraît énorme. Mais après tout, pourquoi pas. Personnellement, je préfère mon M-Budget Mobile que je peux laisser tomber sans avoir peur. Bon, je suis pas très soigneux, j’avoue.
Article très fouillé en tout cas.
, le 15.12.2010 à 11:56
J’avoue que j’aimais bien mon premier Nokia, sur lequel j’avais passé un bon moment à composer la sonnerie ! (en fait, j’avais transposé, en suivant la partition, l’Internationale, comme ça, j’étais bien sûr de reconnaitre quand c’était mon téléphone qui sonnait ;o).
Maintenant, j’ai une @##!=%⎈ de chez Samsung qui me donne envie de l’écrabouiller à coup de talon à chaque fois que j’aie affaire à lui… Pour exemple de son ergonomie exceptionnelle, il faut appuyer sept (7) fois sur des touches pour qu’il donne l’heure, qu’il est impossible d’afficher sur l’écran d’accueil !
z (qui va bien finir par acheter un Very Personnal Computer de chez Apple, je répêêêêêêêêêête : celui qui permet aussi de passer des coups de fil…)