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Le bal de la vie, un livre de Roger Cuneo

Vous avez pu lire sur ce site plu­sieurs ar­ticles si­gnés Roger Cuneo.

C'est mon père.

Lors­qu'il a écrit son pre­mier roman, aux édi­tions Favre,  début 2009, je n'ai pas pu en par­ler moi-même, et j'ai de­mandé à Mme Pop­pins d'écrire une hu­meur dont elle a le se­cret sur ce livre in­ti­tulé: "Maman, je t'at­ten­dais". Il me sem­blait qu'elle avait le recul né­ces­saire pour pou­voir le faire, et je n'ai pas été déçu, comme je pou­vais m'y at­tendre.

Ce livre ra­con­tait com­ment ma grand-mère avait aban­donné ses en­fants à Lau­sanne (Roger et Anne, ma tante, qui écrit sur Cuk.​ch ré­gu­liè­re­ment), après la Deuxième Guerre mon­diale, pour as­sou­vir sa ma­la­die du jeu. Une grand-mère que j'ai connue, ap­pré­ciée, mais que sa ma­la­die, même si mon papa ne l'ac­cep­tera ja­mais, avait quelque part trans­for­mée en monstre d'égoïsme.

Ce livre a ren­con­tré un suc­cès cer­tain en Suisse ro­mande, et il s'ar­rê­tait au mo­ment où Roger, 16 ans, sor­tait d'un pen­sion­nat (comme di­sait ma grand-mère, en fait il s'agis­sait d'un or­phe­li­nat ca­tho­lique, tenu par des soeurs la plu­part du temps en des­sous de tout avec les en­fants dont elles avaient la charge), et était lâché dans la na­ture.

Beau­coup de lec­teurs lui ont de­mandé ce qu'était de­venu cet ado­les­cent, com­ment il al­lait s'en sor­tir.

Le Bal de la Vie est sorti cette se­maine, pour leur ré­pondre.

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J'ai un peu hé­sité avant de prendre la pa­role moi-même ici pour par­ler de ce livre, ce d'au­tant plus qu'il me concerne un tout petit peu, puis­qu'il se ter­mine sur mon ar­ri­vée dans ce monde.

Je n'aime pas trop par­ler de choses qui me sont chères et in­times, j'avais peur aussi que vous pen­siez que j'al­lais faire de l'auto-pro­mo­tion pour quel­qu'un de ma fa­mille.

Et puis j'ai lu ce livre.

En deux nuits.

Bien évi­dem­ment, il parle de choses qui m'in­té­ressent, puis­qu'on y voit gran­dir celui qui al­lait de­ve­nir mon papa, après qu'il a ren­con­tré ma maman.

Mais bien au-delà de ça, il me semble que ce livre de­vrait être lu aux ado­les­cents dans les écoles, ado­les­cents que je cô­toie quo­ti­dien­ne­ment, sou­vent tel­le­ment désa­bu­sés parce qu'ils ne trouvent pas en­core de rai­son d'exis­ter vrai­ment, parce qu'ils se cherchent, parce qu'ils sont mal dans leur peau.

Voir Roger évo­luer, à 16 ans, au dé­part sans que per­sonne ne s'oc­cupe de lui, laissé seul dans la rue, sans rien avoir à man­ger, pour­rait tour­ner ra­pi­de­ment au lar­moyant, ou rap­pe­ler des his­toires à la Di­ckens.

Alors oui, la vie entre 16 et 20 ans de mon père a été dif­fi­cile, il le dit d'ailleurs, mais tout au long de ce livre, nous sommes en face d'une vo­lonté de s'en sor­tir, d'un po­si­ti­visme ab­so­lu­ment re­mar­quable.

Tout au long de ces an­nées, Roger a ren­con­tré des êtres ex­cep­tion­nels à Lau­sanne.

Une soeur su­pé­rieure, qui peut-être sauve toutes les autres, un mar­chand de sou­liers, un li­braire, un pro­fes­seur de gym­nas­tique, un ven­deur de bro­cante qui se mute en pro­fes­seur de gui­tare, un vrai ami, celui qui al­lait de­ve­nir mon par­rain, une deuxième fa­mille d'une gé­né­ro­sité folle, ma maman et mes grands-pa­rents, et une soeur de sang celle-là que Roger dé­couvre peu à peu.

Il nous ra­conte éga­le­ment com­ment à cet âge, un ado­les­cent est sur le fil du ra­soir. Il au­rait fallu tel­le­ment peu pour que mon père tombe dans la dé­lin­quance…

Il y a plein de pas­sages tou­chants dans ce "Bal de la Vie".

Il y en a que j'ai­me­rais que Roger vienne lire à mes élèves de 14-15 ans, en classe, qui par­fois n'en ont stric­te­ment rien à faire de l'école…

En voici un par exemple, conver­sa­tion entre Mau­rice, son seul ami alors, et Roger, à pro­pos de l'école, jus­te­ment…

Je tire ce pas­sage du ma­nus­crit que j'ai reçu il y a quelques mois. Peut-être que cer­tains dé­tails ont changé, peu im­porte…

J’avais un rap­port pri­vi­lé­gié avec Mau­rice, nous al­lions tous les sa­me­dis soir en­semble au ci­néma. Après le film, en d’in­ter­mi­nables dis­cus­sions au­tour des livres qu’il m’avait prê­tés ou des films vus en­semble, je l’ac­com­pa­gnais d’abord chez lui ; ar­rivé de­vant sa porte sans être par­venu à bout de nos ar­gu­ments, il dé­ci­dait de me ra­me­ner à son tour jus­qu’aux pieds de chez moi et nous fai­sions ainsi plu­sieurs fois de suite le tra­jet al­ler-re­tour entre nos lo­ge­ments. 

Par nos dis­cus­sions, je m’aper­ce­vais de l’énor­mité de mes la­cunes. Je ne pos­sé­dais pas les clés de lec­ture dont dis­po­sait mon ami. Je m’at­ta­chais à la seule his­toire, sans dis­cer­ner dans le texte les en­jeux phi­lo­so­phiques, po­li­tiques, so­ciaux, cultu­rels, éco­no­miques. 

Avant de me quit­ter, Mau­rice pas­sait sou­vent chez lui pour re­prendre un livre dont on avait parlé et il me conseillait de le re­lire au vu des ar­gu­ments dé­ve­lop­pés en che­min. Je m’y at­te­lais avec in­té­rêt et ap­pli­ca­tion. 

Je me­su­rais le che­min qu’il me res­tait à par­cou­rir sur la voie de la connais­sance. Sans me dé­cou­ra­ger, je me met­tais à l’ou­vrage, uti­li­sant sou­vent mon nou­veau La­rousse, ins­tru­ment pré­cieux grâce au­quel je par­ve­nais à rat­ta­cher des faits à leur époque, à les re­pla­cer dans leur contexte, à re­con­naître les grands per­son­nages de l’His­toire et les cou­rants in­tel­lec­tuels. 

J’ai ainsi dé­cou­vert la si­gni­fi­ca­tion du mot ca­pi­ta­lisme, so­cia­lisme, li­bé­ra­lisme, ra­di­ca­lisme, fas­cisme et autres doc­trines en « isme », dont j’igno­rais jusque-là l’exis­tence. 

J’ai ap­pris la si­gni­fi­ca­tion de l’éga­lité, de la li­berté, de la jus­tice, de la fra­ter­nité, toutes no­tions né­ces­si­tant le com­bat des hommes, par­fois au prix de leur vie.

J’in­té­grais ces élé­ments sans pos­sé­der le fond des connais­sances me per­met­tant de les as­si­mi­ler et je re­te­nais mal les le­çons de mes ap­pren­tis­sages. Dès lors, je de­vais re­tour­ner plu­sieurs fois aux sources du dic­tion­naire pour éclair­cir et in­té­grer des no­tions en­core confuses dans mon es­prit. Par­fois je me dé­cou­ra­geais et l’en­vie me pre­nait de tout ba­lan­cer, de re­prendre ma vieille ré­plique : « je n’en ai rien à foutre ». Mau­rice veillait au grain.

- Tu n’en as rien à foutre d’igno­rer d’où tu viens ? Il nous suf­fi­rait de cou­rir sur un ter­rain de foot pour don­ner un sens à notre vie ? Oui, ça de­mande un ef­fort de sai­sir le monde, en tous les cas da­van­tage que de sa­voir ma­nier un bal­lon. 

Dans ses le­çons, il s’adres­sait à moi, mais il par­lait tout au­tant pour lui-même.

- Moi je pense que moins on connaît de choses, moins on a d’en­vie d’en connaître d’autres et, a contra­rio, plus on en sait, da­van­tage on a envie d’ap­prendre. 

On dit qu’on ne prête qu’aux riches, mais si on n’en a rien à foutre de connaître le pour­quoi et le com­ment de nos com­por­te­ments alors on reste igno­rant toute sa vie. La ri­chesse du sa­voir tu peux l’ob­te­nir, mais il faut faire l’ef­fort de la cueillir.

Je ten­tais de ré­pli­quer.

- Tout ce temps que tu prends pour étu­dier, tu ne le passes pas à vivre.

- Tu t’en­traînes bien des heures par se­maine pour par­ve­nir à ma­nier un bal­lon à ta guise, pour­quoi tu ne pas­se­rais pas du temps pour com­prendre ta vie, celle des hommes, leur passé, leur pré­sent, leur de­ve­nir. 

- Tu aimes l’école, toi ?

- Non, je ne peux pas dire que j’aime l’école, mais je sais qu’elle est né­ces­saire, ne se­rait-ce que pour ob­te­nir les bases du vivre en­semble. Nos ar­rières-grands-pères sont des­cen­dus dans la rue, se sont bat­tus, par­fois au prix de leur vie, pour per­mettre à leurs en­fants d’y avoir droit à et à peine quelques gé­né­ra­tions plus tard il faut lut­ter contre les en­fants pour qu’ils s’y rendent. 

Ce n’était pas la pre­mière fois que Mau­rice me te­nait des rai­son­ne­ments pé­remp­toires, mais je l’avais ra­re­ment en­tendu s’ex­pri­mer avec au­tant de fougue. J’ai ré­pli­qué.

- Et bien, moi je trouve que pour deux ou trois trucs in­té­res­sants que nous ap­porte l’école, on y perd beau­coup de temps pour peu de choses.

- Tu sors d’où, tu cherches quoi, tu ré­flé­chis ? Pas loin d’ici, dans d’autres pays, la ques­tion ne se pose pas, on ex­ploite les en­fants, on les met au tra­vail, on les uti­lise et pour mieux y par­ve­nir on les en­ferme dans l’igno­rance. Ils vou­draient bien aller à l’école, ap­prendre, sa­voir lire et écrire et sor­tir de l’es­cla­vage dans le­quel on les main­tient, mais ils n’ont pas le choix ; tu ne crois pas qu’ils pré­fé­re­raient aller à l’école? Alors, ar­rête avec tes « je n’en ai rien à foutre », ça me fait ger­ber.

Je me re­met­tais avec as­si­duité à mes lec­tures, re­pre­nant d’abord fré­quem­ment mon dic­tion­naire, puis de moins en moins sou­vent, tant les don­nées utiles se met­taient en place dans mon es­prit. 

J’ai fait état un jour à Mau­rice d’une dé­cou­verte.

- J’ai l’im­pres­sion de trou­ver dans le dic­tion­naire les élé­ments re­cher­chés comme au­tant de pièces d’un puzzle. Plus on les uti­lise, plus il de­vient évident de les mettre au bon en­droit et plus fa­ci­le­ment l’en­semble du des­sin prend forme. 

Il a ri et m’a donné une grande claque dans le dos.

- Toi, cette se­maine tu as fait un grand pas dans le bon sens.

Avant ces échanges avec mon ami, pour moi il y avait des bons et des mé­chants, le juste et le faux, le bien et le mal, Dieu et Diable. Par mes lec­tures ré­pé­tées et à tra­vers les ana­lyses de Mau­rice, je dé­ce­lais la com­plexité des com­por­te­ments des hommes, de leurs mo­ti­va­tions. 

Grâce à mon ami, j’ai ap­pris à lire entre les lignes, à être cri­tique dans mes ac­qui­si­tions ; j’ai aimé lire un livre non seule­ment pour son contenu, mais aussi pour son écri­ture.

J’ai ac­cédé sous sa conduite aussi bien aux grands ro­mans de la lit­té­ra­ture dite sé­rieuse, qu’à Tin­tin, Pré­vert, Vian, la poé­sie. Et, avant tout, j’ai dé­cou­vert l’ami­tié…

Mau­rice a joué pour moi le rôle d’un grand frère, du confi­dent, du pro­tec­teur, du guide, du men­tor. C’est mon plus grand ami d’ado­les­cence et il l’est resté dans l’âge adulte. Je l’in­té­res­sais pro­ba­ble­ment par mon désir d’ap­prendre, par mon opi­niâ­treté dans une dis­cus­sion, par mon en­ga­ge­ment sur un ter­rain de foot, mais aussi par ma naï­veté, ma mé­con­nais­sance des règles du sa­voir-vivre. Avec à peine un an de plus que moi, il a rem­placé mon père. J’avais une en­tière confiance en lui, en ses ju­ge­ments, ses af­fir­ma­tions, ses di­rec­tives, il avait sur moi une énorme em­prise.

Je garde en­core de cette époque le sou­ve­nir des nom­breuses fois où nous étions en­semble tor­dus de rire, à l’école, chez lui ou dans la rue, pour un bon mot, une plai­san­te­rie. Par lui j’ai ré­cu­péré le sens de l’hu­mour égaré dans une en­fance dif­fi­cile, un bien pré­cieux dont je lui rends hom­mage.

Mes pé­ri­pé­ties foot­bal­lis­tiques l’in­té­res­saient moyen­ne­ment, mais il ve­nait par­fois me voir jouer. Il  se mo­quait gen­ti­ment de moi.

- Ne mets pas toute ton éner­gie à taper un bal­lon, tu vaux mieux que ça. 

Mais il ajou­tait en­core.

- Re­marque, j’ai­me­rais sa­voir jouer comme toi.

Il com­pre­nait que le foot­ball était un moyen de prendre confiance en moi.

Mau­rice re­pré­sen­tait à mes yeux la réus­site. Il était l’image à la­quelle je vou­lais res­sem­bler. Il m’a per­mis de com­prendre que vivre va­lait mieux que prier, vé­gé­ter ou crou­pir dans sa bê­tise. Il m’a ou­vert à la cu­rio­sité, à la connais­sance, à l’ef­fort in­tel­lec­tuel, à l’hu­mour, à la vie, à l’ami­tié.

Au­jour­d’hui en­core, je lui suis re­con­nais­sant de son pré­cieux ap­port dans ces mo­ments dé­li­cats et dé­ci­sifs de mon ado­les­cence et je me­sure com­bien il m’a aidé à rat­tra­per le temps perdu dans mes an­nées d’en­fance. 

Il est mort, il y a peu.

- Salut à toi et merci, l’ami.

 

Voilà…

Les co­or­don­nées de ce livre:

Le bal de la vie

Édi­tions Favre

Pour nos amis fran­çais, ce livre peut être com­mandé di­rec­te­ment aux édi­tions Favre.

18 com­men­taires
1)
Ma­dame Pop­pins
, le 22.10.2010 à 07:34

C’est quoi, “l’auto-pro­mo­tion” ? Ce que tu fais, c’est juste écrire à une per­sonne, une seule, pour lui dire que tu l’aimes et qu’elle t’a im­pres­sion­née par son par­cours : on dit ra­re­ment à son père qu’on l’aime et c’est dom­mage… au moins, toi, tu l’écris.

Donc, ar­rête de pen­ser que les lec­teurs pour­raient pen­ser que tu penses qu’ils croient et que tu de­vrais……

Cela ne doit pas être évident d’être l’un des per­son­nages d’un livre mais, si comme tu le dis, le bou­quin se ter­mine par ta nais­sance, je me de­mande com­ment Anne vit ces pages….

Roger, je me ré­jouis beau­coup de lire “la suite” même si j’ap­pré­hende un peu : ce que tu as vécu et re­laté dans la pre­mière par­tie m’avait beau­coup tou­chée. Je t’em­brasse,

2)
Gr@g
, le 22.10.2010 à 08:47

je par­tage votre sou­hait M. Cuneo. Ayant 10 ans d’ex­pé­riences avec les ados de 10 à 18 ans (hors école), je suis éga­le­ment per­suadé de la per­ti­nence d’une in­ter­ven­tion de ce type.

Ce pas­sage m’a éga­le­ment ému, tant par le che­min par­couru vis-à-vis de la connais­sance, de la soif d’ap­prendre, mais éga­le­ment de l’ami­tié, simple, sin­cère, hon­nête.

En li­sant les hu­meurs de Cuk, j’ai plus sou­vent éclaté de rire qu’en san­glots, mais là, j’avoue que j’en ai les larmes aux yeux…

Merci

3)
Anne Cuneo
, le 22.10.2010 à 08:49

je me de­mande com­ment Anne vit ces pages….

Je ne sais pas si tu te de­mandes ce que pense la soeur de l’au­teur, ou sa fille, nous nous ap­pe­lons Anne toutes les deux. Tu penses à sa fille, j’ima­gine.

Mais je vais tout de même dire que je suis im­pres­sion­née par le cou­rage qu’a eu Roger d’écrire à la pre­mière per­sonne. Pour ma part lorsque je me suis at­ta­quée au pro­blème d’être la fille d’une ma­lade du jeu, il a fallu que j’écrive un roman (Sta­tion Vic­to­ria), où certes le rap­port entre fille et mère est basé sur la réa­lité, mais le masque de la fic­tion a tout de même été né­ces­saire.

Dans tous les textes au­to­bio­gra­phiques que j’avais écrits au­pa­ra­vant, je n’avais ja­mais osé af­fron­ter le pro­blème.

Je pense avec Fran­çois que c’est une lec­ture sa­lu­taire pour les ado­les­cents. Mais peut-être les deux livres se­raient une lec­ture utile pour com­prendre ce que si­gni­fie pour l’en­tou­rage que la ma­la­die du jeu. Ce n’est au fond pas très dif­fé­rent des drogues dures.

4)
dj­trance
, le 22.10.2010 à 09:29

Une grand-mère que j’ai connue, ap­pré­ciée, mais que sa ma­la­die, même si mon papa ne l’ac­cep­tera ja­mais, avait quelque part trans­for­mée en monstre d’égoïsme.

Tiens, ma­la­die? monstre d’égoïsme? A une chose près je suis en train de vivre pa­reil, avec le même res­senti!

Ce livre me parle, merci pour l’ar­ticle!

5)
Emi­lou
, le 22.10.2010 à 09:47

C’est la saga de toute une fa­mille qui, par le biais de ce site, vit un peu vir­tuel­le­ment avec nous tous. Une fa­mille dont on ne de­vi­nait pas les vi­cis­si­tudes que la dé­pen­dance au jeu al­lait créer. Vi­cis­si­tudes in­hé­rentes à bien d’as­cen­dances et qui, en fin de compte, en fait la ri­chesse. J’adore cette mer­veilleuse sin­cé­rité, cette sim­pli­cité de bon alois, grâce aux­quelles nous en­trons dis­crè­te­ment dans l’in­ti­mité de toute une dy­nas­tie. Par avance ex­cu­sez-moi si ce der­nier vo­cable à quelques cou­leurs hol­ly­woo­diennes, je manque ici de vo­ca­bu­laire pour vous ex­pri­mer toute ma sym­pa­thie. Ce site, où l’éclec­tisme nous fait pas­ser de l’or­di­na­teur à la phi­lo­so­phie par de mul­tiples étapes, n’est d’autre que le fruit de l’in­ven­ti­vité ac­tive de toute une fa­mille. Merci à tous.

6)
Guillôme
, le 22.10.2010 à 09:51

Concer­nant la ma­la­die du jeu et les ca­si­nos en suisse, quelle est et quelle était la ré­gle­men­ta­tion en Suisse?

En France, ac­tuel­le­ment, c’est très ré­gle­menté avec pro­tec­tion des com­por­te­ments ad­dic­tifs et pos­si­bi­lité d’in­ter­dic­tion de jeu des per­sonnes par ins­crip­tion vo­lon­taire ou non sur des listes noires. Est-ce le cas en Suisse?

Dé­solé de dé­vier un peu du sujet (mais n’ayant pas lu les livres…)

7)
Smop
, le 22.10.2010 à 10:41

Le billet m’a donné envie de com­man­der le livre.

A noter qu’il y a une er­reur sur le lien des édi­tions Favre, mais on re­trouve fa­ci­le­ment la bonne page.

8)
Chi­chille
, le 22.10.2010 à 10:53

« Tout au long de ces an­nées, Roger a ren­con­tré des êtres ex­cep­tion­nels à Lau­sanne. »

Pas un seul ban­quier, pas un seul ges­tion­naire de for­tune ! Et pour­tant, nous sommes en Suisse. Est-ce bien rai­son­nable ?

Plus sé­rieu­se­ment, j’aime beau­coup la dé­cou­verte des livres et de la culture avec l’aide de Mau­rice. Lorsque Mau­rice dé­clare : « _Toi, cette se­maine tu as fait un grand pas dans le bon sens_ », cela re­joint la dé­fi­ni­tion qu’en don­nait Édouard Her­riot : « _La culture, c’est ce qui reste quand on a tout ou­blié_ ». Bref, la culture, c’est lors­qu’on est ca­pable d’uti­li­ser de ma­nière per­son­nelle ce qu’on a ap­pris, ce qui la dif­fé­ren­cie pro­fon­dé­ment de la simple éru­di­tion, qui tourne fa­ci­le­ment à la cuis­tre­rie.

C’est bien d’avoir un papa comme ça…

9)
Chi­chille
, le 22.10.2010 à 10:57

Tiens, ça ne veut pas ita­li­quer, ni à la main, ni en au­to­ma­tique. Les dieux de l’in­for­ma­tique sont à nou­veau contre moi !

10)
Ar­naud
, le 22.10.2010 à 11:29

Tres emou­vant… Merci Fran­cois et Roger pour ce poi­gnant te­moi­gnage. Il me rap­pelle les dis­cus­sions d’avec mon pere. Merci, Ar­naud

11)
Anne Cuneo
, le 22.10.2010 à 13:20

En France, ac­tuel­le­ment, c’est très ré­gle­menté avec pro­tec­tion des com­por­te­ments ad­dic­tifs et pos­si­bi­lité d’in­ter­dic­tion de jeu des per­sonnes par ins­crip­tion vo­lon­taire ou non sur des listes noires. Est-ce le cas en Suisse?

Je ne peux pas te ré­pondre sur les ré­glé­men­ta­tions. Mais je peux te dire une chose: lors­qu’un accro des jeux de ha­sard veut jouer, il trouve tou­jours… Je ne vais pas dé­tailler com­ment notre mère s’est ar­ran­gée pour conti­nuer à jouer alors qu’elle était ban­nie de tous les ca­si­nos au­tour de Lau­sanne (les ca­si­nos fran­çais sont à quelques jets de pierre). Mais je peux t’as­su­rer qu’elle a trouvé moyen, et que si elle n’est pas morte de­vant une table de jeu, c’est un pur ha­sard. 48 heures avant de mou­rir (à 82 ans) elle jouait en­core…

12)
ysen­grain
, le 22.10.2010 à 15:09

Voir Roger évo­luer, à 16 ans, au dé­part sans que per­sonne ne s’oc­cupe de lui, laissé seul dans la rue, sans rien avoir à man­ger, pour­rait tour­ner ra­pi­de­ment au lar­moyant, ou rap­pe­ler des his­toires à la Di­ckens.

Mon­sieur Cuneo est de­venu ce qu’il est, par la ré­si­lience, chère à Cy­rul­nik, et la mère su­pé­rieure a été un «tu­teur de ré­si­lience»

Ce que tu fais, c’est juste écrire à une per­sonne, une seule, pour lui dire que tu l’aimes

Sim­ple­ment in­dis­pen­sable. Pas un jour de ma vie ne passe sans que je dise à mon père que je l’aime. Il est pour­tant mort de­puis 26 ans.

J’ai la convic­tion in­ti­me­ment pro­fonde qu’un des grands pro­blèmes de notre «ci­vi­li­sa­tion» ré­side dans la non-ex­pres­sion ins­ti­tu­tion­na­li­sée des sen­ti­ments. On m’ob­jec­tera que dans les re­la­tions usuelles, des actes ex­priment im­pli­ci­te­ment l’amour. Peut-être, mais c’est tel­le­ment mieux en le di­sant.

Au fait, Papa, je t’aime !!

14)
Roger Cuneo
, le 22.10.2010 à 17:39

Je suis parti ce matin à 7 heures de chez moi et j’ai joué trois fois le spec­tacle Pré­vert pour les élèves de Ge­nève âgés de 8 à 12 ans. Comme à l’ha­bi­tude j’ai res­senti une im­mense joie et une grande émo­tion à voir ce vi­sages d’en­fants rêver avec moi au­tour des poèmes. Ie me place à leur même ni­veau, je les mets en demi-rond au­tour de moi à tout au plus un mètre pour les pre­miers et je ne prends q’un maxi­mum de 50 élèves à la fois, si bien que leur proxi­mité me per­met de suivre le res­senti de leurs émo­tions sur leur vi­sage, dans leurs yeux, sur leurs lèvres. Je res­sorts de ces jour­nées fa­ti­gué phy­si­que­ment, mais mo­ra­le­ment au mieux de ma forme. À chaque fois, à voir comme il peuvent “boire” à la poé­sie, j’ai l’im­pres­sion d’être utile, fon­taine de rêves, et ça me fait un plai­sir ex­trême.

Je vous dis ça, un peu comme-ça, comme pour m’ex­cu­ser de n’avoir pas pu prendre le cla­vier pour par­ti­ci­per aux ré­ac­tions quant à l’hu­meur de Fran­çois concer­nant mon der­nier livre. Tout d’abord je l’au­rais tout de suite re­mer­cié d’en par­ler et, pour ré­pondre à quelques re­marques des com­men­taires, pour lui dire que je n’ai non seule­ment ja­mais douté de son amour, mais que je l’ai tou­jours res­senti comme “na­tu­rel”, parce que simple au quo­ti­dien, mal­gré les aléas de la vie qui nous ont par­fois sé­pa­rés phy­si­que­ment, ja­mais dans la cer­ti­tude d’un amour par­tagé.

Pour par­ler du livre, je l’ai écrit tout d’abord pour ré­pondre aux sol­li­ci­ta­tions de bons nombre de lec­teurs qui se sen­taient frus­trés du pre­mier qui se ter­mi­nait à l’âge de mes 16 ans, à la sor­tie de mon or­phe­li­nat. J’ai pris la plume et… mi­racle petit à petit c’est pour moi qu’elle glis­sait sur la page. Les sou­ve­nirs re­mon­taient de loin (à plus de cin­quante ans), mais ils étaient pré­sents en moi et bien vi­vants. C’est vrai que cha­cun de nous a une vie qui passe par les hauts et les bas, que par­fois étant au bas on ou­blie de re­mon­ter et on sombre dans le “néant” : dé­lin­quance, drogue, déses­poir, ou pire en­core. Moi, dans ce livre, je n’ai pas voulu être un exemple, je ra­conte sim­ple­ment, mais ça peut de­ve­nir exem­plaire, que quand on est au plus bas il faut sa­voir re­gar­der, écou­ter; il y a tou­jours une main se­cou­rable, une voix ex­té­rieure ou in­té­rieure qui vous ap­pelle à re­prendre cou­rage. Mon livre ra­conte com­bien pour moi ces re­gards, ces voix ont été es­sen­tiels, mais je crois, et ça je le dis à la re­lec­ture de mon texte, parce que ce n’était pas un but que je m’étais as­si­gné quand je me suis mis au récit, que cette voix, ce re­gard, sont à la por­tée de nous tous, vous et moi et qu’il suf­fit de les voir, les en­tendre. Ma chance a été tout sim­ple­ment de sa­voir voir ces proches prêts à m’ai­der et d’avoir ac­cepté leur aide, non pas comme une cha­rité, mais comme une échange.

Si je pou­vais dire quelque chose à des ado­les­cents c’est que la chance ne vient pas de l’ex­té­rieur, elle est po­ten­tiel­le­ment en nous tous, pour au­tant qu’on vive les oreilles et les yeux ou­verts : la vie ne de­mande qu’à nous sou­rire, mais il faut en­core sa­voir la re­gar­der .

15)
Ma­dame Pop­pins
, le 22.10.2010 à 17:42

Tu penses à sa fille, j’ima­gine.

En réa­lité, non, je pen­sais à toi : un livre se ter­mine par la nais­sance de Fran­çois mais toi, tu es “en plein de­dans”….

Quoi qu’il en soit, je suis très sen­sible à ta dé­marche de conju­guer fic­tion et réa­lité, c’est cette al­chi­mie, je crois, qui donne au­tant de pro­fon­deur à tes per­son­nages, qui sont tou­jours, je trouve, in­croya­ble­ment at­ta­chants.

Bonne soi­rée à toutes et tous,

16)
zit
, le 23.10.2010 à 08:20

Je ne lis ja­mais autre chose que des ro­mans, des nou­velles ou du théâtre, des « ré­cits ima­gi­naires » quoi, mais là, je crois que je vais faire une ex­cep­tion.

Rien que l’ex­trait et le com­men­taire de Roger me pa­raissent son­ner tel­le­ment juste.

z (j’ai un papa très joueur… je ré­pêêêêêêêêêête : mais je l’aime beau­coup aussi ;o)

17)
Amely
, le 23.10.2010 à 09:08

J’ai­me­rai com­men­cer par lire le pre­mier ou­vrage, mais je ne l’ai pas trou­ver dans ma li­brai­rie, ni sur in­ter­net. Fran­çois pour­rais-tu me le prê­ter si tu l’as à la mai­son? ;-)