C'est pas pour me vanter, mais des fois, je lis le journal. Y'a rien de tel que les faits divers pour vous remettre en phase avec votre condition humaine, ses turpitudes, voire son obscénité. Je ne vais certainement pas vous donner des exemples ici, c'est bien famé, tout le monde est smart, je ne voudrais pas gâcher l'ambiance...
Mais quand même...
Je surfe bien peinard sur mes flux RSS. Dans Libé : pas grand chose, avant d'aller sur le franchement rez de moquette du Post, je fais un détour par le Nouvel Obs. Et je tombe sur :
"Oh bah çà, c'est pas juste!", que je me dis in petto, c'est à dire dans un souffle, en italien. (Oui, je sais, celle là, je l'ai piquée à Frédéric Dard!...)
Tout de suite, je l'imagine, le pauvre gars, le nez dans ses bottes de radis, sa monnaie éparpillée autour de sa carriole de quatre-saisons, les mômes piaillant se taisant d'un coup devant l'énormité du moment, et le silence plombé de l'avant cri d'une femme le reconnaissant enfin...
Alors je lis l'article, libellé comme suit :
"Un gérant de société immobilière, ancien patron d'une discothèque à Sanary-sur-Mer dans le Var, a été abattu de cinq balles dans la tête dimanche matin sur le parking de sa villa de Bandol, située dans le même département, a-t-on appris lundi 17 mai auprès d'une source proche du dossier.
La victime, Marcel B., âgé de 66 ans, originaire de Marseille, a été découverte en fin de matinée par un proche.
Jusqu'en septembre 2006 il avait dirigé un établissement de nuit, le "Maï Taï" qui avait été détruit par un incendie.
Les policiers de l'antenne toulonnaise du Service régional de police judiciaire de Marseille ont été saisis de l'enquête par le parquet de Toulon.
Vous me connaissez. Franc comme l'or, bon comme le bon pain, bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée, etc., si vous avez quelques autres lieux communs du genre, c'est tout bon, c'est pour moi, ça me va comme un gant. Mais là, même si ça ne me ressemble pas d'être mauvaise langue, je réitère, vous me connaissez, eh bien là, j'ai tiqué, et j'ai connoté à mort. Je me demande bien pourquoi...
Car à tort ou à raison, déformé professionnel que je suis, qui soutiendrait mordicus que le mot n'est qu'une pauvre réduction d'une image intime, qui, elle même, est un instantané riche de nos cinq sens, mis en mémoire car important pour la préservation de notre être, je n'aurais jamais eu l'idée d'affubler un patron de bar de nuit passé aux affaires immobilières de "commerçant". Je n'en fais pas une question de mérite ou de péjoration, non, je n'en aurais juste pas eu l'idée. Que voulez vous, nous avons tous un rapport intime au mot, et moi, unique comme les autres, je n'ai pas celui là. J'en ai d'autres. Et vous aussi : les vôtres, et c'est très bien comme çà.
Ce "Commerçant", c'est un peu comme le "cinq balles dans la tête sur le parking de sa villa" qui suit. En habitué des polars, je sais bien que quand je lis "cinq balles dans la tête", je comprends "Tu m'as fais du mal, petit!... Tu ne m'as pas écouté, tu en as fait à ta tête... Et voilà où nous en sommes: je suis dans la gêne et je suis obligé de te corriger, toi, mon ami... Pourquoi tu me fais çà?..."
Comprenons nous bien. Ce n'est pas que j'en ai après le bonhomme. C'est juste un fait divers. Et on n'est jamais assez chien qu'on mérite d'être abattu ainsi. Mais le style de l'article m'envoie, par le non-dit manifeste, vers des autoroutes d'histoires à imaginer. Surtout quand je lis aussi que "son restaurant avait brûlé". "Oh oh!...", dit Rainman.
Et qu'un autre commerçant de la même ville, sur le port, en 2009, avait eu droit au même traitement. Kof kof!... (Là, c'est Connelly qui tousse, il veut la place!)
Mais je dois dire que ce qui me plaît me plus dans cet article prodigieux jusqu'au martien à force d'évocation et de réserve journalistique, c'est un très beau, je vous prie de réserver votre souffle, vous allez en avoir besoin : "Aucune thèse n'est écartée pour expliquer le meurtre." Bah oui, je vous avais prévenu! Le style!...
Exercice!
"Écrivez une courte fiction connotée et stylistiquement pertinente, basée sur un fait divers réel."
On sait pas trop pourquoi Jo Les Ribouis avait changé d'air après s'être pris le chou avec la bande à Tony le Braque. S'il avait étouffé l'artiche, ou rué dans les brancards pour pas porter le chapeau. Mais en tous cas, il s'était rangé des brouettes après que son rade ait cramé. Il avait calté plus loin et avait changé de combine pour faire le respectable, se racheter une conduite. Toujours est-il que le Braque a quand même lâché ses chiens sur le gus, qui s'en est pris cinq dans les ratiches, pour apprendre à plus faire le mariolle. Et pis là, j'te dis, avec le sourire qu'il lui a fait, ça risque plus. Et on est pas près de savoir qui. J'te l'dis!...
C'est çà, la connotation. On vous dit un truc, vous en entendez un autre. Et vous savez quoi? Je n'ai pas l'impression que l'exercice de style soit plus connoté que l'original. Ah là là!... La communication!...
, le 20.05.2010 à 13:32
Excellent i Le Cuk que j’aime…
, le 20.05.2010 à 14:09
Vive l’info locale sur Cuk. Le Maï Taï est à 200 mètres de chez moi. Par ailleurs, j’étais en classe avec sa fille.
, le 20.05.2010 à 16:55
Ah ! que voilà du grand beau style français comme on aime sur notre site helvétique favori ! Jusqu’ici, j’osais pas trop jaspiner le jars, même en loucedé, des fois que les aminches entraveraient que dalle ! Mais basta !
, le 20.05.2010 à 17:30
Bah tu vois… Tu peux te débloquer la menteuse et dégoiser comme tu le sens icigo!…
, le 20.05.2010 à 18:05
Merci Modane!
J’ai bien rigolé, même si le fond de l’histoire est tout de même triste.
Au niveau de cet argot (derniers commentaires par exemple) je suis totalement dépassé.
Je n’y comprends rien et me sens à la ramasse.
Raison pour laquelle je n’ai jamais pu lire un San-Antonio jusqu’au bout.
Ça me tue d’ailleurs
, le 20.05.2010 à 18:10
Ah ! San Antonio, c’est du San Antonio… Une langue assez particulière qui doit au moins autant à l’imagination de Frédéric Dard qu’à l’argot. Ce n’est pas du Auguste Le Breton. Un peu comme le langage des lycéens de Claire Brétécher, qui est du « djeune » mâtiné de création littéraire.
, le 20.05.2010 à 22:17
C’est pas pour te bourrer le mou, Chichille, mais on n’est pas tous des demi-sel et des foies blancs icicaille! J’ai fait mon éducation littéraire en ligotant des San-Antonio, ou Le Petit Perret illustré par l’exemple!
, le 20.05.2010 à 23:05
Pépé Marcel, n’aimait pas la musique, après être devenu presque sourd à faire patron d’un putaing de naïte clüb, à écouter le tube de l’été, et le tube de l’été dernier, et le tube de l’été d’avant, et, en exclusivité, le tube de l’été prochain, le flop de l’été, le flop de l’été dernier, le flop de l’été d’avant, et, en exclusivité, le flop de l’été prochain, la danse de l’été, la danse de l’été dernier, la danse de l’été d’avant, et, en exclusivité, la danse de l’été prochain, le slove de l’été, le slove de l’été dernier, le slove de l’été d’avant et, en exclusivité, le slove de l’été prochain, et autres putaing de merveilles, pendant des années et des années, ça peut se comprendre, cong…
Or, Môrice le nouveau voising de droite apprenait le violoncelle, cong, plutôt le mating, dans le jarding, à l’heure à laquelle Marcel aimait tranquilemeng prendre son breakfast en lisant les nouvelles sur sa terrasse mitoyenne, cong…
Au début, Marcel a tenté la conciliation, affable, un bouquet de roses pour madame Môrice. Mais Môrice n’a rien voulu entendre : c’était l’heure à laquelle ses doigts étaient les plus agiles (qu’est–ce–que ça aurait été à une autre heure !), et son vénérable Stradivarius sonnait mieux, selon son professeur, légèrement humidifié de la rosée matinale, cong.
Le ton a monté, les mots se sont fait acérés, et le Stradivarius a fini en putaing de miettes sur la tête de Môrice, cong… Treize ans d’économies en échardes…
Vous connaissez la fin… peuchère !
z (commeng ça, pas assez connoté, cong, je répêêêêêêêêêête : putaing, cong!)
PS : J’aimerais bien que la rédaction ne caviarde pas comme ça les articles ! en effet, dans le chapeau, Modane nous promet « Tout sur la connotation et la dénotation… », or, je viens de relire treize fois l’article et de dénotation point n’ai trouvé… Ou bien serais–ce une coquille malencontreuse, vu que cinq détonations sont subtilement évoquées ?
, le 21.05.2010 à 16:27
avé l’accen
quesse qui tombe d’un arbre, qui commence par un F et ce termine par un G.
Des feuillescong!!!
merci zit de m’avoir rappellé cette histoire idiote
, le 21.05.2010 à 21:06
Encore ! Encore !
Cette discussion a d’ailleurs de hautes vertus pédagogiques et j’en ai vivement conseillé la lecture à ma camarade scoto-canadienne dont le fils doit savoir comment on prépare le haggis et c’est une chance parce que elle, elle sait pas.
Et en plus elle boit même pas de whisky. Mais elle est très sympa quand même.
, le 21.05.2010 à 23:32
un marseillais demande à un belge d’ou il vient ce dernier répond ” je viens de bruxelles-xelles” le marseillais lui répond qu’il n’ y a pas besoin de doubler la dernière partie du mot et l’autre de répondre si car j’étais dans une autre ville et j’ai demandé aussi ou j’étais et on m’a répondu
:” tu es à Tarascon cong………
du même style et si elle peut égayer votre we tant mieux.
, le 22.05.2010 à 09:53
Bon sang! Y’a un nid!:D