Gwenola n'est pas d'accord. Elle me l'a dit dans son courrier. Il n'y a pas que l'eau, en Bretagne! Elle m'en veut d'ailleurs beaucoup d'avoir sous entendu qu'il tombe chaque mois l'équivalent d'un Niagara sur chaque parcelle de terre bretonne! Depuis, elle fait son étrangère et ne me parle plus.
J'en conviens, ma belle amie! J'exagère... Mais je sous-entendais aussi que le bruit de l'eau est à mes oreilles le son le plus amical qui soit, qu'il soit pluie, ressac ou ruisseau! Et comme tu me l'as rappelé, les bretons voient la nature par le Triskell, et que c'est bien de cette façon qu'il faut la regarder, ta terre : tous éléments liés!
Le Triskell est complexe; une recherche vous le montrera. D'aucuns disent qu'il s'agit des trois éléments : l'Eau, la Terre, le Feu, d'autres préfèrent qu'il soit Terre, Ciel, et Eau, ce qui me convient plus, à moi qui suis si loin de Lug, et parfois aussi de l'Abred. Mais que tout ici soit mêlé me paraît une évidence. Ici, avant de faire quoi que ce soit, on doit lever le nez vers le ciel, repérer sa couleur, ses nuages et la direction du vent. Couper sa haie, étendre son linge, bricoler sa maison nécessitent ce petit cérémonial.
Et c'est vrai que, estivant que je suis, je me suis naturellement tourné vers la mer. Pourtant... La terre... Ce que j'avais vu dans le marin y existe aussi. En Bretagne, aucun espace n'est exempt de l'autre. Je disais que le rivage était une jungle ou tout se pousse dessus. Je me rends compte que je limitais la chose. Sur la pierre, une mousse. Sur les mousses, les fougères, puis les arbres, comme des algues se balançant dans les courants du vents...
Mais la pierre... Elle commence près du rivage, porte-coquilles, briseuse de lames et elle se continue logis, coquille, abri pour les complexes animaux que nous sommes. Elle est alors taillée, sèche, raide, anguleuse, dans toute la rigueur de l'esprit breton.
Entrant dans les terres, elle se fait lien, à presque chaque carrefour, posée sur les chemins comme un appel à la révérence...
De temps à autres, une station, une pause, un repos, simple comme un jardin zen...
Puis, à un détour de forêt apparaissent les Anciens... Milliers d'années, plus de saisons encore. Témoignages de nos ancêtres : "J'étais ici!"... Toucher ces pierres de la main ou du regard, en pensant au lointain Aïeul qui le fit aussi un jour, peut-être de la même place, procure un sentiment inouï de puissance et d'énergie. Comme un court-circuit improbable dans les remous du temps...
Et quand la Terre, l'Eau, le Ciel ont fini par les coucher, ces Pierres immenses, goutte après goutte, souffle après souffle, dans ce long et lent mouvement du temps, elles restent quand même présentes, comme des baleines de pleine terre filant imperceptiblement vers l'horizon.
Voilà, chère Gwenola, ce que me dit ton pays, à moi qui n'en suis pas. La pierre d'ici m'allège. Et le granit me fait d'un coup léger, flottant, et la tête dans le vent. Ou dans l'eau... Ailleurs... Ailleurs, mais ici!
, le 05.08.2009 à 00:17
Superbes images, mon Sieur.
, le 05.08.2009 à 11:36
Avec tant de poésie, pas étonnant que ces chemins conduisent à des mythes et légendes si magnifiques. Merci pour ce voyage.
, le 05.08.2009 à 14:33
Lorsqu’on parle de Bretagne, les premières images qui nous viennent à l’esprit sont les côtes rocheuses, les grèves de sable ridé à marée basse, les phares, toutes images liées au côté marin du pays.
C’est bien de faire découvrir et apprécier l’Argoat, les terres intérieures qui valent le déplacement et distillent un esprit de mystère et de légende qui ressort bien de tes images.
, le 05.08.2009 à 16:12
Merci pour ce nouveau poème … j’adore l’ambiance des images
note qu’il n’y pas besoin d’aller si loin… certaines photos me font penser à nos blocs erratiques du Pied-du-Jura
, le 05.08.2009 à 18:48
Très beaux, les blocs! Une nature moins luxuriante, mais beaucoup de caractère aussi!
, le 05.08.2009 à 23:05
1978 un voyage de noces, le mien, la Bretagne, un beau frère breton cela aide. Le golfe du Morbihan dans un bateau d’ostréiculteur à fond relativement plat, souvenir impérissable, ne sachant pas nagé, le 1° jour je me trainais sous les bas flancs de l’embarcation, la trouille au ventre, le lendemain un peu aguéri cela va mieux, surtout après absorption d’un tord boyau fait maison du genre interdit de fumer après sous peine d’explosion.
Et puis le beau frère me dit” si vous voulez des photos superbes de coucher de soleil allez sur la côte sauvage….” ce que nous fîmes, et là un régal pour les yeux et l’appareil, de grosses pierres sur le rivage et je vais de l’une à l’autre toujours plus loin, je voulais les reflets du soleil dans l’eau ben cette p…. d’eau elle venait à moi à une vitesse grand v et je me suis retrouvé sur un piton rocheux avec la mer tout au tour, c’était pas profond au début mais mon matériel photo n’étant pas du tout étanche ma jeune épouse de l’époque est venue le chercher ensuite le photographe car cela montait toujours. Le matériel était sec le photographe trempé jusqu’au cou.
Epilogue: arrivé à la voiture je vois juste à coté un panneau explicatif concernant les dangers du lieu, avec les heures et tout et tout… et il y avait même des dessins.
P.S. je ne sais toujours pas nagé mais paradoxalement je n’ai plus peur en bateau.
Merci Modane de nous montrer cette belle région de France et de m’avoir rappelé cet épisode peu glorieux de la vie trépidante de photographe.
, le 06.08.2009 à 06:34
Bonjour, poête. Comme tu la sens bien, la Bretagne.
Hors les villes et les terres remembrées elle est rude et sauvage. Elle est de tous les temps. Jamais évidente à qui ne l’aimerait pas, toujours protectrice à celui qui se montre familier.
On parle de la Bretagne quand on devrait évoquer des Bretagnes tant la multiplicité des paysages et des sites, dans une même contrée parfois, nous montre la variété des possibles en matière de géographie, de faune et de flore. L’ennui ne concerne pas le promeneur.
, le 06.08.2009 à 11:01
Merci Modane pour cette belle et poétique humeur vagabonde sur cette Bretagne que l’on aime.
Merci à la Bretagne pour sa sauvagerie et sa diversité. Merci à nos anciens de nous avoir laissé le Cairn de Barnenez et celui de Gavrinis, les alignements de Carnac et, plus tard, les enclos paroissiaux et tant d’autres merveilles.
Merci aux Bretons d’avoir su préserver, tant que faire se peut, les magnifiques paysages dont leur région a été dotée. Je pense par exemple aux Monts d’Arrée qui furent, malheureusement, abîmé par ceci que les générations futures auront a gérer (on rejoint un peu le récent débat sur les éoliennes).
Bref : Vive la Bretagne et les Bretons, gens fiers, durs à la tâche et têtus qui savent ce qu’ils veulent et font ce qu’il faut pour l’avoir !
, le 06.08.2009 à 16:18
Très beau texte Modane, merci. Et tes photos font envie.
C’est chouette ces deux humeurs différentes sur une région qui semble, comme le dit Okazou, plurielle.