Tout feu, tout flamme, ou une semaine d’enfer

Depuis bientôt un an je suis souvent sur le versant vosgien de l’Alsace du sud. Vous allez voir ce qui peut survenir en moins d’une semaine dans presqu’un mouchoir de poche.

Moins de dix kilomètres. Où l’on voit que je n’ai pas encore perdu mon oreillette.

Le lieu est intéressant à plusieurs titres: c’est un haut lieu de l’industrie textile, bien mal en point depuis des lustres, c’est le vignoble le plus au sud de l’Appellation Alsace, c’est la vraie « ligne bleue des Vosges » en ce que les nécropoles qui parsèment les contreforts illustrent l’âpreté des combats de la Grande Guerre. Pour autant, les combats de 1944-45 ne devaient guère différer en rudesse.
On voit des monuments aux Morts porter des mentions sibyllines « Aux Victimes de la Guerre de… » qui laisse ainsi deviner que la liste des noms qui suit se panache dans les deux camps.

Les nouvelles du jour sont à portée de clic.

Je loge dans une ferme auberge d’où la vue sur la vallée est merveilleuse.

Brume du petit matin sur la vallée saisie par l’iFawn

Je vais panacher des images de l’iPhone et de l’EOS 5D Mk II prises au 24-105 du kit et au 70-200 2,8L puis ramenées par Lightroom en jpg à 85%, 1600 pixels de large, le tout pour ne pas affoler l’hébergeur et le porte-monnaie du BossPatrond’Ici.
A l’exception de la dernière image.

A ce propos, je dois confesser une erreur majeure j’ai fait ceci:

Migration sur un coin de table.

Je ne supportais plus le MacBook Air: il est parfait pour qui emporte une présentation (je vous garantis que vous remontez dans l’estime de vos étudiants à la DellAttitude), le dossier d’un client, mais le SSD de 120 Go est vraiment trop petit pour l’usage que j’en ai et trimballer en plus un DD externe est une corvée. Je n’avais pas de sauvegarde récente c’est cela l’erreur majeure mais tout s’est bien passé. Rassurez-vous Madame Saluki a recueilli le délaissé et cédé son MB blanc à une primo-accédante de ses amies. Ainsi, pas de gâchis, non?

Le feu au bûcher

Je ne vais pas vous faire un cours sur la symbolique du feu, non plus qu’une somme technologique sur les moyens de la mise à feu. Pour autant je pense que les peuplades primitives ont déifié cet état transitoire de la matière et que cela perdure aujourd’hui. Cette fascination conduit à des pratiques déviantes du genre pyromane et à voir les spectateurs écarquiller les yeux devant les embrasements, je suis heureux de savoir, les forêts aussi, que le passage à l’acte n’est pas aussi fréquent qu’on le croit.

C’est en pleine période des soldes, y compris à l’entrepôt. Il y a dans une ancienne usine Schlumpf (ceux du Musée de l’Automobile de Mulhouse) un grossiste en pacotilles asiatiques. On y trouve des produits kitchouille…

Avant la farandole des desserts…

…mais aussi de quoi alimenter le débat sur ce que cache (OK, elle était facile, celle-là) le voile intégral en France et ailleurs. Je pense reconnaître, comme vous le ferez aisément, ce que la statue tient à la main.

C’est en solde, c’est bradé. Mais qui peut bien acheter çà? Elles ne sont même pas gonflables! ;°(

Revenons au sujet.
La tradition veut que les conscrits du village bâtissent un bûcher, falken, à l’occasion de la Saint-Jean. En fait, déviation moderne, la mise à feu a eu lieu le 27 juin dans toute la vallée, c’est donc un samedi et le lumpenproletariat ne sera pas fatigué le lendemain à la fabrique…

La construction est un vrai labeur qui emploie de nombreuses heures et soude la cohésion de la « classe » qui en garde le souvenir la vie entière.

Willer sur Thur. Le bûcher est vrillé.

Plus bas dans la vallée

Je ne sais plus où, sorry.

Saint-Amarin. Le bûcher est à base hexagonale. On aperçoit les gradins où les spectateurs friands de proximité s’installeront.

Vous remarquerez, si vous ne l’avez déjà fait, que les bûchers vont par trois, symbolique des Trois Croix? Je ne sais.

Pendant ce temps, à Thann on prépare la « crémation des Trois Sapins » qui aura lieu, elle, sur le parvis de la Collégiale, le 30 juin.

Sur une armature, des branches de sapin seront disposées en faisceau inversé pour une combustion intense et rapide compatible avec la localisation en centre-ville.

J’ai assisté du pied de la colline, il y a moins de viande saoûle par là, à l’embrasement de Saint-Amarin . La nuit était quasi tombée, il est 22h30.

Le plus petit est en feu

Une pyrotechnie aide à la dramatisation

On s’y croirait

Je n’avais pas emporté de pied et je regrette de ne pas avoir pu vous faire un ZitO-rama. C’est dommage, j’y songerai l’an prochain si j’écume encore les lieux.

Le feu d’artifice est somptueux

Oh, la belle rouge !

Oh, la belle verte ! (dichroïsme, phototropisme, daltonisme?)

C’est le tour second bûcher

Sans attendre la fin de la combustion le troisième est mis à feu.

Et le sapin qui couronne l’édifice prend feu à son tour.

Les spectateurs à l’arrière sont nombreux et assourdis par une sono qui résonne dans la vallée

Vu des collines qui dominent Saint-Amarin, le spectacle dure longtemps dans la nuit. Ce sont quelques tonnes de rondins qui se consument.

La Crémation des trois sapins.

A Thann , une variante se pratique depuis des temps quasi immémoriaux, puisque remontant au quinzième siècle.
Je résume à ma sauce.
Il y a une légende qui raconte que le serviteur de l’archevêque, devenu saint, de Gubbio, en Ombrie, ramenait vers sa Lorraine ou Flandre natale, une relique de celui-ci dans le pommeau de son bourdon.

Comme un SDF (Serviteur se Dirigeant en Flandre) d’antan, il s’endort au pied d’un arbre. Au matin, les porte flingue soldats du seigneur local, le réveillent, lui font un contrôle d’identité au faciès, et veulent le conduire à la prévôté. Miracle! Ils ne peuvent décoller le bourdon de l’arbre contre lequel il est appuyé. Simultanément le seigneur du lieu est ébloui par la vision de trois sapins en flammes venant du lieu où les forces de l’ordre sont intervenues. Il forme le vœu de construire une église sur le lieu de cette vision.

C’est ainsi qu’il y un superbe monument à Thann à la mémoire du saint Patron, Thibault ou Ubaldo, la collégiale.

Dès le matin, le centre-ville est bouclé. On remarque que les « charpentes » ont été habillées.

Les sapins sont bien au nombre de trois, à mi-chemin entre la mairie et la collégiale. Ils sont surmontés d’oriflammes (sic!) bleu, blanc, rouge.

Les vêpres spéciales sont célébrées dans les trois langues des villes jumelées: français, italien et allemand, Thann, Gubbio et Sigmaringen.
C’était plus simple, et vraisemblablement plus court, quand c’était en latin, non?

Le Tiers-État attend l’arrivée des deux autres…

La chorale est magnifique, surtout les voix d’enfant. Au premier plan la statue processionnaire du Saint.

A l’extérieur, ceux qui n’ont pu accéder à l’intérieur suivent la cérémonie sur deux écrans géants. Les mêmes que pour les matchs de foot.

La flèche est illuminée.

La procession fait le tour de la place.

La reconstitution est « vraisemblable ». Sauf pour ceux qui ne peuvent se retenir d’avoir une clope au bec.

Le chef des pompiers va donner la torche aux heureux bouteurs de feu.

Un Livre d’Or recueille les noms des personnages ainsi honorés depuis plus de soixante ans, à la suite de De Gaulle. Cette année l’honneur de mettre à feu le premier sapin est revenu à une grande résistante Christiane Kammerer très respectée dans la Vallée, à l’archevêque de Strasbourg et deux autres personnalités.

C’est parti…

La position inversée des branches favorise la diffusion.

En quelques instants l’ensemble est embrasé.

Paradoxalement, l’oriflamme n’a pas encore pris feu.

Sans paroles…

La retransmission continue

L’édifice commence à croûler. Il brûlera encore un bon moment.

Un spectacle pyrotechnique prend la suite.

Bouquet final.

Certains n’attendent pas la baisse de la TVA pour tirer profit de la situation.

Conclusion

La semaine de feu se termine par un 16-14 à Winbledon.

Le lundi, il convient de paraphraser Ma’ame Poppins:
« Et vous, quel type de flamme vous émeut-il ? »

Histoire d’attiser un peu les braises: j’ai raté un anniversaire, car, cette semaine se tenait à Graz la commémoration de la mise sur le marché, il y a trente ans du…

Où l’on voit la délicieuse Anne-France attenter sournoisement à la qualité d’assemblage du meilleur tout-terrain au monde. (Merci, Pierre-Matthieu)