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Hôtel des coeurs bri­sés, une en­quête de Marie Ma­chia­velli (5)

 

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Cha­pitres pré­cé­dents:

 

Les cha­pitres pré­cé­dents d’un roman à sus­pense sont trop dif­fi­ciles à ré­su­mer. Nous y ren­voyons le lec­teur: le feuille­ton pa­raît le di­manche et peut être consulté en ligne.


 

 

V

 

 

J’ai mangé sur le pouce et je suis re­tour­née au bu­reau. So­phie m’avait fait sa­voir qu’elle m’avait pré­paré un petit dos­sier de presse sur ce qu’elle ap­pe­lait le cas Sa­vary, et j’étais im­pa­tiente de le lire.

Ici, il faut que je fasse une pa­ren­thèse. Cela fait bien­tôt dix ans que les té­lé­phones por­tables de poche existent, et j’ai long­temps re­fusé d’en avoir un. Je n’ai pas envie qu’on m’ap­pelle lorsque je ne suis pas au bu­reau. Pen­dant des an­nées, j’ai eu une re­cherche, c’est-à-dire un de ces pe­tits ap­pa­reils qui vibrent et sur les­quels vient s’ins­crire un nu­méro de té­lé­phone à rap­pe­ler. Ma re­cherche n’a été uti­li­sée que par So­phie, à la ri­gueur par Pierre-Fran­çois, par Rico, et très ra­re­ment par qui que ce soit d’autre. Le jour où les SMS, ap­pe­lés aussi tex­tos, ont fait leur ap­pa­ri­tion, So­phie a com­mencé à me scier pour que j’aie un té­lé­phone por­table. Moins cher et plus pra­tique. J’ai ré­sisté tant que j’ai pu. Mais quand ma re­cherche s’est cas­sée, je me suis ré­si­gnée au té­lé­phone por­table. Seuls So­phie, Pierre-Fran­çois et Rico en ont le nu­méro, et en cas de né­ces­sité je peux en chan­ger. Pierre-Fran­çois et Rico me connaissent et évitent au­tant que pos­sible de m’ap­pe­ler. So­phie m’en­voie, par tex­tos SMS, les mêmes mes­sages qu’au­pa­ra­vant, à peine plus com­plets. Quant à moi, en cas de be­soin, j’uti­lise mon por­table comme une ca­bine; Swiss­com (le prin­ci­pal opé­ra­teur suisse de té­lé­phone, en grande par­tie pro­priété de l’État) a sup­primé un grand nombre de ca­bines té­lé­pho­niques et ren­chéri celles qui res­tent (vive le ser­vice pu­blic !). Si j’ai envie de ba­var­der avec quel­qu’un, j’at­tends d’être près d’un ap­pa­reil fixe.

Tout ça pour ex­pli­quer que, avant de quit­ter le bu­reau, So­phie m’en­voie, le cas échéant, des mes­sages sur mon por­table. Ce jour-là, elle m’avait écrit: «J’ai posé sur votre table un petit dos­sier de presse sur le cas Sa­vary.» C’est So­phie tout cra­ché, ça: je ne lui avais rien de­mandé, mais elle y avait pensé.

Pre­mière consta­ta­tion, la mort de Sa­vary avait fait la une de pra­ti­que­ment tous les jour­naux suisses, et de toute la presse spor­tive eu­ro­péenne.

Dans les heures qui ont suivi sa mort, les jour­naux ti­traient: Le Suisse Sa­vary trouvé mort dans son hôtel; ils par­laient de son phy­sique avan­ta­geux, de ses dé­buts pro­met­teurs, de réus­sites en chaîne dans des courses de plus en plus im­por­tantes. On par­lait éga­le­ment d’une mau­vaise chute au Tour des Quatre-Lacs l’an­née pré­cé­dente, qui l’avait contraint au repos. Liège-Bas­togne-Liège au­rait été une sorte de pré­lude au Tour de Suisse, puis à la com­pé­ti­tion de ses rêves, le Tour de France. Sa­vary avait été frappé par le des­tin alors même qu’il in­car­nait le re­nou­veau du cy­clisme hel­vé­tique. Bref, beau­coup de vio­lons.

Ce pre­mier jour, il n’était pas ques­tion de do­page, on se conten­tait de men­tion­ner en pas­sant, sans y at­ta­cher plus d’im­por­tance que ça: la po­lice cri­mi­nelle en­quête.

Les jours sui­vants, les gros titres al­laient dans la di­rec­tion de: la cause de la mort reste in­cer­taine. Dans les ar­ticles, on com­men­çait à en­vi­sa­ger que Sa­vary au­rait pu prendre de l’hor­mone de crois­sance. Un la­bo­ra­toire de Constance, spé­cia­lisé dans les sub­stances do­pantes, cher­chait des ré­si­dus de pro­duits illi­cites. Et on re­cher­chait dans ses che­veux des traces d’éry­thro­poïé­tine.

Je me suis re­mé­moré ce que m’avait dit le spé­cia­liste du sport: avec un décès in­ex­pli­qué, la po­lice cri­mi­nelle in­ter­vient au­to­ma­ti­que­ment, et il est d’usage qu’on fasse une au­top­sie. N’em­pêche… Le juge or­don­nait-il vrai­ment aus­si­tôt qu’on fasse des ana­lyses de ce genre? La pre­mière idée qui était venue à tout le monde de­vait tout de même être que feu Sa­vary s’était dopé et qu’il avait im­pru­dem­ment forcé la dose. J’ai goûté tout par­ti­cu­liè­re­ment l’hu­mour d’un des res­pon­sables mé­di­caux de son équipe qui dé­cla­rait à un jour­na­liste: «Je ne com­prends rien, c’est un mys­tère. Il est to­ta­le­ment in­ha­bi­tuel qu’un spor­tif de haut ni­veau meure aussi sou­dai­ne­ment.» Si même moi j’avais une liste de l’hé­ca­tombe sur les douze der­niers mois, cela si­gni­fiait sans doute que cela ar­ri­vait plus fré­quem­ment qu’il ne vou­lait bien le dire.

J’ai levé les yeux et me suis adres­sée à la photo sur ma table.

«Je sais bien que tu étais un fan, papa, mais tout de même, tu n’au­rais pas dressé l’oreille, toi, à ma place?»

Comme si feu Ro­land Ma­chia­velli avait voulu me ré­pondre, le té­lé­phone s’est mis à son­ner. Après une se­conde de pa­nique (j’avais posé la ques­tion à haute voix), je me suis rai­son­née, ai pris le temps de me de­man­der qui cela pou­vait bien être. Je n’au­rais pas voulu de­voir m’ex­pli­quer avec Wal­ser, l’écri­vain in­dus­triel, je n’avais même pas eu le temps de pen­ser à lui de­puis la veille. J’ai fini par me dé­ci­der à ré­pondre en pen­sant que c’était peut-être Rico, mais j’ai tout de même pris la pré­cau­tion de faire comme si j’étais mon propre ré­pon­deur:

«Ici l’agence Ma­chia­velli. Nous ne…»

«Ça va, Marie. Je viens de pas­ser sous tes fe­nêtres et de voir la lu­mière. On te de­vine même, toi, à ta table; ques­tion ca­mou­flage, tu as des pro­grès à faire.»

C’était Jé­rôme De­ne­reaz.

«Ah ! Salut Doc­teur. À vrai dire, je crai­gnais un im­por­tun. Tu montes?»

«Non. Je suis dans ma voi­ture, en route pour chez moi, et déjà comme ça je vais me faire en­gueu­ler par mes gosses, sans par­ler de ma pauvre femme qui doit être à bout de forces, vu que les bam­bins n’avaient pas d’école au­jour­d’hui. Mais je pré­fère te té­lé­pho­ner main­te­nant qu’à la saint-glin­glin. Dis-moi, qu’est-ce que tu as fait à Van Holt?»

«Ce que j’ai fait à Van Holt? Que veux-tu que je lui aie fait? Rien. Pour­quoi? Il a dis­paru?»

«Alors, là, comme in­cons­ciente, il n’y a pas mieux que toi. Je crois qu’il a eu le coup de foudre, tu ne t’en es pas aper­çue?»

«Jé­rôme… Je ne sa­vais pas que tu étais un lec­teur as­sidu de Gala, de France-Di­manche, de tous ces jour­naux qui voient des amours ins­tan­ta­nées par­tout. On a causé mé­de­cine, sub­stances do­pantes, et on a bu un truc pas mal qui s’ap­pelle, si ma mé­moire est bonne, Jonge Ge­ne­ver, un gin un peu jeune, quoi.»

«Et tu ne t’es rendu compte de rien?»

«Il n’y avait rien de quoi on doive se rendre compte. Le mec était froid et ré­servé. Il a un sou­rire en­jô­leur, je te l’ac­corde, mais il en fait un usage par­ci­mo­nieux. Il t’a dit qu’il avait eu le coup de foudre?»

«Pas du tout. Mais cela se voyait.»

«Des pe­tits cœurs qui lui sor­taient par les yeux et la bouche, sans par­ler des trous de nez, pro­ba­ble­ment…»

«Un type, froid et ré­servé, comme tu dis, qui prend la peine de me re­trou­ver dans les méandres de l’hô­pi­tal à six heures du soir, pour se ren­sei­gner sur le compte d’une nana avec la­quelle il vient de boire un pot, tu en dé­dui­rais quoi, toi, Her­lock Sholmes?»

«Rien du tout. Il veut sa­voir s’il peut me faire confiance en me ré­vé­lant les se­crets de la dope spor­tive.»

Mais je me suis dit tout à coup qu’il pour­rait y avoir quelque chose de vrai dans ce que di­sait Jé­rôme en re­pen­sant au voyage à Vin­ti­mille – j’au­rais pu y aller seule, mais il s’était ar­rangé pour venir avec moi.

Pen­dant ce temps, Jé­rôme a pour­suivi son ex­posé sur ma naï­veté, et je l’ai laissé dire. Nous avons fini par rac­cro­cher après qu’il m’a re­com­mandé de l’ap­pe­ler s’il se pré­sen­tait en­core un pro­blème.

«Et le jour où tu auras le rap­port d’au­top­sie de Sa­vary, je le lirai vo­lon­tiers.»

«Je ne man­que­rai pas de te le faire pas­ser. Et merci pour tout, mon­sieur So­leil.»

Je me suis re­mise à ma lec­ture, mais il faut avouer que ma tête va­ga­bon­dait, pour plu­sieurs rai­sons qui au­raient dû être in­dé­pen­dantes les unes des autres, mais qui ne l’étaient pas. Il y avait le fait que Rico ne m’avait pas té­lé­phoné de­puis plu­sieurs jours, et qu’il ne ré­pon­dait pas au por­table qu’il n’avait ja­mais eu aucun scru­pule à uti­li­ser jour et nuit, lui. Est-ce qu’il lui se­rait ar­rivé quelque chose? Et il y avait Van Holt, dont je n’avais même pas re­tenu le pré­nom, j’ai dû ex­traire sa carte de vi­site de mon sac pour le trou­ver: Jan, rien d’ori­gi­nal.

J’ai fini par me faire vio­lence; je vou­lais sa­voir à quel mo­ment les jour­naux avaient com­mencé à par­ler ou­ver­te­ment de do­page à pro­pos de la mort de Sa­vary. J’au­rais pu m’y at­tendre: la troi­sième vague d’ar­ticles est venue après les ré­sul­tats de l’au­top­sie: «Sa­vary est mort de mort na­tu­relle», ce gros titre d’un quoti­dien les ré­su­mait plus ou moins tous. Je me suis tout de même posé quelques ques­tions: l’af­fir­ma­tion pé­remp­toire ve­nait quatre jours seule­ment après la mort du cham­pion. Avait-on vrai­ment fait toutes les ana­lyses pos­sibles? En li­sant de plus près un ar­ticle paru quelque part en Suisse alé­ma­nique, j’ai fini par dé­cou­vrir que le Par­quet thur­go­vien part de l’idée que la mort de Sa­vary est na­tu­relle. Il ré­di­gera un rap­port dé­fi­ni­tif lorsque les ana­lyses his­to­lo­giques se­ront ache­vées. Mais il sem­ble­rait qu’il se soit agi d’une mort su­bite. Et l’ar­ticle pour­sui­vait, en as­su­rant que, tou­jours selon le Par­quet, certes, le cœur de Sa­vary avait été plus gros que la moyenne; mais que ce que le jour­nal ap­pe­lait le cœur du spor­tif n’était pas une trans­for­ma­tion ma­la­dive de cet or­gane, mais bien une adap­ta­tion aux exi­gences ac­crues de l’or­ga­nisme. J’ai été ten­tée d’ap­pe­ler Jé­rôme pour lui de­man­der ce qu’il pen­sait de ça, et pour qu’il me dise ce qu’est une ana­lyse his­to­lo­gique, mais j’ai fini par ren­voyer cela au len­de­main.

J’ai en­core tenté, vai­ne­ment, de trou­ver un ar­ticle dif­fé­rent, qui ex­pri­me­rait un doute, un simple doute, sur la cause du décès. Ils s’étaient tous ac­cro­chés avec vo­ra­cité à la mort na­tu­relle: ath­lètes, of­fi­ciels, jour­naux, or­ga­ni­sa­teurs – l’una­ni­mité, quoi. J’ai fini par me dire que j’étais comme d’ha­bi­tude une mau­vaise tête, que mieux va­lait aller si­ro­ter un whisky avant de me cou­cher. De­main, il fal­lait d’ailleurs que j’ap­pelle Flo­rence pour sa­voir où en était Ma­rietta. Je n’au­rais pas voulu me re­trou­ver face à Wal­ser avant d’avoir quelque chose à lui dire.

Cela a été ma pre­mière ques­tion le len­de­main, en ar­ri­vant, presque à l’heure selon les cri­tères de So­phie.

«Com­ment se fait-il que Wal­ser n’a pas ap­pelé? J’au­rais juré que c’était le genre à s’in­for­mer trois fois par jour.»

«Cinq», a dit So­phie sur un ton fu­nèbre. «Il va me fal­loir po­tas­ser un traité de rhé­to­rique pour me dé­brouiller avec ce type-là. Il a ap­pelé toutes les deux heures, et…»

Le té­lé­phone a sonné.

«Ah ! le voilà», a dit So­phie avec as­su­rance. Elle a dé­cro­ché. «En­quêtes Ma­chia­velli?… Bon­jour, mon­sieur Wal­ser… Non, je vous l’ai dit hier, elle n’est ja­mais là à neuf heures… Oui, je le lui ai rap­pelé… Mais elle avait l’in­ten­tion de par­tir pour Flo­rence au­jour­d’hui, je crois. Je l’at­tends… Oui, bien sûr, je lui dirai… Non, je vous as­sure…»

Je suis allée jus­qu’à la porte d’en­trée, l’ai ou­verte, et je me suis pen­due à la son­nette.

«Il faut que j’in­ter­rompe, mon­sieur», a dit So­phie de sa voix la plus suave. «Il y a quel­qu’un à la porte. Mme Ma­chia­velli vous rap­pelle dès qu’elle ar­rive. Si elle n’est pas déjà par­tie. Au re­voir.»

Elle a rac­cro­ché avec une cer­taine vio­lence.

«Il faut que j’ap­pelle Ma­rietta», ai-je aus­si­tôt dit pour dé­tendre l’at­mo­sphère.

«Je ne suis même pas sûre que ce soit légal, ce que veut ce mon­sieur», a grom­melé So­phie.

«Ser­vons-nous une bonne tasse de thé, et je vous ra­conte ce que m’a ex­pli­qué l’autre soir Me Clair.»

Pen­dant que nous si­ro­tions, j’ai ré­sumé pour une So­phie mi-go­gue­narde, mi-agres­sive, ce qui m’était resté de la pe­tite leçon de Pierre-Fran­çois sur le droit d’au­teur. Si j’ac­cep­tais d’être un «nègre», comme on dit si élé­gam­ment dans le jar­gon, je n’au­rais aucun droit sur mon tra­vail, mais je ne par­ti­ci­pais pas pour au­tant à un crime: la condi­tion sine qua non étant que Wal­ser s’en­gage au­près de son édi­teur à li­vrer un ma­nus­crit, mais sans que son contrat porte la men­tion «sorti en­tiè­re­ment de sa tête», ou quelque chose dans le genre. Si l’édi­teur ac­cep­tait, et qu’il ac­cep­tait sa si­gna­ture, tout était pour le mieux. Si l’édi­teur en ques­tion était au cou­rant, il pou­vait exi­ger que Wal­ser se mette en règle avec ses «nègres» (dans les pays an­glo-saxons on parle d’«écri­vains fan­tômes», c’est moins ra­ciste et plus poé­tique). Mais ça n’al­lait pas plus loin.

«Quel monde, je vous jure !» ai-je conclu.

«Vous faites faire vos re­cherches sur Ma­chia­vel par Ma­rietta. Et Wal­ser n’en saura rien, lorsque vous lui com­mu­ni­que­rez les ré­sul­tats.»

«Oui, mais ce que je pro­duis, moi, ce n’est pas une œuvre d’art. C’est en quelque sorte un ma­té­riau de construc­tion, des briques, une mar­chan­dise, quoi, que je mets au point avec col­la­bo­ra­teurs et sous-trai­tants. Ça se fait cou­ram­ment. Le rap­port final, c’est nous qui le fe­rons. Lui, il fait même écrire l’œuvre qui sera pu­bliée. Et puis, zut, un roman, c’est tout de même autre chose.»

«Au ni­veau d’un édi­teur, ça de­vient un objet à vendre.»

«Oui, bon, ça finit aussi par être de la mar­chan­dise. Mais, au dé­part, cela doit venir du plus pro­fond de soi. Du moins c’est ainsi que j’ai tou­jours consi­déré l’écri­ture, même s’il est vrai que je n’y ai pas pensé sou­vent. Bref, ap­pe­lons Ma­rietta.»

Au té­lé­phone, son ré­pon­deur m’a ap­pris d’une voix fraîche qu’elle était «dans les pro­fon­deurs d’une bi­blio­thèque», et qu’elle conseillait qu’on laisse un mes­sage. Je me suis exé­cu­tée. Les pro­fon­deurs de­vaient être assez proches de la sur­face, car moins d’une heure après, elle m’ap­pe­lait.

«Tu sais que Léo­nard de Vinci vou­lait faire de Flo­rence un port de mer en élar­gis­sant l’Arno», ­a-t-elle dit, sur le ton de quel­qu’un qui vient de dé­couvrir l’Amé­rique.

«Ma­rietta, c’est de Ma­chia­vel qu’il est ques­tion.»

«Je vous rap­pelle, ma­dame l’ignare, que Léo­nard de Vinci est un contem­po­rain de Ma­chia­vel, et que comme lui il est flo­ren­tin.»

«Et alors?»

«Alors Ma­chia­vel et Léo­nard se connais­saient.»

«Et alors?»

«Et alors, l’un avait le sa­voir, l’autre le pou­voir po­li­tique de mettre en œuvre ce sa­voir.»

«Je vois.»

En fait, je ne voyais guère. Elle a dû per­ce­voir le doute dans ma voix.

«Marie, c’est là que j’en suis, et je ne suis pas en­core très sûre de mon af­faire. Mais je t’as­sure que c’est pro­met­teur. Ça me fait même mal au ventre de pen­ser que je vais vendre ça à un type comme ton Wal­ser, ça fe­rait un mé­moire de li­cence ma­gni­fique.»

«Ma­rietta, ma ché­rie, rien ne t’em­pêche… Il ne saura pas que tu as existé, c’était dans le vent, nous au­rons été deux sur l’af­faire, l’éven­tuelle ren­contre entre deux gé­nies de la Re­nais­sance n’est pas bre­ve­tée.»

«Et puis, suis-je en état d’écrire une thèse sur un tel sujet? Tout compte fait, pro­ba­ble­ment pas. Je ne suis qu’une souillon de l’écri­ture.»

«Tu es jeune, tu as le temps de sor­tir des cui­sines.»

«Bon, j’y vais.»

«Et qu’est-ce que je dis à Wal­ser?»

«Ne lui parle pas de Léo­nard, pour l’ins­tant, ar­range-toi, dis-lui qu’il faut en­core que tu lises et que tu cherches, les do­cu­ments sont dif­fi­ciles à trou­ver et com­plexes. Ce n’est que la stricte vé­rité, d’ailleurs. Bon, ciao.»

J’avais mis le haut-par­leur pour que So­phie pro­fite de la conver­sa­tion. Lorsque j’ai rac­cro­ché, nous nous sommes re­gar­dées.

«Dé­brouillez-vous, So­phie. Faites ce qu’elle dit.»

«Oh, je n’y man­que­rai pas.»

«Et vous n’au­rez pas à men­tir à pro­pos de mon ab­sence. Je vais aller à Bi­schof­szell et en­vi­rons d’abord, puis à Vin­ti­mille.» Je lui ai ra­conté la pro­po­si­tion de Van Holt. «C’est peut-être une perte de temps, mais tant pis… Si seule­ment je sa­vais ce que je cherche exac­te­ment…»

«Telle que je vous connais, ça fi­nira par venir. Je vais vous mettre au point un ho­raire. Vous allez à Nice en avion?»

«C’est sans doute ce qu’il y a de mieux.»

Quelques clics et, deux ap­pels plus tard, elle m’avait concocté un petit voyage.

J’ai ap­pelé le por­table de Van Holt, et je lui ai fait part de mes in­ten­tions.

«Je vou­drais bien aller voir les lieux du crime, si crime il y a eu. Je vais pas­ser une nuit là-bas, puis je pren­drai l’avion à Zu­rich.»

«Par­fait. Et une fois que vous serez à Nice?»

«So­phie, ma se­cré­taire, m’a ré­servé un hôtel. Je vous pro­pose qu’on se ren­contre, d’une ma­nière ou d’une autre.»

Nous nous sommes pro­mis de nous ap­pe­ler, et avons rac­cro­ché. Tu parles d’un amou­reux transi. Il m’avait ex­pé­diée comme on avale une bière – pas de temps à perdre, di­sait le ton de sa voix.

Là-des­sus, j’ai ap­pelé Ju­liette Sa­vary.

«Est-ce que vous avez reçu le rap­port d’au­top­sie de votre fils?»

«Tou­jours pas. Et puis, cette au­top­sie, je ne lui fais pas confiance.»

«Un peu tard, vous ne croyez pas?»

«Oui et non. C’est parce que je n’ai ja­mais fait confiance à tous ces gens que j’ai em­pê­ché que Da­mien soit in­ci­néré. Il est en­terré mais, en cas de be­soin, on peut re­faire des ana­lyses.»

Un si­lence.

«Où donc vi­vait Da­mien?» ai-je fini par de­man­der.

«À Vé­troz, en Va­lais. Sur place pour s’en­traî­ner, comme il di­sait.»

«Vous avez déjà vidé son ap­par­te­ment?»

Un grand sou­pir.

«Non. Je n’en ai pas en­core eu le cou­rage. Et comme le cha­let nous ap­par­tient, je me suis dit qu’il va­lait mieux lais­ser pas­ser un peu de temps.»

«Pen­sez-vous que je puisse aller y faire un tour? Juste comme ça, pour es­sayer de com­prendre Da­mien.»

«Si je ne suis pas obli­gée de vous ac­com­pa­gner… Je ne suis pas en­core prête. Vou­lez-vous que je vous en­voie la clef?»

«Non, je vais venir la prendre, si vous per­met­tez.»

Nous avons pris ren­dez-vous.

J’ai passé le reste de la jour­née à cou­rir, à cher­cher dans les dic­tion­naires tant des termes comme éry­thro­poïèse que des in­for­ma­tions sur les rap­ports qu’au­raient pu en­tre­te­nir Ma­chia­vel et Léo­nard de Vinci.

Le len­de­main, j’ai passé la ma­ti­née à la bi­blio­thèque à feuille­ter des dic­tion­naires mé­di­caux et de vieux jour­naux sur le do­page; je n’ai rien ap­pris de nou­veau sur le prin­cipe, seule­ment des va­riantes et des dé­tails. Je me ren­dais compte une fois de plus que le do­page n’est un se­cret pour per­sonne, mais qu’on en parle le moins pos­sible et que, dans les pages spor­tives, on traite la com­pé­ti­tion comme si ça n’exis­tait pas. J’ai fini par en avoir marre, j’ai plié ba­gage.

J’ai fait un saut jusque chez les Sa­vary, qui vi­vaient à La Sal­laz, en vi­sant l’heure du repas de midi, parce que je vou­lais voir dans quel mi­lieu ils vi­vaient, et je vou­lais faire la connais­sance de M. Sa­vary. Il était en­core plus stu­pé­fiant que sa femme. Je sa­vais qu’il avait qua­rante ans pas­sés, mais je lui en au­rais donné trente à tout cas­ser. Comme sa femme, il s’ha­billait avec soin, et, en­semble, les Sa­vary avaient tout du couple à la mode, très loin de l’image des pa­rents éplo­rés qu’ils étaient pour­tant. Ils dé­ga­geaient la dé­tresse par tous les pores, en dépit de leur chic.

«Nous vou­lons tout sa­voir, Mme Ma­chia­velli», a dit M. Sa­vary. «Tout. Si notre fils nous a menti et s’est dopé au point d’hy­po­thé­quer sa vie, il faut aussi que nous le sa­chions. Il nous a as­su­rés qu’il ne tou­chait pas à ces choses-là, mais un fils peut-il avouer de tels écarts à ses pa­rents?»

C’était à peine une ques­tion, à la­quelle je n’ai pas ré­pondu, et qui n’a pro­vo­qué qu’un faible geste de déni de sa femme.

«Est-ce que vous au­riez l’adresse de son com­pa­gnon de chambre?», ai-je en­core de­mandé. Les jour­naux par­laient de chambres à deux.

«Il la par­ta­geait tou­jours avec Jacques Junot, ils étaient amis de­puis l’école pri­maire, et ils ont fait car­rière en­semble. Là où l’un était, l’autre n’était pas loin.»

«À vous en­tendre, l’un, c’était tou­jours Da­mien, et l’autre, tou­jours Jacques; est-ce que je me trompe?»

Un vague sou­rire s’est fait jour sur les deux vi­sages, mêlé de quelque chose qui res­sem­blait à de la fierté.

«C’est vrai», a admis M. Sa­vary. «Mais ils n’en étaient pas moins des amis in­sé­pa­rables, très dé­voués l’un à l’autre.»

Il a grif­fonné l’adresse sur un bout de pa­pier. C’était dans le quar­tier. Avant de re­des­cendre jus­qu’au Rô­tillon, je suis donc allée voir. Je suis tom­bée, cette fois, sur une maman plus clas­sique: une mé­na­gère lau­san­noise dans la cin­quan­taine, s’es­suyant les mains dans un linge de cui­sine.

«En­trez, en­trez. On al­lait se mettre à table. Si vous vou­lez par­ta­ger un mor­ceau avec nous…»

Jacques n’était pas là, il était quelque part dans le nord de la France en train de dis­pu­ter une course. Mais ses deux frères aînés et son frère cadet m’ont fait un ta­bleau com­plet des ex­ploits du cham­pion. Il avait failli rem­por­ter Liège-Bas­togne-Liège, est-ce que je me ren­dais compte? L’an­née der­nière il était troi­sième, cette année se­cond, il n’avait été battu qu’au sprint. Il avait été sé­lec­tionné pour le Tour de France… et ainsi de suite. Bien sûr la mort de Da­mien était un coup dur pour tous.

«C’était comme un cin­quième fils pour moi, comme un frère pour eux tous, ce gar­çon», a dit d’une voix émue Mme Junot. «Ses pa­rents étaient sou­vent ab­sents, alors ils nous le confiaient. Lors­qu’il était tout petit, ils étaient en­core étu­diants, vous savez, ils l’ont vrai­ment eu très jeunes. Ils sont dé­vas­tés, les pauvres.»

Elle m’a mis entre les mains tout un dos­sier de cou­pures de presse, tant sur Da­mien que sur Jacques, rap­por­tez-les quand vous vou­drez, et vous-même, vous êtes un peu pâ­lotte, venez de temps à autre faire un bon repas avec nous. C’était le genre de la mai­son – porte et bras ou­verts. Da­mien avait dû se sen­tir à son aise, parmi ces gens. C’est chez eux que j’ai enfin vu une photo où il était en civil, et non en cy­cliste; il était en com­plet sombre, de coupe im­pec­cable, en vrai fils de ses pa­rents. Il ne lui man­quait que la cra­vate. Il avait dû être grand, re­mar­qua­ble­ment beau et sans doute am­bi­tieux, son port de tête ex­pri­mait cela sub­ti­le­ment. Ses yeux noirs étaient per­çants et, sur la photo que Mme Junot gar­dait sur sa che­mi­née, sans ten­dresse au­cune. Son sou­rire était re­tenu. Da­mien Sa­vary avait dû être un gar­çon ré­servé. Pas éton­nant qu’il n’ait pas voulu par­ta­ger ses pro­blèmes de do­page – en ad­met­tant qu’il en ait eu – avec ses pa­rents ou ses amis.

J’ai tout em­porté, photo com­prise, en pro­met­tant de tout ren­voyer le len­de­main. So­phie ha­bi­tait à deux pas, elle leur rap­por­te­rait le pa­quet. Mais je vou­lais qu’elle fasse des pho­to­co­pies d’abord, et je me pro­po­sais de faire un ti­rage de la photo.

Je suis ar­ri­vée à l’agence vers quatre heures, et au scan­ner So­phie a aus­si­tôt fa­bri­qué quelques exem­plaires du por­trait. J’avais envie de l’avoir à Vin­ti­mille, on ne sa­vait ja­mais.

Pour la énième fois, j’ai tenté de joindre Rico, mais en vain. So­phie et moi n’avons pas l’ha­bi­tude de nous faire des confi­dences sur notre vie pri­vée. Nous gar­dons une dis­tance qui me convient: notre as­so­cia­tion est d’au­tant plus so­lide que les sen­ti­ments n’y jouent qu’un rôle se­con­daire. Cela au­rait été dif­fé­rent si nous avions été des amies d’en­fance, mais tel n’était pas le cas. So­phie avait tou­jours in­sisté pour m’ap­pe­ler ma­dame et me vou­soyer. La seule fa­mi­lia­rité entre nous, si on peut dire, est que moi je l’ap­pelle So­phie, tout sim­ple­ment parce que c’est plus beau que ma­de­moi­selle De­vaud. Mais, cet après-midi-là, je lui ai tout de même confié ma pré­oc­cu­pa­tion.

«Moi-même je me suis in­ter­ro­gée», a admis So­phie. «Je n’ai réa­lisé qu’au­jour­d’hui qu’il n’avait pas ap­pelé de­puis plu­sieurs jours. Si vous vou­lez, de­main je peux faire le tour de ses ré­dac­tions.»

«Bonne idée ! Si Sa­vary ne me pre­nait pas pa­reille­ment la tête, j’y au­rais pensé, moi aussi. Mais il faut ad­mettre que jus­qu’ici je ne me suis pas trop fait de souci.»

«Comp­tez sur moi, je vous tiens au cou­rant.»

Nous avons quitté l’agence en­semble à cinq heures. Dans l’es­ca­lier, nous avons croisé un in­di­vidu avec un ins­tru­ment à la main.

«Qu’est-ce qui se passe? Vous allez re­peindre l’es­ca­lier?»

«Pas vrai­ment, mes pe­tites dames, nous al­lons plu­tôt le dé­mo­lir.»

So­phie et moi avons échangé dans la pé­nombre un re­gard pré­oc­cupé.

«Et quand comp­tez-vous ac­com­plir cette mau­vaise ac­tion?»

«Ne vous en pre­nez pas à moi, je vous en prie. Je ne suis qu’un exé­cu­tant. J’ai en­tendu par­ler du mois d’août ou de sep­tembre.»

«Au moins on a le temps de se re­tour­ner», a sou­piré So­phie. «Je crois que de­main je me met­trai aussi à la re­cherche d’un autre lieu.»

En des­cen­dant, j’ai une fois de plus ad­miré la frise peinte au po­choir il y a plus d’un siècle, un peu pâlie mais tou­jours gra­cieuse; le bas de la paroi avait été peint imi­ta­tion vieux bois, au­rait-on dit, on ne voyait plus très bien, la frise (des ce­rises en feuilles, très ­stylisées) cou­ron­nait ce trompe-l’œil à hau­teur du re­gard. Il fal­lait que je me fasse à l’idée qu’elle al­lait dis­pa­raître.

Dans la rue, nous nous sommes quit­tées en si­lence. Nous n’avons échangé qu’un signe de la main.

(à suivre)

 

 

«Hôtel des coeurs bri­sés»

a été réa­lisé par Ber­nard Cam­piche Édi­teur, avec la col­la­bo­ra­tion de Hu­guette Pfan­der, Ma­rie-Claude Schoen­dorff, Da­niela Spring et Julie Weid­mann.  Cou­ver­ture: pho­to­gra­phie de Anne Cuneo. Tous droits ré­ser­vés © Ber­nard Cam­piche Édi­teur Grand-Rue 26 – CH-1350 Orbe

12 com­men­taires
1)
pilote.​ka
, le 12.07.2009 à 16:41

Anne, mal­gré tes ef­forts louables je trouve qu’un livre sur in­ter­net ça passe mal. J’ai très vite des pro­blèmes pour me concen­trer. Le bon livre sur pa­pier reste meilleur même au livre élec­tro­nique. La ma­té­ria­li­sa­tion du livre sur pa­pier reste pour moi pré­fé­rable.Tu es en avance sur ton temps.

2)
Anne Cuneo
, le 12.07.2009 à 18:00

Cher Pi­lote,

Tout le monde ne pense pas comme toi – il y a plein de gens qui lisent le feuille­ton sur in­ter­net (plu­sieurs mil­liers, selon les sta­tis­tiques). Cer­tains cu­kiens lisent ça sur leur iPhone, même. Le jour où il y a eu une panne et que le feuille­ton n’a pas paru, j’ai eu le droit aux ré­cla­ma­tions d’un nombre de per­sonnes qui m’a sur­prise.

Mais je ne t’em­pêche pas d’ache­ter le livre, bien sûr, il est dans les li­brai­ries, ou tu peux le com­man­der di­rec­te­ment à Ber­nard Cam­piche édi­teur

Mes ef­forts ne sont pas «louables». Ils sont cu­rieux. Il faut tou­jours ex­pé­ri­men­ter.

3)
jibu
, le 12.07.2009 à 21:27

Je suis accro à la lec­ture sur iphone, même si je re­con­nais que ce n’est pas l’écran au top pour faire cela. Les écrans “encre élec­tro­nique” sont ap­pa­rem­ment plus mieux bien mais c’est trop chiant de gérer un ap­pa­reil de +. Et rap­port aux feuille­tons d’Anne, si il y avait un épi­sode par jour, je les li­raient, si c’était payant aussi. (oui, je sais c’est trop de­man­der…)

4)
Fran­çois Cuneo
, le 12.07.2009 à 22:36

J’ai aussi de la peine à me concen­trer sur un écran, il faut bien l’avouer. J’ai lu le livre d’Anne sur pa­pier quand il est sorti. Evi­dem­ment, c’est mieux. Mais tu m’ex­pliques pilote.​ka com­ment on fait pour qu’Anne (et Ber­nard) puissent l’of­frir à tous au­tre­ment que sur écran?:-)

5)
Je­Ma­Muse
, le 12.07.2009 à 23:55

Je dois dire que moi aussi, j’ai de la peine à suivre le roman par épi­sode, chaque se­maine, et sur écran.

Sa­medi, je suis allé à la F**C, et j’avais envie d’ac­qué­rir un com­fort de lec­ture… ache­ter donc l’un ou l’autre des ro­mans de Anne.

Eh bien oui, il y en avait. Mais en sai­sis­sant l’un ou l’autre des ou­vrage, j’ai été très sur­pris de voir que la cou­ver­ture n’était pas de pre­mière frai­cheur. Et ça m’a vrai­ment em­bêté. Ache­ter un (ou des) ou­vrage(s) qui donnent l’im­pres­sion d’avoir été trim­ba­lés dans des car­tons, ça m’a coupé l’en­vie. Pour moi l’ou­vrage est un en­semble. Je ne connais pas grand chose aux règles des édi­teurs, mais diable, qu’ils im­posent donc aux dis­tri­bu­teurs un mi­ni­mum de res­pect pour “L’Ob­jet”.

6)
Anne Cuneo
, le 13.07.2009 à 10:31

Eh bien oui, il y en avait. Mais en sai­sis­sant l’un ou l’autre des ou­vrage, j’ai été très sur­pris de voir que la cou­ver­ture n’était pas de pre­mière frai­cheur.

L’édi­teur perd le contrôle de l’ob­jet lors­qu’il sort de chez lui, c’est le dis­tri­bu­teur qu’il faut en­gueu­ler – pour un type comme Ber­nard le res­pect de l’ob­jet-livre est à tel point sous-en­tendu que je suis sûre qu’il va être mal­heu­reux d’ap­prendre que tu n’as pas pu ache­ter un de ses livres pour la seule rai­son qu’il était dé­fraî­chi. As-tu ré­clamé au­près des li­braires?

Quant à oui ou non lec­ture sur écran, c’est un vaste débat qui dé­pend de cha­cun. J’ar­rive assez bien à lire sur écran, et comme dit Fran­çois, c’est le seul moyen d’of­frir un texte qui, au­tre­ment, coû­te­rait très cher à faire. Au dé­part, c’était une idée qui me sem­blait ri­go­lote, un feuille­ton do­mi­ni­cal, comme cela se fai­sait au­tre­fois dans la presse, sur cuk, qui ques­tion presse mon­diale est on ne peut plus mo­deste. Il y a des gens comme jibu qui ap­pré­cient, d’autres comme toi qui pré­fèrent le livre.

Moi aussi, en prin­cipe. Mais l’un n’em­pêche pas l’autre.

7)
Mé­dard
, le 15.07.2009 à 23:26

Bon ben voilà, j’ai fini par être re­connu ;-)

Ques­tion lec­ture, perso j’ap­pré­cie le côté “feuille­ton”, et lire sur écran ne me gêne pas, puisque je peux agran­dir les ca­rac­tères très fa­ci­le­ment (étant plu­tôt très myope ;-))

Bon, pour of­frir, il vaut mieux un beau livre avec un beau pa­pier, de beaux ca­rac­tères et une belle cou­ver­ture, ce que j’ai fait pour of­frir à mon épouse :-))

J’ai com­mandé di­rec­te­ment chez Cam­piche (plus vite que je n’eus sou­haité, un re­tour-cha­riot de trop et c’était parti !!!). Ç’a mis le teeeemps pour venir de la Suiiiiisse*, m’en­fin c’était là :-)

Et je n’ai pas bien com­pris com­ment ré­gler, alors j’ai juste mis un chèque pos­tal fran­çais, et ça eut mar­ché :-)

Parce qu’on règle après ! il faut quand même avoir confiance… Fau­drait glis­ser dans l’oreille de l’édi­teur qu’un ré­gle­ment par carte sur le site, c’est plus pra­tique ;-))

Bref, ma femme a bien ap­pré­cié “Le sou­rire de Lisa” (comme je le pen­sais un peu, l’ayant ap­pré­cié sous la forme “feuille­ton we­besque”)

Mé­dard

  • pas ta­peeeer !
8)
Franck Pas­tor
, le 16.07.2009 à 14:36

À lire : un ar­ticle de Greg Le­Mond, triple vain­queur du Tour (86, 89, 90), dans Le Monde. Le­Mond avait la ré­pu­ta­tion (rare dans le mi­lieu) d’un cou­reur « propre ». Il situe bien le mo­ment où le do­page a com­mencé à trans­for­mer les mu­lets en che­vaux de courses. Le do­page était déjà (omni)pré­sent avant, mais n’avait ja­mais trans­formé les ca­pa­ci­tés in­trin­sèques des cou­reurs… Ce que ra­conte le der­nier pa­ra­graphe est ef­fa­rant !

9)
Anne Cuneo
, le 17.07.2009 à 09:13

Le­Mond avait la ré­pu­ta­tion (rare dans le mi­lieu) d’un cou­reur « propre ».

Tout ce que Greg Le­Mond écrit, je l’ai ap­pris de la bouche même de cou­reurs qui avaient vécu la même chose et qui avaient de même dé­cidé de chan­ger de mé­tier – mais je suis im­pres­sion­née, car tous ces cou­reurs ne s’étaient confiés à moi qu’à condi­tion que je ne cite pas leur nom (ce qui quelque part vou­lait dire, pour moi, qu’il ne dé­so­li­da­ri­saient pas vrai­ment du do­page), tan­dis que Greg dit ENFIN ou­ver­te­ment ce qui en était réel­le­ment. Bravo!

10)
Anne Cuneo
, le 17.07.2009 à 09:37

je me tour­nais alors vers Yvon Van Mol, le mé­de­cin de feue l’équipe ADR, avec la­quelle j’avais rem­porté le Tour de France 1989. Je vou­lais sa­voir si des études pou­vaient ex­pli­quer ce qui n’al­lait plus chez moi. Le doc­teur Van Mol m’aus­culta et ne dé­cela rien de par­ti­cu­lier qui pou­vait ex­pli­quer ma baisse de ni­veau. Il me fit sim­ple­ment sa­voir que j’avais juste be­soin d’EPO, de tes­to­sté­rone, d’hor­mone de crois­sance pour main­te­nir ma com­pé­ti­ti­vité

A la ré­flexion, ce que je trouve le plus ex­tra­or­di­naire dans l’ar­ticle de Greg Le­Mond, c’est qu’il dise que la per­sonne qui lui dit qu’il a be­soin d’EPO, de tes­to­sté­rone et d’hor­mone de crois­sance, c’est LE ME­DE­CIN DE L’EQUIPE ADR – un mé­de­cin spor­tif, donc, un de ceux qui disent pu­bli­que­ment qu’ils ré­prouvent le do­page – et il le nomme, même.

11)
Franck Pas­tor
, le 17.07.2009 à 10:01

Dans cer­taines équipes, comme la fa­meuse Fes­tina de 98 d’ailleurs, le do­page était as­sumé et en­ca­dré par le mé­de­cin de l’équipe, chez Fes­tina le doc­teur Ri­j­ckaert, dé­cédé de­puis. Selon ce point de vue, le do­page était consi­déré comme in­évi­table dé­sor­mais (« même si on se dope pas, les autres le font, et com­ment on fera pour ga­gner des courses ? ») et donc le mé­de­cin pré­fé­rait li­mi­ter les dé­gâts, en re­con­nais­sant le do­page de ses cou­reurs mais en y po­sant des li­mites pour que leur vie ne soit pas mise en dan­ger. Du moins, pas dans l’im­mé­diat, fau­drait-il ajou­ter. Sans cet en­ca­dre­ment, les cou­reurs se se­raient dopés d’eux-mêmes, sans aucun frein et sans au­cune li­mite.

C’était en­core autre chose que de pous­ser sys­té­ma­ti­que­ment à la consom­ma­tion ef­fré­née comme le fai­saient les si­nistres doc­teurs Conconi et Fer­rari (je pré­sume, Anne, que tu en as en­tendu par­ler). Peut-être que le doc­teur Van Mol de l’équipe ADR fai­sait par­tie de la ten­dance Ri­j­ckaert, d’ailleurs mé­cham­ment sur­nommé « Doc­teur Punto » par les cou­reurs de Fes­tina, par ré­fé­rence au doc­teur Fer­rari… Cf. « Tour de vices » de Bruno Rous­sel et « Mas­sacre à la chaîne » de Willy Voet, que tu connais bien d’ailleurs.

12)
Anne Cuneo
, le 17.07.2009 à 10:33

pous­ser sys­té­ma­ti­que­ment à la consom­ma­tion ef­fré­née comme le fai­saient les si­nistres doc­teurs Conconi et Fer­rari (je pré­sume, Anne, que tu en as en­tendu par­ler)

Oui, j’en ai en­tendu par­ler – et on en en­tend tou­jours par­ler! C’est ça le comble. Si LA PO­LICE n’avait pas dé­clen­ché l’af­faire Fes­tina il y a 11 ans déjà, je ne sais pas com­bien de temps les gens au­raient conti­nué à mou­rir «mys­té­rieu­se­ment». Mais en cou­lisse, ça conti­nue. J’ai pensé que mon roman se­rait très ra­pi­de­ment dé­modé (pour ainsi dire), mais il reste d’une ac­tua­lité brû­lante, les mé­thodes per­durent – ren­dues plus dif­fi­ciles par la po­lice, qui pousse les au­to­ri­tés spor­tives jus­qu’à ce qu’en re­nâ­clant, elles sé­vissent. J’au­rais pré­féré être dé­mo­dée qu’ac­tuelle, dans le cas par­ti­cu­lier.