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Rien que du noir…

Aaaah!... Ca fait du bien de vous retrouver. Après ces deux mois... Comme on dit : un seul site vous manque et tout est dépeuplé.

Donc j’étais tout frémissant, impatient de vous parler de la nouvelle norme HDMI, du nouveau Sata, des nouvelles cartes P2 moins chères, du nouveau signal à 200 Mb/s de Panasonic, de la carte Red en projet et tout et tout, quoi...

Et puis je ne sais pas si c'est le beau soleil de Juin, les jupes des filles qui raccourcissent à en devenir imperceptibles, le chèvrefeuille qui parfume le patio de senteurs entêtantes, un regain d’intérêt pour le Earl Grey à peine sucré au petit matin, quand les merles nichant strient le silence de l’aube de faux semblants bruyants, j'ai oublié. Perdu le fil...

Pour être honnête, je suis tombé en arrêt devant l'affiche du dernier film de Bertrand Tavernier, Dans La Brume Électrique, avec ce Tommy Lee Jones en polo qui semble être dans un autre monde, presque transparent, ici comme à regret. Sacrée affiche, et sacré personnage!

Ensuite, j’ai entendu le réalisateur parler de James Lee Burke. En admirateur sincère. C'est un vrai fan, le Tavernier!...

Comme je suspecte Bertrand Tavernier d’être, en plus d'un grand cinéaste, un homme de goût, je me suis dit qu’il devait y avoir avantage, côtoyant déjà habituellement le Jules de Simenon, le Chen de Qiu Xiaolong, le Shan Tao Yun de Pattison, et le Harry Bosch de Connelly, à rencontrer ce Dave Robicheaux dont le film parle, et qui me semblait, sur l’affiche, être un héros troublant. Et intéressant, puisqu’ ayant interpelé ce magnifique cinéaste...

Ne croyez pas que j'ai été voir le film. Non non non... Ce n'est pas mon genre; il s'est juste ajouté aux trois cent quatre-vingts mille deux cents que j'ai de retard. Non... J'ai juste acheté le bouquin.

Croyez moi si vous voulez : je me suis fait happer. Comme rarement. Car dans ces bayous où les kounass survivent on ne sait trop comment, de jobs à deux dimes ou de petits maquereautages, où tout est venimeux, et d’abord les hommes, cet ex-futur-ex-flic, veuf par sauvagerie, alcoolique repenti, catholique en lien avec les morts, et patron de pêche du Bayou Teche, nous emmène du noir au sordide, dans de solides histoires d’hommes qu’une phrase résume magnifiquement: “La vie, c’est une saloperie, et après, on meurt.”

Inutile de résumer l’intrigue. Si vous ne connaissez, comme votre serviteur, la Nouvelle Orléans que par les cartes postales, Docteur John et les falabalas des costumes de spectacle, courrez vous imbiber d’humus et de terres pourrissantes, d’alcools au litre, de tempêtes et de graves histoires humaines en lisant d’urgence James Lee Burke, dans le monde duquel rien n’est jamais gratuit, et surtout pas les figures de style.

Car si ce bouquin, dont le titre premier était “Dans La Brume Électrique Avec Les Morts Confédérés” est un grand grand bouquin, pour avoir enchaîné avec “Purple Cane Road” et "Black Cherry Blues", je peux vous garantir que je n’ai qu’une envie : me procurer l’ensemble de l’œuvre de ce type et de me la coller dans l’âme, dans l’ordre, et avec délectation, en essayant de résister à l’ ambiance poisseuse. Eh oui!... Je vous jure qu’il y a des moments où vous avez envie d’aller prendre une douche tellement la moiteur peut vous prendre...

Une chose est sûre : je ne voyais certainement ni les cadiens, cajuns, kounass, comme ils s'appellent, ni le pays, de cette façon. Mais après tout, la Louisiane n'est pas si loin du Texas! Alors qu'on s'y étripe comme qui rigole d'un coup de .45 à tête creuse pour un coin de terre à dollars, ou une élection, quoi de plus usuel?!... Après tout, on a vu des guerres éclater pour des raisons de ce genre, il me semble? Et demandez un peu à Al Gore ce qu'il pense du Vieux Sud, en général?...

Et ce Robicheaux qui voit et parle avec les morts, luttant contre l'alcool et le souvenir de sa femme, louant des barques de pêches aux touristes plein de bière et de malaises, se reposant du meurtre et de la corruption dans des réunions d'Alcooliques Anonymes, usé mais pas défait, pas encore, quel portrait, quel personnage et quel héros! Celui là, mon cher Burke, il fallait vraiment le trouver et être bien proche de l'humain pour le cerner à ce point!

11 commentaires
1)
Saluki
, le 03.06.2009 à 00:16

Et demandez un peu à Al Gore ce qu’il pense de la Louisiane?…

C’est plutôt la Floride qu’il garde en travers du gosier.

Et c’est la preuve que j’ai lu d’un trait haletant cette humeur qui donne envie et de lire et de voir.

2)
Modane
, le 03.06.2009 à 03:14

Tu as raison! L’enthousiasme, sans doute? ;) Je corrige!

3)
alec6
, le 03.06.2009 à 09:46

‘tain ! Après la néphrologie du Dr Ysengrain, v’là t’y pas qu’on nous cause bouquins yankees… Dingue ! et les macs là d’dans ?

Merci tout de même Modane de me donner envie de lire un auteur étasunien que je ne connaissais pas. A travers ton article, j’ai l’impression d’y retrouver un Caldwell ou un Carver… me trompé-je ?

4)
kris
, le 03.06.2009 à 10:03

… le beau soleil de juin, les jupes des filles qui raccourcissent…

Alléluia !

5)
Modane
, le 03.06.2009 à 10:50

>alec6 : Au moins, le point commun qu’ils ont, le Sud mis à part, c’est la bouteille! ;) Plus curieusement, on compare plus Burke à Faulkner, de part son écriture tortueuse. Mais je vais vite lire ces deux auteurs que je ne connais que de réputation. Et pour les mac, vous êtes de tels écumeurs qu’il est difficile de tenir le rythme et la comparaison!

>Kris : Tu l’as dit! ;)

6)
alec6
, le 03.06.2009 à 11:21

Heu… concernant les macs, à titre personnel… qu’on n’en cause pas des masses sur ce site ne me gêne pas bcp !

Pour en revenir à la littérature étasunienne, j’ai souvent été séduit par les qualités descriptives de ses auteurs. Je me souviens être tombé il y a fort longtemps dans Dos Passos (Manhattan Transfert et USA), puis Cladwell et d’autres, j’avais alors été frappé par ce talent très photographique et très particulier de décrire une scène, un cadre, un paysage… Le style de Dos Passos en est emblématique.
James Lee Burke en est-il un nouvel héritier ?

7)
Modane
, le 03.06.2009 à 12:41

“Ce soir là, le ciel se remplit de nuages rouges et jaunes lorsque je mis un bateau à l’eau, à Lake Fausse Pointe. Clete Purcel m’accompagnait. J’ouvris les gaz du hors-bord dans le long canal encadrés d’épais massifs boisés. Des rondins verts venaient rouler contre les berges dans notre sillage, et, à notre passage, grues, aigrettes neigeuses et grands hérons bleus se levaient dans la lumière pour planer, ailes bien étales au-dessus de la baie.
Nous franchîmes des kilomètres de plantes aquatiques, nénuphars et fleurs de lotus tout juste épanouis, avant de traverser une autre baie qui venait se perdre dans un marais plein de saules. J’ancrai le hors-bord non loin d’un bouquet de cyprès et de gommiers submergés, et contemplai notre sillage qui se faufilait entre les troncs gris comme le cuir d’un éléphant.”

8)
pter
, le 03.06.2009 à 14:40

crotte et re-crotte, j’ai tenu le coup jusque-la, mais avec l’extrait je viens de me faire avoir….va falloir que je le trouve dans une librairie en Asie..pas facile! On a le titre original en Anglais? merci!

9)
Modane
, le 03.06.2009 à 15:02

Essaye au marché noir dans un bouge sordide? :)
Le titre original est : “In the Electric Mist with Confederate Dead” (Hyperion books). En VO, ça doit être un vrai bonheur!

10)
zit
, le 03.06.2009 à 18:01

J’ai comme l’impression qu’il délaye un poil, le JLB, non ?

Ça ne serait pas plus efficace comme ça :

« Au crépuscule, chuis monté dans une barcasse avec Pete Clurcel, yavais des piafs, après quelques bornes, on a jeté l’ancre. »

;^D

La littérature du genre regorge d’auteurs attachés à leur région et la décrivant avec talent à longueur de chapitres : Carl Hiaasen et la Floride, Toni Hillerman et les Four Corners, Arthur Upfield et l’Australie sauvage pour les amateurs de grand air et Michael Connely et James Ellroy pour Los Angeles, Lawrence Block à New York ou Jean–Claude Izzo à Marseille et Léo Malet à Paris pour les citadins.

Je vais donc essayer JLB, je dois même en avoir un qui traîne dans les « pas lu » de la bibliothèque… bien que depuis quelques temps, les romans « rien que du noir » m’attirent moins, une petite (grosse) touche d’humour me plaisant de plus en plus.

z (en ce moment, plus dans la SF, avec Pierre Bordage, je répêêêêêêêête : pas très rigolo, d’ailleurs, mais bon, j’intercale un Doberman de temps en temps ;•E)

11)
François Cuneo
, le 04.06.2009 à 19:10

Mon Dieu, en voilà un qui a encore plus de livres en attente de lecture que moi!

Ça fait un bien…

Merci, ça fait envie en effet.