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La Saint-Martin

Cet articulet était en attente sur l’étagère et LeBossPatrond’Ici, à la suite d’une défection de dernière minute, vous inflige, cette semaine, une indigestion de votre gaze hound, gazelle hound préféré.

o0O0o

Saint-Martin, pour beaucoup c’est une île, pour d’autres un alignement de tentes de SDF durant l’hiver dernier.

Pour nous, c’est la fête patronale de notre village, en référence à notre église des XIe, XIVe, XVIe siècles dédiée à ce saint.

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Incroyable, cette photo ensoleillée a été prise la veille: le temps change vite !

Mais, depuis 89 ans, la date du 11 novembre est prise par une autre commémoration.
Et pas la peine d’aller chercher un autre calendrier, hein ? Voire encore un autre. Quant à celui , j’ai passé l’âge de m’y référer.

A 11 heures, ce jour là, la sonnerie du cessez-le-feu du premier beau carnage du siècle dernier a retenti et rendu les survivants, tous meurtris, à l’existence. L’unité de compte étant le million de morts, et les cimetières qui vont avec, il y a eu quelques surfaces perdues pour l’agriculture dans l’Argonne, l’Ardenne…

Dans tous les pays mêlés au conflit, la Camarde a passé sa faux et chaque village lui a payé tribut. Je ne fais ni l’analyse des causes profondes ou immédiates de la guerre, ni ne recherche les responsabilités, les Honorables Commentateurs de cuk sont bien plus érudits et compétents qu’un saluki.

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Le Monument aux Morts a été une industrie florissante dans les années 20: chaque ville ou village voulait le/ les sien(s).

Quand sur un tel monument on relève dix noms sur la stèle, pour un village de 250 habitants à l’époque, c’est un calcul simple: on retranche les femmes et les enfants de ce nombre et c’est 35 à 40% des hommes de vingt à quarante ans qui ont disparu. Et je n’ai pas compté les gazés, estropiés,…

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Les pompiers rendent les honneurs alors que le Major appelle les disparus. Après chaque nom appelé l’un des pompiers clame: “Mort pour la France”

Ensuite le Maire lit la communication du Ministre des Anciens Combattants, blah-blah, interchangeable d’une année sur l’autre fors la date…

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Trente ans de mandat…

Il y a deux autres traditions: l’annonce de la manifestation sur le panneau d’affichage municipal:

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Pour les ménages: je vous garantis qu’elle est sérieuse.

Et aussi, depuis 1934, il existe une association “Le Bleuet de France”. Jusqu’à tout à l’heure, j’étais persuadé, au point de l’avoir expliqué à des enfants qui m’en demandaient le signification, qu’elle entretenait les cimetières militaires… Une collecte a lieu à chaque commémoration.

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La collecte est effectuée par une Conseillère Municipale (Ah oui, c’est celle qui manie AUSSI le défibrillateur…)

J’ai recherché les statuts de cette Assoc’: en fait elle donnait du travail aux invalides pour fabriquer des “bleuets” en tissus, vendus à leur profit. Le 11 novembre 1934, 28000 fleurs furent vendues. Ils ont vite été remplacés par des ouvrières spécialisées… Aujourd’hui de simples timbres font l’affaire.

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Il reste en France deux “poilus” survivants de cette grande boucherie, Messieurs Louis de Cazenave et Lazare Ponticelli, selon Le Monde : l’un est issu d’une famille de vieille noblesse provinciale acculée à la ruine et l’autre est un immigré italien, débarqué en région parisienne la faim au ventre, avant de faire fortune. Ils ont 110 ans.
Lisez ce qu’ils en pensent avec un recul de quatre-vingt neuf ans.

Plus jamais ça disaient-ils, tous ceux qui en ont réchappé.

Bon sang, mais ça a bien continué, recommencé, resurgi et ça nous pend au nez comme une morve létale.
Que faire, que fait-on?

o0O0o

Sur cuk, l’humanisme n’est jamais loin sous la …pellicule.

Je crois important d’aller voir le point de vue d’en face, mais avec un biais, l’oeil de l’artiste.

Nous avons la chance d’avoir à Musée Maillol .
Elle regroupe des artistes allemands qui se sont retrouvés dans la tourmente de la guerre, l’ont décrite dans son horreur , tels Otto Dix ou encore Max Beckmann.

Allez voir cette expo, pour ceux qui le peuvent, et même qu’il y a un tarif réduit pour les moins de 16 ans, c’est presque moins violent que leurs jeux video.

Ils nous expliquent aussi la montée du nazisme dans la République de Weimar.

8 commentaires
1)
XXé
, le 21.11.2007 à 01:21

Que faire, que fait-on?

Réponse dans un prochain article ?…
:-(

Didier

PS : erreur dans le lien Musée Maillol : il y a cpm à la place de com.

2)
Leo_11
, le 21.11.2007 à 07:53

Mais il y a aussi notre Saint Martin incontournable en pays d’Ajoie…

3)
Eniotna
, le 21.11.2007 à 08:39

Mais il y a aussi notre Saint Martin incontournable en pays d’Ajoie…

Bien sûr, et dans le genre grande boucherie toute comparaison avec la Der des Ders serait sans doute déplacée. Quoique…

Sur le vif ça donne ça, quand on laisse la parole au héros de la fête.

Danse du ventre

Les brumes automnales qui étendent chaque année leurs longs doigts soyeux sur l’Ajoie annoncent l’imminence de la Saint-Martin, ces traditionnelles ripailles qui ont fait du cochon leur vedette. En lui, dit-on, tout est bon. Mais qu’en pense le principal intéressé? Se trouve-t-il de taille à séduire un gastronome?

«Mais c’est de la meeeeeerde!», bava Jean-Pierre Coffe en se réveillant, le manche de la fourchette gravé en creux entre les poils argentés de sa maigre barbe. De lourds remugles lui remontaient de l’estomac. La peau flasque d’un reste de boudin grisâtre finissait de refroidir au bord de son assiette. «Menu traditionnel, qu’ils disaient. Ouais…» Il avait répondu à l’invitation du président du Gouvernement jurassien, qui avait cru bon de rameuter à Delémont le ban et l’arrière-ban de la politique fédérale et cantonale ainsi qu’une brochette de célébrités, à l’occasion de l’ouverture du nouveau tronçon de l’A16, la fameuse Transjurane que des générations d’automobilistes jurassiens attendaient depuis l’époque bernoise. Et de faire servir à ses hôtes un simulacre du menu typique de saison, sans craindre l’hérésie de marier un pauvre boudin industriel avec d’improbables pâtes et carottes trop cuites, appelées à faire des gorges chaudes sur les «vraies» terres d’origine de la fête. Le médiatique gastronome, las d’attendre le plat suivant, avait préféré remonter en rêve sept ans plus tôt, à l’ouverture du premier tronçon de l’autoroute, quand il s’en était mis de fameuses derrière la cravate dans ce petit bistrot campagnard. «Où était-ce, déjà? Euh… Ah oui, Ro… Rocourt, je crois. Chez la Marguerite.» Il referma les yeux en desserrant sa ceinture, les joues rosies. «Aaaah, la Marguerite…»

Ouiiiiiiiik! Voilà qu’il me tire à nouveau par l’oreille, m’écartant sans ménagement de l’agréable tiédeur du flanc de mes congénères. Mais qu’a-t-il donc à me tourner autour, avec son œil de maquignon gourmand? Il me lâche enfin, comme convaincu, non sans une tape quasi amicale sur le jambon et une brassée d’épluchures fraîches jetée à portée de mon groin. Ça fait bien une quinzaine de repas qu’il est aux petits soins avec moi. Il se trame quelque chose, je le sens – mais allez savoir quoi…

La fête va être belle. Encore plus belle que l’année dernière. Le Syndicat d’initiative régional d’Ajoie (SIR) a battu le rappel des restaurateurs du district, qui ont désormais succombé tous ou presque à la frénésie de la Saint-Martin. Plus aucun n’a de scrupules à se réclamer d’une tradition qui n’avait jamais essaimé aussi loin de sa terre haut-ajoulote d’origine. La fête est désormais connue loin à la ronde, des restaurants extérieurs au canton commencent même à proposer le repas traditionnel. Il a donc été décidé de créer une Charte de la Saint-Martin. «Seuls les établissements s’engageant à la respecter sont mentionnés dans le guide publié pour l’occasion. Ils doivent en l’occurrence offrir trois des plats traditionnels au moins, dont un au minimum de fabrication «maison» et à base de produits du terroir», explique le président du SIR, Hugues Plomb.

C’est un matin encore plus froid que de coutume. Ils ont laissé entrouvert le berlat de la porcherie, et j’entends un balai appliqué griffer le pavé de la cour. Des gens affairés, que je n’avais jamais vus, sont venus se pencher par-dessus la bordure de mon bolat, hochant la tête d’un air entendu. Le fermier et son fils sont passés dans l’allée, chargés d’un étrange bac de bois dégageant des odeurs familières. Ça ne me dit rien de bon.

Allergiques au porc s’abstenir! Le véritable menu de Saint-Martin n’aurait pas déparé la table de Gargantua – on recommande même aux estomacs délicats de «garder de la place» les quelques jours qui précèdent… Mais jugez plutôt. Tout d’abord mise en gosier avec un bouillon léger, accompagné d’une tranche de bouilli et de petits légumes. Suit une assiette de viande froide en gelée. Les convives sont alors prêts à accueillir le plat roi, la quintessence de la fête, en un mot le boudin, que l’on sert accompagné à choix de compote de pommes ou de salade de racines rouges. Ou des deux! Sur cette lancée, on attaque ensuite les grillades et les atriaux avant de passer au bouilli. Il est alors temps de s’octroyer le «coup du milieu», de préférence une lampée de damassine, l’eau-de-vie du terroir. De quoi tasser les premières strates avant de repartir à l’assaut d’une choucroute richement garnie de pommes de terre, de jambon, de lard et de saucisses fumées. Rien de tel enfin qu’un solide rôti pour couronner le tout. Et on s’en voudrait d’oublier le dessert: crème brûlée et totché, le fameux gâteau à la crème salé. Vous en reprendrez bien un morceau avec votre café?

Un grand type aux mains calleuses me pousse soudain sans ménagement, me forçant à trottiner dans l’allée. Je sens qu’un drame se prépare. Une sourde appréhension me fouaille les abats, je n’ai soudain plus envie d’avancer. Grouiiiii, grouiiiiiik! On me tire maintenant vers la lumière. Un gamin en bottes de caoutchouc se bouche les oreilles pour ne plus entendre ma longue plainte aiguë. Un étrange objet métallique et froid est plaqué entre mes deux yeux, je vois un lourd maillet fondre sur mon crâne. Un choc sourd, puis plus rien.

A quelques jours de la fête, les cuisines ajoulotes bruissent de mille et une activités. Ici une ménagère cuit puis désosse soigneusement pieds, groin, queue et oreilles de porc, qui vont servir à la confection de la gelée de ménage. La viande sera pressée une nuit durant entre deux planchettes surmontées d’un lourd caillou. On pourra ensuite la découper en de longues tranches fines, à noyer dans la gelée produite à partir du jus de cuisson. Une voisine est venue emprunter le hachoir à saucisse, non sans apporter en échange quelques poireaux qui serviront, demain, à la préparation du boudin. «Ah, vivement que ce soit passé! Vos jeunes rentrent? Nous, on sera trente-deux à table!»

J’ai l’impression de flotter à deux mètres du sol. Cet amas de chair rose, là en dessous, ce serait moi? Je ne contrôle plus mes mouvements. Mes pattes se mettent à danser une gigue endiablée, je m’en vais buter contre une haie de jambes. On me renverse sur le dos et quatre solides poignes me hissent sur la claie grossière du traté. Une longue lame s’approche de mon cou et s’enfonce d’un geste précis, libérant un impétueux flot rougeâtre. La fille de la maison, engoncée dans un lourd tablier, a promptement poussé une seille sous le jet fumant, tout en remuant d’une pouteratte vigoureuse le sang qui peu à peu monte dans le récipient. Le jet se fait saccadé, on me secoue pour récupérer les dernières pintes.

A Chevenez, un gros bourg autoproclamé «capitale mondiale de la Saint-Martin», Pierre-Alain Riat est sur les dents. A trois jours du début des festivités, le responsable du comité d’organisation est partout à la fois, supervisant l’érection d’un arbre décoré d’une nuée de cochons roses sur la place du village, donnant un coup de main pour installer des chaises et des tables dans la halle polyvalente, répondant à un énième coup de fil énervé d’Ajoulot émigré n’ayant pas pu obtenir de places pour le dîner-concert du samedi soir. «Incroyable!», glisse-t-il en reprenant son souffle. «A part une annonce sur la radio locale, nous n’avons pas fait la moindre publicité cette année. Et pourtant, toutes les places étaient prises une demi-heure à peine après l’ouverture des réservations! Les Jurassiens de l’extérieur nous amènent beaucoup de groupes, et le bouche-à-oreille fonctionne d’année en année. Samedi nous aurons des convives de toute la Suisse romande, et même des Alémaniques.»

Je me sens soudain basculé dans la grande maie de bois. On m’inonde d’eau bouillante et aussitôt une escouade de cornets fraîchement aiguisés s’activent à racler chaque centimètre carré de ma peau rose pour en raser de près les longues soies. Encore un bref rinçage à grands seaux et me voilà frais comme au premier jour. Des voisins, attirés par mes cris et par le nuage de vapeur qui s’étire vers le ciel gris, sont venus jauger la bête, supputant du regard les guirlandes de saucisses et les enfilades de côtelettes à venir.

Un visage poupin encadré de mèches blondes s’inscrit entre les quartiers de viande. Le boucher de campagne Jean-Paul Vienat est sur la brèche depuis quatre heures ce matin. Déjà trois porcs bouchoyés, découpés et conditionnés en moins de six heures. «Il n’y a plus beaucoup d’éleveurs qui bouchoient eux-mêmes. On m’amène les animaux et je m’occupe du reste avec mon aide. C’est plus rapide et plus rationnel. Nous aurons eu près de soixante cochons les cinq à six semaines qui ont précédé Saint-Martin.» Il s’interrompt pour servir une jeune femme, qui repart bientôt avec deux litres de sang, quelques mètres de boyaux et un appétissant jambon. «Tiens, ça c’est aussi une clientèle spécifique de Saint-Martin. Par chez nous les traditions sont encore vivaces, on se transmet la recette du boudin de mère en fille. Les gens viennent chercher du sang et des boyaux. Combien de sang je vends? Attends voir… Ça doit bien approcher les 250 litres cette année, et ne me demande pas de compter les kilomètres de boyaux! Je vends même des boyaux de bœuf quand ceux de porc viennent à manquer.»

Je trouve presque indécent d’offrir ainsi mes formes roses, les quatre fers en l’air, à la vue de l’assistance. On m’a noué les pattes arrière de rudes cordes à lier le foin. Je me sens soudain hissé à une grosse poutre, la tête en bas, panse offerte. D’un geste précis, le fermier inscrit un sillon rectiligne d’un bout à l’autre de mon académie renversée. La couenne ramollie crisse un peu sous le fil acéré. Le chien de la maison s’est approché, vaguement attiré par des effluves prometteurs. Une seconde estafilade me transperce les chairs, laissant un paquet d’entrailles fumantes jaillir de mes profondeurs. Une odeur âcre enveloppe l’assistance. La fermière s’est détournée, posant une main protectrice sur le regard de son cadet qui jouait à proximité. La grande lame fend encore l’air à quatre ou cinq reprises, cœur et foie sont proprement dégagés, aussitôt pris en charge. Quelqu’un s’approche, fouille les abats de sa main nue pour dégager quelques coudées de boyaux propres. On est peu de chose…

Porrentruy, mardi à dix heures quarante-cinq. Des panneaux de bois et des amoncellements de matériel jonchent la rue des Malvoisins fermée pour quelques jours à la circulation. Une escouade en cirés jaunes et amples chapeaux de feutre s’affaire sous la pluie battante. Quelques cabanes ont déjà pris forme. «Un peu plus à gauche, là! Oui, c’est bon!» La silhouette massive encourage de grands gestes l’équipe affectée au montage des stands du désormais traditionnel marché de Saint-Martin. Maurice Stebler, chef de groupe au Service des travaux publics, espère bien que les foules venues faire bombance s’arrêteront à Porrentruy samedi et dimanche: «Les produits du terroir et les objets d’artisanat traditionnel présentés dans nos cabanes avaient déjà remporté un grand succès l’an dernier; alors j’espère que l’ouverture du premier tronçon de l’autoroute Transjurane, qui tombe samedi, nous amènera encore plus de monde!» Les gars des travaux publics n’auront pas chômé ces temps: outre le montage et le démontage des cabanes, ils assurent également la mise à disposition d’une cinquantaine de stands de foire au village de Chevenez, qui va lui aussi organiser son propre marché lundi 16 novembre.

On m’a enfin délesté de ce poids nauséabond qui pendait hors de moi. Ma carcasse est devenue presque belle. Une scie à métaux s’échine sur ma colonne vertébrale, séparant peu à peu mon grand corps encore chaud en deux quartiers parfaitement égaux, qui bientôt se font face comme dans un miroir. On détache l’une de mes moitiés, l’accroche brièvement à une balance. Quarante-six kilos. L’un des hommes ploie les épaules sous la charge, se dirige vers la cuisine d’un pas précipité et se délivre d’un coup de reins sur la grande table fraîchement essuyée. Tous font cercle autour de la maîtresse de maison, qui a disposé un arsenal de couteaux à sa portée. Et ça taille, ça tranche, ça découpe. Une grande fiose de lard aux marbrures finement alternées est prestement dégagée, bientôt rejointe par une cohorte de mèches, de pâles, d’épenaies, de trains de côtes et autres jambons. La cheminée du fumoir est déjà coiffée d’un long ruban gris. Au moins j’aurai servi à quelque chose.

Trois silhouettes rigolardes se faufilent entre les voitures qui ont envahi la grande cour du Restaurant du Raisin, à Rocourt, l’un des temples les plus réputés pour qui veut sacrifier au dieu Cochon en novembre. Des flonflons enjoués s’immiscent par la porte entrouverte. Une bouffée de chaleur chargée de lourds effluves accueille les arrivants. De-ci, de-là, couteaux et fourchettes valsent au-dessus des assiettes. «Monsieur Coffe, encore un peu de boudin?» Marguerite Nicoulin tend un plat engageant par-dessus l’épaule d’un convive, qui finalement se laisse tenter par un supplément de chair noire et veloutée. Elle interrompt un instant sa tournée. «Ah oui, ces temps même en semaine nous servons une vingtaine de repas en moyenne chaque soir. Bien sûr tout le monde ne prend pas le menu complet, mais chacun peut choisir deux ou trois plats à sa convenance. Nous affichons complet depuis longtemps pour ce week-end: le restaurant sera occupé quasi en permanence jusqu’à la dernière de ses cent chaises!»

On ne pouvait rêver fin plus glorieuse, n’est-ce pas? Vois-tu, petit, j’ai encore eu la chance de vivre cette époque bienheureuse où l’on respectait la viande. Mais quand depuis là-haut je vois toutes ces farines suspectes dont ils vous gavent pour que vous grossissiez encore plus vite, et la manière dont ils vous traitent, entassés par centaines dans les étroits compartiments de leurs usines à bidoche, un frisson me redresse la queue et je ne peux m’empêcher de te plaindre… Grand-père Cochon qui m’était apparu en rêve cette nuit m’avait brusquement rappelé à mon triste sort. Hier au soir l’un des employés en blouse blanche avait tracé une grande croix à la craie bleue sur mon dos. Mon voisin de gauche, qui le tenait lui-même d’un de nos congénères placé en bordure de compartiment, vient de m’expliquer que dès l’aube un grand tapis roulant me happerait pour m’emporter vers l’abattoir, là-bas, au fond de la grande halle. Ah, j’entends quelque chose. La lumière froide des néons nous inonde soudain. Adieu!

11 novembre 1998 et 5 juin 2007

4)
jeje31
, le 21.11.2007 à 09:08

Merci pour cet article. Il se dit (disait?) que pas une famille française n’avait été épargnée. En tout cas, en Picardie, le traumatisme était encore vivace et il y a 20 ans, les vieux m’en parlaient encore les larmes aux yeux …

Sur l’après-guerre, la recherche des morts et la course aux monuments aux morts, il y a le superbe film de B. Tavernier “La Vie et rien d’autres”, avec le regretté P. Noiret.

5)
Caplan
, le 21.11.2007 à 09:22

«Mais c’est de la meeeeeerde!», bava Jean-Pierre Coffe en se réveillant

Coffe? Celui-là, quand il mange du cochon, c’est du cannibalisme!

Milsabor!

6)
François Cuneo
, le 21.11.2007 à 09:23

Merci pour l’article, et pour le commentaire incroyable d’Eniotna.

C’est de toi tout ça Eniotna? C’est superbe. J’adore le montage entre 98 et 2007.

Merci!

7)
Eniotna
, le 21.11.2007 à 09:32

Ben oui, mon estomac convalescent peut encore en témoigner (ne lui dites pas qu’il y aura belote et rebelote demain soir et la semaine prochaine, avec ces f… repas annuels de comités comme par hasard fixés en novembre!). Et pour Coffe rien d’inventé non plus (enfin si peu…), il est effectivement venu caler sa bedaine derrière une table du Restaurant du Raisin à Rocourt il y a bien quelques cochons de cela.

8)
Saluki
, le 21.11.2007 à 09:57

Eniotna

Chapeau bas ! Quel coup deplume ! <
Par chez nous aussi on fête la “Saint Cochon” et le meilleur boudin que j’aie mangé est celui d’Antoinette.

cependant, même si certains continuent à élever un cochon pour eux, les aliments composés qu’ils leur donnent au moins en partie ne sont guère incitatifs à lever la fourchette…