Au fil des discussions sur ce site, je me suis dit que le fossé entre journalistes et public était toujours plus important, et je me suis rendu compte que si on en discute beaucoup dans les rédactions et dans les associations professionnelles, on échange moins souvent avec les lecteurs sur le fond du sujet.
Qu’est-ce qu’un journaliste? Quel est son rôle? Que peut-il, réellement? Quelques éléments (non exhaustifs).
Le journaliste tel qu’en lui-même
Vous le connaissez: Gary Cooper, le héros sans peur, dans Pour qui sonne le glas; Cary Grant le rédacteur en chef sans scrupules, dans His Girl Friday; Jack Lemmon le reporter débrouillard, et Walther Matthau le hâbleur dans The Front Page, etc., etc. Ou alors Jack London partant dans le Grand Nord ou dans les bas-fonds pour en parler – dans la presse, puis dans ses livres. Ou encore Albert Londres suivant ses sujets tel un chien de chasse. Des hommes qui tentent de s’approcher à tout prix pour mieux observer leur sujet, pour mieux en parler. Ce qu’ils pourfendent, c’est le mensonge et l’injustice; ce qu’ils défendent, c’est la vérité et la justice.
Gary Cooper, journaliste intrépide
Oui, ces journalistes-là ont existé, existent même encore, mais s’ils représentent le rêve de tout journaliste, leurs actes ne constituent en rien le quotidien du journaliste ordinaire.
Sans oublier, dans cette galerie, le journaliste salaud qui crée l’événement par tous les moyens, en mettant en danger la vie d’autrui, même, pour en faire un reportage: Kirk Douglas dans The Big Carnival.
Ceux-là aussi, existent encore, nous en avons vu des exemples récents que je n’évoque pas ici.
Je suis journaliste d’actualité depuis vingt ans. Auparavant j’ai parcouru le monde en tant que journaliste de magazine; comme à l’époque j’étais free-lance, pour obtenir des jobs je prenais des risques. J’ai appris ma leçon dès le premier reportage: on m’avait envoyée comme “junior” voir comment les Vietnamiens vivaient sous les bombes. C’était quelques semaines à peine avant que les Américains ne plient bagage, et ils tentaient leur va-tout. Les bombes pleuvaient, jour et nuit.
J’ai obéi strictement à la loi de ce que les Anglo-saxons appellent les 5 W (when, what, who, why, where – quand, quoi, qui, pourquoi, où), fait des descriptions précises, rapporté des propos que j’enregistrais; je me suis interdit tout jugement personnel, et je me suis abstenue de souligner l’ingéniosité, la dignité d’un peuple qui refusait de plier. Je montrais les faits: que le lecteur se fasse son opinion, moi je me contentais de rapporter. Les nombreux apolitiques vietnamiens que j’ai rencontrés m’ont tous dit la même chose: on n’est pas d’accord avec les communistes, mais pour le moment c’est secondaire – d’abord, on chasse les Américains. J’ai rapporté cela aussi.
Bombes sur le Vietnam
Voilà en trois mots le sens de ce reportage pour lequel j’ai risqué plusieurs fois ma vie, car moi aussi, j’étais sous les bombes, moi aussi j’ai traversé des rizières sous la mitraille. Lorsque je suis retournée à la rédaction européenne qui me l’avait commandé, elle a refusé de le publier parce que c’était “partisan”, parce que “j’idéalisais le potentiel de victoire” du peuple vietnamien. Il a finalement paru, traduit en allemand, dans un journal alternatif – quelques jours après la parution, c’était la débâcle américaine. Le petit canard de rien du tout qui m’avait publiée a dû procéder à un deuxième tirage, on se l’arrachait, et du coup on m’a offert d’autres “coups”.
Lorsqu’un journaliste n’écrit pas ce que sa rédaction attend de lui, on ne le publie pas, voilà la réalité. On peut le mettre à la porte s’il est employé, ou ne plus se prévaloir de ses services s’il est free-lance comme je l’étais.
Cette expérience, je l’ai faite pendant toute ma période de journaliste indépendante au service de la presse privée. L’exemple le plus étonnant je l’ai vécu avec le Tages-Anzeiger de Zurich: ce journal largement apolitique m’avait confié le portrait de Flavio Cotti, un de nos ministres, au moment où il devenait président de la Confédération (chef de l’Etat). Comme Cotti est démocrate-chrétien et moi socialiste, le rédacteur responsable était certain que je le démolirais à ras le sol.
Flavio Cotti, ex conseiller fédéral suisse, ici avec Mary Robinson, à l’époque commissaire de l’ONU aux Droits de l’homme
Il avait voulu organiser une provocation, en fait (sans me le dire, bien entendu). Or je me suis trouvée face à un homme sympathique, qui m’a expliqué pourquoi il pratiquait la politique qu’il pratiquait, qui a accepté le débat, qui m’a emmenée partout et m’a laissé assister à toutes sortes de séances, lire tous les documents, qui a fait preuve d’un solide sens de l’humour (y compris à son propre sujet), d’une vaste culture – bref un type dont je pouvais dire que j’étais en désaccord profond avec la politique qu’il menait, mais pas qu’il était nul. Il n’était, il n’est pas nul. J’ai longuement discuté avec Jean Moor, le photographe qui faisait les photos pour l’article. Il était d’accord. On ne pouvait pas détruire Cotti, il n’y avait pas de raison. Je me suis donc contentée de rendre compte.
L’article a paru, parce qu’il était trop tard pour le supprimer. Mais le Tages-Anzeiger avait pensé faire un coup en mettant face à face deux personnes qui se déchireraient; ils m’avaient dit d’écrire tout ce que je pensais, j’ai fait exactement cela. On ne me l’a jamais pardonné. Depuis quinze ans, je n’ai plus écrit pour le Tages-Anzeiger de Zurich.
Encore une fois: c’est là le sort qui guette tout reporter qui travaille dans la presse privée.
La presse, entreprise commerciale
Qu’est-ce qu’un journal, dans le monde moderne? Généralement, c’est une entreprise. Souvent, c’est une société anonyme, et qui dit société anonyme dit bénéfices, dit même profit maximum. Les actionnaires d’un journal pourraient tout aussi bien posséder les actions d’une fabrique de clous ou de poudre à lessive. Ce qui leur importe, c’est le rendement, le contenu n’a d’intérêt que dans la mesure où il fait vendre.
Cet état de fait est désastreux pour la presse indépendante, et les premiers à en souffrir, ce sont les journalistes, soudain plongés dans une situation totalement schizophrène. On leur (nous) a inculqué qu’il ne faut pas faire de concessions, mais à l’étage directorial, la seule obligation est de faire du profit.
Une salle de rédaction, années Trente
Une presse libre est un des diamants dans la couronne d’une démocratie, et nous nous en vantons à juste titre. Mais quelle est la marge de liberté d’une société anonyme qui est condamnée au bénéfice par des investisseurs anonymes et qui dépend en partie de ses annonceurs pour survivre? Quel est le degré d’indépendance de ses journalistes?
Dans une société authentiquement démocratique, la presse libre a une raison d’être: elle est indépendante du pouvoir, et empêche les puissants de tous les bords de faire ce qu’ils veulent. Elle leur demande des comptes, souvent en notre nom à nous, les citoyens. Certains journalistes ont parfois joué un rôle historique dans ce sens: il y a eu Edward Murrow, qui a réussi à mettre en échec à McCarthy (voir le film de George Clooney “_Good Night, and Good Luck_” pour se rafraîchir la mémoire), il y a eu Woodward et Bernstein, qui ont coincé le président américain Nixon – leur aventure aussi a fait l’objet d’un film: All the President’s Men (Les Hommes du président).
Edward Murrow se prépare à faire le commentaire qui sonnera le glas du Maccarthysme en discréditant MacCarthy (still du film Good Night, and Good Luck).
Prenons ce dernier cas: le Washington Post était la propriété, à ce moment-là, de Katharine Graham, la fille du fondateur du journal. Il lui appartenait en propre. Elle était, en quelque sorte, née dans l’encre d’imprimerie, avait longtemps été journaliste elle-même et était très fière de ce journal que son père avait longtemps porté à bout de bras, avec la fortune faite en travaillant à la Bourse, car, disait-il, «lorsque la société vous a donné beaucoup, on lui doit quelque chose en retour». Dans son autobiographie (Personal History, 1997), elle explique ses peurs, ses hésitations: mais en dernière analyse, elle a permis à ses reporters, à son journal, de tout risquer pour découvrir la fraude du Président des Etats-Unis Nixon. L’ordre qu’elle a donné le jour où ses journalistes l’ont convaincue est devenu une sorte de proverbe, qui symbolise le courage et le sens des responsabilités du journaliste: Let’s go! Let’s Publish! (Allons-y. Publions!) Woodward et Bernstein avaient raison: s’ils avaient eu tort, tant leur carrière, que le Washington Post et que Katharine Graham, auraient été finis.
Le Monde première manière fonctionnait dans cet esprit, Libération première manière aussi, d’autres encore.
Ni les uns ni les autres n’opèrent, aujourd’hui, selon ces principes-là. Ils ne sont plus aux mains de quelques passionnés, ils sont devenus des sociétés anonymes, cotées en bourse et subissant les aléas de la bourse. Pour vendre un max, ils acceptent de faire ce qu’on désigne d’un néologisme aussi affreux que la chose elle-même: de l’_infotainement_.
Tout cela, le public ne veut pas le savoir: il continue à mesurer les journalistes à l’aune des grands ancêtres d’une presse gérée par des passionnés. Une telle presse était partisane, certes, tout le monde n’aimait pas tous les contenus. Mais, dans une démocratie, il y avait suffisamment de passionnés de tous les bords (et par conséquent suffisamment de journaux), sincères dans leur passion, pour qu’on puisse véritablement parler d’une presse d’opinion. En lisant la presse du jour dans sa multitude, on pouvait réellement se faire une opinion.
Aujourd’hui (et cela n’a rien de spécifiquement français, ou suisse) la presse étant cotée en bourse, elle fait l’objet du même phénomène de concentration, et conséquemment de «rationalisation, dégraissage, réorganisation», utilisez tous les euphémismes que vous voudrez, son existence même se mesure à ses résultats en bourse. Les titres qui ne s’y soumettent pas menacent de disparaître, souvent avalés par les autres, ou ont déjà disparu.
Une rédaction vers la fin des années 90
L’exemple de Libération est parlant et connu, je n’y reviens pas. On pourrait tout aussi bien parler du Times de Londres, qui fut un des journaux d’opinion les plus respectés même de ceux qui n’en partageaient pas les vues. Le jour où il est tombé entre les mains du magnat de la presse Murdoch, un homme richissime dont l’intérêt semble être de se faire le plus de fric possible en transformant tous les journaux qu’il touche en papier digne des chiottes (excusez ma vulgarité, mais il y a des circonstances où…), il s’est transformé en feuille de chou, qui n’a plus rien de prestigieux.
Bref, on peut faire pour ce qui est des journaux la même constatation que l’on peut faire pour l’édition des livres, pour le théâtre, le cinéma et la culture en général. À laquelle on peut d’ailleurs ajouter l’agriculture ou la santé, même si elles n’ont pas vraiment leur place dans ces réflexions: ce sont des domaines qui, s’ils veulent garder leur âme, ne peuvent pas être soumis à la loi du profit maximum, aux lois du marché.
La télévision et la radio de service public
Les TV et les radios privées sont soumises aux mêmes contraintes que celles décrites ci-dessus: il faut faire de l’audience, pour attirer de la pub, et faire des bénéfices accrus. L’illustration la plus désastreuse des conséquences d’une privatisation à outrance de la télévision et de la radio, ce sont les États-Unis. On ne peut plus parler d’éthique journalistique – tout est soumis à la loi de l’argent. On diffuse les mensonges les plus grossiers, les journalistes ne méritent plus leur nom, et s’ils font un effort pour respecter leur code d’honneur, ils sont vite éliminés. Certains obstinés ont même été assassinés.
Dans nos pays, nous avons la chance d’avoir encore des télévisions et des radios de service public. Elles luttent bravement, et avec des succès divers, pour préserver leur indépendance face aux politiciens. Les gouvernements essaient continuellement de les soumettre à leurs besoins; là aussi, les vicissitudes sont suffisamment connues pour que je ne m’y attarde pas dans une humeur qui sera de toute façon assez longue comme ça.
Une des salles de rédaction de la BBC (BBC World)
Le modèle du genre, c’est la BBC (British Broadcasting Corporation), qui a su résister aux chaînes privées, aux diktats les plus outranciers de Mme Thatcher etc., etc., et qui doit se défendre à intervalles réguliers, mais continue à appliquer des principes stricts de moralité journalistique et dont le succès démontre qu’il n’est pas nécessaire de se cantonner aux discours lénifiants et aux divertissements abêtissants pour avoir du public.
J’ai fait un bref stage à la BBC au début de ma carrière de journaliste. La première chose que m’a dite mon maître de stage le matin où j’allais partir en reportage pour la première fois, c’est:
«Tu as de l’argent pour payer ton café?»
«Oui, pourquoi?»
«Parce que si tu vas boire un café avec ton interviewé, c’est toi qui paies ta consommation. On ne laisse jamais le sujet de son enquête payer pour soi, même un café.»
José Ribeaud, le journaliste suisse qui a présidé à mes débuts à la TV romande m’a dit exactement la même chose, d’entrée.
Tout cela pour dire que les TV et les radios de service public doivent être défendues bec et ongles contre la privatisation, c’est pour le public le seul moyen d’obtenir une information tant soit peu fiable.
J’entends d’ici ceux qui disent que leur TV ou leur radio sont de toute façon la voix des gouvernants et non celle du public: c’est parfois vrai, mais cela reste de toute façon loin de la soumission à l’argent d’un média devenu société anonyme.
Le journaliste et ses devoirs
Rappelons que, free-lance ou non, un journaliste est tout d’abord un employé, un homme ou une femme contraints de gagner leur vie, qui ont des bouches à nourrir à la maison, des opinions – bref, que ce n’est pas un surhomme (ou femme), pas un personnage de cinéma, mais un travailleur ordinaire exerçant un métier un tantinet extraordinaire.
Les droits et les devoirs du journaliste, dont depuis le début du XXe siècle, on a peu à peu compris quel rôle social essentiel il jouait dans la société (le quart-état, le contrepouvoir), a été fixé une première fois en 1937. La charte des droits et devoirs du journaliste encore en vigueur aujourd’hui a été fixée de manière internationale en 1971, est qualifiée de «Déclaration de Munich», du nom de la ville où elle a été signée. Voici dans leur intégralité les devoirs du journaliste, sa morale, tels qu’elle les énumère:
Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements, sont:
1) respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître;
2) défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique;
3) publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents;
4) ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents;
5) s’obliger à respecter la vie privée des personnes;
6) rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte;
7) garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement;
8) s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information;
9) ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs;
10) refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.
Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n’accepte, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.
Il me paraît superflu de commenter trop longuement cette charte: les lecteurs de Cuk comprendront facilement qu’en bien des points, elle se heurte à la loi du profit qui régit la plupart des journaux transformés en société anonyme. «_N’accepter aucune consigne, directe ou indirecte des annonceurs_» – vraiment? J’ai entendu des dizaines d’histoires où la rédaction en chef a fait taire un journaliste de peur de perdre un annonceur.
Et que dire de cette mentalité venue des pays anglo-saxons, selon laquelle un personnage public n’a plus de vie privée, et qu’on peut donc le pourchasser jusqu’à la mort? Je suis d’accord que les photographes qui faisaient leur boulot ne sont pas responsables de l’accident qu’a eu la voiture de la princesse Diana sous le pont de l’Alma. Mais la soif de gain qui présidait à l’obtention d’une photo sensationnelle de plus est bien le moteur de l’accident.
En conclusion de cet exposé des devoirs des journalistes, je voudrais néanmoins rendre hommage aux milliers de journalistes hommes et femmes qui sont morts et qui meurent de par le monde parce qu’ils défendaient cette morale-là du journalisme.
Rédaction de l’agence AP (Associated Press)
Je passe à l’autre moitié de la charte, qui traite des droits des journalistes.
Le journaliste et ses droits
1) Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés.
2) Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu’elle est déterminée par écrit dans son contrat d’engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale.
3) Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience.
4) L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise.
Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction: embauche, licenciement, mutation et promotion de journaliste.
5) En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique.
Ici aussi, nous avons une vision plutôt idéalisée – les lecteurs de Cuk auront aussitôt à l’esprit un certain nombre d’exemples à lui opposer dans lesquels les droits du journaliste ont été violés. Sans compter qu’on peut renvoyer un journaliste sous de faux prétextes (sans parler des free-lance auxquels on ne fait tout simplement plus appel).
Et le lecteur? L’auditeur? Le téléspectateur?
Je me souviens de l’époque où j’étais orpheline, sortie d’une famille qui avait juste eu le temps avant de se briser de m’inculquer quelques principes et de me faire entrevoir quelques possibles: je rêvais d’aller à Hollywood et d’y devenir une vedette. On survit comme on peut. Et comme je rêvais par ailleurs d’être danseuse, j’avais deux idoles qui, en attendant, incarnaient pour moi les deux styles dans lesquels je deviendrais un jour une grande vedette: Margot Fonteyn (danseuse étoile du Sadler’s Wells de Londres) et Gene Kelly. Même au fin fond de mon obscurantiste orphelinat, je n’ignorais rien de ces deux personnes. J’allais ramasser des journaux (que je n’avais pas d’argent pour acheter) dans les poubelles, et un commerçant qui m’avait prise en pitié me donnait parfois des retours (dont on renvoie la première page, on est censé jeter le reste au vieux papier).
Margot Fonteyn, ou l’envol du rêve
Aussitôt que ma vie a repris un cours plus normal, que j’ai pu faire des études secondaires, puis universitaires, j’ai oublié de me tenir à jour sur les faits et gestes de mes idoles, je n’avais plus besoin de vivre par procuration, j’avais une vie à moi. J’ai suivi des cours de danse, et j’ai constaté que ce n’était finalement pas cela que je voulais faire de ma vie.
J’ai toujours pensé que la soif de sensations des acheteurs de journaux tenait à cela: Raymond Devos chantait une fois une chanson dont j’ai retenu une ligne, «_Rêves abandonnés comme des sacs tombés_». Ce sont ces rêves abandonnés, et les frustrations qui s’ensuivent, qui poussent les gens à vouloir rêver, et les rêves qui s’offrent à eux le plus facilement, ce sont souvent ceux qui ont pour protagonistes des «stars» dans tous les domaines, dans lesquelles ils peuvent se projeter. La presse à sensation a compris cela, et elle exploite, en les déviant sur des personnages emblématiques, les insatisfactions profondes d’une société où, en réalité, seul l’argent est, en l’état actuel des choses, la clef de tous les possibles. Pour avoir un temps été victime de cela, je comprends bien le mécanisme, et je sais à quel point il est falsificateur.
Ce qui est en cause, dans le succès de l’_infotainment_, c’est me semble-t-il que ce que cette société dans laquelle nous vivons n’offre ce qu’elle a de mieux qu’à une élite, après avoir tant promis à tout le monde. Ceux qui ne reçoivent pas compensent – et un des moyens de compenser, c’est la presse people, à sensation, appelez-la comme vous voudrez. En d’autres termes, c’est l’ignorance entretenue qui fait qu’on se focalise sur les stars dans tous les domaines, et que souvent (surtout en politique) on “starise” les grands protagonistes pour les soustraire à un examen critique de leurs idées en nous inondant de détails sur leur petite histoire.
Pour conclure
Les journalistes se trouvent ainsi face à un conflit: que faire si la sensation masque la réalité? Si elle représente un mensonge? Si toute dénonciation équivaut à une mise à pied? Si son rédacteur en chef s’intéresse davantage au rendement en bourse qu’à la dénonciation d’un abus de pouvoir? Pire, s’il est de mèche avec ce pouvoir? À de rarissimes exceptions près, face à de tels patrons, le journaliste n’a, lui, qu’un seul «pouvoir»: celui de s’en aller. Il n’a pas plié, il ne s’est pas compromis, mais sa voix s’est néanmoins tue.
Il y a quelques semaines, le journaliste américain Charles Savage (Boston Globe) a gagné le Prix Pulitzer (une sorte de prix Goncourt du journalisme) pour avoir mis à nu un des trop nombreux mensonges du président George W. Bush. Comme raison de cette attribution, le comité du Pulitzer a déclaré: «_Charlie gagne ce prix parce qu’il a couvert ce que la Maison Blanche fait réellement, et non juste ce qu’elle dit vouloir faire._»
Un principe que chacun de nous autres journaliste devrait placer devant soi, juste au-dessus de l’ordinateur. Et une exigence que tout lecteur devrait exprimer quotidiennement, en choisissant son journal.
La problématique des journalistes, on le voit, est complexe, et ne peut être résolue par des «y-a-qu’à». Car à travers elle, ce sont les contradictions de toute une société qui se font jour.
«La connaissance, c’est le pouvoir – liberté de la presse» Logo d’un syndicat américain de journalistes.
, le 16.05.2007 à 01:11
Je trouve toujours et encore passionnant de voir jusqu’à quel point, depuis quelques années, les réflexions sur le journalisme et les états de fait du journalisme se font sur Internet – et rarement… dans les journaux.
, le 16.05.2007 à 03:32
Superbe article, Anne, quelle retenue! Tout en souplesse (comme Margot Fonteyn – magnifique photo, d’ailleurs! – ).
Le savoir, c’est le pouvoir (ça rime, comme “la conaissance, c’est la puissance”), tout est dit dans cette phrase…
z (la connaissance du dérailleur déplace les montagnes, je répête: a connaissance du dérailleur déplace les montagnes)
, le 16.05.2007 à 06:51
Superbe, Anne ! On lit vraiment de belles choses sur cuk.ch.
Perso, en matière de presse, j’en suis réduit à lire (on le saura) Le Canard enchaîné, Le Monde diplomatique et Politis.
Le canard enchaîné est un cas exemplaire puisqu’il appartient à ses rédacteurs et se trouve libre de toute publicité. C’est donc possible. Pas de déficit, au contraire, ses réserves financières sont une arme contre d’éventuels agresseurs.
J’ai longtemps lu Le Monde mais je le boycotte depuis que je vois la sale influence de Colombani sur son journal (sur MON journal !) et je reprendrai sa lecture quand cet énergumène libéral aura disparu de la direction avec son âme damnée le plagieur Minc.
Quant aux journaux télévisés, je les regarde très rarement. Je ne les regarde pratiquement que pour analyser la façon dont ils (mal)traitent l’information. Un journal télévisé c’est, pour l’information, une demi-page d’un quotidien, pour le reste, c’est un spectacle comme un autre ; une émission de variété présentée par son pitoyable animateur-comédien. Sauf le journal d’Arte.
La radio ? Il y a à boire et à manger. Je n’écoute jamais les singes hurleurs, ces journaleux qui doivent penser que la seule manière d’asséner leurs infos est de crier dans le poste. Au risque de rendre leurs auditeurs sourds.
L’autocensure est aujourd’hui – à l’époque où triomphe le journalisme de connivence, le journalisme soumis, rampant, servile – le « grand mal » de l’information. Le journaliste contemporain, c’est presque toujours la voix de son maître.
À ce rythme de développement de la lâcheté journalistique en France, il faudra bientôt changer de trottoir lorsqu’on y croisera un journaliste.
Le site nécessaire est toujours acrimed où l’on trouve par temps (vert-de-)gris la présence rassurante, chaleureuse et amicale de défenseurs de la démocratie au sein de la profession. Il y a du travail !
Chez nous, les « vrais » journalistes, les vedettes, les valeurs-sûres dînent autant qu’ils peuvent, aux meilleures tables, avec les politiques, les financiers, les entrepreneurs. Et ils s’en vantent ! Jamais avec leurs lecteurs lambda. Ils seraient choqués s’ils devaient payer leur repas, le café et le pousse-café.
PPDA, entre deux fausses entrevues avec Castro, prenait l’avion privé d’un puissant pour partager son week-end avec lui. Il en a payé le prix. Mais combien d’autres entretiennent cette pratique qui ne scandalise plus personne ? Combien reçoivent des cadeaux en nature d’un industriel en pleine promotion d’un produit ?
On peut affirmer sans se tromper qu’il y a un paquet de ces journalistes à l’éthique chatouilleuse (où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir) qui en croquent. Et souvent.
Cela explique une incongruité des reportages dans les medias : ils ne sont jamais consacrés à la moindre critique des journalistes et de leurs pratiques. Les loups ne se mangent pas entre eux. Il y a pourtant un sacré ménage à faire.
Alors, la Charte de Munich, ils s’en tamponnent. Gageons qu’ils ne l’ont jamais lue.
Ce monde libéral qui nous est tombé dessus il y a une trentaine d’années, a engendré, partout, un cynisme tel que les grands engagements, les grands principes, obtenus dans la douleur contre les puissants, qui fondaient encore notre société humaine il y a peu sont devenues mues de serpent séchant au soleil des profits, des enveloppes vides de tout contenu.
Mais le mal du journalisme provient en droite ligne de certaines écoles de journalisme (qui se multiplient comme la misère sur le monde) qui forment directement les élèves à la servilité et à la connivence. On les met dans le moule et on les conditionne une bonne fois. Quand le pli est pris, on ne repasse pas le fer. Un jeune trop critique est simplement viré, comme Nadia à l’ESJ-Montpellier . La critique est une faute professionnelle éliminatoire dans ces milieux-là. On y apprend à respecter le maître, celui qui paie.
Lire sans modération Les petits soldats du journalisme de François Ruffin qui en parle mieux que moi.
Une manière comme une autre de leur rendre hommage est de rappeler que Reporters Sans Frontières est née de la double idée de défendre les journalistes qui subissent les excès du pouvoir, parfois jusqu’à l’emprisonnement ou la mort, et de lutter pour la défense de l’éthique jounalistique à l’intérieur même du milieu du journalisme (Charte de Munich). C’était grand, c’était beau.
Et puis Robert Ménard est arrivé qui a supprimé brutalement le second volet de l’action de RSF. Depuis, Ménard est régulièrement soupçonné d’émarger à la CIA (pour les incrédules, on en a vu de meilleures). Cela serait l’explication de ce gâchis ?
Une des argutie, l’un des attrape-nigauds les plus réussis des libéraux (et capitalistes en général) est de maintenir leurs esclaves en dépendance en leur promettant qu’un jour ils ne le seront plus et brilleront de mille feux au firmament de la société « pipole ». Ça marche du feu de Dieu ! Il suffit de montrer et montrer encore au spectacle du fenestron les quelques rares spécimens qui parviennent à changer de condition pour que les benêts y croient encore longtemps.
« Tu seras Zidane, mon fils ! » 20 équipes de foot professionnelles en France qui engagent chacune 20 professionnels doués. 400 pékins sur 62 000 000 de Français. 400 emplois et 3 ou 4 000 000 de chômeurs. Manque 10 000 équipes de foot et on y arrive.
Faire des études sérieuses ? Mais vous plaisantez !
L’autre délire est de traiter les gens de fainéants et de leur cracher : « Ils n’ont qu’à créer leur entreprise ! ». Autant d’entreprises à créer qu’il y a de chômeurs, ça te fout l’économie d’un pays par terre, ça. Et quand ils auront tous créé leur entreprise unipersonnelle (forcément) avec qui la développeront-ils ? Qui bossera pour eux ?
Et encore ce nombre d’entreprises créées dans l’année mises en Une de la presse minable pour faire mousser le gouvernement du moment sans jamais mettre en balance le nombre d’entreprises mises en faillite dans le même temps qui ramène à presque rien la « performance » de l’esprit de libre entreprise.
Magie, enchantement, fascination du prestige, de la réussite, de cette réussite qui vous propulse soudain loin du commun, loin des autres vers ce panthéon de demi-dieux modernes dont la blancheur des dents éclate sur les écrans « pipole ». Illusion, délire.
Pas nécessairement. L’hebdo Marianne est né de journalistes (ré)unis autour de leurs exigences.
Yakapa acheter les torche-cul.
Sur le macaron : « La connaissance, c’est le pouvoir ». La connaissance donne du pouvoir, sans doute, mais le pouvoir n’est pas un but dans la vie (ou la vie est dévoyée), et le pouvoir n’est certainement pas le but du journaliste. Le journaliste est celui qui transmet ; le journalisme est un service ; le devoir du journaliste c’est le service des lecteurs.
Décidément, je continue d’être fâché avec la mentalité US.
—
Une autre France est possible.
, le 16.05.2007 à 07:27
Anne, intéressant article. J’aimerais avoir ton avis sur un journal français, le Canard Enchainé (quoi que le nom de “Canard Déchainé” serait plus adéquat).
C’est un journal que je lis chaque semaine, le seul que j’achéte. C’est dire tout le bien que je pense de ce journal et de ses journalistes. Mais je suis parfois choqué de leurs méthodes.
Publier la feuille d’impôt de Jacques Calvet (l’ancien patron de PSA), c’est aller trop loin à mon avis. Publier des extraits de compte-rendu d’audition de l’affaire Clearstream, alors que l’affaire est toujours en cours d’instruction, je pense aussi que c’est allé beaucoup trop loin.
Et j’ai un certain nombre d’exemples pour lesquels je pense que le journal est allé trop loin dans la recherche de la vérité. Attention, je suis pour la recherche de la vérité mais en respectant une certaine éthique: et parfois j’ai l’impression que la fin justifie tous les moyens. Quel est ton avis?
, le 16.05.2007 à 07:44
@ Renaud, à toute vitesse, je dois partir au turbin: Le Canard enchaîné travaille à cartes découvertes. Cela fait plus d’un demi-siècle qu’il dit ce qu’il fait. et qu’il fait ce qu’il dit. Si suffisamment d’autres faisaient comme lui (demander aux puissants de RENDRE COMPTE), il ne paraîtrait pas aussi déchaîné. Et si tous les autres faisaient leur boulot, Le Canard n’aurait pas besoin d’aller ainsi à la recherche de documents secrets. Non, le Canard ne va pas “trop loin”, ce sont les autres qui ne font pas leur boulot.
@Okazou OK, il y a Marianne, Rue89 maintenant, mais face au nombre de personnes qui sont renvoyées ou coincées dans l’autocensure, ce n’est qu’un soupirail dans une épaisse muraille.
, le 16.05.2007 à 08:02
Bravo Anne pour cet article, digne d’une grande journaliste ;-)
A bien y réfléchir, la vérité des uns n’est pas celle des autres. Par exemple, la vérité d’Okazou ou meme la tienne est loin d’etre la mienne en matière de politique.
Dès lors, le parti pris est la solution idéale. Chacun expose sa conception de ce qu’il voit, constate ou découvre, et nous, lecteurs intelligents, essayons de faire la part des choses.
C’est pourquoi je lis aussi bien le Monde, Libération, Le Point ou le Figaro. Avec ça, on se fait une idée à soi pour peu que l’on reste ouvert.
En tout état de cause, bravo pour l’article.
, le 16.05.2007 à 08:11
Merci Anne pour cet article tout en finesse et en profondeur…
j’ai juste envie de faire un commentaire au sujet de la Charte de Munich: il me semble que la majorité des médias privés sont très fort pour revendiquer le point 1 des droits des journalistes, mais oublient systématiquement les autres, mais encore davantage les devoirs!
Mais il s’agit d’une tendance général dans de nombreux métiers… hélas… je suis travailleur social, animateur socioculturel précisemment, et actuellement, je travaille avec des collègues sur un code de déontologie, et une charte pour le mêtier, et l’on est confronté au même style de difficulté.
En effet, nous revendiquons une certaine autonomie d’action, mais les municipalités, souvent nos employeurs, ont plutôt tendance à vouloir nous utiliser dans un sens qui les arrangent. Et il est même arrivé qu’un de nous se fasse démolir par une cheffe de service parce qu’il avait rappelé aux habitants d’un quartier leur droit à s’adresser aux municipaux, et le droit à la pétition…
, le 16.05.2007 à 08:36
Bonjour à tous,
De bien belles lectures pour commencer la journée.. Mon propos n’est pas d’ajouter quoi ce ce soit à ce qu’ont écrit Anne et Okazou. Ils ont, à mon avis, parfaitement décrit la situation de la presse actuelle. Et pour ce qui concerne l’intrusion du profit à tout prix dans la vie de la presse, on aurait pû ajouter que même les bonnes intentions pour l’éviter, comme la loi sur la presse promulguée en France à la libération, a été impuissante. Pourquoi ? Rappelons nous les difficultés économiques qui ont conduit la plupart des grands titres de la presse française à tomber dans les mains du papivore (vous savez, celui qui disait “moi, les journalistes, je leur pisse dessus”). Quant un journal est dans l’impasse économique, faut il empêcher un repreneur de faire main basse dessus, et par là même condamner à mort le dit journal ? Franchement, je n’ai pas la réponse.
Je me suis, à l’époque, demandé pourquoi les grands quotidiens en étaient arrivés là. Et j’en suis arrivé à la conclusion suivante : on a la presse qu’on mérite. Quand j’étais gamin, dans les années 40-50, dès qu’il se passait quelque chose d’important, mon père sortait acheter le journal, comme tout le monde. Ensuite, il n’est plus sorti, il tournait le bouton du transistor. Et puis il a fini par attendre le journal télévisé, qui, à cette époque, méritait encore cette appellation, même si, avec l’arrivée de de Gaulle au pouvoir, il s’est peu à peu transformé en porte voix du gouvernement. Comment, après ça, espérer avoir une presse libre parce que viable économiquement (je ne dis pas “rentable”, vous l’aurez noté) ? Un autre aspect de ce que qu’on nous distille aujourd’hui, et qui, personnellement, me semble être une perversion de ce qu’on ose encore appeler du journalisme, c’est le côté “maitre à penser”. Ce que j’attends d’un journaliste, ce sont des faits précis, réel, avérés. Je sais que la neutralité en la matière n’existe pas, je demande juste de l’honnêteté. Après, libre à moi (et aux autres) d’en penser ce qu’on veut, selon la sensibilité de chacun, et ce qu’on connait de celle du journaliste qui rapporte les faits. Je serais ravi de lire quelques avis sur ce point : qu’attend le lecteur de son journal ?
Bonne journée à tous
, le 16.05.2007 à 08:41
Voilà une intéressante façon de commencer sa journée : vous m’avez fait réfléchir à plein de choses et j’aime bien ces matinées avec de petites bulles “questions, réflexions” qui naviguent dans mon esprit durant la journée.
Une en revanche, ne m’était pas inconnue : on peut renvoyer un journaliste sous de faux prétextes, ce qui le met sur pied d’égalité avec la boulangère, l’infirmier ou l’imprimeur puisqu’il n’existe pas en droit suisse (contrairement au droit allemand) la possibilité d’imposer à l’employeur la réintégration de son collaborateur à l’issue d’une procédure en prud’hommes.
Et je l’avoue, je suis ravie que la danse ne vous ait finalement point tendu les bras : je n’aurais pas eu le plaisir de vous lire.
, le 16.05.2007 à 08:58
Beau pavé, Anne.
Je reconnais que les journalistes n’ont pas la vie facile aujourd’hui. Mais tous ne sont pas ces défenseurs de liberté et ces découvreurs d’inédits. En ce qui concerne le domaine de l’art, le chorégraphe Maurice Béjart disait un jour des journalistes : “ils se contentent de découvrir ce qui est déjà connu”. En fait de journalistes qui payent leur café, j’en ai connu plusieurs qui se vantaient plutôt qu’on leur léchait les bottes pour obtenir leurs faveurs. N’oublions pas non plus qu’un journaliste est parfois appelé un “pisse-copie !”. Je suis d’accord avec “le Citadin”, c’est peut-être Internet qui va sauver la liberté d’expression même si, je le reconnais, il m’arrive encore de m’extasier sur un article de presse bien torché.
, le 16.05.2007 à 09:16
Anne, dans les 2 exemples que j’ai cité, le Canard a pourtant enfreint au moins 2 des régles de la charte de Munich, la 4) et la 5). La feuille d’impôt de Calvet, ca me semble plutôt être du domaine privé. Mais tu sembles faire une exception pour le Canard. Y a t il donc 2 poids et 2 mesures dans le journalisme, comme dans la justice?
, le 16.05.2007 à 09:18
Très intéressante article,
La presse va mal, c’est un fait, avant de critiquer le libéralisme et les méchants patrons capitalistes (Okazou), pourquoi ne pas voir que les temps changent ? La presse est concurrencée par une foule de nouveaux canaux d’information (TV, internet) qui apportent une info “brute de décoffrage” et sans le filtre de professionnels (blog). On vit dans une civilisation de l’immédiateté qui exclu la réflexion et les commentaires à froid.
L’exemple de la guerre du Vietman est excellent, il y avait encore de l’info comparé à la guerre en Irak où nous avons surtout de la propagande et de la contre-propagande, ou vis-versa ;-)
Finalement, vous êtes une personne subtile Madame Cuenod, n’y a t-il aucun rapport entre de récents évènements franco-français et votre contribution à Cuk.ch ?
, le 16.05.2007 à 09:23
Un tout grand merci pour ce super article. Et bonne journée à tout le monde !
, le 16.05.2007 à 09:31
Personnellement, j’aime bien les théories de conspiration, non pas parce que j’y adhère, mais parce qu’elles offrent un point de vue suffisamment éloigné des versions officielles pour placer la conscience du lecteur en mode “analyse critique”.
C’est la raison pour laquelle j’ai mis en place ce site que j’alimente à partir d’info agrégées en masse sur cet autre site depuis un nombre incalculable de sites (j’en suis a 80000 billets en quelques mois seulement).
C’est toujours intéressant de confronter une annonce de Whitehouse.gov avec un billet issu de la Pravda ou d’Al Jazeera. Il faut comprendre l’anglais, ceci dit.
Si vous avez des fils RSS intéressants, je suis preneur.
, le 16.05.2007 à 09:46
Très bel article, sincèrement.
Comme tu l’énumères, le journalisme dans le sens noble du terme est bien mort et on en a la preuve tous les jours et j’aimerais revenir sur deux points majeurs (selon moi…):
Le premier est lié au boulot de journaliste que tu décris comme un “travailleur ordinaire exerçant un travail un tantinet extraordinaire”. Ces propos me choquent et pour cause, ce n’est pas un “tantinet extraordinaire” de relayer des informations, de faire comprendre à des milliers, voire millions de gens, la pertinence d’un projet ou le fond d’une idée politique.
Ce n’est pas anodin, c’est une mission qui revêt de la plus haute importance et si des gens rentrent dans cette branche en se disant “voilà un boulot bien tranquille qui va me permettre de construire ma maison, payer un break à ma femme et peut être fréquenter le showbiz” alors je pense que cette personne n’a rien à faire là-dedans.
Pour moi, un journaliste est comme un franc tireur, il ne se retourne pas et il avance dans les lignes ennemies tout en essayant de rentrer au pays en vie avec une histoire sous le bras.
J’ai été révulsé quand tu as dis que les journalistes avaient le sens “des responsabilités” car aujourd’hui, si le sens des responsabilités c’est penser d’abord à son cul avant d’informer les gens, c’est le monde à l’envers.
Pour le second point, je veux revenir sur l’aspect économique que tu décries largement et qui domine le fond de ton intervention.
En premier lieu, pourquoi ces gens ont vendu? Pourquoi ont-ils cédé aux sirènes de l’argent s’ils étaient si fiers et si droits? N’y avait-il donc personne pour reprendre ces journaux qui avait le même sens déontologique et la même passion?
Je poserai une autre question en forme de réponse: est-ce que ça coûte moins cher de faire un bon journal aujourd’hui plutôt qu’hier? Je suis intimement convaincu que c’est moins cher car les moyens de communications ont drastiquement changé et les frais ne sont pas plus élevés qu’avant (bien sûr, si les journalistes ont besoin de 50’000 balles pour leurs frais quand ils sont une semaine à l’étranger…).
La profusion de journaux à probablement amener la profession à se tuer elle-même car chacun, en lançant son propre journal qui était plus comme ci et moins comme ça, a emprunté et à donc du faire un tirage plus important pour s’en sortir… et ainsi de suite. Une spirale en quelque sorte puisqu’après, il a fallut engager des “nababs” de la presse qui étaient chers à payer mais qui promettaient des ventes plus élevées.
Je le répète, une spirale vers le bas dans les points (chartes) que tu as énoncé plus tôt.
Je suis à chaque fois effaré de voir tous les journaux ou magazines qui garnissent les étales des kiosques… comment ne peut-il pas y avoir surabondance?
Enfin, j’insiste sur l’aspect économique car les choses peuvent changer grâce au même moyen qui a, selon toi (et je suis d’accord), changé les médias. C’est tellement simple que personne n’y croit: il suffit de ne plus acheter de journaux!
Quand on boycotte à peine un produit parce que la marque a changé d’emballage et que ce dernier est plus polluant et plus cher, même un groupe à CHF 100 milliards par an (Nestlé pour ceux qui ne suivent pas) change son fusil d’épaule et plie sous la contrainte.
Personnellement, je n’achète plus de journaux ou magazines depuis 1998 ou quelque chose comme ça. J’ai un seul abonnement: le courrier international et encore, sous sa forme électronique et pas papier (=pas de pollution pour cause de transport et pas de déforestation).
Ce journal me donne généralement des informations partiales et impartiales sur un sujet au travers des articles de journaux du monde entier. Ce système, avec le temps, m’a permis de bien cerner des sujets épineux et complexes qui n’auraient pas pu être résumés comme ça par un seul journaliste d’un seul journal.
Voilà, j’ai été un peu long mais ce sujet me tient à coeur parce que je pense que les médias ont une responsabilité extrêmement importante dans la déliquescence de notre société.
T
, le 16.05.2007 à 10:03
Loin de moi l’idée de contredire ou minimiser l’influence de la malhonnêteté et des compromissions dans le milieu journalistique, mais je me dois d’y ajouter celle considérable de mon cheval de bataille, la connerie, moins connue sous son appellation scientifique de dissonance cognitive (la gêne qui nous pousse à déployer nos capacités intellectuelles pour nous protéger des données contrariant nos préconceptions plutôt que pour remettre en cause ces dernières, c’est-à-dire employer notre intelligence à rester con plutôt qu’à apprendre, si la nouveauté implique qu’on ait eu tort auparavant).
Ainsi du rédac’ chef qui refuse un papier contraire à sa “vision” des choses au lieu d’y trouver l’occasion d’approfondir celle-ci: nul besoin de corruption ni collusion avec les puissants pour être con, et plus on est intelligent plus on a de puissance intellectuelle pour entretenir sa connerie.
(edit: le problème ne se limite évidemment pas à la production; quand la vérité est effectivement publiée, connerie et ignorance semi-volontaire ont encore leur chance côté lecteur, qui ne manque jamais de sources contradictoires pour rabaisser au rang “d’opinion” une information dérangeante)
On peut, bien sûr, être à la fois con et corrompu. La corruption est d’ailleurs infiniment plus confortable quand on est con. Mais il faut un minimum de relations et de pouvoir pour le corrompre, alors que n’importe quel sous-fifre a tout ce qu’il faut pour être con tout seul.
Dans les médias cela consiste à vider les mots de leur sens au point de ne plus savoir les comprendre ou les employer autrement que dans l’apologie des bons présupposés et la condamnation des boucs émissaires. Et l’on détruit une planète après avoir nettoyé “consommation” de sa connotation péjorative et couvert “écolo” de ridicule, et l’on détruit des sous-continents en martelant les méfaits des “anti-occidentaux” et des dictatures “communistes”, sans jamais qualifier d’anti-quoi que ce soit les régimes occidentaux ni de “capitalistes” les dictatures qui le sont, même quand tel Pinochet elles s’auto-définissent explicitement comme réaction héroique au gauchisme sorti des urnes.
Un remarquable article sur ce thème :
http://www.monde-diplomatique.fr/2007/03/LUYENDIJK/14555
Les mots biaisés du Proche-Orient, par Joris Luyendijk (Le Monde diplomatique)
Et sur ce sujet particulier, pratiquement tout ce qu’écrit Robert Fisk depuis Beyrouth sur le moyen-orient pour The independent et dont il constate avec incrédulité le constant décalage avec les médias occidentaux et particulièrement américains.
, le 16.05.2007 à 10:34
depuis quelque temps l’évitais de lire les billets quotidiens dont je ne voyais pas un intêret en ce qui me concerne (après tout nous sommes en démocratie et libres de nos choix) et puis au vu de l’auteur (Anne Cuneo) j’ai ouvert par curiosité et là vraiment un grand coup de chapeau madame c’est fort bien fait,j’espère que vous aurez beaucoup de lecteurs et je vais de ce pas transmettre ce billet à toutes mes connaissances.
Puis-je toutefois émettre quelques remarques
vous avez cité avec justesse Washington Post était la propriété, à ce moment-là, de Katharine Graham, la fille du fondateur du journal. Il lui appartenait en propre ……. Ce nétait pas un journal de “Service Public”
Dans nos pays, nous avons la chance d’avoir encore des télévisions et des radios de service public. Elles luttent bravement, et avec des succès divers, pour préserver leur indépendance face aux politiciens Ah bon,, je ne vois pas en quoi le Service Public serair garant d’indépendance. (passons sur l’ex URSS ,la Corée du Nord,Cuba et aussi La Hogrie et la Roumanie que j’ai connu en 1955)
Le capitalisme c’est l’exploitation de l’homme par l’homme
Le socialisme c’est exactement l’inverse
mais mes remarques n’entachent en rien la pertinence et la vérité de vos propôs, encore une fois bravo et que les contributeurs à venir s’inspirent de votre manière en particulier un certain Quidam “Okazou” que je reprends ……
……L’autre délire est de traiter les gens de fainéants et de leur cracher : « Ils n’ont qu’à créer leur entreprise ! ….. cher monsieur l’invective est une vieille recette des Chansonniers d”une autre époque, personnellement je suis un autodidacte et sans avoir crée une entreprise (chose que mon fils fait actuellement par ailleurs) j’ai beaucoup déliré en prenant mon avenir en mains et comme je suis revigoré ce matin après ma lecture A votre attention donc de Brassens ” au faisceau des phallus on ne verra pas le mien”
Bien le bonjour à tous
, le 16.05.2007 à 10:40
Un mini coup d’œil superficiel sur tes sites me dit que tu les connais probablement déjà, mais voilà toujours, éventuellement pour les autres lecteurs, les flux de politique internationale respectifs de:
Pas spécifiques mais fortement portés sur la politique internationale:
Et d’autres agrégateurs critiques:
, le 16.05.2007 à 10:50
En France, presque toute la presse papier, TV et radio dépend soit du pouvoir financier, soit des pouvoirs publics. Je ne reviendrai pas sur les groupes qui détiennent tous les médias ; on a aussi l’État qui subventionne les invendus, et dont dépendent les quotidiens, dont aucun n’est rentable. Si des groupes comme Dassault ou Lagardère s’y intéressent, ce n’est donc pas pour l’argent.
Contre ça, les journalistes français peuvent, au moment du rachat, faire jouer une clause du contrat qui leur permet de démissionner en touchant une forte prime s’ils estiment que leur nouveau patron peut porter atteinte à leur éthique de travail.
Récemment, le rédac-chef de France-Soir a du démissionner car pas assez sarkozyste ; le JDD a censuré une information, publique (concernant le vote, donc public, puisque l’information est consultable par tous) sous prétexte de vie privée. Alors Mackloug, comment fait-tu pour t’informer sur quelque chose dont personne ne parle ? D’ailleurs lis-tu réellement trois journaux tous les jours ?
Les sites d’info sur Internet se contentent de reprendre les articles des journaux papier, ou les dépêches d’agence à peine remâchées. Qui contrôle l’AFP en France ?
Sur la pratique des petits cadeaux, les journalistes de Capital les accepte pour pouvoir faire leurs interviews, puis se les répartissent dans une tombola. Ce mensuel a beaucoup d’abonnés, ce qui lui donne une certaine stabilité, mais aussi beaucoup de pubs.
Sur la connivence, elle est telle en France que beaucoup de journalistes épousent des personnalités politiques ; d’ailleurs, une des raisons de l’hostilité des journalistes à Ségo est qu’elle n’est pas de leur monde, ne fréquente pas leurs restos parisiens : pas facile de lui demander une petite chose en passant, la main sur l’épaule.
, le 16.05.2007 à 10:54
Je viens de les ajouter , ils seront scrutés tous les quart d’heure: Merci !
, le 16.05.2007 à 11:13
Merci Anne pour cet article édifiant. Mais franchement, je pense que la vie ne va pas être facile dans certaines rédactions…
Milsabor!
, le 16.05.2007 à 11:17
Merci Anne!
Merci pour cette belle analyse de notre profession. J’espère qu’un jour nous pourrons deviser de concert de notre présence simultanée au Vietnam en 74-75. J’y étais aussi, pour le compte d’une télévision de service public.
Mais quelle difficulté, souvent, devant les misères, les compromissions, les moments exhaltants aussi que nous vivons de près, de rester impassible, “objectif”, rapporteur quoi.
Mon tempérament m’a posé bien des problèmes au sein des équipes, car en TV, le journaliste, surtout dans le danger, c’est aussi une équipe.
Difficile d’en sortir indemme, candide. Mais possible…
Merci Anne!
, le 16.05.2007 à 11:34
Je me demande…
Cuk n’est pas très différent d’un journal. On y fait un vrai travail de journalisme. Des tests de logiciels, de matériels. Des éditoriaux critiques, des scoops, de l’humour, des trucs et astuces. Il y a même une très importante rubrique “courrier des lecteurs” où le rédacteur en chef (François) s’exprime plus souvent qu’à son tour.
En plus, chez Cuk, les rédacteurs “payent leur café”, le directeur paye le serveur et le malheureux bandeau publicitaire tout en haut du site ne paye pas grand chose. Les comptes sont dans le rouge depuis le début et le resteront.
Quand aux histoires de corruption de journaliste, je n’en ai pas vu l’ombre de la queue d’une rondelle sur ce site. Il reste que, comble de l’horreur, il arrive que, de temps en temps, il y ait un café gratuit. Un rédacteur arrive à se faire offrir un logiciel. La belle affaire ! Ce rapiat n’en fait même pas une copie au rédacteur en chef !
Bref, Cuk ressemble beaucoup à un journal. Sauf qu’il est gratuit et même pas payé par la publicité.
Alors, combien d’entre vous seraient prêts à payer pour qu’il existe ? Rien que… disons 10 euros par an ?
, le 16.05.2007 à 11:37
Merci à Anne Cunéo pour cet article..
Tout en comprenant et acquiesçant à son texte, je le trouve un tantinet “excessif”, du style “tous pourri” et “c’était mieux avant”.
C’est une attitude que je retrouve de plus en plus chez moi aussi…je me demande si ce n’est pas un problème de temps qui passe… Avec le temps qui passe, notre faculté à s’y adapter n’est-elle pas elle aussi en déficit.
Merci pour cet article donc, mais aussi bravo pour les commentaires! Je me suis vraiment régalé du commentaire n° 16 de VRic et de ses renvois qui valent le déplacement… Je pense avec l’âge être plus ou prou atteint de dissonance cognitive. Et je ne pense pas (à vous lire tous) être le seul dans ce cas…
Soignons nous donc; mais, comme Anne Cunéo, restons vivant et coléreux quand même, au risque de la dissonance…de la connerie, quoi! Il faut bien s’assumer!
, le 16.05.2007 à 11:38
@Olivier Si cuk avait besoin de ces 10€, je les donnerais volontiers, voire plus
@mackloug Au vu du choix de tes lectures, tes sources d’information ne sont pas très diversifiées !
, le 16.05.2007 à 11:42
réponse à olivier (n°23) oui, je suis disposé à payer (un peu) pour la survie de Cuk. Je paye aussi mes quotidiens, ma musique, mes dvd, ma bouffe, mes fringues, mon adhésion à Mac OSX Facile…et hélas aussi les impôts…
, le 16.05.2007 à 11:43
Merci à tous de vos remarques. Comme (vous l’aurez compris) aujourd’hui je travaille, j’ai peu de temps pour répondre en détail. Mais par ailleurs, vos commentaires (à part Renaud qui pose la question des deux poids deux mesures et à qui je tâcherai d’expliquer ce soir pourquoi il n’a pas bien compris ce que je disais) ne sont que des élargissements du propos initial, qui le complètent (ce qui était le but, je me considérais comme le starter en quelque sorte… Il n’y a pas de réponse définitive par ex. au sujet d’un rédacteur en chef choisi par le patron – l’est-il parce qu’il est con et ne comprend pas qu’on le corrompt, l’est-il parce qu’il est corrompu d’entrée? parce qu’il est naïf et espère pouvoir changer les choses, puis est entraîné dans un sens auquel il ne s’était pas attendu? Vaste débat! Je retourne au charbon, à plus tard.
PS. Je vois le commentaire de Marc2004 Non, je ne pense pas tous pourris, je ne le dis pas. Je dis que plus la presse est soumise à l’argent, plus ça la pourrit – mais que si telle situation s’était passée il y a cent ans, ce serait pareil. Je cherche à analyser un état de fait, et pas à évoquer un passé mythique dont je sais parfaitement qu’il n’existait pas.
, le 16.05.2007 à 11:51
Anne, ou le soleil de cette matinée pluvieuse ;°)
On ramène toujours tout à l’aune de son existence personnelle.
En 1958, j’étais lycéen et nous nous interrogions sur le retour du Général De Gaulle. Quelques uns d’entre nous s’en sont ouverts à notre Professeur de Lettres. Sans prendre part, il nous a dit:
“Achetez chaque matin “l’Humanité”, “Le Figaro” et “l’Aurore”, ajoutez le soir “Le Monde” et “Paris-Presse”. Discutez-en entre vous et forgez votre opinion”
Depuis cette date je lis quotidiennement la presse écrite, et, seule entrave à la modernité du support, c’est bien le diable si, dans un déplacement exotique, je ne trouve pas de connexion internet pour accéder au site du Monde ou de Libé.
Ah oui, un peu comme l’inspecteur Colombo, je reviens sur mes pas.
Ce Professeur de Lettres au Lycée Arago de Paris, j’ai découvert, par une nécro dans “Le Monde” lors de sa mort le 13 décembre 2001 qui il était réellement
Il n’a jamais cherché à nous embrigader
C’était un grand Monsieur…
, le 16.05.2007 à 12:01
Saluki: un prof de gauche, c’est si étonnant? Apprend nous plutôt quelque chose qu’on ne sait pas :)
, le 16.05.2007 à 12:45
L’un de mes meilleurs profs concilia l’enseignement de l’histoire-géographie avec son engagement pour le Front National, sans qu’on ait jamais pu le soupçonner avant une révélation dont j’ai oublié la source, lors d’une visite de Le Pen, d’ailleurs avortée sous les huées des lycéens.
Cela me semble presque plus admirable: autant la discipline des Lettres n’a jamais prédisposé qui que ce soi à aucun courant politique et peut sans trop de tiraillements être traitée avec neutralité, autant enseigner sereinement l’histoire-géographie officielles malgré des affiliations négationnistes et racistes me semble un accomplissement titanesque. Tu parles d’une dissonance cognitive, là, dis donc!
, le 16.05.2007 à 14:04
Tout d’abord, un grand merci à Anne qui nous fait profiter de ses riches et pertinentes réflexions. J’espère que les lecteurs de Cuk mesurent la chance que nous avons de bénéficier des contributions d’Anne, femme talentueuse de lettres et d’images, journaliste, écrivaine, cinéaste, historienne, et j’en oublie certainement.
“Il suffit de ne plus acheter de journaux!” propose ToTheEnd. Si seulement cela suffisait. C’était peut-être encore jouable il y a une décennie. Mais d’ici peu – et cela va si vite – les journaux à grand tirage ne seront plus à acheter; ils seront gratuits. Du reste, en Suisse, la déferlante des journaux gratuits inonde déjà les villes. Les jeunes écoliers, collégiens, apprentis, étudiants s’en emparent chaque matin dans les caissettes placées aux lieu stratégiques et les lisent dans les trains et autres transports publics. Et certains prétendaient qu’internet allait tuer la presse écrite… C’est ainsi qu’une nouvelle génération de lectrices et de lecteurs est habilement conditionnée, convaincue qu’un journal c’est ce qu’elle feuillette chaque matin et que l’information c’est ce qu’elle y lit. D’autant plus qu’on lui précise que chaque jour des journalistes, des vrais de vrais, lui rédigent une nouvelle édition de “20 minutes” ou du “Matin bleu”. Et déjà on nous annonce une livraison sept jours sur sept, distribuée dans les boîtes aux lettres aux aurores. Alors à quoi bon payer encore un abonnement au canard du coin… Ils videront leur boîte au lever et ils croiront être informés. Mais cela ne concerne que la presse écrite. Quant aux autres “vecteurs d’informations”, comme disent les spécialistes…
, le 16.05.2007 à 14:17
Bon, ben puisque Olivier Pellerin soulève la question, autant que je me confesse : je suis corrompue ! Non pas que je sois journaliste mais ayant publié ici même des billets, il faut que je vous le dise : d’une part, Madame Cuk m’a déjà largement offert plus d’un café (pour ne rien vous cacher, elle m’a même fait des tuiles et de la tarte), d’autre part, mon fiston est habillé “on dirait Fiston Cuk”…. ;-)))
Pour en revenir à la question “corrompu ou pas”, n’y a-t-il pas là un paralèlle entre certains journalistes, qui ont un “prix” et qui sont plus ou moins “achetables” avec certains toubibs, qui se mettent à prescrire, “tout à coup”, un type de médicaments à tour de bras, comme par hasard après avoir profité d’un “séminaire” à Hawai, de la part d’un fabricant ???
, le 16.05.2007 à 14:31
ali: je persiste et signe. Si tu arrêtes de lire la presse “à chier” payante ou non, le résultat est le même. Les gratuits mourront encore plus vite que le payant car ils ne vivent que grâce à la pub justement et si demain plus personne te lit, et bien plus aucun annonceur ne paye ta pub.
C’est pas compliqué, mais c’est comme tout, il faut le vouloir.
T (qui veut bien être payer sur Cuk… mais qui coûte très cher!)
, le 16.05.2007 à 14:40
Tu sais Renaud que j’ai vraiment pas mal de collègues à droite?
Mais voui!
, le 16.05.2007 à 15:06
Merci Anne, pour ce long papier, sincère et agréable à lire. Je retiens surtout que les journalistes sont pétris des mêmes contradictions que la plupart de leur lecteurs et c’est tant mieux, je dirais ;-)).
Je ne partage pas votre opinion sur la probité des services publics de l’infos, il suffit de regarder de temps en temps France2 ou d’écouter France Inter. Mais on ne va pas se disputer là-dessus. ;-))
Personne n’apprend donc à ces jeunes « consommateurs d’informations » à tenter d’avoir un esprit critique ? Ma grand-mère me disait souvent de ne pas croire tout ce qu’on lisait dans les journaux… J’ai le sentiment de l’avoir écoutée :-)
, le 16.05.2007 à 15:21
François: tant mieux, ça prouve que les bastions ne sont pas enclavés et que la pensée n’est plus unique.
, le 16.05.2007 à 15:56
Merci Anne pour ce moment de réflexion. Le journalisme comme vous l’entendez n’est pas un métier comme un autre, c’est une vocation, ou un sacerdoce, comme devrait être et comme est parfois, quand il est bien compris, le métier d’enseignant.
La dérive du journalisme que vous décrivez, de même que la faillite programmée de l’école*, ne font que suivre en définitive la logique inscrite dans les fondements de notre société depuis, en gros, 1492 – je prends cette date symbolique pour signifier la naissance de la société où nous vivons, parce que l’éveil et la splendeur de l’Europe à la Renaissance a curieusement coïncidé avec la découverte et l’appropriation des richesses du “Nouveau Monde”, l’extermination de ses populations et l’exploitation de celles d’Afrique, la vie humaine et le travail considérés comme de simples marchandises… Le reste, c’est-à-dire la récente disparition de la notion de service public, la rentabilité de tout et à tout prix, et tout ce qui s’en suit – tout cela était déjà dans l’oeuf de Colomb. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que ce soit le président de ce même Nouveau Monde qui ait déclaré en 1989, après la chute du Mur de Berlin, l’avènement d’un “nouvel ordre mondial”, expression dont nous comprenons chaque jour un peu plus la signification. C’est la bourse ou la vie: notre société a choisi la Bourse, nous y perdons la vie, ou du moins ce qui donne un sens à notre vie. Travailler plus pour gagner plus, je veux bien, mais pour quoi faire? Henri Laborit, dans son livre “Eloge de la fuite”, avait très bien décrit le fonctionnement de notre société qui ne laisse pas d’autre choix que d’être dominant ou dominé. Que fait-on si on ne souhaite appartenir à aucune de ces deux catégories? La réponse est dans le titre de son livre.
J’admire que des gens comme vous choisissent de se battre (et je ne dis pas ça pour me faire pardonner notre différend au sujet de Dowland), mais pour ma part j’ai opté pour la résistance passive. Je ne lis jamais les journaux, ou très peu, j’écoute les informations le matin sur France-Musique, je survole les journaux télévisés le soir, me disant que les nouvelles importantes, celles qui le sont vraiment, me parviendront de toute façon tôt ou tard. Et je trouve en effet, comme l’a fait remarquer Le Citadin, qu’il y a, pour l’instant, un plus grand espace de liberté sur Internet. Mais ne nous faisons pas trop d’illusions: les marchands sont partout, même dans les mondes virtuels, comme le montraient il n’y a pas si longtemps, les journalistes de Temps Présent.
A part ça, très intéressant l’article de Joris Luyendijk sur le langage biaisé signalé par VRic (commentaire No 16). _
, le 16.05.2007 à 16:27
Pour Renaud Laffont
J’ai du mal m’exprimer.
Je voulais dire que mon Professeur de Lettres a cherché à développer notre libre-arbitre et notre jugement sans jamais laisser transparaître ses propres opinions. Qu’il fut de gôche ou de droite ne change rien à l’affaire. Plus tard, mon prof de philo se glorifiait de ses années “d’indignité nationale” contractées pour pétainisme avéré à l’issue de la guerre. Et lui, il m’a gonflé.
Pour Okazou, s’il passe par là:
Les larmes du Président de la République, cet après-midi, à la lecture de la lettre d’adieu de Guy Môquet fusillé en 1941, ne peuvent être feintes.
, le 16.05.2007 à 16:40
Non ce n’est pas de la corruption. C’est la preuve de l’existence des bonnes œuvres de Cuk. Dont j’ai également profité (ah, la cuisine vaudoise…) !
Merci de remettre les journalistes au même niveau que le commun des mortels. Ils ne sont pas plus (ni moins) corrompus que les médecins, pharmaciens et tous autres professionnels qui font des petites (et grandes) compromissions. D’ailleurs, les plus vertueux d’entre nous le sont-ils tant que ça ? Un graphiste militant (mais ayant faim) va-t-il refuser un client douteux ? Oui. Mais un client un peu douteux ? Elle est où, la frontière ?
, le 16.05.2007 à 18:10
Hou la la! Quand on commence à me parler comme ça j’aime pas ça.
Le “tous normalement pourris, ni plus ni moins” ça ne va pas.
Il y a aussi partout des gens honnêtes et la frontière elle est là: on est honnête ou on ne l’est pas. Et moi je préfère être honnête et les gens honnêtes”
Olivier tu prends des accents de réthoricien à deux balles
Edit: Oups, désolé ma colère m’égare, ma colère mais gare, ma colère met gare (psychanalyse à deux balles).
, le 16.05.2007 à 19:13
C’est vraiment donné alors à un tel prix :)
, le 16.05.2007 à 19:23
Pilote.ka, la question n’est pas “honnête ou pourri”.
La question est : pourquoi n’acceptons-nous pas les “compromissions” de la presse et des journalistes, alors que nous en acceptons bien d’autres ? Un graphiste qui apporte son écot à une publicité est coupable ! Coupable de bourrage de crane, de décérébration, d’utilisqation abusive de temps de cerveau disponible.
Mais un graphiste qui ne travaillerait pas pour la publicité, il ne travaillerait pas souvent…
, le 16.05.2007 à 20:39
Il suffit de voir qu’elles sont les conséquences d’une fissure sur un barrage hydraulique. Il finit tôt ou tard, quoi qu’il arrive par céder et libérer ce qu’il retenait. Et c’est inévitablement violent comme libération.
C’est justement une des grandes richesses de ce monde : la confrontation (sans violence de préférence) des idées, des points de vues, des opinions. Vive la liberté d’expression. Je préfère infiniment lire des choses auxquelles j’adhère, qui me révoltent, qui me donnent envie, qui me répugnent ; plutôt qu’une “vérité” unique, lissée.
, le 16.05.2007 à 20:58
Pour continuer sur le pourri-pas pourri, corruptible-pas corruptible, on peut prendre l’exemple de Robespierre dit l’Incorruptible. Le type même de personne qui s’est retrouvé dans une situation à devoir agir contre ses idéaux. En 1789, il écrit un mémoire contre la peine de mort (très en avance sur son temps) ; en 1791 ou 92, il s’oppose à la déclaration de guerre («_Les missionnaires armés ne sont jamais bien accueillis_»).
Quand il arrive au pouvoir, c’est la guerre extérieure, la guerre civile, la contre-révolution menace partout. Et la politique de Terreur qu’il a mené pendant un an, avant de vouloir amorcer une détente. Quelquefois les conditions font qu’on agit pas comme on l’aurait souhaité. Le problème, c’est que peu de journalistes peuvent agir comme ils le voudraient. Combien de journaux ont des budgets pouvant supporter des enquêtes longues et fouillées (un journaliste qui publie un article au bout de six mois) ?
, le 16.05.2007 à 21:05
La réponse est que les journalistes sont sensés s’adresser à notre intelligence alors que les métiers artistiques s’adressent à notre subjectivité.
Un graphiste qui fait de la publicité entre dans le domaine publicitaire comme l’imprimeur qui les imprime ou le sportif qui les dit. On peut donc lui faire les mêmes critiques qu’à n’importe quel publicitaire.
“S’il ne faisait pas de publicité il ne travaillerait sans doute pas souvent” …et si la publicité n’existait plus cela ferait beaucoup de monde au chômage. Vastes questions.
Mais il n’y a pas de raison d’accepter davantage le travail d’un graphiste pour la publicité que celui d’un coloriste, d’un maquettiste etc. Ils nous abusent tous autant qu’ils sont.
, le 16.05.2007 à 21:43
Sûr, il suffit de le dire. Qu’apprend-on sur ces larmes ? • qu’un communiste bon est un communiste mort ; • que le M. Sarkozy a en commun avec Mme Raffarin d’aimer Alexandre Jardin et son style “jeune qui écrit vieux”.
On n’a pas fini d’entendre des Bonne chance mon papa.
L’histoire de Guy Môquet est émouvante, son courage sous les coups mérite le respect, mais cette lettre n’aurait jamais dû sortir du cercle familial.
C’est un concentré de tous les mauvais artifices de l’émotion. J’espère que — même sous la torture — je n’écrirai jamais de pareilles grossièretés.
Cette lettre a seulement le mérite de nous rappeler qu’à une époque le chef de l’État valorisait la famille, les larmes, le sacrifice (pour les autres) et que pendant ce temps ses séides s’activaient à cet effet.
, le 16.05.2007 à 22:07
Aussi curieux que cela puisse paraître, c’est souvent dans cette direction-là que vont les mentalités dans les rédactions: on doit faire des compromis, mais on reste parce qu’on espère que ce ne sera que temporaire, on a des idées originales dont la rédaction en chef ne veut pas, mais on espère toujours pouvoir les placer demain. Demain, on nous écoutera… J’ai beaucoup pensé cela lorsque j’étais indépendante. Jusqu’au jour où j’ai compris qu’en acceptant les compromis je n’apportais rien à personne, et surtout pas à moi. Ça m’a mise dans une telle crise, que pendant plusieurs années j’ai écrit un petit article par-ci par là, mais j’ai en fait gagné ma vie autrement.
Je ne suis revenue au journalisme que parce que la TV m’a offert un poste de correspondante que je trouvais intéressant et qu’il me semblait pouvoir exercer de manière utile, sans prétention aucune.
J’ai beaucoup d’ex collègues qui comme moi ont voulu être des Robespierre et qui ont fini par comprendre que ce n’était pas vraiment le monde réel, et ils ont quitté.
J’ai beaucoup de collègues qui, comme moi, essaient de faire leur métier correctement, au plus près de leur conscience, sans vouloir se poser au pourfendeur.
Nous discutons souvent de ces problèmes. Nous n’avons ni la prétention d’être des purs, ni la culpabilité de nous sentir pourris.
Je voudrais profiter de ce moment pour dire quelque chose des journaux télévisés. Pour moi, un sujet de Journal télévisé a toujours représenté une sorte de mise en image rapide qui NE PEUT PAS être exhaustive. C’est fait pour donner envie de lire le journal (ou le blog, ou le site, ce qu’on voudra) à côté. Le plus talentueux des journalistes ne pourra jamais vous informer à fond en 90 secondes. J’ai toujours été horrifiée à l’idée que tant de gens ne lisaient pas les journaux, se contentaient du Journal télévisé – CE N’EST PAS SUFFISANT, CA NE PEUT PAS L’ÊTRE, CE N’EST PAS FAIT POUR L’ÊTRE. Ne nous faites pas un mauvais procès. C’est dans l’analyse fouillée, dans les éditos, dans les colonnes de chiffres, qu’on peut se faire une opinion. Mes sujets de JT ne sont que la brève illustration de sujets dont chacun doit ensuite approfondir l’analyse.
, le 16.05.2007 à 22:23
Anne, tout le monde ne souhaite pas une analyse fouillée de l’information, les 90 secondes leur suffisent amplement.
Sur le sujet des gratuits, je trouve génial que les gens le lisent. Quand je vais à Paris, une fois par mois, je vois plein de gens lire les gratuits. Moi même je le feuillette. Bien sur, l’info est peu fouillée, principalement faite des dépeches AFP. Mais le fait que des gens, qui ne lisent pas de journaux, se mettent à les lire, je trouve ça bien. Ca leur redonne le gout de la lecture, et peut-être l’envie de lire des magazines, des journaux payants, avec des infos plus fouillés.
Moi même, à part le Canard, je ne lis pas de journaux (français). Libe.fr et lemonde.fr sont dans mes favoris, j’écoute le journal de RTL, les flash de France Info dans ma voiture, et les news éco de BFM. De temps en temps, un coup sur LCI, et principalement CNN quand je suis en déplacement. Je préfère l’interactivité du web, tellement plus attrayante (pour moi) que le papier (et dire que je suis fils et petit fils de journaliste et de patron de presse).
, le 16.05.2007 à 22:27
• Wikipedia pour expliquer pourquoi « le nom de “Canard Déchainé” [ne] serait [pas] plus adéquat » ;
• On ne peut pas être choqué par leurs méthodes, puisque on ne connait pas lers méthodes ; publier quelque chose pour un journal n’est pas une méthode (un moyen) mais une fin.
• j’aime beaucoup le concept de la recherche vérité en eaux troubles : ne pas dépasser les
bornesbalises placées par lesCRSMNS.• Le Canard Enchaîné a déjà expliqué maintes fois comment il respectait la règle 5 de la Charte de Munich : si la vie privée influe sur la vie publique, ce n’est plus de la vie privée. Éric de Montgolfier a aussi expliqué qu’il était parfois obligé de jouer avec la presse (prendre des libertés avec le secret de l’instruction) car c’était le seul moyen d’éviter les enterrements par le pouvoir politique.
, le 16.05.2007 à 22:46
On peut discuter sans se lancer des noms d’oiseau à la tête svp? Super! Merci! ;-)))
, le 16.05.2007 à 23:00
Invite: mais comment tu y vas… rassure-moi, tu n’es pas Jacques Martin? (j’ai vérifié dans wiki parce que je pensais qu’il était mort!). Le seul point sur lequel on se rejoint, c’est que cette lettre n’aurait pas du sortir du cercle familial.
C’est à double tranchant… d’une part, ceux qui n’ont jamais lu sont convaincus que la lecture c’est ça (un tas de dépêches) et d’autre part, ils ont le sentiment d’être informés. Le problème? C’est que s’ils lisent que la planète se réchauffe, que les ours blancs font des milliers de kilomètres pour manger et que les Africains ont toujours moins d’eau, ça ne les empêchera pas de prendre leur bagnole pour faire 500 mètres histoire d’acheter le dernier magazine “Je Suis Blonde Et Conne Comme Un Pneu De Bagnole”… Le pire après ça? Ben elle rentrera à la maison le soir et ne dira pas qu’il faut changer les habitudes pour préserver le monde, mais elle racontera comment on peut tenir des cheveux en chignon avec un string.
Moralité: pas de string, j’aime les femmes les cheveux au vent quand on fait 500 mètres en bagnole!
T (qui a un peu bu…)
, le 17.05.2007 à 00:05
ToTheEnd, comme tu y vas… cette agressivité envers les pneus de bagnole est excessive (j’ai vérifié dans wiki, Renault n’en fabrique pas).
Je n’ai rien contre les types de droite, mais je préfère ceux qui sont francs du collier et qui s’affichent ainsi. En fait je crois que j’ai la nostalgie de Juppé. Là, on pouvait discuter, s’opposer, concéder…
Or aujourd’hui, de qui se Môquet -on ?
En fait je n’aime pas beaucoup la droite calin-Kaa
, le 17.05.2007 à 08:37
En passant, une citation d’Yvan Audouard (piquée sur Wiki), longtemps préposé à la critique télé au Canard qui nous a fait passer de merveilleux moments à la lecture de ses chroniques dont la finesse d’écriture était inversement proportionnelle à la qualité des émissions du fenestron. Si les programmes télé étaient souvent rasants, l’écriture d’Yvan Audouard ne lassait jamais. Il avait le talent insigne de faire passer dans ses papiers l’accent du midi du provençal qu’il était. Il nous a quitté avant d’avoir connu la télé-réalité. Il a dû la sentir venir :
« Le journaliste d’opinion a pour fonction essentielle de rédiger des articles où il exprime les idées de son rédacteur en chef. Cela ne signifie en aucune manière que son rédacteur en chef ait des idées. Il les tient de son directeur, lequel les tient lui-même du gouvernement en exercice, lorsqu’il y en a un, et, en toutes circonstances des chefs de ses services des ventes et de publicité. » Yvan Audouard. Le Canard enchaîné. 27 mai 1953.
, le 17.05.2007 à 09:50
Heureusement vos photos sont meilleures que les clichés que vous écrivez
Benoit
, le 17.05.2007 à 11:53
Benoit: vouliez vous dire “est ce vraiment un cliché?” ou est ce “est ce toujours un cliché?”. Voulez vous en discuter avec ma femme, qui travaille dans l’enseignement?
, le 17.05.2007 à 13:55
@Anne : Merci, et si j’ose : je t’admirais déjà, mais plus encore, maintenant.
@Renaud : Il y a quelques lustres, j’enseignais dans un lycée public de centre-ville, et je me sentais quelque peu minoritaire dans ce monde plutôt à droite.
, le 17.05.2007 à 14:02
marief: mon dieu, ça doit être terrible d’être au milieu de tous ces gens de “droite”. T’ont ils pris la tête avec leur pensée unique et leur soif de réforme libérale?
, le 17.05.2007 à 15:38
J’aimerais soulever quelques points qui ont peut-être été plus ou moins abordés dans l’article et les commentaires :
L’Internet fait très mal aux journaux et même à journalisme télévisuel depuis quelque temps; d’une part parce que beaucoup de journalistes ne comprennent pas la nouvelle réalité de l’Internet, et d’autre part à cause de l’importance (relative) que prennent certains blogueurs ou autres “journalistes” non professionnels (le “citizen journalism” comme on dit aux É.-U.).
En plus, en occident, il me semble que le journalisme télévisé a beaucoup plus d’impact que le journalisme sur papier, ce qui n’aide pas la cause, vu la médiocrité du journalisme télévisuel.
D’un autre côté, les journalistes prônent une liberté d’opinion, tout en reprochant cette même liberté d’opinion à ceux qui pratiquent du journalisme amateur ou non professionnel (d’où le débat entre blogues et journalisme).
Selon moi, une seule et unique réalité demeure: quand un article est bien fait, je me fous complètement qu’il provienne d’un journaliste professionnel ou d’un blogueur amateur.
Les temps changent, il faut vivre avec.
, le 17.05.2007 à 23:16
Mon cher ami, je ne vois pas comment on peut être journaliste aujourd’hui et mal comprendre la nouvelle réalité de l’Internet. Les rédactions ne travaillent plus que avec l’internet, et cela ne date pas de hier. Ce n’est pas “les journalistes” que vous devriez dire, mais ceux qui dirigent les rédactions. Nous, à la cantine de la TV, on secouait la tête en disant entre nous: “Mais qu’est-ce qu’ils font? On va se faire larguer!», et ce longtemps avant l’informatisation complète. Le dialogue avec le public (avec ceux qu’on a appelé plus tard les blogueurs), nous l’avons CHERCHE nous-mêmes. Ce sont les politiques qui ont mis un temps avant de comprendre que l’Internet prenait du poids, et qu’il influençait même les campagnes – et certains, comme Al Gore par ex., on compris très vite en dépit de la lenteur d’autres.
Les Journaux télévisés, ne peuvent pas consituter TOUTE l’information. Il n’en sont qu’un élément, et quelqu’un qui veut être informé doit forcément compléter par ailleurs: à la TV on produit des sujets de 90 secondes, un résumé illustré d’un problème. Ce n’est pas médiocre (bien qu’il y ait des sujets médiocres, bien entendu), c’est rapide, mais le téléspectateur sera médiocrément informé, ça oui, s’il se contente d’un sujet qui n’est qu’un complément, et qui ne remplacera jamais une bonne enquête fouillée dans un magazine écrit, ou télévisé, comme en font Temps Présent ou Envoyé Spécial, ou le Monde Diplomatique, etc. Moi qui suis journaliste d’actualité, j’ai toujours été très humble à cet égard: mes sujets ne sont pas «l’information» parce qu’ils ne peuvent pas l’être.
Le fait que tant de gens se contentent des Journaux télévisés et ne lisent pas de journaux (ou les journaux gratuits, qui ne sont qu’une version imprimée des Journaux télévisés) est tragique.
Je ne vais pas trop me répéter, nous cherchons le dialogue avec le blogueur. Certains journalistes craignent bien sûr la concurrence déloyale, le blogueur qui vous fait une longue analyse gratis, et comptez sur les patrons de presse pour le préférer au journaleux qui gagne sa vie avec ça. Ce que l’on reproche aux blogueurs parfois, c’est l’absence de déontologie. Il y a des blogueurs américains qui dépassent toutes les bornes pour descendre en flammes les rivaux politiques de leur candidat, en ne respectant aucune ligne blanche.
Ce n’est pas la liberté d’opinion qui est en cause, mais le respect de la déontologie.
Moi aussi. D’ailleurs je suis abonnée à un certain nombre de blogs qui me paraissent sérieux, qui expriment des opinions diverses, et qui me permettent de me faire une opinion sous des angles qui n’auraient pas nécessairement été le mien.
Je pense qu’en dernière analyse, les journalistes et les blogueurs se complètent, et ne sont pas à dresser les uns contre les autres. Lä ça vient d’exploser, et ce n’est peut-être pas encore bien tassé, mais une fois que ce sera installé, je pense que ce sera un enrichissement.
En tout cas ce n’est pas parce que les temps changent qu’il faut accepter la médiocrité, d’où qu’elle vienne.
, le 18.05.2007 à 00:31
Anne, merci beaucoup d’avoir répondu à mon commentaire, et pour nous avoir démontré que vous faites partie de ces journalistes “vrais” qui font classe à part.
Désolé si mes écrits sombrent souvent dans des généralités, mais c’est parce que je me fie à ce que j’observe chez le grand public en général…
, le 18.05.2007 à 23:22
Votre article a entre autres mérites, chère Anne, celui de soulever de nombreuses questions et autant de réflexions ; j’en partage quelques unes avec différents commentateurs qui m’ont précédé, inutile donc de répéter ce qui a déjà été écrit. Cependant, je voudrais m’arrêter un instant sur une de vos citations ultérieure :
Voilà bien un gros problème. Quelle est en effet la part de téléspectateurs qui dès le lendemain ou dans la semaine, va approfondir un sujet de 90 secondes par la lecture d’un article forcément plus fouillé (plus d’espace, plus de recul, etc.) dans un quotidien ou dans un hebdomadaire ? Pour prendre la France et son JT le plus regardé, dites-moi sur dix téléspectateurs de PPDA combien sont ceux qui ont systématiquement ou régulièrement cette démarche ? Une infime part, on le sait tous, vous le savez. L’ensemble des JT du soir des chaînes hertziennes françaises réuni quotidiennement et en moyenne 22 millions d’auditeurs ; Le Monde, Le Figaro et Libération sont diffusés quotidiennement à 827.000 exemplaires (total, moyenne 2006). Le Point, L’Express, Le Nouvel Obs et Courrier International tirent à 1,7 millions… J’oublie toute la presse régionale ? Pas par parisianisme, mais on achète moins Ouest France pour ses approfondissements que pour son contenu d’information locale.
Le différentiel est donc énorme, et quelque soit votre horreur (fausse naïveté ?), aussi justifiée soit-elle, la réalité est bien-là ! On ne saurait se contenter du JT dites-vous ? Bien sûr que non répond la minorité que nous sommes, mais ainsi en est-il. “C’est fait pour donner envie de lire le journal” insistez-vous ? Peut-être, éventuellement, mais c’est d’abord et avant tout fait pour informer, puisque c’est avec la radio la seule source d’information de 95% des gens ! Votre rôle est d’abord de livrer l’info, pas de prescrire son approfondissement.
Votre responsabilité est donc énorme : informer, le plus objectivement possible, en un minimum de temps et avec la conscience que ce que vous aurez transmis sera LA référence pour des millions de gens. Seuls quelques uns iront plus loin, mais la réalité doit vous interdire de penser que vous n’êtes là qu’en amorce ou à la source d’une info que la grande majorité de votre audience va (et doit, prétendez-vous) tout naturellement chercher à approfondir. Vous avez parfaitement raison d’affirmer qu’un sujet du JT ne peut être exhaustif, forcément, mais vous ne pouvez pas vous défausser en exigeant du quidam qu’il aille plus loin dans un sujet que vous n’auriez donc finalement qu’introduit.
Entendez-moi bien, je déplore autant que vous le peu, voire l’absence de place réservée à l’approfondissement par la majorité, que se soit par le biais de la télé encore et toujours (Envoyé Spécial, Complément d’Enquête, Temps Présent en Suisse ou 60’ outre-atlantique), ou par celui de la presse écrite. Je suis navré par la passivité des gens face à l’information, à des phrases définitive du genre “ils l’ont dit au poste”. Je le suis d’autant plus quand je devine ces téléspectateurs face à TF1 ou, bien pire, Fox News aux USA ou Rete4 et Emilio Fede (pour ceux qui connaissent) en Italie ! Si procès doit vous être fait, ça n’est donc pas celui du manque d’exhaustivité mais celui de votre exigence que l’auditeur moyen partage naturellement vos réflexes alors même que ses qualités (niveau socio-culturel notamment) ou ses centres d’intérêt ne sont pas forcément propices à cela. Quand je dis vous, ça n’est évidemment pas une adresse personnelle et je sais qu’une majorité de journalistes sérieux dont vous faites partie essaye du mieux qu’ils peuvent avec les moyens et les temps dont ils disposent. Et vous y réussisser bien en général. Mais de grâce, garder toujours à l’esprit que ce que vous allez traîter, filmer, monter et commenter sera la seule source d’information du téléspectateur moyen. Beaucoup (Fox News en pole position) abuse de la crédulité et de la médiocrité de leur audience pour dénaturer l’information et user de leur pouvoir considérable à des fins de propagande ; une véritable abomination, une vrai dictature de l’information qui me conduit à dire que toute démocratie digne de ce nom, par delà la liberté d’expression, devrait interdire une quelconque orientation politique des télévisions et des radios (privées et publiques).
J’avais commencé à rédiger ce commentaire hier 17 mai fort tard, et ai vu ce matin votre post 59 avec en particulier le paragraphe suivant :
Etes-vous plus nuancée, et/ou est-ce moi qui comprends mieux votre propos ? Toujours est-il que je suis plus à l’aise avec le contenu de ce paragraphe que celui précédemment cité, trop radical à mon sens. Votre humilité est toute à votre honneur, confirmant s’il le fallait votre professionalisme et votre déontologie. Malgré cela, la grande majorité de votre audience restera toujours ce qu’elle est ; il faut donc en tenir compte, mais je suis finalement sûr que vous le faites.
Bien à vous et à votre éthique,
, le 19.05.2007 à 08:15
Peut-être les deux, mais personnellement, je n’ai qu’un “message”, et quelle que soit la forme que j’arrive à lui donner, je ne répéterai jamais assez qu’un sujet de Journal télévisé ne suffit pas à informer, et que cela ne signifie pas qu’il est superficiel (reproche souvent entendu); il est RAPIDE. C’est vrai que la plupart des gens ne lisent pas le journal le lendemain (et lire les gratuits, fait en grande partie avec des dépêches résumées, cela signifie consommer un Journal télévisé imprimé, si je peux dire), c’est une des grandes contradictions du système d’information. On peut pallier un tout petit peu en écoutant assidûment des radios d’analyse (France Inter par ex., mais il y en a d’autres). Pour ce qui est de l’envie de lire les journaux (imprimé ou sur internet) de la majorité de la population, il faudrait peut-être réfléchir à l’éducation des citoyens, à la curiosité pour le social et le politique qu’il faudrait leur donner dès leur enfance, c’est un vaste débat qui dépasse un simple journaliste d’actualité télévisée.
, le 19.05.2007 à 13:05
Okazou te répondrait que notre gauche fait autant de réformes turbolibérales que la droite (j’ajoute turbo car le libéralisme économique tempéré est assez souvent une bonne chose, et le libéralisme politique l’est sans conteste)
, le 19.05.2007 à 13:08
Le problème n’est pas le libéralisme aigu, mais le fait que très très peu de personnes osent le critiquer, jusque et y compris pour ses conséquences qui portent le plus atteinte à la dignité humaine, et que quand on le fait, on a en résumé la réponse c’est ça ou la Corée du Nord. Évidemment, personne ne veut vivre en Corée du Nord, mais n’y a-t-il pas une régulation à apporter ?
<remarque démagogique>Par exemple, une loi bien conçue ne pourrait-elle pas apporter une limite au monopole de M$</remarque>
, le 19.05.2007 à 14:31
Il n’y a pas de contradiction entre les propos d’Anne et de Dimitri. Si l’information télévisée est par nature insuffisante comme le remarque Anne, on peut tout de même s’inquiéter en France :
– du choix des sujets traités (du terroir chez JPP de certaine chaîne française, les deux P pour poujadiste probablement) et tout autant du choix des sujets non traités : pourquoi ne voit-on presque jamais de caméra à l’usine ? de faits divers, pourtant abondamment abordés par ailleurs, relatifs aux accidents du travail ? etc.
– de l’angle choisi pour aborder systématiquement certaines réalités sociales (le rmiste “profiteur”, le chômeur “professionnel”, l’argent public forcément gaspillé, la réussite entrepreneuriale glorifiée quel qu’en soit le coût humain, l’usager pris en otage par le gréviste, etc), politiques (alliances politiciennes, personnalisation, etc.)
– de la réalisation : dans une famille de chômeurs, on entend le père décrire sa situation difficile pendant que la caméra filme dans l’appartement un grand aquarium, etc.
La télévision est un média qui se pare d’autant plus d’objectivité qu’il semble se contenter de donner à voir. Sa critique n’en est que plus complexe (choix du sujet, absence d’autres choix, rapport image/commentaire…)
, le 19.05.2007 à 18:09
Ben dis-donc; que de commentaires, et que de finesse. Je ne peux que saluer, ici comme auparavant, la qualité de la prose d’Anne Cunéo.
Les divers commentaires montrent également que sa réflexion, toute humble qu’elle puisse être, ne manque pas de parti pris – de gauche, ce que j’apprécie: leur absence aurait été plus inquiétante, et je préfère toujours savoir “qui” parle que de voir se dévider un discours dont l’auteur semble absent (si ce n’est lui, c’est forcément une idéologie qui parle à travers lui).
Je ne sais plus quel commentaire disait: je ne lis pas la presse, ne regarde pas les journaux télé; et un autre, de ToTheEnd, je crois, “seulement Courrier International”. Ben figurez-vous que j’ai toujours eu du mal à lire la presse: le format, les renvois, la mise en page, je ne sais pas vraiment, mais ça m’a toujours gonflé – et ce n’est pas faute d’être gros lecteur. Et, contrairement à nombre de personne de mon entourage, je lis bien mieux à l’écran, où l’on a depuis longtemps la possibilité de modifier la mise en page originale pour l’adapter à son confort. Résultat: je lis bien plus de presse depuis internet qu’avant. ET 1) je pense que l’intérêt du sujet fait le lecteur, et que bien souvent, la presse s’intéresse à des sujets pour les journalistes: les rationcinations politiques du Monde m’on souvent parues intéresssantes pour… les services presses des partis politiques et les étudiants à Sciences Po. Et ils sont, selon moi, la majeure partie du contenu du journal.2) je pense que la liberté d’opinion est structurellement inaliénable sur internet, les beatniks qui ont présidé à sa création ont veillé à ce qu’elle le soit (mais pour combien de temps encore? Il suffit de s’attaquer aux fournisseurs d’accès, et les pressions gouvernementales diverses ne cesse de s’y atteler); 3) la presse avait déjà présidé à son propre enterrement, quand on voit avec quel désinvolture elle a traité son lectorat – un peu comme le PS, qui considérait son électorat comme aliéné à lui, pour toujours…
Je pense que le premier réflexe pour entretenir un certain libre arbitre vis-à-vis du contenu de la presse, est la comparaison. Même entre plusieurs gratuits, la comparaison est édifiante, au moins sur le fait qu’un même noyau informationnel donne lieu à des traitements aussi différenciés. Ça marche aussi, très bien, pour la télé, puisqu’on y voit souvent les mêmes sources, et les différents re-montages et re-commnentaires (je me permets un petit néologisme que j’espère parlant).
Mon choix actuel se porte donc, comme un autre contributeur dont j’ai la flemme de rechercher l’exact propos (toutes mes excuses), sur le Courrier International, qui a pour moi deux mérites: d’avoir fait de la comparaison un principe rédactionnel, et d’avoir fait de l’explosion de la collusion nationale un second principe. Sur la présidentielle française, c’était vraiment éclairant.
Je me suis surpris, à ce propos, à relire beaucoup de presse lors de nos élections, et le débat qui a fait rage sur Cuk n’est pas étranger à ce revigorement; au regard des tièdes invectives des élections précédentes, celle-ci redonnait au débat toute sa vigueur, et a certainement ramené des gens et vers les urnes, et vers les partis politiques, qui en ont tous certainement besoin, et vers les outils d’information, traditionnels ou non. C’est un bien, à mon avis.
Du coup, je ne sais pas si la profession de journaliste est en danger, mais elle risque d’y perdre, ce qui n’est pas un mal, à mon sens, du lustre: ça finit par être tout aussi besogneux, aussi peu profitable financièrement, et aussi pris dans des contradictions diverses qu’un autre métier. Ça évitera peut-être des “vocations” à base d’envies de voyage, qui sont quand même au cœur des motivations des aspirants, ou tout au moins des représentations majeures – quelqu’un qui voyage beaucoup au frais de la princesse, qui fréquente du beau monde, qui mange et bois bien, et, pour revenir sur la couverture de la guerre en Irak, qui se fait des frissons à peu de frais en faisant trembler sa caméra sur la terrasse d’un hôtel de lux à Bagdad, que les belligérants se gardent bien d’éviter sous peine d’oblitération de “l’opinion publique mondiale”. De même qu’il faudra démystifier un jour le métier d’enseignant pour montrer ce qu’il y a en face de “vacances et sécurité de l’emploi”. Si j’avais le temps de m’y pencher…
En lisant le papier d’Anne, j’ai enfin compris que la décridibilisation du métier avait aussi des causes structurelles et non pas seulement conjoncturelles, contre lesquelles, de l’intérieur, chacun peut essayer de lutter, mais il faut bien se rendre à l’évidence: le libéralisme économique comme régime politique exclusif de la planète aboutira au dévoiement de toutes les déontologies. En fait, je rêve de la mise en œuvre d’un état entièrement, totalement, absolument libéral, comme un laboratoire de ce vers quoi nous allons. Je trouve, en Europe, que l’Italie nous a montré l’exemple (je viens enfin de voir en entier le Viva Zapatero de Sabrina Guzzanti) dans l’ère berlusconnienne, et que, guoguenards, nous semblons vouloir, la bouche en cœur et la larme à l’œil, lui emboîter le pas.
, le 20.05.2007 à 08:54
J’ai déjà eu l’occasion de signaler une analyse que j’ai, avec l’aide d’une “complice” essayé de faire autour de ces questions, Karim, relativement au début de ma carrière. Ce n’était pas à propos des usines, mais à propos des femmes dans une société (suisse) beaucoup plus macho qu’aujourd’hui, Cinéjournal au féminin Nous avons tenté de répondre à ta série de questions, et même si on doit transposer (de femmes à ouvriers, ou immigrés) le fond de l’analyse est le même.
Je n’en veux pour témoin que le journal de France 2 de hier soir, que vous trouvez certainement en ligne en le cherchant, je n’ai pas vraiment le temps de chercher le lien maintenant. Pendant 10 bonnes minutes, on nous a entretenu du nouveau gouvernement: Fillon chez lui, Sarkozy à Bregançon. J’ai attendu UNE info, mais à part le cumul des mandats qui ne semble en rien gêner Fillon (pas un scoop), je n’ai vu que des anecdotes, qui m’étaient servies avec un seul message: quel changement de style! Oh ye! Quel changement de style!
Attention! Je ne suis pas en train de critiquer ces MM les nouveaux élus, mais bien les journalistes et les rédacteurs responsables qui les ont suivis, ainsi que le présentateur qui a tout de même une certaine latitude dans la rédaction de ses présentations de s’être obnubilés sur le fait que les nouveaux ont 20 ans de moins que les démissionnaires, qu’ils font du jogging alors que les autres ne le faisaient pas, etc. C’est cela, l’infotainment et cela dit si j’avais été simple exécutante dans cette rédaction hier, j’aurais dû faire précisément un des sujets qu’ils ont faits, on ne m’aurait pas laissé le loisir de dire non.
En fait, il me paraît que l’information au grand public est prise dans un ensemble de facteurs qui fait que nous sommes en perpétuelle contradiction entre les aspirations et les résultats.
, le 21.05.2007 à 23:32
Qu’il est agréable, et je rejoins Pat3, d’avoir un débat qui sorte un peu de ce qui émergeait des commentaires vu ici ces dernières semaines ; doit-on en penser que l’absence (même relative) de certains et la présence d’autres sur cette page pacifie les esprits et ne nivelle pas les propos par le bas ? P’tête bien !
Cela dit, je souhaitais juste revenir sur deux-trois choses :
1) Il semble y avoir un consensus (évident) sur la nature même des journaux télévisés des chaînes généralistes (TF1, mais aussi les autres) qui ont clairement assumé l’infotainment comme structure principale. La vraie info bien traitée, avec les limites déjà abordées ici, est encore présente, mais un reportage de Charles Enderlin au Moyen-Orient fait définitivement moins “bander” le Français moyen qu’un sujet lancé par JPP sur les pipes de Saint-Claude. A qui la faute ? Au Rédac’ Chef, ou au téléspectateur ? Le premier à sa part de responsabilité : éliminer un sujet sur le Darfour pour glisser 120 secondes sur le championnat de France de billes est un vrai parti pris ! Le problème est pourtant que le téléspectateur moyen, Audimat aidant, souligne sa préférence pour le second sujet, place les deux JT de TF1 largement en tête et enjoint des salles de rédaction entières à produire de la soupe. Dictature de l’audience, donc de la pub, et nivellement par le bas. TF1 a pourtant raison, donnant à son audience ce qu’elle vient y chercher. ARTE a pourtant tout autant raison, ses auditeurs y trouvant aussi ce qu’ils viennent y chercher. Anne et d’autres ici (bibi compris) peuvent s’en émouvoir, il n’en reste pas moins que la réalité est celle-là et que les choix de Ginette Bidochon peuvent être critiqués certes, mais sans tomber dans l’élitisme : tout le monde n’a pas reçu la même éducation, n’a pas la même culture, la même intelligence, les mêmes intérêts.
La meilleure info à la télé est souvent l’apanage des chaînes spécialisées. Personne n’empêche quiconque de s’informer via Euronews, France 24, BBC World et tant d’autres plutôt que via PPDA. LCI ? C’est comment, je n’y est plus accès depuis des lustres ?
2) La radio. Je parle de celle qui est bien faite (toujours par rapport à mon jugement de valeur, qui n’est pas celui de Mme Bidochon pourtant tout aussi respectable). France Inter par exemple, une radio emblématique, que j’ai toujours écouté depuis ma plus jeune enfance. Je pourrais aussi citer RSR La Première, clône suisse de FI, aujourd’hui souvent meilleure. Ces radios, et les autres, ont un avantage quant au traitement de l’information : l’absence d’image, donc de montage plus ou moins tendancieux, de cadrages improbables où l’aquarium de Karim (65) n’est plus un élément polluant. Alors oui, les commentaires peuvent être multiples sur un même sujet, les bandes-sons coupées et montées de manières très différentes, mais l’absence d’image est le plus souvent un plus pour la qualité de traitement d’une information.
3) La presse écrite. L’Express plutôt que Gala, Le Point plutôt que Match, mais cela va sans dire. Problème toutefois, les titres de la presse d’actualité (quotidienne ou hebdomadaire) sont tous plus ou moins engagés politiquement. La même info, si elle est de nature politique, sera bien sûr présentée avec de grandes différences (souvent dénaturantes) s’il s’agit de Libé ou du Figaro. Je me suis personnellement toujours astreint à la lecture des deux bords, et en règle générale je lis même d’avantage et plus volontiers les titres de la sensibilité d’en face ; je trouve plus enrichissant de lire et de saisir ce que pensent les autres que de lire ce que je pense naturellement moi-même !
Beaucoup avons cité Courrier International dans nos commentaires. La presse étrangère, quand on peut et veut y lire des infos concernant notre propre pays, est souvent très intéressante, instructive et plus pure ; pas de soupe à servir, détachement culturel et affectif, traitement selon des angles forcément différents. Si on a la chance de parler des langues, il ne faut pas hésiter.
En conclusion, vive l’info, à chacun de se l’organiser comme il l’entend, d’aller trouver ce qu’il cherche et le satisfait ; à l’heure d’internet les possibilités sont vastes, souvent trop ! Trop d’info tue l’info ! On s’en sortira donc jamais !! °-)
, le 21.05.2007 à 23:38
C’est donc bien ça, les “journalistes” de Fox News sont donc des blogueurs ! :-)
, le 23.05.2007 à 09:03
J’ai assisté, c’était à l’époque où je débutais à laTV, à la mise en place de l’Audimat (en parallèle avec l’irruption de la pub – il y en avait avant, mais là elle devenait un mode de financement indispensable de la chaîne). Je me souviens comment, du moins là où j’étais, les syndicats des médias se sont insurgés contre cela: tous les journalistes clairvoyants ont dit sans relâche, pendant des mois, que cela changeait fondamentalement la nature de la télévision, qui cessait donc d’être un instrument culturel et éducatif pour devenir un attrape-pub (si j’ose dire). A l’époque, je ne voyais pas bien les enjeux, mais depuis lors je vois à quel point ils avaient raison. Pourquoi le public veut être amusé lorsqu’ils se met devant son poste, c’est un vaste problème, qui tient à la nature même de nos sociétés – vaste débat sur lequel je ne peux pas m’engager ici, j’ai une journée de travail devant moi… ;-)))
Pour avoir essayé toutes les formes d’info, je voudrais néanmoins souligner la difficulté extrême du reportage filmé, par rapport à la presse écrite et la radio. Pour dire ce qu’on a à dire, on a besoin de l’image. Ce que quelqu’un vous dit au téléphone ne suffit pas. Souvent, lorsque vous arrivez avec votre caméra, les gens qui étaient prêts à l’épancher au bout du fil ont réfléchi, ils ont peur de l’image. Cela sans préjuger de la valeur du reporter. Souvent, la superficialité du sujet TV vient ce que le journaliste n’a pas eu suffisamment de temps pour approfondir, cela fait longtemps qu’on ne nous donne plus le temps de repérer les lieux et les sujets, le montage se fait à la dernière minute, la montre avance, le responsable d’édition vous presse, et alors dans un trou, vous mettez l’aquarium de Karim 65, sans réfléchir parce que vous n’en avez plus le temps. Il n’est pas rare qu’en regardant le sujet après, dans le journal, on s’aperçoive de la gaffe genre aquarium. Cela m’est arrivé. Ce qui me préoccupe le plus, personnellement, ce n’est pas tant que ce genre de gaffe soit faite (par moi, si cela se trouve), mais que deux fois sur trois personne ne nous le reproche par la suite.
Ce n’est pas que trop d’info tue l’info, c’est que la multiplication des sources aurait dû s’accompagner d’une éducation à l’info – or c’est là une matière qu’on aborde peu, et de manière plutôt individuelle que systématisée, avec les jeunes. Les tendances sont: tous pourris, pas la peine de les écouter ou de les lire; ou ils me barbent, je préfère me distraire. Des efforts louables ont été faits dernièrement pour convaincre les laissés pour compte de l’éducation que la politique les concerne, qu’ils devaient voter, qu’ils devaient participer. Mais dans l’ensemble, les Ginette B apprennent à la mamelle que comme tout ça nous dépasse, autant rigoler.
Conclusion une fois de plus: la presse et sa nature sont les symptômes, le problème central est beaucoup plus vaste, il est social au sens fort du terme.