Ces dernières semaines, les échanges sur cuk ont été pour le moins vifs, souvent intéressants, parfois trop proches des tacles pour que j'aie une réelle envie d'y participer activement, même si j'ai salué les tentatives faites pour parler d'autre chose, notamment de décoction contre les pucerons ou de tondeuse à gazon.
La page de l'élection présidentielle française en tant que telle étant tournée, laissons-la reposer jusqu'à la prochaine "édition".
Même s'il semble peu probable que "mon" sujet déclenche un nouveau clivage "gauche - droite", il se pourrait qu'il soit quand même "explosif", ceci parce qu'il touche à l'essence même, à la "Weltanschauung" que chacun a d'une profession, non pas celle de journaliste mais d'avocat(e).
Le point de départ de ma réflexion ? Cette "petite" phrase si souvent entendue depuis que j'ai "fait" du droit : "comment un avocat peut-il défendre des salauds ?"
Ainsi, si les réactions varient grandement face à une cabine téléphonique saccagée ou à un détournement d'argent, il règne une relative "unanimité" face à un violeur, unanimité qui devient encore plus flagrante lorsque le suspect est prévenu d'actes de pédophilie : les auteurs de tels actes sont des "salauds".
Ce "verdict" tombé, il n'est pas rare d'entendre des "envolées" au sujet de la peine de mort, sujet que je ne souhaite pas aborder ici, pour une double raison : il s'agirait là de la question de la peine, venant, chronologiquement parlant, après le jugement dont il convient de déterminer s'il doit se faire avec ou sans assistance d'un avocat d'une part; je ne pense pas qu'il soit intéressant de se pencher sur une sanction dont l'histoire a démontré depuis des siècles qu'elle n'est pas dissuasive, donc inutile d'autre part.
Pour reprendre le fil, la question qui se pose est celle de savoir si et pourquoi toute personne a le droit d'être assisté par un avocat, peu importe les actes qui lui sont reprochés.
Tenter de répondre à cette question passe forcément par l'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, disposition pour moi "sacrée" :
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
Cette disposition est parfaitement respectée (sur le plan de la technique juridique) en droit suisse par le biais des articles 29 à 32 Constitution fédérale. De plus, la possibilité offerte aux victimes de certaines infractions de demander le huis-clos de l'audience est ancrée dans la loi aux victimes d'infraction (LAVI), sur la base de l'article 5 LAVI.
A ce postulat de départ, voulant que tout individu a le droit d'être assisté par un avocat, j'aimerais ajouter trois choses :
- la première découle de la présomption d'innocence, ancrée à l'article 6 alinéa 2 CEDH
- la seconde, j'aurais envie de la résumer en disant "faut pas regarder trop de séries télévisées américaines",
- la troisième tient au fonctionnement même de la justice et à ce qui est fréquemment appelé "l'égalité des armes".
J'en vois déjà bondir et hurler qu'il est "bien gentil" de brandir cette présomption lorsque les faits "parlent d'eux-mêmes" et que la culpabilité est "flagrante", selon l'adage populaire "il n'y a pas de fumée sans feu". Je serais curieuse de savoir ce que les personnes qui ont passé des mois, voire des années en détention provisoire dans certaines affaires ressentent face à une vision aussi "vox populi" de la justice... Ainsi, certains prévenus, qui auraient probablement été lynchés sur la place publique s'ils avaient été libres, se sont révélés ne pas être du tout mêlés aux actes barbares découverts. Et je suis "soulagée" qu'au moins sur le plan juridique, ils ont toujours été considérés comme étant innocents, même si le prix qu'ils ont payé a été atrocement élevé.
Ensuite, je l'avoue, je suis la première à me mettre devant ma télévision pour regarder certaines séries, en particulier américaines, dont le principal mérite est de me "détendre", le méchant étant toujours très méchant, le gentil (et très beau) toujours victime d'une erreur judiciaire, fort heureusement soutenu par une femme, très belle et intelligente, dans son combat en vue de faire rétablir la vérité.
Ainsi, si je suis fort aise que, dix minutes avant la fin du film, la vérité triomphe, le héros retrouvant sa dulcinée qui n'a jamais douté de lui, je regrette quand même une chose : ces séries véhiculent souvent l'idée que tout avocat de la défense va se lever et plaider l'acquittement de son client.
Ce qui est faux et archi-faux : vous n'imaginez pas le nombre d'avocats que j'ai vus se lever et commencer par reconnaître la culpabilité de leur client !
Evidemment, à ce stade-là de la "discussion", il n'est pas rare qu'on me lance un "ouais, on le connaît, le coup de l'enfance malheureuse, le père alcoolique et la mère prostituée"... L'alcoolisme s'étant beaucoup répandu et la prostitution n'étant plus socialement réprouvée, ce serait prendre le juge pour un imbécile que de plaider ceci en vue d'obtenir une peine "moins sévère". Ainsi, le travail de l'avocat consiste non pas à répéter en boucle ces deux "arguments" mais avant tout à faire en sorte l'acte incriminé soit qualifié correctement : face à un cadavre qui a un couteau dans le ventre, doit-on parler de meurtre, d'assasinat ou de meurtre passionnel ? Les "motivés" qui auront lu les dispositions auront compris qu'il y a là un enjeu important puisque la peine va varier en fonction de diverses circonstances "extérieures" au "résultat" : le prévenu a-t-il fait preuve d'une "absence particulière de scrupules", était-il ou non en proie à une émotion particulièrement violente ? Et ce "boulot"-là, il est impossible de le faire lorsqu'on n'a pas étudié le droit.
De plus, la présence de l'avocat n'est pas importante seulement le jour "J" (J comme jugement) mais également durant toute la phase de l'instruction, pour que la procédure soit respectée, pour que les demandes d'audition de témoins soient faites dans les règles, pour que le prévenu, qui peut être en détention provisoire, puisse avoir accès à des soins médicaux, pour qu'il puisse recevoir la visite de sa famille : même un "salaud" peut avoir une mère, qui ne mérite pas qu'un juge d'instruction trop zélé fasse obstruction à sa demande de visite.
Venons-en finalement à ce principe de "l'égalité des armes". Pour ceux qui l'ignorent, dans une "grosse" affaire pénale, il y aura plusieurs parties en présence : face au juge (et aux éventuels juges laïcs), il n'y a pas seulement la victime et son avocat ainsi que le prévenu, avec son avocat, mais également une tierce personne, très importante, le procureur. Un professionnel du droit, dont la "mission" peut être résumée par "veiller à ce que le droit soit appliqué correctement et l'éventuel prévenu condamné avec la sévérité qui s'impose". Serait-ce "équitable" et "juste" que de demander à "Monsieur et Madame Tout le Monde" de se défendre seul, sans aucune aide face à une personne qui passe ses journées à lire et à étudier le droit ? Pour moi, la réponse est claire : non.
En ce qui me concerne, d'avocate, je n'ai que le titre et un beau diplôme dans un cadre doré : depuis que l'encre de ce papier est sèche, je travaille, pour plein de raisons inintéressantes ici, comme juriste. Mais j'avais quand même envie de conclure mon billet par une "anecdote", pour vous raconter un de ces instants qui, dans la vie d'un homme (ou d'une femme), "marque".
Un jour, alors avocate-stagiaire, secondant tant bien que mal mon "patron" dans une importante affaire de pédophilie, j'ai eu l'occasion d'échanger quelques mots avec les deux avocats de la défense. Le premier m'a dit, entre "quatre yeux", que durant l'instruction, il avait pleuré dans les toilettes après une audience d'instruction; le second m'a dit qu'il avait failli vomir après avoir visionné les cassettes qui accablaient son client.
Leur "job" n'a pas été facile, il a même été terriblement difficile mais j'ai envie de leur tirer mon chapeau d'avoir mis, malgré l'atrocité des actes incriminés, leur conception de la justice avant leur ressenti personnel. Ils ont été dignes et leurs plaidoiries ont été ausi "bonnes" que le permettaient les circonstances. Le jour du jugement, j'ai reçu une grande leçon non seulement de droit mais aussi de vie. Merci à eux, même s'ils ne liront probablement jamais ce billet.
PS: n'oubliez pas que la personne qui a le dernier mot, dans une audience, ce n'est pas l'avocat de la défense, c'est... le juge, qu'il condamne ou qu'il acquitte.
, le 21.05.2007 à 00:44
Venant de finir ma charrette (bcp de boulot) qui dure depuis pratiquement 2 semaine maintenant, je peux enfin intervenir… puis j’irai lire les humeurs précédentes d’Anne et TTE…
Merci d’abord pour cette humeur juridique. J’ai seulement une question de néophyte : je ne sais pas comment fonctionne la droit helvétique, mais j’ai cru comprendre que la grande différence entre le droit français et étasunien tient dans une procédure qui serait “accusatrice” aux Amériques (la justice vous accuse et c’est à vous de prouver votre innocence), vs une procédure “inquisitrice” en France où la justice cherche à prouver la culpabilité d’un présumé innocent. D’où la notion paraît-il française, du “non lieu”.
D’autre part, la loi, chez nous est écrite alors qu’elle ne l’est pas là bas… Codes d’un côté, jurisprudence de l’autre. Mais je n’en sais pas d’avantage… d’où mes question et, je n’en doute pas, tes lumières.
Quant à la peine de mort, le discours de Badinter en 1981 à l’assemblée nationale est un morceau d’anthologie extraordinaire. A lire aussi “les derniers jours d’un condamné” de Victor Hugo…
, le 21.05.2007 à 00:51
Ça m’a fait penser à un billet du célébrissime Maitre Eolas :
Comment faites vous pour défendre des coupables ?
Le site est à consulter absolument tellement c’est bien écrit et argumenté.
, le 21.05.2007 à 01:47
J’ai bien aimé le thème abordé par ce billet.
Je suis d’accord avec l’idée que tout le monde doit être défendu. Cependant, je constate encore une fois que dans la plupart des débats qui gravitent autour de la défense des criminels et/ou des “salauds ”, il y a toujours un aspect qui est presque abandonné et qui fait même figure de tabou: l’aide aux victimes.
Ici, au Canada (où on est innocent jusqu’à preuve du contraire et où les juges et les avocats portent encore des toges noires), un pédophile reconnu coupable va se voir admisnitrer en institution des soins et un suivi médical et psychologique à ne plus finir, et ce, aux frais de l’état.
Pendant que la victime, elle, ne reçoit quasiment aucune aide (à peine quelques consultations) et sombre tranquillement dans le néant et l’oubli.
Je ne sais pas si c’est la même chose en France, mais les victimes sont les premières à être oubliées par le système et par les médias, une fois que l’éclat du procès se ternit.
On aime bien nos criminels, mais les victimes, elles, franchement, elles sont encombrantes…
, le 21.05.2007 à 02:19
Alec6,
L’article suivant montre bien que ce qui distingue la France (notamment) des Etats-Unis, c’est (en résumé) qui dirige l’enquête. En Europe continentale, il incombe au juge d’instruction de la mener : il instruit à charge et à décharge, le tout aux frais de l’Etat. Aux Etats-Unis, à certains échelons, ce sont les parties au procès qui amènent les éléments à charge et à décharge, ce qui fait que l’administration de certaines preuves est aussi dépendante des moyens financiers dont dispose une partie.
Je ne connais pas la justice américaine mais, “spontanément”, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait exister “là-bas” un équivalent au non-lieu français. Et comme je ne connais pas non plus la justice français, je ne peux que spéculer qu’il s’agit de la même notion que celle connue en droit suisse : “le non-lieu est l’acte par lequel l’autorité judiciaire décide qu’il y a lieu de renoncer à la continuation de la poursuite, c’est-à-dire de traduire l’inculpé en jugement, soit en raison d’une insuffisance de charges, soit pour un motif de droit” (G. Piquerez, Précis de procédure pénale suisse, p. 377, CJR, Lausanne, 1994).
Finalement, la question de savoir si une justice basée (en résumé) sur une jurisprudence (écrite, elle) ou une justice basée sur une “loi” (écrite également) mais avec, en droit suisse du moins, un article “filet de rattrapage au cas où la loi aurait oublié quelque chose” (cf art. 1 al. 1 CC,) différent tant que ça l’une de l’autre, ma foi, je suis incapable d’y répondre.
A mon sens, c’est avant tout l’état d’esprit entre ces deux justices qui diffère et non pas tant leur fonctionnement “jurisprudentiel” ou “codifié dans une loi”.
Je vais de ce pas lire le discours de Badinter : depuis les extraits qui nous avaient été donnés à la fac, je l’avoue, je n’ai pas étendu ma culture….
GG,
Mince, je ne suis pas la seule à passer du temps, en soirées “mondaines”, à expliquer le fonctionnement de la justice (suisse, mes connaissances étant trop limitées pour songer à aller au-delà de ces frontières) ? Et dire que je pensais avoir l’apanage de ce type de réflexions, quelle déception ! ;-))))
Bon, faut reconnaître, Eolas a le verbe plus relevé et la prose plus “dynamique” que la mienne mais c’est aussi là une des différences entre l’avocat suisse et l’avocat français : le Suisse est moins “lyrique” et moins “brillant” mais il cite ses sources, fussent-elles conventionnelles ou légales ;-)))
D’ailleurs, il suffit, pour “visualiser” cette différence d’état d’esprit, de consulter d’une part le blog de Eolas et celui d’un Suisse (bon, ok, qui n’est plus à jour)… On ne peut pas dire que le “suisse” soit très accrocheur et pourtant, il ne dit pas d’âneries….
Je retourne essayer de dormir : je déteste mes enfants quand l’un d’eux fait un cauchamar, se réveille en hurlant 6 secondes, se rendort immédiatement et me laisse, moi, totalement réveillée….. Grrrrrrr…..
, le 21.05.2007 à 02:40
Ouais, on n’est pas aidé, sur ce forum : et moi qui pensais pouvoir “tranquillement” un de ces prochains jours écrire un billet sur la LAVI (suisse) : loi d’aide aux victimes d’infraction….
Le Citadin,
En Suisse, justement pour ne pas faire de la victime l’oublié(e) du procès, une loi spéciale a été édictée : la LAVI, qui précise quels sont les droits de la victime, même hors procès pénal.
Je ne sais pas si ces dispositions sont suffisantes pour éviter que la victime ne “sombre dans le néant et l’oubli” comme tu dis mais je pense que c’est une “bonne” chose que cette victime cesse à un moment donné d’être sous les feux de la rampe : comment peut-on tenter de se reconstruire lorsqu’on a tout le temps un team d’un journal sur le pas de porte “comment vous sentez-vous trois ans après les faits ? Comment allez-vous, cinq ans après les faits ?”….
En Suisse, le suivi du prévenu est souvent une espèce de “vue de l’esprit” et n’atteint (malheureusement dans certains cas) pas les possibilités qui existent au Canada.
Cette fois, je vais dormir.
, le 21.05.2007 à 03:14
J’avais envie (non, je ne dors toujours pas….) de citer une fois le blog d’une avocate : évidemment, c’est moins “docte” que son illustre confrère mais c’est au moins aussi intéressant, du moins à mon avis.
, le 21.05.2007 à 03:58
Même si la présemption d’innocence et le droit à un procès (censé être) juste et équitable sont des acquis inaliénables, j’avoue que voire certaines catégories de personnes défendues me mettra toujours mal à l’aise.
C’est pour moi un sentiment tout à fait paradoxal. D’un côté, cela révèle un système judiciaire très sain, garantie d’une justice impartiale et surtout contrôlée. D’un autre côté, comment peut-on défendre, ou représenter (le deuxième terme est peut-être plus approprié) un criminel de guerre, par exemple ? Un avocat n’adoptera-t-il pas une tactique de défense qui sera la plus à même à réduire la peine de son client, même si elle ne correspond pas forcément le mieux à la réalité (c’est une question, pas une provocation) ?
, le 21.05.2007 à 06:23
“Il y a 2 types d’avocat: celui qui connait la loi et celui qui connait le juge”. Coluche.
, le 21.05.2007 à 06:29
Ben dis, Mme Poppins, moi qui m’énervais dans mon lit à ne pas pouvoir dormir jusqu’à deux heures, je vois que ça n’a pas été simple chez toi non plus!:-)
Merci pour cette explication.
Je sais que tu as raison, mais des fois, c’est dur de voir certains être défendus, même si c’est bien normal.
, le 21.05.2007 à 06:50
Non mais c’était pleine lune ou quoi ? Moi aussi !!! Dites Mme Poppins, un avocat qui sait son client coupable alors que ce dernier nie, cet avocat là, doit-il plaider en fonction de ce que dit son client (l’innocence) ou en fonction de ce qu’il sait ?
, le 21.05.2007 à 08:02
Je sais bien que tout le monde a le droit d’être défendu, que c’est la loi, qu’on est en démocratie, etc. etc., mais personnellement, défendre un véritable salaud, par exemple un pédophile en effet, je ne le pourrais pas. Donc je comprends qu’on vous pose souvent la question parce que je me la pose aussi! Même après avoir lu ce billet…
, le 21.05.2007 à 08:18
Défendre quelqu’un qu’on estime accusé à tort, dont on estime certaine l’innocence, c’est fscile, cela doit même être parfois un plaisir. Mais défendre le salaud intégral, qu’au fond on méprise, bref, faire le sale boulot parce qu’il a aussi droit à un procès équitable, ça c’est une autre histoire. Et le pire n’est-il pas si, ayant beaucoup de talent, on arrive à faire douter de sa culpabilité, les témoignges à charge étant faibles, et que finalement il est relaxé? On se sent comment après ça ?
, le 21.05.2007 à 08:23
je pense que les avocats qui défendent les salauds (pédophiles et autres terroristes) se blindent, comme les travailleurs dans l’humanitaire qui voient des gens crever en Afrique, ou des photoreporters dans des zones de conflit. Ils font leur boulot, en essayant de ne pas prendre en compte leurs émotions.
Et dans le pire des cas, il reste toujours le refus de vente :)
, le 21.05.2007 à 08:31
Etrange, j’ai aussi eu un mal fou à m’endormir… et par la force des choses à me réveiller ce matin :-(
C’est donc sans avoir les yeux en face des trous que je me suis lancé dans la lecture de l’article de Madame Poppins que je trouve excellent. Je ne vois pas toutefois en quoi il serait “explosif” ?
On s’en met peut-etre plein la tete quand on parle de politique, notamment quand il s’agit de savoir comment vivre dans une société solidaire, mais d’un bord ou de l’autre, je crois qu’ici nous sommes tous avant tout profondément humaniste et donc un article de ce type ne fera rien exploser sinon l’adhésion aux idées qu’il défend.
Le “pendons-le d’abord et jugeons-le ensuite” a quelque chose d’insupportable qui ramène l’humanité à ce qu’elle a de pire.
, le 21.05.2007 à 08:37
Alec6, faudrait jamais répondre au milieu de la nuit : le manque de sommeil me fait dire des âneries, désolée. Le non-lieu “américain” ne peut avoir la même forme que l’européen continental puisque le jury ne peut décider que “coupable” ou “non coupable”. Et être reconnu non coupable, ce n’est pas équivalent à voir la procédure se terminer par un non-lieu. Cet article résume bien une partie de la problématique.
Argos, si le “talent” de l’avocat conduit le tribunal à avoir des doutes, c’est que les “preuves” ne devaient pas être si solides… Et Renaud Laffont l’a bien dit, je trouve : certains avocats se blindent et peuvent sembler “sans grands états d’âmes”, ce qui n’est pas vrai mais ce qui constitue une des solutions pour pouvoir faire correctement ce boulot.
Marcdiver, en principe, l’avocat est supposé suivre les “instructions” de son client mais si les preuves de culpabilité sont par trop flagrantes, il va tout faire pour essayer de “raisonner” son client et lui montrer l’absurdité de son choix, outre que ce choix peut se retourner contre le prévenu.
Allez, faut que je file, je reviendrai plus tard, après un café en intraveineuse…. j’ai mal dormi ;-)
, le 21.05.2007 à 08:43
Non.
A titre individuel, des tas des gens peuvent être sympathiques, avoir telle ou telle qualité qu’on apprécie.
Collectivement par contre, l’humanité est une horreur qui détruit les milieux naturels (drainage des zones humides, déforestation, monocultures sur des milliers d’hectares, réchauffement climatique, …), et provoque la disparition rapide de nombreuses espèces animales et végétales.
Personnellement je définis l’humanité comme le sida (ou le cancer au choix) de la planète.
Je crois que ta généralisation sur l’humanisme partagé est un un peu abusive ;-((
, le 21.05.2007 à 09:05
Merci pour ce papier, Madame Poppins.
Que chacun puisse être défendu par un professionnel devant un tribunal relève de la plus pure équité, c’est un fait.
Ce qui me dérange, c’est quand les professionnels en question, voyant que la cause de leur client sent la perpète à plein nez, ne jouent plus sur le fond de l’affaire mais cherchent le vice de forme qui pourrait seul sauver ledit client. Là, je ne suis plus d’accord. Chacun son boulot, peut-être. Mais je n’aimerais pas être à la place d’un avocat qui fait libérer un criminel avéré parce qu’il a réussi à prouver qu’il manque une virgule sur un document compromettant. Là, ce n’est plus de la défense, mais du cynisme et c’est pas beau!
Milsabor!
, le 21.05.2007 à 09:14
Universal Tonton, c’est quoi une “peine qui correspond le mieux à la réalité” ? L’avocat va faire son “boulot” et il incombera au juge de trancher, sur la base des différentes “plaidoiries” (au nombre de trois au moins, le réquisitoire du procureur, la plaidoirie de l’avocat de la victime si celle-ci s’est constituée partie civile et plaignante et finalement la plaidoirie de l’avocat de la défense, le prévenu pouvant, en droit suisse du moins, prendre la parole encore après son avocat s’il le souhaite).
La peine est donc prononcée par le juge, pas par l’avocat. Et si le juge “suit” l’avocat de la défense, je pense que l’avocat ne se sentira ni mal ni bien, il aura fait son boulot. Outre qu’il existe une possibilité de faire recours contre le jugement et de faire “contrôler” par une instance supérieure : il serait donc faux de faire peser un pouvoir trop “grand” sur les épaules de l’avocat de la défense.
Mackloug, “explosif”, c’était probablement pas le bon terme : j’avais juste peur qu’il y ait des “dérives”, comme j’ai pu en vivre à ce sujet “dans la vraie vie”, autour des peines pouvant ou ne pouvant pas être prononcées, avec des réactions très “épidermiques”…
, le 21.05.2007 à 09:33
Ce qui va suivre est loin des considérations juridiques. Je suis médecin. Aucun médecin ne se pose de question quant à savoir s’il va soigner untel ou untel au prétexte que c’est un salaud, une ordure. J’ai, à 2 reprises deans ma vie professionnelle à soigner un nazi (oui, il y en a encore) et un activiste palestinien. Tous les deux ont compris en lisant mon badge d’identité que je suis juif. Dans l’immédiateté de l’urgence, il n’y a eu aucun problème. Plus tard, alors que nos contacts se sont prolongés, il y a eu des frottements, puis des conflits sévères. La suite m’a été “favorable”, disons. Le nazi a été transféré 24 heures avant de mourir, le second est parti sous d’autres cieux. Ce que je voulais dire avec ce qui précède est que nous sommes des humains avec nos forces, faiblesses, défaillances et imperfections: une faute est vite commise. J’en ai commis. j’ai même été récemment condamné (tribunal) pour une faute d’étourderie de conduite automobile. Les avocats doivent défendre tous les êtres humains, les médecins doivent soigner tous les êtres humains. Penser différemment est une erreur.
, le 21.05.2007 à 09:37
Je pourrais soigner un nazi, mais je ne pourrais pas défendre un nazi.
, le 21.05.2007 à 09:47
Merci Madame Poppins pour ces spoonful of sugar… je me coucherai moins ignare ce soir !
Ha Bigalo ! que j’aimerais que tu ais tort !
Cela me fait penser qu’il faudrait que je me mette à écrire ma petite humeur sur ce sujet (ma dernière et première intervention date du 1er juin 2006 !). Je collationne pas mal de doc et les nouvelles du front ne sont pas bonnes ! Et avec Juppé au “Développement durable” on est bien barré… passons ! Heureusement Claude Allègre est là pour nous rappeler que le réchauffement est une vaste blague, que les 2500 spécialistes du GIEC sont de tristes sires, que leurs travaux sur trente ans sont une vaste arnaque, que les OGM sont l’avenir de l’homme et que la biodiversité se porte à merveille.
Son avocat aura du travail !
, le 21.05.2007 à 09:56
Pour le “nazi”, deux cas différents : il est devant le tribunal pour ses activités (crimes de guerre, négationisme, etc.) et il trouvera certainement des juristes qui partagent plus ou moins ses vues, ou il est mis en cause pour un autre crime ou délit, et là sa “Weltanschaiuung” parce que hélas c’en est une aussi, devient secondaire
, le 21.05.2007 à 10:07
bq%Caplan%. “Chacun son boulot, peut-être. Mais je n’aimerais pas être à la place d’un avocat qui fait libérer un criminel avéré parce qu’il a réussi à prouver qu’il manque une virgule sur un document compromettant. Là, ce n’est plus de la défense, mais du cynisme et c’est pas beau!” %% C’est quand même un cas extrême et super rarissime, lis le billet d’Eolas que je cite plus haut.
De plus, le travail de l’avocat n’est pas forcément de prouver la non-culpabilité, mais aussi de s’assurer que la peine soit la plus juste possible. Le vide de forme, genre tampon manquant sur un document, c’est pas courant.
Enfin, est-ce qu’on peut vraiment estimer qu’une culpabilité est avérée ad vitam eternam ? Le travail de l’avocat ne s’arrête pas une fois la peine prononcée. Si on estimait les culpabilités avérées comme non défendables, on aurait pas eu un tel scandale autour d’Outreau. C’est parce que la justice est perfectible que les avocats doivent chercher la moindre petite bête.
, le 21.05.2007 à 10:19
GG: as tu vu “Music Box” de Costa Gavras? Une jeune avocate doit défendre son père, accusé de crimes de guerre. Grand film avec Jessica Lange dans le rôle de l’avocate, convaincue de l’innocence de son père, mais qui bascule dans le doute suite aux preuves avancées.
, le 21.05.2007 à 10:52
Madame Poppins, Merci pour cette bonne humeur. Le métier d’avocat est vaste, et on le voit, difficile. C’est vrai que défendre certains types d’accusés ne doit pas être agréable. C’est peut être pour ça que je fais autre chose :-)) Je pense que chacun apprécie au cas par cas de défendre tel ou tel. Ce qui est sûr, c’est que la justice en général et la défense en particulier reposent sur le Droit et qu’elles en dépendent. Le Droit n’est pas la Justice, on le voit régulièrement dans des affaires particulières. Et les victimes après avoir été celles d’un délinquant ou d’un agresseur, peuvent être celles du Droit. Paradoxe, mais cette machine est, une fois de plus, le fait des humains que nous sommes et comme nous ne sommes pas parfaits, le Droit et la justice ne le sont pas non plus.
, le 21.05.2007 à 11:41
C’est vrai ça, c’est une honte d’ailleurs!
Tu t’y mets ou quoi?
Allez, hop, au travail.
Non mais…:-)
, le 21.05.2007 à 11:49
Ysengrain, si je rejoins ton opinion selon laquelle il convient de soigner tout le monde, je pense que le débat autour de “jusqu’où faut-il soigner” n’est pas rare non plus… Quand commence l’acharnement et comment tenir compte de la volonté (éclairée) du patient, notamment lorsqu’il décide de mettre fin à ses jours…
Atypo, en fait, mes rares “copains” avocats ne choisissent pas au “cas par cas de dérendre tel ou tel”, ils se fixent des domaines (droit des étrangers, droit de la circulation routière, droit des sociétés, droit des constructions etc) qu’ils vont pratiquer ou refuser, souvent faute de connaissances suffisantes pour assurer le mandat correctement. En revanche, il est rare, à ma connaissance, qu’ils décident de refuser un client “dans leur domaine” et si c’est le cas, c’est pas parce qu’il serait “coupable” mais parce qu’il leur a été impossible d’établir un semblant de lien de confiance.
Caplan, il est vrai qu’on peut trouver heurtant qu’une affaire soit “classée” pour “vice de procédure” mais comme l’explique tellement mieux que moi Eolas dans le billet cité par GG, celui qui se dote de la puissance publique doit la respecter.
Bon, qui a encore mal dormi cette nuit ? ;-))
, le 21.05.2007 à 12:23
Je le savais !
Sarkozyste !
, le 21.05.2007 à 12:25
Moi aussi… ça se voit?
, le 21.05.2007 à 12:26
Ok, ça peut parfois être douteux de voir un avocat défendre un “salaud”. Mais j’aimerais rajouter ici qu’il se fait pire au sein des simples citoyens, en passant, et ce pas très loin de chez vous: combien de femmes ne dénoncent pas leurs maris qui les battent et pratiquent sur elles de la violence psychologique? Combien de parents ne lèvent pas le petit doigt devant les agissements incestueux d’un autre parent? Combien d’ados ayant commis un crime grave se voient “innocentés” avec l’aide de leurs parents? Ou encore la communauté d’un petit village qui impose sa loi du silence pour protéger un des leurs de l’emprisonnement? Et j’en oublie….
De ce point de vue, au moins, l’avocat a l’excuse de dire “ben c’est mon boulot et je l’ai choisi pour répondre à une loi…”
, le 21.05.2007 à 13:21
Le Citadin,
J’ai eu “envie” de connaître quelques chiffres, en matière de violence domestique, après ton intervention : ils font peur… Et j’ai été d’autant plus choquée que cette violence serait, sur le plan mondial, la principale cause de décès des femmes entre 16 et 44 ans !
Je m’égare… enfin, pas tellement puisqu’après le décès, il y aura une poursuite pénale…. (soupir de tristesse).
Je vais aller boire un café…
, le 21.05.2007 à 13:25
Non seulement cela ne me paraît pas douteux, mais cela m’apparaît comme l’un des plus hauts actes d’humanité (entendue comme la capacité à s’arracher à l’état de nature), de civilisation, de… Justice. Que vaudrait ce droit de chacun à être défendu s’il souffrait d’exceptions ? Quelle justice transcendantale jugerait de ces exceptions ? Comme cela a déjà été souligné, défendre ne signifie pas chercher à innocenter à tout prix.
L’argument utilisé contre la défense du parfait salaud est généralement : que ferais-tu si ton propre enfant était la victime ? L’envie de meurtre qu’éprouve alors le parent est bien légitime ! Mais sans rapport avec l’idée de Justice que nos sociétés modernes ont tenté de construire, où l’on ne saurait être juge et parti.
En France, cette idée de justice va en prendre un sacré coup dans l’aile avec l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans. Un devoir qui ne s’accompagne de droit. Pas le droit de voter car on n’est pas adulte et responsable, mais déjà responsable de ses délits au même titre q’un adulte. L’argument populiste de Monsieur Sarkozy ? Qu’importe pour la victime si le délinquant a 18 ou 17 ans ? À nouveau cette personnalisation qui nous éloigne d’une Justice impartiale et d’un véritable débat politique. Sans compter que l’on attend la poursuite du raisonnement : 16 ou 15 ans ? 15 ou 14 ans ? Après tout, c’est génétique, n’est-ce pas. Planquez vos berceaux !
, le 21.05.2007 à 13:45
Ah ? Je croyais que c’était systématiquement le prévenu, auquel le juge donne la parole après énoncé du verdict, par la formule “Avez-vous quelque chose à ajouter ?”
Peut-être une autre différence entre nos systèmes juridiques.
, le 21.05.2007 à 14:09
Merci et bravo pour le billet. C’est vrai que le droit de pouvoir etre defendu est sans prix.
Maintenant, c’est vrai qu’il y a des salopards qui ont relaché l’assassin, le violeur recidiviste, et qui recidiva encore. La, pour moi, le juge, l’avocat et l’ordure devraient se prendre la meme punition, radicale… (la taule hein…la taule)
, le 21.05.2007 à 14:45
VRic, finalement, à quoi servent les paroles du prévenu, surtout dans l’hypothèse où il est condamné, après l’énoncé du verdict ? S’il est acquitté, on pourrait encore imaginer qu’il y aille de son couplet de “merci d’avoir aussi bien administré la justice”. Et tu me poses une colle, je l’avoue : je ne sais plus si cela est aussi prévu en droit suisse; je crois que oui mais je ne suis pas certaine. Je vais vérifier dès que j’ai de nouveau une petite insomnie ;-)
Pter, finalement, je vais me la jouer “pas du tout responsable” : c’est pas moi qui ai dit qu’il n’allait pas récidiver, c’est l’expert-psychiatre… c’est lui le “méchant” et c’est sa faute…. je sais, je ne suis pas drôle mais n’empêche, il y a une part de “vérité” : faire un prognostic, dans certains cas, ne relève plus du tout du droit mais de la connaissance de l’âme humaine, aussi noire soit-elle… Et, du coup, le juge se retrouve plus ou moins lié à l’expertise psychiatrique, qu’il ne comprend de toute façon pas, vu le jargon utilisé par ces experts….
Finalement, la taule, pour y avoir passé plusieurs fois quelques heures, en entretien avec des clients, j’ai pu goûter, même un tout petit peu le prix de la liberté de mouvements : même après une heure dans une petite cellule, on regarde les arbres et la terrasse du café autrement…. Je n’ose imaginer après des années…
, le 21.05.2007 à 18:37
Si la question est : « Comment un avocat peut-il défendre un salaud ? », la réponse devrait être assez simple puisqu’il n’est pas demandé à l’avocat d’agir dans le champ de la justice morale mais dans celui du droit judiciaire. La question de savoir si le justiciable est, ou non, moralement indéfendable ne se pose tout simplement pas, toute personne a droit à ce que sa cause (aussi prétendûment immorale soit-elle) soit entendue – Déclaration des droits de l’homme, article 10.
L’administration judiciaire ne juge pas l’homme mais ses actes.
Ce principe majeur permet à la société en recherche d’harmonie et de paix, d’éviter de se rendre coupable de vengeance sur un des siens – transformant le coupable en victime –, vengeance dont les moteurs sont le ressentiment, la colère et la haine – tous sentiments que la justice se doit de bannir –, vengeance qui la ramènerait à la barbarie des représailles de la loi du talion et qui ne produit et ne multiplie que des victimes. « Œil pour œil et bientôt la Terre est dépeuplée. », disait Ghandi.
Crier vengeance c’est refuser que justice passe.
Juger les actes et non l’homme qui les a commis, c’est aussi ouvrir la porte à la réparation, à l’amendement, au pardon.
Reste que certains propos affichés ici, la question initiale elle-même, remettent en question l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme.
Que nous dit cet article ? : « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. »
Cela signifie qu’il n’est de délit ou de crime que déterminé par un procès et dûment déclaré comme tel par un tribunal. Il n’est de délit ni de crime sans jugement. Il n’est de délinquant et de criminel que déclarés par la justice.
« Comment un avocat peut-il défendre un salaud ? » est une question posée par qui a jugé avant que la justice ne l’ait fait. Contraire à toute raison. Absurde.
Cela signifie que nous devrions cesser de chercher à confondre le judiciaire et la justice morale. Laissons le judiciaire aux juges, aux procureurs et aux avocats et « contentons-nous » de discuter dans le champ de la morale. On n’en parlera jamais trop.
Par exemple, un condamné qui a effectué sa peine doit-il rester au ban de la société ? Du point de vue judiciaire, du point de vue de la morale, du point de vue de l’intérêt commun.
—
Un autre monde est possible.
, le 21.05.2007 à 19:31
Ça c’est un réel problème d’ailleurs !
Je conçois bien sûr qu’un juge ne peut pas être spécialiste de tous les domaines, mais j’ai souvent vu des jugements finir en totale contradiction avec ce qui était évident… à un spécialiste.
En ce moment par exemple, l’association que je préside est en procès contre un de ses ex-membres. Eh bien, nous avons de fortes probabilité de perdre cette affaire car précisément, elle est technique. Notre adversaire le sait bien et il en joue admirablement. Pour démontrer notre bon droit, dont en fait personne ne doute pas même l’adversaire lui-même (mais il se garde bien de le dire fort…), il nous faudrait user d’arguments techniques. Hélas on ne le peut pas. Même notre avocate nous le déconseille. Et comme il ne s’agit somme toute pas d’une affaire très importante, mandater un expert nous coûterait au final plus que perdre le procès.
Tiens, un dernier exemple, dont je peux parler plus en détail : un tribunal avait condamné un de mes clients pour une histoire d’accident de la route, à un carrefour équipé de feux tricolores. Un truc du style “les deux véhicules sont passé au vert”. Dans cette affaire, il était démontré que notre assuré était passé à l’orange. Et bien, les conclusions (je résume) se basaient sur le fait que mon client n’était pas nécessairement innocent au motif que le tiers avait pu passer lui aussi à l’orange ! Il suffit de réfléchir deux minutes pour s’apercevoir que des feux ne peuvent jamais être à l’orange en même temps sur deux routes perpendiculaires. Eh bien pourtant, c’est là-dessus que le jugement s’est basé…
Et j’ai malheureusement d’autres exemples de ce type.
Didier
, le 21.05.2007 à 19:33
Attention aux certitudes. Affirmer que l’administration judiciaire ne juge pas l’homme mais ses actes est aller un peu vite en besogne. Un homme de bien, comme on dit, sera jugé différemment s’il dérape qu’un personnage de mauvaise réputation qui a commis le même délit. Alors bien sûr que l’homme est jugé tout autant que son acte. Quant au “salaud,” il a déjà pu se révéler comme tel dans d’autres circonstances. Conclusion : même dans la justice, se méfier des des règles
, le 21.05.2007 à 19:53
Merci Madame Poppins pour ce billet qui remet quelque peu l’église au milieu du village…
Une chose m’interpelle et dont il n’est pas fait mention ici (je crois…), c’est l’aspect financier de la chose…
J’m’explique… une crapule (fautive) qui a les moyens de se payer 1 voir 2 avocats (ténor[s] du bareau) n’a-t-il pas plus de chance de s’en sortir que la victime sans le sous à qui on colle un(e) avocat(e) commis(e) d’office (très jeune et inexpérimenté de préférence…) ???
Je me demande où se situe, à ce niveau, la sacro sainte “égalité des armes” ???
, le 21.05.2007 à 19:53
Non.
Cette certitude est absolue.
Maintenant, que tu critiques les travers d’une justice bourgeoise, approximative ou d’a priori, c’est assez normal puisque la justice des hommes est imparfaite et sait se rendre elle-même coupable à l’occasion. Il reste que c’est sur des faits jugés que le juge sait qu’il a affaire à un récidiviste, pas sur sa mine.
Je ne faisais pas le procès de la justice, j’‘énonçais simplement quelques principe généraux sur lesquels se base la justice. Ce qu’en font les professionnels est une autre affaire.
, le 21.05.2007 à 20:40
Leo_11, pourquoi “votre” prévenu choisit-il de se faire représenter par des ténors du barreau, hein, et pas par des divas du barreau ? ;-)))
Pourquoi le mot qui vient avec “avocat”, c’est forcément “ténor”…..
En réalité, dans les “grosses” affaires que j’ai vues (et évidemment, à l’échelle suisse, dans ma petite ville de province, tout est relatif), jamais je n’ai vu de victime représentée par un “naze” débutant : le juge d’instruction choisit sur la liste dont il dispose et en général, d’après ce que j’ai constaté, il choisit les “bons”. Outre que, franchement, faut se méfier du “débutant” : pour lui, ça sera l’affaire du siècle et il va bosser deux fois plus que l’autre, le ténor ;-) qui va se faire piéger par un récent revirement de jurisprudence ou une vieille affaire déjà recouverte par les toiles d’araignée….
Je repasse parce que fondamentalement, je ne peux pas rester indifférente aux commentaires d’Argos / Okazou.
@+
, le 21.05.2007 à 21:19
Justice de classe…justice bourgeoise…
Il y a douze ans, j’avais une auto. rapide, mais sa vitesse maximale était en quatrième, la cinquième, très longue, était une économie sur autoroute. Sauf que…en légère déclivité, avec vent dans le dos, je l’ai presque emmenée à réguler, compteur bloqué. Ce qui devait arriver arriva, comité d’accueil au péage de l’autoroute de l’Est, quelques minutes plus tard. Avant même que le gendarme me parle, je lui fais remarquer 5 mercedes noires, et le lui fais noter sur le PV. A 266 km/h ils n’avaient pas pu lire le n° d’immatriculation…
Je suis allé au tribunal.
J’ai produit la feuille d’homologation: 225 km/h de vitesse de pointe… sur la fiche.
Et rappelé le nombre de voitures similaires au péage. J’avais un beau costume croisé, une chemise blanche, une belle cravate, j’étais allé dix jours avant chez le coiffeur… J’ai été relaxé au benefice du doute, quand le ministère public avait requis un an de suspension de permis et une amende égale à un mois de salaire.
J’étais le dernier de cet après midi-là, 23 condamnés: vieille dame aux feux éteints, jugée par défaut 250 francs, ouvrier agricole, qui a eu le toupet de dire qu’il ne pouvait pas se payer un nouveau pot d’échappement, au vélomoteur bruyant, 350 francs, un transporteur en blouson de jean : 14 roues presque lisses= 14 fois 750 francs, et des excès de vitesse comme à Gravelotte.
Justice de classe…justice bourgeoise, ça existe, j’en ai bénéficié.
, le 21.05.2007 à 21:22
Citation de Madame Poppins
” Bon, faut reconnaître, Eolas a le verbe plus relevé et la prose plus “dynamique” que la mienne mais c’est aussi là une des différences entre l’avocat suisse et l’avocat français : le Suisse est moins “lyrique” et moins “brillant” mais il cite ses sources, fussent-elles conventionnelles ou légales ;-)))” Je voudrais pas rajouter mon petit grain de polémique mais bon. Je ne peux pas laisser passer ça. Je ne m’aventurerai pas à comparer les styles mais je ne peux pas laisser dire que l’avocat français est un beau parleur et l’avocat suisse un méthodique stakhanoviste (je sais, mon interprétation est libre mais bon). Pour ce qui est du “il cite ses sources”, je ne crois pas qu’il y ait un seul avocat qui invoque une quelconque règle sans préciser son fondement. Je doute qu’un magistrat se laisse convaincre par un effet de manche. De même je doute de l’efficacité du beau parleur face à un juriste besogneux qui à maîtrise son dossier et qui ,sans superbe, aura su correctement interpréter et “utiliser” le droit pour son affaire (efficacité devant un juge professionnel, après devant un jury c’est un autre débat). Il est possible que les avocats français citent moins leurs sources que les avocats suisses, mais je pense que cette “déviance lyrique” française ne passe pas la porte des tribunaux. En tous cas je doute de l’efficacité de conclusion (conclusion au sens :”exposé écrit de la thèse soutenue par un partie et qui est remis au juge et communiqué à la partie adverse.”) ne visant pas les textes dont on demande l’application. Juste finir j’aimerais préciser que le quotidien d’un avocat (disons d’un avocat plaidant pénaliste) est plus un travail de bureau et d’étude que du théâtre. En France les plaidoiries sont plus symbolique qu’autre chose (c’est mon avis mais je le pense partagé). Est ce pareil en Suisse ? Vive Portalys, vive Cuk. Nouwanda
, le 21.05.2007 à 22:06
Nouwanda, de toute évidence, vous avez lu avec attention et mon billet et les commentaires : vous aurez donc noté que d’avocate, je n’ai que le titre : je suis donc très mal placée pour comparer les éventuels effets de manche français et suisses, l’effet de manche n’ayant pas de nationalité, ayant juste des “apparences” différentes selon les pays. Il en va de même du “stakanoviste”, qui n’a pas de nationalité non plus.
Ce que je n’ai apparemment pas réussi à faire passer dans le passage que vous citez, c’est le fait que cette petite remarque “ironique” s’adressait aussi à moi-même, qui ai passé je ne sais pas combien de temps à faire des liens sur les dispositions que je cite (CEDH, LAVI, Constitution fédérale), le tout en html, que je maîtrise mal (mais que je m’obstine à vouloir “apprendre” petit à petit). Loin de moi l’idée qu’un avocat français, devant une Cour, cite moins ses “sources” qu’un avocat suisse : dans son article, Eolas n’a pas donné de liens vers un texte français, ce que j’ai regretté : j’aime bien lire la base légale d’une réflexion. C’est tout.
En revanche, même si mon expérience dans une salle d’audience est aussi limitée que celle de Tom Cruise dans Hommes d’honneur (puisqu’il était, si vous vous souvenez du film, le roi de l’arrangement préalable, à deux doigts de gagner un grille-pain en inox), je ne vous rejoins pas sur l’affirmation qu’une plaidoirie est symbolique en droit pénal : elle constitue un élément parmi d’autres, dont les auditions de témoins par le juge assis ainsi que les auditions préalables, les expertises éventuelles.
Finalement, ma pointe d’ironie était aussi due au fait que je suis un peu “lassée” de constater que chaque fois que je cause “droit” (ce qui m’arrive rarement puisque mon propre blog est avant tout “pipi-caca-bébé”), on me “sert” le blog de Eolas, dont la qualité est certaine mais qui n’est pas le seul et de loin à rédiger des articles juridiques très intéressants et qui gagneraient aussi à être plus lus et davantage connus.
Sur ce, je retourne aux couches culottes de mon cadet ;-)))
, le 21.05.2007 à 23:35
Le simple fait de dire (ou penser) : “comment peut on défendre ce salaud” c’est déjà nier au tribunal son rôle d’arbitre et condamner à l’avance l’accuser. Les acquittés de l’affaire d’Outreau pourraient faire une encyclopédie des préjudices que peut causer cette simple phrase…
, le 22.05.2007 à 08:22
Désolé Mme Poppins…
Pour revenir à ce qu j’ai expliqué hier… c’est une chose que quelqu’un que je connais très bien qui l’a vécue… c’était une affaire de pédophilie… il y a une 10aine d’années… le “suspect” dont le dossier était passablement chargé avait les moyens de s’offrir “un ténor” verreux qui plus est, la victime, enfin sa représentante (sa mère donc) a eu une très jeune avocate inexpérimentée qui ne connaissait visiblement pas les affaires de ce genre ni même le dossier, s’est faite ratatiner par le juge “impartial” qui à la fin de la séance l’a même soupsonnée (la mère donc) d’avoir monté cette affaire de toutes pièces…
Egalité des armes ???
, le 22.05.2007 à 08:58
Leo_11, dans ce que tu relates, il y a de toute évidence eu un autre “couac” : le procureur, il était où, dans cette affaire ? Visiblement, il n’aurait pas fait son “boulot” non plus !?
Oukazou, tu dis que “il n’est pas demandé à l’avocat d’agir dans le champ de la justice morale”, ce qui est vrai mais les personnes qui posent cette “question” de la représentation d’un “salaud”, elles, ne sont pas du “monde juridique”. Et pour elles, souvent, la limite entre la morale et le droit est floue, ceci d’autant plus lorsque le droit ne retranscrit pas leur vision de la “morale”. Au demeurant, le droit est la transcription d’une certaine vision, d’une certaine “morale” de la société à un moment donné.
Par définition, le droit est “en retard” par rapport à l’évolution de la société : ainsi, il n’est enfin plus fait de différences, légalement parlant, entre les enfants nés hors du cadre du mariage et les enfants nés de parents mariés; il a fallu un changement de mentalité, de “morale” pour qu’on reconnaisse que le viol peut aussi être commis au sein du couple. L’avortement, pendant longtemps illégal, ne l’est plus puisque les moeurs ont changé. Mais pas de “beaucoup” puisque (grossièrement apprécié), il reste 48% de la population qui estime qu’il est “criminel” d’avorter.
Ainsi, je suis bien d’accord qu’on ne demande pas à l’avocat d’agir dans le champ de la justice morale, n’empêche tout “l’entourage” le fait et cela le contraint à faire des exercices d’équilibrisme parfois pas évidents.
(ouais, je crois que je ne suis pas très claire, moi, ce matin…. désolée).
Excellente journée à toutes et tous.
PS: vous savez quoi ? J’ai beaucoup apprécié les échanges qui ont suivi la publication de ce billet, merci. J’appréhendais sa parution, ayant à moult reprises déjà constaté que les esprits pouvaient, ici comme ailleurs, beaucoup s’échauffer ;-)
, le 22.05.2007 à 09:48
Bon… je ne vais pas m’étendre plus sur ce sujet…
Il semblerait que lors de l’instruction il y ait eu des “truc’s” pas très nets… genre le principal témoin à qui on refuse d’être entendu avant son départ professionnel pour l’étranger…
Bref… par la suite le recours a été rejeté sans autre forme de procès et l’affaire classée…
Encore une fois merci pour tes intervensions qui sont toujours une bouffée d’air frais assaisonnée d’une grosse cuillère de sucre… miam…
, le 22.05.2007 à 10:26
Juste une citation au passage dont je ne retrouve pas l’auteur, mais que je crois être un écrivain du XIXe siècle:
“La justice est comme les toiles d’araignée, elles attrape les petits moucherons, mais laisse passer les gros frelons qui piquent”
, le 22.05.2007 à 10:37
Leo_11, je suis sincèrement désolée que dans ton entourage, quelqu’un ait été confronté à des actes aussi difficiles et pénibles.
Alec6, :))
, le 22.05.2007 à 13:42
Le blog que j’avais encore envie de citer, en matière juridique, c’est celui-ci. Il concerne un monde très peu connu, même parmi les juristes : le droit des mineurs.
Allez, bonne journée, que vous soyiez majeur ou mineur.
, le 22.05.2007 à 14:53
J’ai été pas mal pris ces jours…
Oui, tout le monde à droit à un avocat et aux services de ce dernier. Je reste toutefois convaincu – et pour ceux qui ne le sont pas, quelques affaires sont édifiantes – que tout le monde ne profite pas des mêmes services.
La justice peut être particulièrement aveugle dans certains cas ou particulièrement procédurière dans d’autres afin de changer l’issue d’un procès.
Enfin, et je vous pose ça brute de décoffrage, je suis pour la peine de mort.
Je ne souhaite pas qu’un procureur puisse requérir la mort, mais que le plaidoyer d’un avocat puisse obtenir la mort en lieu et place d’une longue peine de prison pour son client.
Personnellement, moi-même et ma personne estime qu’il est plus humain d’offrir le choix d’une mort assistée à un être humain qu’une peine de 30 ans dans 9m2.
Mais là n’est pas le thème… et je retourne à mes petites affaires.
T
, le 22.05.2007 à 15:29
Tu as déjà lancé cette idée voici quelque temps. À l’époque, il m’avait semblé que tu plaides plus pour un droit au suicide que pour la peine de mort. J’ai encore cette impression : un avocat qui demande la mort pour son client au lieu de la prison “à vie”, n’est ce pas une demande de droit au suicide ?
, le 22.05.2007 à 15:32
Votre cadet… Vous avez donc deux enfants. S’il s’était agi de votre troisième, vous auriez dit : « mon benjamin » ;-)
À propos de couches, doit-on vous appeller Madame Popot-Pins ? :-)
, le 22.05.2007 à 15:57
Effectivement, on peut aussi le voir ainsi.
T
, le 22.05.2007 à 17:55
bq% (18) Madame Poppins . c’est quoi une “peine qui correspond le mieux à la réalité” %
Dans ma vision simpliste de la loi (étant donné que je ne suis pas spécialiste), ce serait une peine qui corresponde à ce qui dit la loi pour les actes commis.
Comme tu le dis, l’avocat fait son boulot. Mais tu n’as pas vraiment répondu à ma question : “Un avocat n’adoptera-t-il pas une tactique de défense qui sera la plus à même à réduire la peine de son client, même si elle ne correspond pas forcément le mieux à la réalité”. En d’autre termes, trouver une tactique de défense permettant d’alléger, voir de suprimer la responsabilité de son client ? Encore une fois, c’est une question, pas une provocation.
Dans ce cas, certes le juge est le seul responsable de son jugement, mais cela n’enlèvera rien au fait que l’avocat aura délibérément tenté de réduire la responsabilité de son client pour alléger la peine.
bq%(36) Okazou%. […] %% Je suis d’accord sur tes propos, avec un bémol sur cette séparation justice-morale. Que sont les droits de hommes si ce n’est la représentation d’une morale, de laquelle dérivent nos droits et nos devoirs ? Pourquoi a-t-on décrété, un jour, que les hommes naissaient libres et égaux, si ce n’est parce que l’on croyait à une certaine morale ? Dans ce cas, comment exclure toute moralité de la justice ?
J’en reviens à mon premier post et je crois que rien ne me fera changer d’avis. Voir des “salops” notoires être défendus, je trouve cela aussi normal qu’anormal. Mais l’anormal ne doit en aucun cas remettre en cause nos fondements
, le 22.05.2007 à 18:06
Dis donc Madame P… j’en ai parlé aujourd’hui avec la dame et il semblerait que l’avocate comise d’office était en fait une stagière… est-ce normal ???
La victime a 18 ans l’année prochaine et souhaite éventuellement réouvrir le dossier puisqu’il paraît qu’elle en aurait le droit ???
, le 22.05.2007 à 19:04
Universal Tonton, la peine prévue par la loi est une “fourchette” : pour le meurtre passionnel, il est prévu une peine privative de liberté entre 1 et 10 ans ! Tu vois donc qu’il y a là matière à plaider… Donc, oui, l’avocat va faire en sorte qu’à l’intérieure de la fourchette, la peine soit aussi basse que possible, sachant que le procureur doit veiller à une application aussi sévère que nécessaire de la loi et que l’avocat de la victime, si elle s’est constituée partie plaignante, va requérir une peine aussi élevée que possible (au regard des circonstances et de la jurisprudence notamment).
Atypo, fin limier vous êtes, Madame Popot ayant deux enfants ;-))))) Et un tel sobriquet va me motiver à faire perdre l’envie à mon fiston de faire dans ses couches !
Leo_11, le droit de demander la réouverture, elle l’a. Elle peut le faire en son nom propre puisqu’elle sera majeure mais pour qu’une instruction ait lieu, il faut cumulativement que l’éventuel prévenu ne soit pas décédé, que les actes ne soient pas prescrits, que des faits nouveaux par rapport à “la première fois” aient été découverts.
Bref, tu sais, à mon sens, ce qui serait bien, c’est de ne pas attendre du droit des choses qu’il ne peut pas “donner”; oui, le juge peut, par un jugement de culpabilité, dire (en quelque sorte), à la victime “non, ce que vous avez vécu n’est pas admissible” mais le droit n’est pas en mesure d’effacer des blessures intérieures, de changer le cours du temps et les souvenirs qu’on peut garder d’une certaine période. Ainsi, à mon avis, la chose la plus “utile” à faire, c’est de conseiller à la dame en question de s’adresser à un centre LAVI, qui ont vocation de soutenir et de conseiller les victimes.
Finalement, oui, on peut être représenté par un stagiaire, qui doit être considéré comme le “prolongement” de l’avocat sous la responsabilité duquel il exerce son activité.
Excellente soirée, je vais cogiter les propos de ToTheEnd…
, le 22.05.2007 à 19:24
Bon… en fin de compte il ne va rien se passer puisqu’il semble que rien de nouveau ne soit apparu… dès lors les victimes (la mère et l’enfant) n’auront plus jamais droit à quoi que ce soit… oui elles sont passées à l’époque par la LAVI qui lui ont dit qu’il fallait faire ceci ou cela et pis c’est tout…
Au bout du compte… le fautif de ces actes s’est remarié et à (à ma connaissance) deux autres enfants (qui sait ce qu’il leur a fait…), qu’il ne s’est plus jamais, depuis passé 10 ans, inquiété d’elle (aucun tél, aucune lettre ni pour Noël ni pour son anni, rien de rien…) et en plus que la “loi” (et “l’égalité des armes”) ne lui donne aucun droit obtenir ne serait-ce que des excuses… ben je suis triste et je pense que les gens quelque peu friqués sont bien mieux lotis devant les juges que les autres…
, le 22.05.2007 à 20:30
Leo_11, j’entends bien la révolte et le chagrin dans ce que tu écris et tu soulèves un point intéressant, qui ne relève, justement, pas du droit : “même pas des excuses” dis-tu.
Quand bien même le procès aurait “abouti” à une condamnation sévère, quand bien même cette femme aurait été considérée par la loi comme une victime, rien ne lui aurait assuré des excuses. En effet, selon l’adage latin “nulla poena sine lege” (pas de peine sans base légale), si les excuses (réelles et sincères) sont “souhaitables”, aucun juge, aucune loi ne prévoit cette “sanction”.
Et pourtant, “dieu” sait si elles peuvent être “réparatrices” (dans la mesure du possible) et importantes pour une victime. Mais là, le droit ne peut ni les “imposer” (elles n’auraient aucun sens) ni condamner à des excuses (qui n’auraient aucun sens non plus).
Ainsi, tant est que la jeune femme et sa mère sont en souffrance, il serait judicieux de se tourner vers un groupe de paroles, vers une prise en charge par d’autres professionnels.
Enfin, je tiens là des considérations qui ne sont pas du tout dans ma sphère de “compétence”, juste issues d’un “feeling”…. J’espère n’avoir pas été maladroite de quelque façon que ce soit.
, le 22.05.2007 à 20:38
Je suis en pleine charrette (moi et mes conduites suicidaires, au boulot, faudra vraiment que je me pose des questions un jour) mais je ne peux pas m’empêcher de réagir à ce billet (et, au risque de passer pour un énhaurme flatteur, je renouvelle mon adminiration à la gent féminine qui poste ici, pour la qualité de leurs billets).
Je crois comme Okazou que la question ne doit pas être posée. Tout le monde a le droit d’être défendu. En revanche, la question financière doit être vraiment posée: pourrait-on s’assurer qu’on soit aussi bien défendu avec un avocat commis d’office ou avec l’aide juridictionnelle, que si l’on a les moyens de se payer un ténor/une diva (le terme même est choquant, non?) du barreau ?
Le problème de principe ne devrait pas se poser, mais la différence entre le principe et son application est toujours la plus difficile à gérer. C’est que le principe, n’a ni mains ni affect et ne nuit à personne; seuls les actes qu’il occasionne le peuvent. D’où ma prépondérance à ne jamais discuter que sur les principes, sans quoi on est tous d’accord et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… principiel, que personne n’habite. C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec Okazou 40 quan il fait la distinction entre la justice bourgeoise et La Justice, et surtout quand il étaye son propos en disant :
Elle l’est, c’est un fait, mais nous n’avons qu’elle, et l’idée même de justice est humaine, et seulement humaine. Du coup, toute discussion sur la justice doit passer par une réflexion sur les actes de justice et ne pas s’arrêter aux principes. Je toruve que c’est une erreur “philosophique” (lâchons les grands mots: métaphysicienne) que de considérer que la solution de principe apporte quelque chose en soi; elle n’est que le recto de la feuille du problème dont le verso est sa résolution pratique. Sans quoi, on est dans le yaka ou le yakapa qui nous paralyse tant, par ailleurs.
D’autre part, Leo 11 et Saluki 42 montrent bien qu’il y a des exemples d’injustice sociale de la justice. Et le seul problème de la justice, le problème fondamental à mon avis, est de réduire au maximum les conséquences des injustices sociales dans son exercice. Par exemple, les commissions d’office pourraient être un service public partagé par l’ensemble de la profession, qui ferait qu’un avocat, stagiaire, ténor, ou diva, aurait la même charge de ces affaires “non rentables” – par exemple, une semaine tous les deux mois de commission d’office pour tous les avocats et procureurs de France (ou d’ailleurs, hein, du moment que le fonctionnement du droit est compatible). Sans que ça n’annihile les inégalités, ça les réduirait fortement en les “distribuant”. Peut-être, rêvé-je, que ça remettrait parfois les cadors (il y a un féminin?) du barreau sur le chemin de la terre ferme et de ses humbles arpenteurs.
Enfin, la “sortie” de TTE m’a un peu surpris, mais ma réflexion personnelle me la fait un peu comprendre. On le voit aux réflexions de Leo et Saluki ciées plus haut: il y a une vraie différence entre l’idée de la justice qui ne nous touche pas et la pratique de la justice qui nous touche. Pour la peine de mort, je crois vraiment que le problème est simple si on l’envisage de la manière suivante: la peine de mort, dont l’inefficacité curative est notoire (mais la prison l’est aussi, inefficace, on a donc un sérieux problème), et qui fait de l’appareil judiciaire à son tour un bourreau (il y avait un dessin de Quino, le père de Mafalda, qui illustrait bien cette idée, à moins que ce ne soit Franquin?), ne doit pas exister, car elle reviendrait en somme à rendre la vengeance institutionnelle. La loi du Talion, de ce point de vue, m’a toujours fait frémir, en ce qu’elle autorise l’institution de la vendetta. Mais l’Ancien Testament est plein de ces paraboles douteuses… En revanche, je pense toujours que si un meurtrier tuait un de mes enfants, j’aurais du mal à survivre (et mon couple, et ma famille), et qu’avant de finir ma vie (foutue, de toute façon) en prison, j’irais moi-même l’empêcher de récidiver, si l’occasion m’en en donnée. En revanche, le fait qu’après des années de procédure la justice le condamne à une forte somme d’argent assortie d’une longue peine de prison, dans le meilleur des cas, réduite ensuite pour bonne conduite ne m’apporterait, je pense, aucun sentiment de justice. Dit autrement, je me dis que si un pédophile récidiviste violait mon plus jeune fils, je n’aurais absolument aucun scrupule à lui couper moi-même les … et ensuite à en assumer le prix. Mais je sais que mon raisonnement à au moins une limite, qui est dans la personnalité du coupable: que ferais-je en cas d’homicide involontaire (renversé par une voiture, victime d’une balle perdue tirée par un policier à la poursuite d’un tueur en série, l’imagination est folle dès lors qu’il s’agit d’évoquer de telles circonstances…)?
En bref, votre billet, Madame Poppins, suscite bien des réflexions, et les réactions qu’il occasionne remue en moi bien des émois.
, le 22.05.2007 à 21:59
Pat3, je suis très touchée par vos propos (le compliment, étant de “gente féminine”, lui, m’a fait plaisir) parce que dans le cheminement de vos réflexions, j’y retrouve ces “ingrédients” qui ont été au centre de mes préoccupations “morales” au cours de mon bref cursus d’avocate-stagiaire : le refus de la loi du Talion, “l’humanité” de la justice en ce qu’elle a d’imparfait, le principe “sur le papier” pouvant être aussi “bon” et “abouti” qu’on le voudrait, il n’est pas sans faille.
Finalement, je ne peux pas rester insensible non plus à l’exemple que vous donnez par rapport à votre fils… Aucune peine, je crois, ne peut apporter un sentiment de justice face à l’intolérable parce que nombreuses sont les choses qui ne peuvent pas être “réparées”. Je ne peux pas accepter l’idée d’une “vengeance” personnelle par un parent qui aurait perdu son enfant; en revanche, je peux la comprendre, tant est que cette apparente antinomie puisse “faire sens”.
Allez, éteignez cet ordinateur et profitez de la douceur de cette soirée !
, le 22.05.2007 à 22:51
Très agréable et douce soirée en effet… que de bonheur dans le jardin à griller un petit morceau de vande dégustée avec ceux que l’on aime avec qui on a du plaisir à rire et à plaisanter de cette vie qui est parfois si… pénible…
… le prochain billet sera… drôle et rafraîchissant… hein Madame Poppins ;oD
, le 23.05.2007 à 00:51
Franquin, dans Idées noires
, le 23.05.2007 à 04:08
Alors là, chapeau! La référence, le lien, l’image… Sur le coup, trop fort, le vric (ça me mettrait presque en vrac :-)
, le 23.05.2007 à 06:39
Si le droit est bien né (au moins en partie) de la morale philosophique, il n’est pas la transcription d’une morale (d’ailleurs, laquelle et à quelle époque ?) et son exercice, par l’administration judiciaire, n’implique pas d’aboutir à un jugement moral, le jugement produit n’a pas pour but de sauver la morale et le condamné ne l’est pas pour des motifs moraux ; le jugement répond comme je l’écrivais plus haut, à une recherche d’équilibre, d’harmonie à retrouver après la rupture, la fracture (entre l’accusé et la société), provoquée par l’acte délictueux ou criminel. Le jugement est prononcé pour que les hommes puissent continuer à vivre ensemble, pour que la vie continue. Le jugement est un acte social.
Imaginons une société gouvernée par la morale et non le droit.
La morale est propre à chacun, il n’est pas de morale commune dans la totalité de ses vues. Morale de gauche, morale de droite, morale chrétienne, musulmane, juive, shinto, mormonne, morale athée, morale américaine, tahitienne ou papoue, morale stricte et morale souple, morale d’hier, d’aujourd’hui et de demain. La morale est comme la notion de Dieu, il en est autant que d’individus à s’y référer. La morale est donc d’ordre privé et sa transcription en règles de comportements sociaux est tout simplement impossible dans une société démocratique. Le risque totalitaire est sous-jacent. Évoquer les intégrismes religieux devrait suffire à le comprendre.
La morale ne se décline pas en articles.
En cela, le droit est une norme déclarée qui s’applique à tous, dans un pays, une société culturelle. Il détermine la règle commune à suivre pour que les hommes puissent vivre en harmonie. C’est pour cette raison que nul n’est censé l’ignorer.
La morale est l’au-delà de la justice. C’est aussi sur elle, vers elle, que peut évoluer le droit.
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Un autre monde est possible.
, le 23.05.2007 à 06:51
Tu t’obstines.
Relis-moi pour comprendre que tu es entré dans un jeu de question-réponse entre toi et toi.
Tu vas simplement au-delà du cadre de mon intervention en me prêtant des intentions que je n’avais pas ou en supposant – je ne sais – qu’à mes yeux la justice n’est qu’affaire de principes généraux.
Ce qui m’étonne, c’est cet entêtement de ta part à plonger dans les détails en niant, mais sans les réfuter, les principes d’existence du droit quand je voulais justement en rester à ces principes.
Tu m’expliques ?
, le 23.05.2007 à 08:39
Okazou, décider d’introduire une disposition pénale rendant l’inceste punissable, c’est quoi d’autre que la transcription d’une certaine vision “morale” de ce que ne peuvent pas être les relations entre des enfants et leurs parents. L’application, ensuite, de cette disposition, n’est pas morale et tend au maintien de ce qu’une société a jugé comme étant nécessaire au maintien de son équilibre.
Toutefois, contrairement à toi, je suis convaincue qu’à la base, toute disposition (je te fais grâce de celles concernant la hauteur limite en matière de droit des constructions ;-) est une transcription en termes juridiques de la “morale” de la majorité de la société à un moment donné : je donnais l’exemple de la décriminialisation – juridique – de l’avortement, qui reste toutefois un crime, “moralement” parlant, pour bien des gens. Tout comme une grande partie de la société suisse critique et “condamne” l’accès autorisé à des associations de soutien au suicide pour les malades incurables, alors que le juge pénal n’y voit là rien de répréhensible.
La majorité sexuelle est actuellement, en droit suisse, fixée à 16 ans; vu l’évolution des “moeurs” et de la “morale”, peut-être sera-t-elle abaissée à 14 ans ? Ne serait-ce pas là le signe tangible d’une évolution morale et de sa traduction en termes juridiques ?
Finalement, Okazou, j’ai envie de terminer mon inutile diatribe par une impression, qui n’engage que moi : Pat3, je ne sais pas s’il est entré dans un jeu de question-réponse entre lui et lui mais ce que j’ai ressenti, en le lisant, c’est que ses réflexions n’étaient pas issues uniquement d’un raisonnement intellectuel mais aussi d’une certaine “émotion”, laquelle est absente de tes propos. Ce qui va probablement rendre le dialogue assez “vain”.
Bonne journée à toutes et tous, je vais aller courir vu le billet du jour !
, le 23.05.2007 à 19:01
On dirait que j’ai du mal à me faire comprendre mais c’est normal, je ne suis pas prof de droit. Heureusement, tu apportes de l’eau à mon moulin. Sans vouloir convoquer ici Lévi-Strauss, il me semble nécessaire de tenter de distinguer les choses pour tenter de comprendre pourquoi la morale ne peut qu’être l’inspiratrice de la justice et que le droit ne peut être la retranscription de la morale. Simple différend sur le vocabulaire ou incompréhension plus profonde ?
Aujourd’hui, est-ce encore l’inceste que la justice sanctionne ou bien plutôt le viol sur mineur ou la « pédophilie » (pédomanie serait plus adéquat) ?
Il fut un temps où l’inceste en tant que tel était condamné systématiquement y compris entre membres éloignés d’une même famille (Einstein n’aurait pas pu épouser sa cousine) ; que dirait aujourd’hui la justice face à deux adultes consentants qui entretiendraient des rapports incestueux ? La plainte serait-elle seulement recevable ? Quelle genre de nuisance sociale la justice trouverait-elle à condamner dans des rapports incestueux consentis ? Ce pur inceste romprait-il l’harmonie du groupe et le mettrait-il en danger ?
Ce que la morale « générale » continue de réprouver n’est plus condamné par les tribunaux. Qu’il existe des sensibilités qui continuent à être profondément choquées par l’inceste n’est pas le problème et ne peut être suffisant pour justifier l’intervention de la justice.
La justice s’inspire de la morale, elle n’en est pas le calque mais surtout, morale et justice ne partagent pas du tout la même fonction et ne pas le voir est préjudiciable à l’harmonie sociale.
La justice est fonctionnelle, elle ne peut être morale.
Le reproche que tu me fais de ne pas introduire de sentiments dans mon propos est justement ce qui me permet d’expliquer que si la morale est une expression qui fait la part belle aux sentiments, pour ne pas dire aux instincts, la justice nécessite au contraire de bannir l’instinct et de contraindre les sentiments. Si le moteur de la justice devenait l’émotion, comme il est devenu celui des élections chez nous, alors on pourrait craindre le pire. Comment le dire mieux pour que cela soit enfin admis ?
Tu comprendras que si un discours est vain, ce n’est peut-être pas le mien.
Ce qui me semble grave dans ce débat est précisément que l’on fait fi des bases et de la raison d’être des choses. La question : « La justice, pourquoi ? » n’est pas même effleurée et lorsqu’on tente de le faire, on se trouve face à un mur d’incompréhension.
C’est très significatif d’une époque ou tout le monde ou presque patine allègremet dans la semoule fuyant la cohérence comme la peste. Émotion et apparence au pouvoir. Esprits manipulés et remodelés, propos réflexes qui partent dans tous les sens. La pensée QCM est à l’œuvre.
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Un autre monde est possible.
, le 23.05.2007 à 20:27
Okazou, “dialogue”, je n’ai pas utilisé le terme “discours”, c’est le “dialogue” qui pourrait être vain parce qu’il y a, comme ça, de temps en temps, des gens qui ne parviennent pas à se comprendre. Dans le cas présent, je pense que cela provient avant tout du fait que l’échange est écrit.
Ensuite, je n’ai ni utilisé le terme “reproche” ni même suggéré que c’en était un de ne pas avoir mis de composante “émotionnelle” dans ta réponse. C’était un constat, ni un bien, ni un mal, juste une différence entre deux personnes.
Finalement, si la justice doit avoir un côté “froid” en ce qu’elle doit être rendue selon des procédures déterminées, je voulais ajouter qu’à mon sens, elle ne “contraint” pas tout le temps les sentiments puisqu’elle en tient très largement compte dans la notion notamment de “meurtre passionnel” (il ne s’agit pas du meurtre, par le mari cocu, de l’amant de sa femme mais d’un meurtre commis alors que l’auteur était en proie à une émotion violente, ce qui peut ouvrir la qualification à d’autres situations également) ou, pour un assasinat, par le biais de la notion “d’absence particulière de scrupules”. Sans même parler des circonstances dites aggravantes ou atténuantes.
A la prochaine cuk-day, tu me reconnaîtras, j’aurai un code pénal sous le bras : on pourra alors échanger de vive voix si le coeur (ah, non, pardon, la raison) t’en dit ;-)