Les surfeurs-lecteurs de Cuk le savent depuis longtemps, j’ai fait un long-métrage sur les rapports entre la Compagnie théâtrale du Clédar (qui vit à la Vallée de Joux, dans le Jura vaudois, en Suisse) et Shakespeare. J’en ai parlé ici et ici.

Aujourd’hui, ces aventures sont consignées dans un livre-DVD, que l’éditeur Bernard Campiche me fait l’honneur de publier pour fêter le 20e anniversaire de ses éditions.

Plusieurs d’entre vous m’écrivent, depuis qu’on parle de ce film pour savoir où on peut se le procurer. Voilà, il est à votre portée à partir de demain.

Tout, dans ce film, a une histoire un peu à côté des sentiers battus, et bien entendu le DVD n’a pas manqué de provoquer ses vicissitudes.

Au départ, je m’étais embarquée avec très peu d’argent pour un petit documentaire. À la fin, grâce à l’aide d’une fondation qui m’a fait confiance et au talent de Patrice Freymond, le monteur du film, il est sorti de là un documentaire d’une heure et demie que les gens voient avec plaisir. Patrice Freymond a été décisif à cet égard, plus décisif encore que l’équipe caméra, pourtant très talentueuse (et ingénieuse): il a su exploiter à fond le matériel existant avec un talent et une imagination qui constituaient pour moi une première. J’ai toujours monté mes films avec d’excellents monteurs, mais — je ne sais pas trop comment exprimer cela — ce qu’ils faisaient était généralement prévisible (pour moi, s’entend). Patrice n’a pas cessé de me surprendre en poussant mes idées jusqu’au bout de leurs possibilités, et il est ainsi arrivé à des solutions qui étaient hors du domaine de mon imagination.

Je n’ai cessé de penser que le matériel que je lui offrais ne pouvait pas exprimer ceci ou cela - et il n’a cessé de faire en sorte que cela soit exprimé. 

La longueur du film a eu des conséquences pratiques que je n’avais pas envisagées non plus: c’est devenu un “vrai” film, et du coup cela m’a occupée pendant beaucoup plus de temps que prévu; j’ai dû déployer à tous les stades d’une postproduction devenue bien plus importante que prévu (et qu’il a fallu financer) une énergie considérable. À la fin, je peux dire que depuis le jour où j’ai commencé à travailler pour le Clédar jusqu’au jour où tout a été terminé, j’ai consacré deux ans à cette aventure.

Je ne m’en plains pas, entendons-nous bien, je considère au contraire avoir vécu là deux des années les plus géniales de ma vie.

Forte de cette constatation, j’ai demandé à mon éditeur littéraire, Bernard Campiche, s’il ne prendrait pas ce film dans son catalogue, vu que j’y avais travaillé aussi longtemps qu’à un livre, et qu’il avait pour moi la même valeur qu’un roman.

Il a dit oui, mais  à condition que le DVD soit enveloppé dans un livre. Et, généreux comme il est, il a proposé de publier un volume qui contiendrait à la fois le texte de la pièce, le film, et les photos qu’une photographe de la Vallée de Joux, Anne-Lise Vullioud, avait prises pendant les répétitions du spectacle.

Cela donne un album magnifique, qui témoigne de la créativité de Bernard Campiche tout en rendant hommage au travail de tous ceux qui ont participé à l’aventure. L’écrivain zurichois Peter K. Wehrli a été si enthousiasmé par l’entreprise qu’il a spontanément offert d’écrire une préface, dans laquelle il dit entre autres:

«C’est là, à la Vallée de Joux, que le Clédar s’est construit son propre théâtre du Globe, son monde théâtral, son théâtre du monde – son monde. Ainsi, l’architecture fait partie de la mise en scène autant que de la représentation. 

Et la spirale continue à tourner: Anne Cuneo écrit le scénario d’un film sur la création de la pièce qu’elle a écrite. Elle réalise elle-même le film. Et voilà que la langue est devenue image.

On pourrait aussi parler de dynamique de groupe. Car voilà la photographe Anne-Lise Vuilloud qui, en photographiant la mise en scène, rend également compte de la naissance du film sur la mise en scène de la pièce d’Anne Cuneo.

Nous avons une pièce, une mise en scène, des représentations, un espace, un film, des photos. Et maintenant nous avons un livre-DVD. Nous avons tout. Que vouloir de plus?»

Ce qui est génial dans toute cette aventure, c’est de voir combien de personnes ont donné, souvent spontanément, le meilleur d’elles-mêmes pour qu’elle puisse se réaliser. 

Ça remonte le moral, et cela mériterait une longue réflexion sur le pouvoir des idées. Ce ne sera pas pour aujourd’hui. Pour voir la démonstration concrète de ce que j’affirme, d’ailleurs, il suffit de voir le film et, encore mieux, de lire le livre-DVD.

Maintenant, si je vous propose d’acheter tout ça pour en faire vos cadeaux de Noël, je sens qu’on me soupçonnera de faire de la pub. C’en est certes d’un certain point de vue, mais c’est surtout, de ma part, une proposition: une manière de vous demander de participer à une aventure culturelle qui est le fruit de la bonne volonté de tous.

À toutes les étapes, l’argent a manqué, et ce n’est qu’au dévouement, au goût du risque, à la folie des participants que l’on doit le résultat de l’entreprise. Personne de nous ne gagnera de l’argent; en ce qui me concerne, le travail de ces deux années m’a rapporté du bonheur et beaucoup de satisfactions, mais 0.00 espèces. Il a fallu que je travaille à côté pour acheter les épinards, et je préfère ne pas parler du beurre. Je fais donc de la pub pour ce film sans mauvaise conscience.

Si le livre est trop cher pour vous, et que vous ne voulez que le film, le DVD va également sortir de manière tout à fait classique, et sera en vente dans les magasins de DVD dès le 22 janvier.

Je suggère aux Suisses parmi les lecteurs d’acheter l’un ou l’autre de ces objets dans les librairies ou les boutiques de DVD. Et aux amis lointains, il suffit d’aller sur le site de Bernard Campiche pour vous faire une idée, et/ou ensuite sur le magasin en ligne de la compagnie Clédar: vous pouvez vous procurer livre-DVD (titre: “Opération Shakespeare, une aventure”) ou simple DVD (titre: “Opération Shakespeare à la Vallée de Joux”) d’un simple clic.

Quant à moi, je vous avoue que je me sens toute chose: pendant deux ans, je n’ai pas pensé à grand-chose à part ça, et tout d’un coup tout est fini - il ne me reste plus qu’à espérer que vous apprécierez le travail et le dévouement de l’équipe de l’Opération Shakespeare.

Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire à partir de maintenant???

PS. Toutes les photos du livre sont l’œuvre d’Anne-Lise Vullioud, une photographe qui a l’art de se promener dans les événements comme un fantôme: on ne la voit pas, et tout à coup elle vous présente une série d’images qui vous éblouissent par leur poésie. Elle a photographié la plupart des spectacles du Clédar. Dans le film, j’ai utilisé des photos d’Anne-Lise pour évoquer les spectacles précédents de la troupe.