Introduction
La ville de Fribourg fêtait ce week-end la Saint-Nicolas avec le traditionnel cortège samedi en fin d'après-midi. Cette fête représente beaucoup pour un Fribourgeois et peut-être plus encore pour les Fribourgeois qui, comme moi, se prénomment Nicolas. Il n'est pas étonnant dès lors d'y retrouver des personnes venant des quatre coins du pays afin de revivre des moments qu'elles n'ont jamais oubliés depuis leur tendre enfance. Je vous invite donc le temps d'une lecture à vous plonger dans cette ambiance magique d'avant Noël…
La légende de Saint-Nicolas de Myre
Saint-Nicolas est fêté dans de nombreuses régions et il existe plusieurs légendes sur Saint-Nicolas, dont la plus marquante et la plus répandue est sans doute celle-ci, contée par Saint Bonaventure au XIIIe siècle:
« Il était une fois trois petits enfants qui, s'étant perdus, demandèrent l'hospitalité à un boucher se trouvant sur leur chemin. L'homme, qui était un ogre, les nourrit, les coucha, et, profitant de leur sommeil, les découpa et les sala comme des jambons avant de les enfourner dans un tonneau.
Saint-Nicolas, qui vint à passer par là sept ans plus tard, demanda à être servi à la table du boucher de son cochon vieux de sept ans. Ayant reconnu le bon Saint-Nicolas, le boucher terrorisé s'enfuit en courant. Et Saint-Nicolas ressuscita les trois petits enfants. »
Jean-André Deledda, pour Cuk.ch
Cette légende parmi d'autres au sujet du Saint-Nicolas laisse paraître une grande générosité de sa part. Si nombre d'entre elles furent remodelées et adaptées tant à l'époque qu'à la région, on raconte depuis le XIIe siècle que Saint-Nicolas va de maison en maison dans la nuit du 5 au 6 décembre (le 6 décembre étant la fête des garçons prénommés Nicolas) pour demander aux enfants s'ils ont été obéissants durant l'année écoulée. Les enfants sages reçoivent des cadeaux, alors que les garnements se voient offrir une trique — longue baguette en bois — de la part du Père Fouettard, fidèle compagnon du Saint-Nicolas.
Saint-Nicolas est représenté vêtu de l'habit ecclésiastique, de la mitre et de la crosse, se déplaçant sur un âne et toujours accompagné du Père Fouettard, tout habillé de noir. En effet, avant de devenir le protecteur des enfants sages, il fut évêque de Myre en Asie Mineure au IVème siècle.
Comme vous pouvez vous en douter, Saint-Nicolas est très proche d'un autre personnage célèbre auprès des enfants: le Père Noël. Leur ressemblance n'est pas sans raison, puisque le personnage du Père Noël fut inspiré de Saint-Nicolas, dans un conte de Noël écrit par le pasteur américain C.C. Moore en 1821. C'est Coca-Cola qui lui donna ses couleurs rouge et blanche en l'utilisant comme icône dans ses publicités. D'ailleurs, le Père Noël se nomme "Santa Claus" en Anglais.
Saint-Nicolas à Fribourg
Saint-Nicolas est le saint patron de la ville Fribourg, dont la cathédrale, construite entre le XIIIe et le XVe siècles, porte son nom.
La tour frontale de la cathédrale Saint-Nicolas, d'une hauteur de 74 mètres.
Une magnifique vue de la ville s'offre à celles et ceux
qui gravissent les 365 marches jusqu'au sommet!
Photographie prise en décembre 2002.
Le cortège de la Saint-Nicolas trouve son origine en 1906 (bien que l'on parle plutôt de renaissance après l'interruption au XVIIIe siècle d'une tradition remontant au Moyen-âge) par un groupe d'élèves du Collège Saint-Michel (entendez par là gymnase, ou lycée). Et voilà comment cent ans plus tard, la fête est toujours là, se tenant chaque premier samedi de décembre.
La fanfare du collège Saint-Michel ouvre le cortège, suivie de joueurs de fifre et de personnages vêtus en longue robe d'époque. Ce sont pour la plupart des élèves des collèges de la ville.
Puis vient Saint-Nicolas, entouré de plusieurs Pères Fouettards. Le Saint-Nicolas est un élève volontaire de 3e année, élu parmi les prétendants par ses camarades et la direction. Après sa nomination, c'est à lui de composer le discours qu'il devra prononcer devant la foule, perché sur le balcon de la cathédrale. Fribourg étant une ville bilingue, le texte se doit d'être un quart en Allemand et trois quarts en Français; une bonne prononciation dans les deux langues est donc recommandée!
Les Pères Fouettards sont des membres du comité de la Saint-Nicolas, créé pour l'occasion (le plus souvent ce sont des copains de classe).
Sur les flancs du cortège se trouvent également des porteurs de flambeaux ainsi que plusieurs personnes tenant une grosse corde, en guise de sécurité vu le public nombreux (environ 20'000 personnes généralement).
De nombreuses guirlandes lumineuses colorent les rues de la ville et un marché de Noël se tient aux pieds (ou presque) de la cathédrale.
Le marché se tenant sur les places de la Grenette et du Tilleul aux pieds de la cathédrale.
Photographie prise en décembre 2002.
Place à la fête
Il est environ 17 heures; à cette époque de l'année il commence déjà à faire sombre. Le cortège démarre depuis le collège Saint-Michel, alors qu'une foule compacte attend déjà impatiemment tout au long du trajet qu'effectuera le cortège. Et voilà que l'on entend les tambours, au loin. Il arrive! Alors que passent la fanfare et les porteurs de flambeau, on aperçoit un peu plus loin, perché sur son âne, le Saint-Nicolas, distribuant à gauche et à droite des biscômes contenus dans les grandes hottes portées par les Pères Fouettards. Ceux-ci ne se privent pas de l'aider, mandarines à l'appui, sans quoi ce dernier n'aurait ni la force ni la possibilité de satisfaire l'immense foule.
Saint-Nicolas sur son âne, entouré des Pères Fouettards.
Photographie officielle du cortège 2004.
La rapidité du cortège varie chaque année, selon le caractère de l'âne. Cette fois-ci, l'animal ne traîne pas! Puis, après avoir fait demi-tour à la gare, le cortège revient sur ses pas, direction la cathédrale, en basse ville. Après son second passage, tout le monde le suit, donnant au cortège une dimension toujours plus grande! Arrivé au pied de "sa" cathédrale, Saint-Nicolas doit encore gravir les marches le menant jusqu'au premier balcon. L'oreille tendue, la foule attend, compacte; tout le monde n'aura pas la chance de voir Saint-Nicolas, certains se contenteront de l'écouter. "Dans quelques instants, Saint-Nicolas s'adressera au public de Fribourg" nous dit-on. Et voilà, il arrive enfin, et s'approche du micro.
Ce que Saint-Nicolas voit du haut de son balcon.
Photographie officielle du cortège 2004.
"Mes bien chers enfants…" Le voici qui s'adresse aux enfants, puis aux plus grands, alliant politique, sport, culture, le tout avec poésie et humour, pour le plus grand bonheur de chacun. Il se félicite de rester si célèbre au fil des ans; de nos jours, dit-il, la "Star Academy" nous permet de le devenir en un soir, mais cela ne dure pas! En cent ans, il a vu évoluer la technologie; désormais les gens parlent seuls, au natel (téléphone portable), et il se demande s'il ne devra pas un jour équiper son âne d'un GPS. D'autres allusions encore au train de vie que prend la société et à quelques événements locaux.
Il n'est pas facile de l'apercevoir, surtout pour les plus petits, car la foule est dense. Certains n'hésitent pas à jouer de malice afin d'être aux premières loges.
Un jeune garçon se perche sur un panneau signalétique afin de voir par-dessus la foule.
Photographie réalisée lors du cortège 2002 par Noémi Uehlinger.
Puis il bénit l'assemblée dans une épaisse fumée rouge, avant de se retirer dans un ultime "Au revoir Fribourg", pour y revenir l'année prochaine…
Une chaîne de pétards longe la tour de la cathédrale, sur laquelle on projette une image géante de Saint-Nicolas, centième oblige.
La suite de la soirée varie selon les familles et les croyances transmises aux enfants. Si de nombreuses familles se retrouvent autour d'une bonne fondue au fromage, d'autres laissent le soin à leurs bambins de découvrir quelques cadeaux à leur arrivée à la maison. Signe du passage de Saint-Nicolas… Quand bien même nombreux sont ceux qui croient au Père Noël durant leur enfance, d'autres croient au Saint-Nicolas.
Et bien plus que le personnage en soi, c'est l'esprit de cette fête qui imprègne quiconque y participe. Je vous laisse tout loisir de contempler les photos officielles de l'année 2004 et celles de cette année.
, le 07.12.2005 à 06:44
Merci 6ix de nous promener dans l’histoire et dans Fribourg, ville que je connais très peu alors que je vis à quelques dizaines de km d’elle.
J’écoutais l’autre jour à Forum l’interview d’un vieux Monsieur qui avait été LE St-Nicolais de l’année 1932.
Il s’en souvenait encore comme l’un des plus beaux jours de sa vie. Faut dire qu’il avait glissé de son âne, et s’était retrouvé sous le ventre, attaché à l’envers. Les autres riaient tant que personne n’a pensé pendant de longues secondes à venir le tirer de son mauvais pas.
Merci aussi à Jean-André et son super dessin.
Et désolé de n’avoir validé cette humeur qu’à 6h30, j’étais sûr d’avoir fait ce qu’il fallait hier. Mais je devais avoir un petit truc dans mon subconscient, vu que je me suis levé d’un bond: « Te tcheu: l’humeur n’est pas en ligne, j’en suis sûr! ». J’aime pô ces réveils stressés!:-)
, le 07.12.2005 à 07:36
Bravo et merci pour ce sympathique moment partagé avec vous à la St Nicolas … On oublie trop souvent ces choses authentiques qui enracinent nos cultures, et même si on adore nos Mac, nos Canon, nos Nikon et autre sujets merveilleusement traité par votre site … vous rappelez à bon escient qu’il n’y a pas que ça dans la vie !
, le 07.12.2005 à 07:42
Pfff. J’ai assisté durant des années à la St-Nicolas à Fribourg : je ne vois vraiment pas ce qu’il y a d’authentique là-dedans.
JCP
, le 07.12.2005 à 08:16
Jolie échappée du côté de Frribourrg, don! ;-)
J’aime particulièrement la photo N/B du garçon sur son panneau!
, le 07.12.2005 à 08:35
JCP, pas authentique ?
C’est vrai que le cortège semble toujours petit par rapport à l’énorme foule, mais les enfants adorent.
Moi j’aime pas trop non plus…. Comme dirait une amie, se glacer les pieds 2 heures pour recevoir un biscôme gelé dans la figure et écouter un discours, disons, conservateur.. bof.
En même temps c’est l’âme de Fribourg. Et comme je n’y habite plus depuis un an, et bien, maintenant, j’en suis FIER de la St-Nic !
Mirou
mirou.blogs.com
, le 07.12.2005 à 09:09
L’authentique, comme dit Mirou, c’est justement que tu regardes ça chaque année quand tu es petit, à la limite, ça t’ennuie, et quand tu ne l’as plus, et bien ça te manque à mort, et t’es tout nostalgique.
, le 07.12.2005 à 09:46
Ah oui, Mirou, maintenant tu adores la St nicolas ?
Alors ça, c’est imprimé, mis sous clé, j’ai désormais une preuve accablante !!!
Moi, j’adore depuis toujours cette ambiance de fête. Quand j’étais petit, fribourgeois « exilé » à Lausanne, tradition oblige, j’allais chaque année voir le cortège avec mes parents. C’était un temps « à part » puisque j’y retrouvais ma famille et surtout, j’assistais à une fête que mes camarades de classe vaudois ne connaissaient pas. Je me sentais privilégié.
Je me souviens que jamais je ne suis parti de la fête sans qu’un adulte ne m’offre un biscôme qu’il avait réussi à attraper à la volée. C’était aussi, je m’en souviens, un sentiment grisant que de boire du « vin chaud » comme un adulte et de feindre l’ivresse… Tout cela annonçait Noël d’une façon merveilleuse.
Quand j’ai habité Fribourg à l’adolescence, St Nicolas était le moment choisi pour revoir une fois l’an des gens perdus de vue le reste de l’année, tradition « personnelle » qui s’est perpétuée depuis quand l’agenda me le permet.
Ensuite, quand je suis parti étudier à Bruxelles, quelle n’a pas été ma surprise en découvrant que là-bas aussi on fêtait le Saint Nicolas, sans biscômes, mais avec des Speculoos « special edition ». Et avec ferveur pusique là-bas, c’est à la St Nicolas que s’offrent la plupart des cadeaux que nous, en Suisse, nous offrirons le 24 décembre.
Je me souviens avec émotion du 6 décembre 1998, mon premier St Nicolas à Bruxelles, un peu triste pour l’occasion de ne pas être à Fribourg. J’étais sur la Grand Place, et il a commencé à neiger des flocons gros comme des noix.
Pour qui connaît la Grand Place, on peut l’imaginer, c’était magique. J’avais vraiment l’impression que St Nicolas, perché sur son âne, me faisait un clin d’oeil. J’avais été sage durant l’année et bien récompensé ce jour-là, où sur Bruxelles tombaient quelques très légers souvenirs d’hiver…
Je crois bien que c’est ce que je préfère… Ces moments où la nostalgie déboule avec force et prend tous ses droits, ces moments où le quotidien se laisse submerger par des relents d’enfance au goût d’épices et de vin sucré.
Aujourd’hui, je suis de ces adultes qui attrapent les biscômes à la volée pour les donner aux petits bouts qui regardent, impressionnés, passer le cortège perchés, comme je l’étais à leur âge, sur les épaules de leurs parents.
J’ai grandi…
Cette année, je ne me suis pas mêlé à la foule. Je jouais ce soir-là, et n’ai pu humer ces odeurs d’antan. Mais en lisant cuk ce matin, j’ai laissé remonter tous ces délicieux souvenirs, et croyez-moi, ça fait un vieux bien !
Merci.
, le 07.12.2005 à 10:20
St Nicolas, évêque de Myrra, St Paul bien ancré à Ephèse…
Aujourd’hui on dirait que ces « intégristes » sont …Turcs.
Quant à St Augustin il est né en Algérie, a étudié en Tunisie et est revenu en Algérie comme évêque de Bône: double tare.
Ne le prenez pas de travers, ce n’est qu’un appel à un peu plus de tolérance.
—
Du MacPortable à l’Alubook, en quinze ans je suis devenu plus sage.
, le 07.12.2005 à 10:35
Coacoa: Tu as mal compris. Je suis FIER de la St-Nic, j’ai pas dit que j’adorais y aller… :-)
, le 07.12.2005 à 10:36
La tolérance Saluki ?
Y-a des maisons pour ça !
, le 07.12.2005 à 10:53
Merci 6ix, ah voir Fribour-don à la St Nik, et mourrir :-)
Question: pourquoi cette humeur n’est-t’elle pas parue le 06 décembre qui est le vrai jour de la st-Nik ?. Perso, toutes les années je m’en rappelle de cette date, puisque ma fille est née à la St-Nik, soit le 06 déc il y a 23 ans hier.
Pfuuu … Y’a JCP qui fait son blasé ;-)
C’est clair que comparé au traditionnel festival des chameaux de Pushkar (Rajhastan-Indes —> qui a lieu au mois de nov. une fois l’an) on se sent moins dépaysés à Fribourg(don) à la St-Nik
, le 07.12.2005 à 11:44
Tout d’abord merci pour ce site aussi éclectique, ensuite étant belge, cela me rappelle les soirs avant la Saint-Nicolas ou je mettais une assiette vide près de la cheminée et le lendemain elle était remplie de friandises, et aussi le soir avant le grand jour ou je ne parvenais pas à m’endormir me demandant si le grand Saint avait bien reçu ma commande pleine de fautes, le plus terrible étant qu’il les corrigeais avec des apréciations pas toujours gentilles( ma maman était prof de français).
Encore merci pour ce rappel à l’enfance.
P.S des fautes j’en fais encore je suis devenu fautographe!!!
, le 07.12.2005 à 13:02
A ce propos j’adore la chanson de Dutronc « la fille du père noël », surtout la version d’arno.
, le 08.12.2005 à 20:37
Les traditions, les bonnes celles qui ressurgissent du fond d’une bonne enfance, c’est le merveilleux à l’état pur. En Suisse vous les cultivez, un énorme bon point pour vous, en Belgique, on tente vaille que vaille de les conserver,surtout dans nos campagnes, soyons heureux et comme disait Mirou on pète de joie.
PS : Bravo pour la photo N&B