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Les Cor­beaux sur nos plaines

Je vou­drais au­jour­d'hui vous par­ler d'un livre qui m'a beau­coup tou­ché, et que je viens de ter­mi­ner.

Juste avant, pour pla­cer ce roman dans le contexte de cette hu­meur, j'ai­me­rais pré­ci­ser que j'ai en­tre­tenu un rap­port avec l'Al­le­magne pour le moins tendu dans ma tête, et cela jus­qu'à il y a quatre ans.

Né en 1959, je n'ai pour­tant pas vécu la guerre, et n'en ai per­son­nel­le­ment pas souf­fert. Donc je n'avais pas à avoir du res­sen­ti­ment en­vers la po­pu­la­tion al­le­mande, sauf que je m'étais pro­mis de ne ja­mais mettre les pieds dans ce pays, qui, tou­jours dans ma tête, avait été ca­pable de dé­cla­rer trois guerres mon­diales en une cen­taine d'an­nées.

Le pa­roxysme de ma non-to­lé­rance a été at­teint lorsque j'ai vu au ci­néma la liste de Schind­ler. Le film s'est ter­miné à 23 heures, à deux heures du matin, au lit, je pleu­rais en­core de rage, comme ja­mais je ne l'avais fait au­pa­ra­vant. Com­ment l'homme peut-il être aussi cruel, com­ment tant d'atro­ci­tés ont pu être faites sim­ple­ment parce qu'on en avait donné l'ordre?

Et puis, avec Ca­plan, nous sommes par­tis ré­ap­prendre l'al­le­mand à Ber­lin, pra­ti­que­ment sur l'ordre de notre école, il y a quelques an­nées. Et là, j'ai ren­con­tré dans cette ville gé­niale des gens ab­so­lu­ment ado­rables, to­lé­rants, à l'écoute, res­pec­tueux de l'autre, culti­vés et pas trop stres­sés. En quelque sorte, ça a été une gifle, dont je me sou­vien­drai si par ha­sard mes tripes es­saient en­core une fois de prendre le des­sus sur la rai­son.

Je re­tour­ne­rai en Al­le­magne, c'est cer­tain, et dé­sor­mais, je vois les choses au­tre­ment. Tant mieux.

Le roman dont je veux vous par­ler au­jour­d'hui, paru aux édi­tions Ber­nard Cam­piche, est signé Anne Cuneo, que vous lisez sou­vent en hu­meur sur notre site.

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Anne et son frère, qui est mon père, ont vécu la guerre en Ita­lie lors­qu'ils étaient pe­tits. Ils en ont souf­fert tous les deux, comme tant d'autres. Leur papa en est mort, et leur vie en a été pro­fon­dé­ment cham­bou­lée.

Fin de la mise en contexte.

Les Cor­beaux sur nos plaines, c'est l'his­toire d'Elena, 14 ans, qui le 18 juin 1944, voit ses pa­rents se faire as­sas­si­ner en re­pré­sailles par l'ar­mée al­le­mande alors en Ita­lie, qui se fait vio­ler par les sol­dats as­sas­sins, et fi­na­le­ment est lais­sée pour morte sur le che­min.

Elle est sau­vée par un groupe de ré­sis­tants, et reste dans une ferme iso­lée jus­qu'à la fin de la guerre, où elle s'oc­cu­pera entre autres de bles­sés de guerre.

C'est l'his­toire de Max, ou plu­tôt de Fré­dé­ric, of­fi­cier al­le­mand, qui a tué sous les ordres de ses su­pé­rieurs, qui y a cru, et qui sou­dain se re­belle, dé­serte et sauve des cen­taines d'in­no­cents.

Fré­dé­ric est blessé, et Elena doit s'oc­cu­per de lui pen­dant plu­sieurs jours, en res­tant le plus éloi­gné pos­sible de ce qui reste pour elle "l'en­nemi ab­solu", même si ses amis le voient comme un héros qui à lui seul, par ce qu'il re­pré­sente, ra­chète le com­por­te­ment d'une grande par­tie de la po­pu­la­tion al­le­mande.

C'est l'his­toire de leurs re­trou­vailles, en 1953, sur les bancs de l'uni­ver­sité de Lau­sanne.

C'est l'his­toire im­pos­sible de leur amour, qui a pour fon­de­ment le rè­gle­ment de leurs pro­blèmes per­son­nels. Elena qui n'a ja­mais ac­cepté son viol, qui l'a tou­jours éva­cué de sa tête, et Fré­dé­ric, qui vit rem­pli de culpa­bi­lité d'avoir été ce qu'il a été, ayant cru un temps que son com­por­te­ment hé­roïque al­lait l'ab­soudre de ce qu'il avait fait avant, alors qu'il n'en était rien.

L'his­toire est pas­sion­nante, elle montre une pe­tite chry­sa­lide de­ve­nir pa­pillon, enfin, et sor­tir de la pri­son qu'elle s'était créée pour mieux se pro­té­ger.

Elle nous pro­mène de Lau­sanne à Flo­rence, en pas­sant par la Lom­bar­die.

Comme le dit Anne dans sa post­face:

« Par ailleurs, Les cor­beaux sur nos plaines tombe peut-être à point pour com­mé­mo­rer à sa ma­nière l’Ar­mis­tice dont c’est le soixan­tième an­ni­ver­saire et la fin de la Deuxième Guerre mon­diale, le plus grand car­nage du XXe siècle. À sa mo­deste façon, il rap­pelle que, de Ver­dun à Ber­lin, de l’Al­gé­rie au Viet­nam, de l’ex-You­go­sla­vie à l’Irak, ceux qui vivent les guerres n’en sortent ja­mais in­demnes. Quels que soient leur na­tio­na­lité, leur si­tua­tion, leur âge, qu’ils ap­par­tiennent au camp des vain­queurs ou à celui des vain­cus, ils en portent à ja­mais les stig­mates. »

L'his­toire de ce livre en tant que tel est éga­le­ment in­croyable et se trouve être le centre de la post­face du livre, qu'on lit avec plai­sir comme une sorte de bonus DVD.

En fait, Les Cor­beaux sur nos plaines est le tout pre­mier livre d'Anne Cuneo, alors qu'on croyait qu'il s'agis­sait de Gravé au dia­mant son pre­mier grand suc­cès. Ce pre­mier livre ou­blié, qu'elle avait cher­ché à faire pu­blier à Paris, au mi­lieu des an­nées soixante.

Ce pre­mier livre un peu mal­adroit au dé­part, qui lui avait per­mis d'en­trer en contact per­ma­nent avec Si­mone de Beau­voir.

Et puis, mal­gré une ten­ta­tive de ré­écri­ture par­tielle un peu plus tard (qui avait plu­tôt dé­té­rioré l'his­toire), Les Cor­beaux sur nos plaines est resté perdu dans les méandres sans doute d'un dé­mé­na­ge­ment.

Et pour­tant... Il y a quelques mois, Anne est tom­bée un peu par ha­sard sur l'ori­gi­nal du roman, tiré sur un sten­cil vio­let pâli par les an­nées.

Pour l'anec­dote, Anne Cuneo a bien es­sayé de le scan­ner pour le faire lire par un pro­gramme d'OCR, mais la qua­lité du ti­rage était bien trop mau­vaise.

Elle l'a donc re­co­pié (avec Nisus, sur son mac), et s'est lan­cée dans une opé­ra­tion de res­tau­ra­tion du texte en cou­pant les lon­gueurs, cor­ri­geant les ita­lia­nismes, re­ti­rant les ju­ge­ments de va­leur qu'elle ne pou­vait s'em­pê­cher de faire à l'époque), et dans la ré­écri­ture de la fin du livre.

Anne m'a dit l'autre jour, quand je lui di­sais à quel point ce livre m'avait tou­ché, qu'elle elle était convain­cue que les gens qui n'avaient pas vécu la 2e guerre mon­diale n'y trou­vraient aucun in­té­rêt. Or il se trouve que non seule­ment les gens dans la qua­ran­taine sont tou­chés, mais les jeunes, entre vingt et qua­rante ans le sont aussi, im­men­sé­ment plus qu'elle ne pou­vait l'ima­gi­ner.

Voilà. Pour moi, ce livre est im­por­tant. C'est tout.

Si je peux faire une pe­tite re­marque off line à mes proches: s'il vous plaît, n'ache­tez pas ce livre, ce sera mon ca­deau de Noël 2005.

ANNE CUNEO
LES COR­BEAUX SUR NOS PLAINES

Un récit
200 pages.
ISBN 2-88241-159-6, EAN 9782882411594

Dif­fu­sion en France dès le 15 no­vembre 2005

 

21 com­men­taires
1)
Franck_­Pas­tor
, le 17.11.2005 à 06:50

Il y a une dif­fu­sion en Bel­gique de pré­vue ? je viens de me ba­la­der sur le site de l’édi­teur, ça n’est pas men­tionné :-(

Mais on peut peut-être com­man­der par In­ter­net…

2)
Ma­thieu Bes­son
, le 17.11.2005 à 07:14

En pas­sant chez Payot l’autre jour, j’ai dû in­ter­dire à ma douce moi­tié de l’ache­ter. J’ai bien fait, on l’au­rait eu à double dans un mois…

On se ré­jouit de ne l’avoir pas lu, et de le re­ce­voir bien­tôt.

:-)

Ma­thieu + Gene

3)
Jilam
, le 17.11.2005 à 07:34

Fran­çois, bien que je l’ai lu, je n’ai pas vu « La Liste de Schind­ler » par crainte d’un trai­te­ment trop « hol­ly­woo­dien » de l’his­toire : peux-tu me dire ce qu’il en est?
Je sais bien que j’exa­gère avec mon « hol­ly­woo­dien », mais vu la façon de tour­ner de Ste­ven Spiel­berg, je m’at­tend au pire… [c’est un réa­li­sa­teur que je n’ap­pré­cie pas trop à cause de sa façon de plom­ber une bonne his­toire pour en faire du « tout pu­blic »]

Sinon, dans la ca­té­go­rie des films qui coupent le souffle et font ré­flé­chir, je te conseille « Amen » de Costa-Gra­vas (rap­ports entre Chré­tiens/Juifs, Église/ré­gime Nazi; états de conscience de di­vers im­pli­qués…) et « Le Pia­niste » de Roman Po­lanski (ce­lui-ci est pire avec cer­taines scènes ab­so­lu­ment in­sou­te­nables dans le sens où elles montrent assez « fron­ta­le­ment » des atro­ci­tés, mais sur­tout parce que l’on sait que cela s’est réel­le­ment pro­duit : un film très dur).

Nous ve­nons de nous pro­je­ter à nou­veau « Amen » et il ne perd pas son in­té­rêt, même quand on connaît l’his­toire (et la fin); au contraire, ayant plus de recul par rap­port à la nar­ra­tion, on ap­pré­cie d’au­tant plus la mise en scène et l’in­tel­li­gence des dia­logues (et de la ré­flexion).
« Le Pia­niste » est pro­grammé pour notre pro­chaine séance. Mais là il faut être prêt, c’est comme « So­nate d’Au­tomne » de Berg­man : mieux vaut ne pas être dé­pres­sif avant de lan­cer la lec­ture, car à la fin du film, cela peut être dan­ge­reux! (-;

/Jlm qui se­rait bien in­té­ressé par le livre d’Anne Cuneo.

4)
Blues
, le 17.11.2005 à 08:15

j’ai­me­rais pré­ci­ser que j’ai en­tre­tenu un rap­port avec l’Al­le­magne pour le moins tendu dans ma tête, et cela jus­qu’à il y a quatre ans……..
Né en 1959, je n’ai pour­tant pas vécu la guerre, et n’en ai per­son­nel­le­ment pas souf­fert. Donc je n’avais pas à avoir du res­sen­ti­ment en­vers la po­pu­la­tion al­le­mande…….
Anne et son frère, qui est mon père, ont vécu la guerre en Ita­lie lors­qu’ils étaient pe­tits. Ils en ont souf­fert tous les deux, comme tant d’autres. Leur papa en est mort, et leur vie en a été pro­fon­dé­ment cham­bou­lée…….

Ben tiens … pour moi c’est un peu pa­reil….

Ma mère (Grecque) et quelques autres membres de sa (ma) fa­mille (en Grèce) ont été em­pri­son­nés comme « com­mu­nistes » (ils ont subi di­vers sé­vices, voir tor­tures) pen­dant l’oc­cu­pa­tion al­le­mande en 43-44 …. j’ai donc « aussi » été à bonne école pour en­tre­te­nir un rap­port tendu avec ce peuple … Par contre, chez moi, cela a de la peine à pas­ser (une im­pre­gna­tion pro­fonde) ;-) Ce qui n’em­pêche pas, que j’ai été plu­sieurs fois danc « le » pays, et que mon meilleur pote est est ori­gi­naire de « là-bas » ! … NB: je sais bien au fond de moi-même que le pour­cen­tage de « fadas » et de « gens bien » est iden­tique pour toutes les na­tio­na­li­tés-races.
——-
Je n’ai pas en en­core lu « Les Cor­beaux sur nos plaines », mais cela ne sau­rait tar­der… Grand merci de nous l’avoir ré­sumé !

5)
Jilam
, le 17.11.2005 à 08:24

[…] que le pour­cen­tage de « fadas » et de « gens bien » est iden­tique chez toutes les na­tio­na­li­tés-races.

Bien que je sois d’ac­cord avec toi dans le fond, l’uti­li­sa­tion du terme « race » me choque : il n’est pas ques­tion ici de chien ou de che­val mais bien d’êtres hu­mains!
Et je crois en l’éga­lité des Hommes…

/Jlm.

6)
Blues
, le 17.11.2005 à 08:29

on va pas « chi­pot­ter ;-)
on dit bien de race « blanche », « noire » , etc… au­rais-je dû dire « de cou­leur » ?

7)
Jilam
, le 17.11.2005 à 08:33

De « race » à « ra­cisme » il n’y a qu’un pas, c’est la même « ra­cine »… (-;

/Jlm.

8)
Jilam
, le 17.11.2005 à 08:36

Un lien in­té­res­sant : le terme « race » sur le site de l’ ATILF (Les Tré­sors de la Langue Fran­çaise).

C’est d’ailleurs un site à conser­ver dans vos si­gnets!

/Jlm.

9)
To­TheEnd
, le 17.11.2005 à 09:26

Per­son­nel­le­ment, j’ai aussi trouvé le film Schind­ler’s List très tou­chant même si l’his­toire n’est qu’ins­pi­rée de la vrai vie de ce gars.

Perso, j’adore Spiel­berg! Les films AI et d’autres sont ex­cel­lents.

Pour le livre, et bien bravo pour cette édi­tion tar­dive! Que le suc­cès vienne ré­com­pen­ser ce long « ac­cou­che­ment ».

T

10)
Le Cor­beau
, le 17.11.2005 à 09:39

Je pro­teste avec la der­nière éner­gie sur l’uti­li­sa­tion de mon nom dans le titre :
1) c’est de la pu­bli­cité men­son­gère, il n’y a vi­si­ble­ment rien sur moi là de­dans
2) cela donne une mau­vaise image de ma per­sonne,
3) je n’ai même pas été pris comme consul­tant.

11)
cou­clown
, le 17.11.2005 à 09:57

1) je n’avais ja­mais com­pris pour­quoi mes pa­rents avaient choi­sis de me na­tu­ra­li­ser Suisse alors que je n’étais âgé que de 3 mois (né Al­le­mand en Suisse, mais à l’époque on pre­nait la na­tio­na­lité du père). 30 ans plus tard, je com­prends, mais le coup ne vient pas de là ou je pen­sais qu’il vien­drait.

2) j’ai tou­jours ap­pré­cié que de toutes les atro­ci­tés com­mises pen­dant la guerre, celles de al­liés soient ra­re­ment mises en avant; comme les 400’000 ci­vils tués par les bom­bar­de­ments dans les villes al­le­mandes, dont la ma­jo­rité l’ont été dé­li­bé­ré­ment du­rant quelques nuits du début 1945.

3) j’ap­pré­cie en­core plus le main­tient grâce aux cé­ré­mo­nies de com­mé­mo­ra­tion d’un sen­ti­ment de culpa­bi­lité sur le peuple Al­le­mand, plus de 60 ans plus tard (heu­reu­se­ment, ça com­mence à chan­ger et les cé­ré­mo­nies se trans­forment en cé­ré­mo­nie de sou­ve­nirs pour les morts quel que soit leur pays)

Sans ou­blier ce qui s’est passé afin que ça ne se re­pro­duise plus (en tout cas en Eu­rope, parce que dans le reste du monde, c’est pas gagné), il est temps de pas­ser à autre chose et de ne plus jeter de l’huile sur le feu avec des in­tro­duc­tions pa­reilles!

Sa­lu­ta­tions

12)
6ix
, le 17.11.2005 à 10:21

Je suis beau­coup trop jeune pour avoir vécu la guerre et ses consé­quences di­rectes.

Cela dit, les mu­sées et sites « de guerre » que j’ai vi­si­tés cet été du­rant des va­cances en Nor­man­die ne m’ont pas laissé de plomb. Pro­fi­tez d’al­ler voir le musée à Caen, pour ceux que cela in­té­resse, c’est vrai­ment très bien, et très tou­chant. Cela concerne es­sen­tiel­le­ment le dé­bar­que­ment, bien en­tendu, dans cette ré­gion, mais ce musée est très com­plet, il est fa­cile d’y pas­ser plu­sieurs heures, avec des films… sans mot, dois-je dire, il faut juste les voir.

Un livre in­té­res­sant éga­le­men que je suis en train de lire, spé­ci­fi­que­ment sur le dé­bar­que­ment, est « Ils ar­rivent » (nom tra­duit de l’al­le­mand), le dé­bar­que­ment vécu du côté al­le­mand. Une autre ma­nière de voir cette guerre, et un super livre je trouve.

13)
Sa­luki
, le 17.11.2005 à 10:30

Beau­coup d’entre nous, lec­teurs/contri­bu­teurs de cuk sont issus de fa­milles aux par­cours com­plexes…et mi­gra­toires, sans doute une ex­pli­ca­tion de la gé­né­ro­sité qui ir­rigue ces pages au quo­ti­dien. Et des cha­maille­ries qui peuvent naître ici ou là et s’apai­ser comme elles ont surgi.
Pour ma part, le jour de leur ma­riage, mes pa­rents ont fui la Sar­daigne en­fas­ci­sée quand une moi­tié de la fa­mille, pos­sé­dante, a été pro­pre­ment es­tour­bie par l’autre moi­tié qui gui­gnait les terres, mais ar­bo­rait une si­nistre (et pour­tant «si­nistre» si­gni­fie bien «gauche») che­mise noire… Ils n’y ont ja­mais remis les pieds et je ne les ai qua­si­ment ja­mais en­tendu par­ler ita­lien ou sarde. Qui plus est, mon père a été re­quis pour le STO en Al­le­magne quelques se­maines avant ma nais­sance.
C’est dire que notre condi­tion au­rait pu dis­til­ler une bonne vieille haine res­sas­sée.

Cela ne m’a dé­tourné ni de l’Al­le­magne ni de l’Ita­lie et j’y ai tra­vaillé et ai ap­pris à aimer les plaines et les mon­tagnes, les côtes et les îles, et les gens qui y vivent. C’est un peu grâce à «ça» que je me sens ET fran­çais ET pro­fon­dé­ment eu­ro­péen. C’est aussi, mais c’est une autre his­toire, une des bonnes rai­sons qui m’ont fait voter non il y a quelques mois.

J’ai donc de la lec­ture, Merci Anne, comme j’ai lu, sur les conseils de Jean-An­dré le der­nier Na­tio­nal Geo­gra­phic « où l’on cause » aussi des Sardes.


Du Mac­Por­table à l’Alu­book, en quinze ans je suis de­venu plus sage.

14)
Fran­çois Cuneo
, le 17.11.2005 à 10:37

Sans ou­blier ce qui s’est passé afin que ça ne se re­pro­duise plus (en tout cas en Eu­rope, parce que dans le reste du monde, c’est pas gagné), il est temps de pas­ser à autre chose et de ne plus jeter de l’huile sur le feu avec des in­tro­duc­tions pa­reilles!

Relis, en met­tant moins d’émo­tion. Tu ver­ras qu’il n’y a aucun « coup », comme tu dis. Bien au contraire…

15)
In­connu
, le 17.11.2005 à 12:18

Bravo Anne, et Fran­çois

Une his­toire d’amour entre deux êtres issus de deux pays en guerre, ce doit être une des pires souf­frances.
Cela fait sû­re­ment mieux prendre conscience de l’ab­sur­dité des guerres.

Ce ne sont pas les peuples qui se haïssent et dé­cident de se faire la guerre. Ce sont quelques per­son­nages pour quelques in­té­rêts éco­no­miques.
Il pa­rait que la guerre de 14-18 a été dé­cidé par moins de 70 per­sonnes.

« La guerre c’est le mas­sacre de mil­lions de gens qui ne se connaissent pas, au pro­fit de quelques per­sonnes qui elles se connaissent, mais ne se mas­sacrent pas…  » (Paul Va­lery)

Et dire que les mêmes souf­frances, atro­ci­tés, amours as­sas­si­nés existent en­core en ce mo­ment, quelque part dans le monde.

Il m’ar­rive de pleu­rer la nuit en re­gar­dant les infos

16)
To­TheEnd
, le 17.11.2005 à 13:29

cou­clown: tout le monde sait que les chiffres ça me connait (ou que je n’y com­prends rien, ça dé­pend).

Je ne pense pas que re­mettre en pers­pec­tive les pertes ci­viles al­le­mandes donne de la cré­di­bi­lité à « c’est pas seule­ment eux les mé­chants ».

Comme le dit Fran­çois, c’est quand même les al­le­mands qui ont com­mencé. De là à dire qu’ils n’ont eu que ce qu’ils mé­ri­taient; il n’y a qu’un pas que je ne fran­chi­rai pas.

Une guerre est, en gé­né­ral, bonne pour aucun des bel­li­gé­rants. Je ne parle pas des as­pects éco­no­miques ou autres, mais pour les êtres hu­mains qui y par­ti­cipent et y pé­ris­sent.

Je pense que re­mettre en pers­pec­tive ces élé­ments dans une in­tro­duc­tion ne s’ap­pa­rente pas à mettre de l’huile sur le feu. Cette ac­tion aide à exor­ci­ser une culpa­bi­lité qu’on res­sent à l’égard d’un peuple qui au­jour­d’hui n’a plus rien à voir avec celui de l’époque.

Enfin, re­gar­der la vé­rité en face et par­ler de son passé (pour une na­tion ou un être hu­main) en re­con­nais­sant ses er­reurs, c’est tout sim­ple­ment gran­dir et, avec un peu d’es­poir, le meilleur moyen de ne pas ré­pé­ter la même er­reur.

C’était mes 2 balles du jeudi.

T

17)
Ca­plan
, le 17.11.2005 à 17:24

Merci Fran­çois pour cette hu­meur ins­truc­tive!

Il se trouve que, bien avant d’al­ler en go­guette à Ber­lin avec Fran­çois (ein Chef­sa­lat und ein gross Glas Weiss­wein, bitte Fraülein!), je suis allé maintes fois (et j’y vais tou­jours) trou­ver une grand-tante à Stutt­gart.

Mon ar­rière-grand-père était un in­dus­triel suisse ex­pa­trié en Al­le­magne, à Pforz­heim. Il y avait épousé une Al­le­mande. Ma grand-mère y a été édu­quée jus­qu’à son ma­riage et son re­tour en Suisse.
Après avoir pra­ti­que­ment tout perdu dans les an­nées 30, l’ar­rière-grand-père dé­cida de re­ve­nir en Suisse en 1943, aban­don­nant tout ce qui lui res­tait. Bien lui en prit: le 23 fé­vrier 1945, les for­te­resses vo­lantes an­glaises bom­bar­dèrent la ville et le taux de des­truc­tion fut égal à celui de Dresde. Il ne resta pra­ti­que­ment plus un mur de­bout et 20’000 per­sonnes mou­rurent en 20 mi­nutes.

Je suis et je reste en ad­mi­ra­tion sans bornes pour tous ces al­liés qui sont venus se faire tirer comme des la­pins sur les plages de Nor­man­die pour li­bé­rer l’Eu­rope. Des gens comme Chur­chill et Ei­sen­ho­wer ont eu un com­por­te­ment exem­plaire. De même, l’en­semble de ma fa­mille a vécu avec un im­mense sou­la­ge­ment la fin de la folie nazie.

Mais il y a une chose qu’ils n’ont ja­mais pu ad­mettre: le bom­bar­de­ment de Pforz­heim. Lorsque j’en parle avec ma grand-tante, je sens bien qu’elle n’a tou­jours pas ac­cepté qu’un grand nombre de ses amies d’en­fance ont dis­paru dans un bom­bar­de­ment « pour l’exemple ». Elle re­parle tou­jours de cet épi­sode en di­sant que les Al­liés étaient par­fois aussi des lâches.

Per­son­nel­le­ment, je ne sais pas trop quoi pen­ser. Il fau­drait connaître les rai­sons pro­fondes d’un tel mas­sacre. La rai­son of­fi­cielle est qu’il s’y trou­vait une fa­brique de dé­to­na­teurs de bombes.

Lors­qu’on se penche sur de tels faits, tout comme ceux re­la­tés dans le livre d’Anne, on est vite confron­tés à l’âme hu­maine et ses des­seins tor­dus. Je suis vrai­ment im­pa­tient de lire cette his­toire…

18)
VRic
, le 17.11.2005 à 17:26

l’uti­li­sa­tion du terme « race » me choque : il n’est pas ques­tion ici de chien ou de che­val mais bien d’êtres hu­mains!

En termes de taxo­no­mie bio­lo­gique, l’em­ploi n’a plus de fon­de­ment concer­nant les ho­mi­ni­dés de­puis la mort du der­nier néan­der­tha­lien (une race se dif­fé­rence par des gènes ex­clu­sifs; les races in­ter­fé­condes forment une es­pèce; les hu­mains ac­tuels ne dif­fèrent que par le degré d’ex­pres­sion de gènes com­muns).

Donc seuls ra­cistes et cons igno­rants (les mêmes en gé­né­ral) y voient des no­tions bio­lo­giques.

Mais quand bien même ce se­rait le cas, le ba­bouin qui mal­traite un panda est un aussi gros con que quand il mal­traite un autre ba­bouin (je vous laisse ré­flé­chir à la ques­tion de la pré­da­tion ali­men­taire).

Le pro­blème n’est pas que les connards trouvent ou pas des coïn­ci­dences entre le lan­gage et la science, le pro­blème est qu’ils dé­cident de chier dans le bol de leur voi­sin, quelle que soit leur ra­tio­na­li­sa­tion de la chose.

Pour les autres c’est un mot nor­mal doté de nom­breuses ac­cep­tions, au plus sy­no­nyme im­propre d’eth­nie et d’une façon gé­né­rale fi­gu­ra­tif (dans la race des ex­ploi­teurs seuls les mêmes cré­tins voient du na­tu­ra­lisme à la place de la cri­tique so­ciale).

19)
Guillôme
, le 17.11.2005 à 22:25

A Anne qui s’in­ter­roge sur l’in­té­rêt de lec­teurs qui n’ont pas connu cette pé­riode, je dirai qu’ils en existent! Moi, par exemple, connaître ce pas­sage sombre de l’his­toire à tra­vers le vécu de per­sonnes… est es­sen­tiel. Ces té­moi­gnages sur une pé­riode sombre in­dis­pen­sable.

Fran­çois, je te conseille de lire, si tu ne l’as pas déjà fait « Etre sans des­tin » de Imre Ker­tész. Un chef d’oeuvre que j’in­vite tout le monde à lire.
D’au­tant que le trai­te­ment dif­fére de tout ce que l’on peut lire, que c’est au­to­bio­gra­phique et que sur­tout, l’au­teur re­garde « la vé­rité en face » comme dit plus haut!

Je ne re­siste pas à vous citer un pas­sage qui est d’ailleurs l’ob­jet du dos de cou­ver­ture et qui, à lui tout seul, ré­sume tout :

« Et mal­gré la ré­flexion, la rai­son, le dis­cer­ne­ment, le bon sens, je ne pou­vais pas mé­con­naître la voix d’une es­pèce de désir sourd, qui s’était fau­fi­lée en moi, comme hon­teuse d’être si in­sen­sée, et pour­tant de plus en plus obs­ti­née : je vou­drais vivre en­core un peu dans ce beau camp de concen­tra­tion. »

20)
Old Mac River
, le 18.11.2005 à 04:27

L’homme est à la fois un genre, homo, une es­pèce, homo sa­piens, et une race, homo sa­piens sa­piens.
Il ne peut y avoir plu­sieurs races hu­maines à cause du dé­ve­lop­pe­ment cé­ré­bral; la sé­lec­tion « ra­ciale », au lieu de faire des « sur­hommes », fait des cré­tins (au sens bio­lo­gique).
Les dif­fé­rentes cou­leurs de peau, formes de tête et du nez, tailles, mor­pho­lo­gies (lon­gueurs des jambes, etc.) sont dues au condi­tion géo­gra­phiques et cli­ma­tiques. Ainsi les Al­sa­ciens blancs et blonds qui se sont ins­tal­lés en Al­gé­rie en 1871 sont de­ve­nus en quelques gé­né­ra­tions des « pieds-noirs » bruns de peau et de che­veux.
Si ces dif­fé­rences consti­tuent des races, alors les hommes et les femmes sont des es­pèces dif­fé­rentes !
Fran­çois:
à pro­pos d’Al­gé­rie, je l’ai faite (la guerre) et je peux te dire que don­ner une arme à un pecus moyen, c’est lui don­ner les moyens de se dé­fou­ler de ses peurs, de sa sou­mis­sion or­di­naire, de sa mé­dio­crité. N’ou­blie pas que la ma­jo­rité des Eu­ro­péens et des Amé­ri­cains sont in­cultes, xé­no­phobes, etc. …et ca­pables aussi d’une gé­né­ro­sité in­fi­nie.
J’es­père que pour notre Ju­liette à tous ces hor­reurs se­ront du passé. Elle aura assez à faire avec le cli­mat, l’eau, les virus, etc.
À chaque gé­né­ra­tion sa guerre… Peut-être que dans un siècle ou deux le genre homo pas­sera de l’ho­mi­ni­sa­tion à l’hu­ma­ni­sa­tion…
Je l’em­brasse.

Old Mac River
et son rare P.B. bibop

21)
gg90
, le 18.11.2005 à 18:20

Bon­jour,

Merci de nous avoir fait dé­cou­vrir cet ou­vrage dont le ré­sumé que tu as fait nous donne envie de l’ac­qué­rir.

Double merci, car je ne sais pas si ce livre eut été connu, s’il ne passe pas dans les mé­dias ou émis­sions lit­té­raires qui en France sont le sé­same du suc­cès.

En effet le fait de pas­ser ou non dans une émis­sion fait que les ventes sont mar­gi­nales ou bien “éclatent”…, j’étais l’autre jour chez un li­braire en train de re­gar­der ses rayons et j’ai en­tendu 3 clients en 1/2 heure venir de­man­der le der­nier livre de ….., passé hier chez G.​Durand …, les per­sonnes ne connais­saient même pas l’au­teur …ni l’édi­teur … mais on en avait parlé chez G Du­rand le veille au soir …

Bien sur pour les heu­reux au­teurs qui y sont c’est presque le suc­cès mais pour les autres dont les édi­teurs ne sont pas for­cé­ment en grâce à la TV , il faut vrai­ment ou du temps ou de la chance … Le ta­lent bien sur étant sup­posé être là…
J’es­père sur­tout (mais je suis sû­re­ment naïf) qu’il n’y a pas trop de “re­la­tion­nel” entre les édi­teurs et les dé­ci­deurs de la TV qui choi­sissent ou non tel ou­vrage, je dis bien les dé­ci­deurs car je peine à croire que G.​Durand puisse lire l’in­té­gra­lité de ce qui est pré­senté plus bien sur tout ce qui est éli­miné

Le monde du Livre res­semble de plus en plus a celui de la chan­son, ce sont les ani­ma­teurs qui font mon­ter (ou des­cendre) le suc­cès, si en plus l’au­teur as­sure une bonne pres­ta­tion TV, quelques pe­tites phrases bien ci­blées et qu’il est mé­dia­ti­que­ment cor­rect, c’est la to­tale …

Je vou­drais bien sa­voir si Zola, B Vian ou Sartre eussent été reçus dans une telle émis­sion à leur 1er ou­vrage bien sur ….

Allez, assez de per­si­flages, bonne jour­née et je vais ache­ter les Cor­beaux …..

gg90

gg90