Préambule:
François, a par erreur publié O....r avant qu'il ne soit terminé ;•)) ; et c'est bien ainsi.
Une définition d'ultra trail est:
Une course longue distance en pleine nature, réalisée en plusieurs étapes ou en complète autonomie ou bien avec une difficulté d'orientation: parcours non balisé.
Durant quarante années, ça a été le quotidien dans
- notre discipline médicale proprement dite, la néphrologie, où tout était à construire
- nos tentatives de gestion de cette discipline et des patients dont nous avions la charge
O....r et moi…:
… Et puis, et puis, il y a eu notre intérêt médical commun qui va finir naturellement par s'aider de l'informatique.
O....r, avait vu, avant moi, que la prise en charge des patients, pour lourd que soit le quotidien, ne serait sans doute qu'une infime partie de ce qui nous attendait - on ne le savait pas encore réellement - dans la gestion des dossiers, dans la surveillance, dans la conception même du dossier des ces patients hyperlourds.
Je n'avais jamais vraiment réfléchi, au contenu du dit dossier. Ma vision consistait à reproduire le sacro-saint dossier papier que l'hôpital utilisait … ce que font encore maintenant 45 ans après certains sites !! lamentable !!
Cette vision ne faisait que reproduire ce que « tout le monde » - en clair, les autres rares services identiques au nôtre, faisaient à cette époque.
On était devant 2 problèmes à résoudre:
- créer ce dossier, très spécifique, ce qui, déjà, n'était pas une mince affaire
- mettre en place les moyens de le gérer
Et cette aventure, a commencé en 1977 quand je vois arriver O....r dans le service avec une calculatrice programmable Hewlett-Packard HP 67. « J'ai pas mal de calculs statistiques dans ma thèse. On peut mémoriser les données sur des cartes magnétiques et "elle" fait les calculs ».
Les cartes magnétiques
Elle sera successivement remplacée par une HP 97
Calculatrice HP 97
puis nous nous équiperons, en 1979, chacun d'une « maraviglioso » HP 41C/CV que nous relierons - chacun son tour, d'abord, hein - à l'imprimante HP 82143; puis, nous pourrons nous relier ensemble à l'imprimante par le biais de la boucle HP-IL. Nous emprunterons pour une présentation lors d'un congrès une mémoire de masse sous forme d'un lecteur de cassettes HP 82161A
Petit à petit, nous progressons dans la constitution théorique du dossier. Mais, longtemps, ça va rester très théorique: on essayait simplement de mettre en pratique nos idées traduites en dossier papier: on ne faisait que mettre en mémoire, et rien d'autre. Retrouver une information précise consommait un temps infini. Quant à la gestion des prescriptions, des rendez vous, des courriers aux collègues, du référencement … rien.
L'image qui me vient en relation avec cette ère, était celle de 2 personnes flottant au milieu d'un océan calme, remorquant à la nage un énorme container, à la recherche d'un îlot où accoster.
Le temps passe, on s'accommode de l'insuffisance de nos moyens.
De manière extrêmement naïve, sans avoir compris que les moyens logiciels sont très nettement insuffisants, nous achetons …
et en voici la facture !!
O....r se lance avec un ami dans la conception d'une base de données, en utilisant le Pascal pour vite déchanter: une compilation durait 48 heures !! Les disquettes 5" !!! Il se tient au courant de l'évolution des matériels et des logiciels. 40 ans après, je m'interroge encore quant à ses heures de sommeil, et ce d'autant qu'il est un « siesteur invétéré ». Un jour, il me montre une pub dans l'Ordinateur Individuel où figure quelque chose de très voisin de …
Un disque dur de Franklin Computer Corporation de 15 Mo et 15 kg !!
Un disque dur qui va très vite se révéler être un … four: non seulement il chauffait incroyablement, mais l'alimentation grillait. Après 2 échanges, hélas pour nous, la société coule. Je suis assez énervé par cette perte sèche de 7500 FF alors qu'O....r reste de marbre (jamais de colère chez cet homme !!).
Début 1982, nous feuilletons ensemble le dernier numéro de l'Ordinateur Individuel. Une pub nous interpelle: ça marche sur notre Apple ][.
L'outil de base de notre "ultra trail"
Dès lors, pendant une vingtaine d'années, nous allons travailler comme des fous, côte à côte assis à notre bureau, pendant des heures (et quelques nuits), d'abord pour accorder nos idées, marier nos concepts et enfin programmer selon nos souhaits. Et ce, sans oublier de soigner, de communiquer, d'être proche de la Dream Team.
Très rapidement, sort un module « bons de transports » qui soulage grandement notre assistante qui devait chaque semaine remplir 150 bons de transport pour les patients, où figurent l'identité du patient, les données de sécurité sociale et l'affiliation, le mode de transport r-é-p-é-t-é-s-à-l-'-i-n-f-i-n-i… Bref, elle gagne une demi-journée.
On se dit que si on a une base de données plus complète de nos patients… c'est un bon début.
Parce que quand un appel de l'administration à 21h (si, si, c'est arrivé) demande les coordonnées de la caisse d'affiliation, les fiches papier, dans le tiroir de la secrétaire, fermé à clef …
Le second module que nous allons créer, est le journal de bord: chaque jour, chaque événement concernant chaque patient est consigné manuscritement dans un cahier. O…………r me dit: « si on met dans la base de données ces événements, ça nous donne un suivi, que l'on peut classer et trier comme on veut: chronologiquement, par organe !! ». En une semaine le module est prêt, fonctionne. Même qu'on imprime l'observation de chaque patient !! 2 modules en un !!
Arrivés à ce stade, Omnis nous bloque: il n'y a aucune programmation par des procédures, l'hypertexte n'a pas encore été implémenté dans Omnis, non plus que les menus déroulants. Malgré ça, nous progressons encore un peu en sortant un module de stockage des résultats biologiques (et dieu sait si nous en consommons des tonnes !!). Mais, il a 2 défauts:
- il faut tout saisir manuellement: très lourd, et les laboratoires ont beaucoup tardé à s'informatiser.
- il n'y a pas de procédure de vérification des erreurs de saisie
Nous restons bloqués 18 mois, jusqu'à ce qu'arrivent coup sur coup sur le marché
Tiens, un Mac !!
et
Omnis 3 plus, encore livré avec des disquettes
Jusque là, nous pratiquions en amateur qu'un petit jogging. Nous mettons un disque dur de 40 Mo sous le Mac et notre entrainement à la pratique de l'ultra-trail devient journalier. Nous n'allons jamais arrêter, en dehors des échanges purement médicaux, à échanger nos conceptions, les modifier et les enrichir et ce pendant 20 années.
Très rapidement, nous installons un réseau avec un serveur, 3 postes de saisie, dans un premier temps sous Appletalk, puis sous Ethernet.
Dès l'achat du disque dur 40 Mo, O....r me dit: « il nous faut une sauvegarde de nos données ». Nous achetons un streamer à cassettes.
streamer à cassette de type K7 audio
Le logiciel de sauvegarde était Retrospect.
Durant toutes ces années, nous avons survécu sans perte aucune donnée, à 2 crashes de serveur, et aussi au vol complet de notre installation en 1992. Le temps d'aller racheter un Mac, et un streamer, nous étions de nouveau prêt. Merci à Retrospect.
À ce stade, et nous ne nous en étions absolument pas inquiétés, sur le marché, aucun programme tendant à gérer la globalité du patient, stockant des données, certes, mais en donnant aux utilisateurs la possibilité d'accéder à un système d'information n'existait. En clair, aussi étonnant que ça ait pu paraître, il n'y a avait, nulle part, aucune tentative de gestion de ces patients avec un système d'information. Nous pratiquions l'aspect course d'orientation de l'ultra-trail où selon toute apparence, "nos concurrents" n'étaient pas légion.
Il existait un système de collection de données des patients d'une dizaine de centres, sur des cahiers manuscrits, qu'il fallait poster au centre qui les collectait, mais… il n'y a eu, à ma connaissance aucune publication de résultat transmis à la communauté. Ce système avait été initié par un grand service parisien, mais pas celui qui était considéré comme La Mecque de la Néphrologie: Necker. La guerre de clochers, qui a fait rage des années, commencait… ou continuait, peu importe.
Un matin, je réponds au téléphone: « cher collègue, je suis le Pr Xyz à Necker. J'ai appris que vous gérez avec un système informatique les dossiers de vos patients. Voulez-vous venir me voir ? » Et j'entends O.....r chuchoter hilare: « Il n'a qu'à venir !! ».
Nous prenons rendez-vous avec il Signor Dottore Professore. Dans la voiture, O....r me dit: « tu es d'accord, on ne lâche rien de nos concepts et idées; on lui fait simplement part des outils utilisés ». Ça tombait bien, j'avais la même idée.
Nous sommes reçus dans l'antre du Grand Prêtre. Il est accompagné d'un de mes anciens patrons, et d'un jeune collègue, un polytechnicien réorienté vers la médecine: le Dr X ;•)).
Le Grand Prêtre ne possédait aucune des réflexions nécessaires, et donc ne posa aucune bonne question, en particulier quant à la structure de la réflexion à entamer. 35 ans après, je continue de penser que mon ancien patron et le Dr X avaient, eux, compris que le livre de cette réflexion avait plusieurs centimètres d'épaisseur, voire plusieurs tomes, mais le Grand Prêtre… certainement pas.
Nous nous quittons. Dans l'escalier, nous sommes rattrapés par le Dr X qui nous dit spontanément: « je lui avais dit qu'il fallait réfléchir avant qu'on vous rencontre, et puis je comprends très bien que vous ne souhaitez rien lâcher ».
Il y eu tout de même, une tentative - elle s'est auto-détruite par explosion en plein vol, lors d'une présentation à un congrès réunissant une très grosse partie de la profession -, réalisée par des collègues, sans réflexion suffisamment approfondie, sans moyens financiers suffisants, et surtout tournant sur un mini-ordinateur DEC PDP-11 … inaccessible au commun des mortels !!
Nous continuons nos réflexions, et leurs programmations. Omnis 5 sort en 1989. Nous avions délaissé Omnis Quartz sorti 2 ans plutôt. Il ne fonctionnait que sur PC Windows.
Omnis 5
Puis arrive Omnis 7 qui possède entre autres
- une interface avec les bases Oracle, Sybase ou Informix
- permet d'utiliser indifféremment quasiment n'importe quel ordinateur sur la même base de données, utilisant strictement les mêmes procédures
- une interface système sous la forme d'une fenêtre Shell
- le stockage des données sur les disques durs est sérieusement optimisé rendant les temps d'accès quasi immédiats. (et ceci est aussi dû à la structure très affinée des index de nos données)
- les limites de taille des segments de données ont disparu, les rubriques peuvent être de longueur différente, allant jusqu'à 32000 caractères pour une chaine alpha-numérique
- des champs images sont présents
Omnis 7.3 dernière évolution avant Omnis Studio
Jusqu'en 2005, nous continuerons à échanger incessamment nos concepts, discuterons de leur gestion le plus adéquatement et continuons à programmer. Et puis, on finit par en voir le bout.
Nous gérons tous les aspects du dossier médicaux d'un patient
- observation
- examens de surveillance
- suivi spécifiques des sérologies, des dossiers pré transplantation, de la transfusion
- surveillance quantifiée de l'épuration extra rénale
et même bien au-delà. Par exemple, nous avons totalement exonéré notre pharmacie intérieure des arcanes de la gestion des commandes et de la comptabilité d'un médicament extrêmement coûteux: L'érythropoïétine, dont la fourniture avait été complexifiée au plus haut point par le ministère de la Santé, avec je crois, avis personnel, un seul but: en diminuer la consommation.
- La gestion des commandes de matériel reposait sur un principe simple: une séance d'hémodialyse= un kit comprenant le filtre, les tubulures, seringues, aiguilles, ampoules de médicaments…). Notre comptabilité générait les commandes de matériel.
- La facturation était entièrement automatisée: important puisque notre service réalisait 45% du chiffre d'affaires de l'établissement. Alors que les autres facturations de notre établissement se faisaient encore sur une base manuscrite.
Bien entendu, cette application a eu un nom, trouvé par ma malicieuse épouse:
Rein-Formatique.
Elle a fonctionné dans sept autres centres. En passant, quel boulot que la pédagogie d'une application: il fallait que les humains s'adaptent au logiciel, alors que …
Nous ne sommes jamais passés à Omnis Studio:
- il fallait ré-écrire toute la programmation de plusieurs centaines de Mo !! Non !! ou payer une somme astronomique ce que nous ne pouvions pas faire.
- l'interface de programmation est en anglais, anglais très très informatique. Cet apprentissage, nous l'avons commencé, mais le temps devant être consacré aux patients primait. On a finalement abandonné, sans doute un peu émoussés par la distance parcourue lors du précédent ultra-trail.
Dernier avatar: dans les mois précédents mon départ en retraite, j'ai travaillé avec les auteurs d'une application moderne de gestion qui devait succéder à la nôtre.
Au delà de l'ergonomie incomparable qu'elle procurait, je me suis rendu compte que nous n'avions pas vu certains aspects d'une part; d'autre part que cette application professionnelle en avait aussi loupé pas mal: par exemple… l'absence d'historique du traitement médicamenteux !!
Enfin, j'avais entrepris la programmation d'une « moulinette de récupération » de nos données pour la nouvelle application. J'avais bien avancé quand j'ai reçu un appel téléphonique m'indiquant que ce n'était plus la peine: nos successeurs médicaux n'étaient pas intéressés !!
Notre système informatique était parti, un matin, dans une benne à ordures !!!
Cet ultra-trail nous a appris énormément, nous a obligés à aller au fond du fond des concepts et idées. Nous aurions eu O....r et moi horreur de trahir la petite affiche punaisée au mur de notre bureau.
Voilà ! c'est fini ! Je n'aurai plus le plaisir de rédiger un billet en m'interrogeant à propos des remarques et questions à venir, les amis.
On a vécu, ensemble, un bien belle aventure, plutôt genre marathon qu'ultra-trail.
Take care of you.
, le 03.02.2017 à 06:40
Merci Ysengrain pour cette belle description. Elle me rappelle plein de développements perso (des heures, des heures,…) et quelques années plus tard tout ce travail mis à la benne, car dépassé, plus au gout du jour, plus les mêmes machines. Le développement, c’est comme la vie, un éternel recommencement. Et finalement pas grave, ainsi on apprend plein de choses !
Et j’adore la citation du jour. Je la ressortirai à chaque fois que j’entends: « on ne peut pas faire, désolé, c’est l’ordinateur qui ne veut pas »….
Bonne continuation…
, le 03.02.2017 à 08:41
L’évolution de cette affaire est intéressante à plus d’un titre. Développer une application métier alors qu’on est dedans, je pense que c’est ce qu’il y a de plus difficile car la limite entre « pour tous » ou « pour moi » est terriblement difficile à trouver.
Hasard du calendrier, j’invite aussi à visualiser l’histoire de VisiCalc, le premier tableur…
T
, le 03.02.2017 à 09:13
Ce que tu narres, je l’ai vécu un peu différemment mais avec 4D. Que de nuits sans dormir !
Mais aussi quelle satisfaction lorsque ça fonctionne et que c’est utile…
, le 03.02.2017 à 11:34
Vous disons merci pour tous ces textes.
, le 03.02.2017 à 12:59
HP ses calculatrices programmables et leur notation polonaise inversée.
J’avais une HP 41C et ses petites bandes magnétiques et fais mes armes en programmant des jeux d’apprentissage des multiplications pour mes filles.
Puis, fier de mon savoir, je me suis fait jeter par la compta de l’entreprise ou je travaillais avec un programme de calcul de paye, trop tôt.
, le 03.02.2017 à 14:21
Une des plus belles histoires que je connaisse. Dan Bricklin peut se vanter à juste titre d’avoir « changé le monde ».
, le 03.02.2017 à 14:38
Ah! La HP-41, la calculette absolue.
J’utilise encore ma (vieille et honorable) HP-41CX et je ne suis pas prêt de m’en séparer, quelle machine sublime.
Si vous voulez un bel émulateur réalisé par un ami, allez par là…
http://www.laurent-spohr.com/Main/HP-41CX_Emulator.html
, le 03.02.2017 à 15:50
41-CV, 41-CX, chacun sait bien sûr qu’elle est dispo avec iOS ! Comme la 12-C … incroyablement vue encore en vente il y a peu.
Moi j’avais commencé avec la 38-E, 20 fois plus rapide que les TI de l’époque. Et significativement plus chère aussi
Et Visicalc, à l’époque livré avec un autre soft DBMS. Je crois même que la disquette contenait les sources en pascal pour les deux. Largement longtemps avant Multiplan / Excel
Visicalc,avec l’Apple II de base, donc 16 Ko de RAM, 15 colonnes et 25 lignes et c’était la mémoire pleine. Mais c’était magique. À l’époque je faisais quelques tableaux de statistique avec la 41-CX avec laquelle il fallait afficher chaque résultat intermédiaire pour le noter et passer au suivant, et puis le tableur est né !
J’ai fait la même découverte peu d’années après en découvrant Merlin, un méta-tableur écrit en APL (qui a des souvenirs de ce langage fait de primitives grecques ?). Méta-tableur, car chaque cellule contenait potentiellement un autre tableur.
, le 03.02.2017 à 17:19
Je ne suis pas certaine d’avoir tout compris à cette aventure mais j’ai pigé que pour toi aussi, c’est le temps de prendre congé ! Vivement les prochaines huitres et la fondue sur une terrasse 😉
, le 03.02.2017 à 18:21
Très beau parcours que ce marathon né avec les balbutiements de l’informatique.
De la sueur, des neurones, du temps consacré à mettre au point ce gestionnaire de base de données en plus du travail consacré aux patients, le couple que vous formiez a plus qu’été sollicité, mais a fini par payer.
Satisfaction pour cette équipe hors pair d’avoir su prendre le train au moment opportun pour le bien de leur service.
Enfin, voir tous ces efforts poubellisés un matin a de quoi vous révolter, mais c’est la dure loi de l’informatique où le cycle de vie est éphémère.
Mais quelle belle aventure humaine au service de la santé de ce dernier.
Félicitations et reconnaissance à vous deux…
, le 03.02.2017 à 20:14
Ce que j’apprécie aussi ici dans le témoignage d’Ysengrain, c’est la démarche consistant à laisser les gens du métier penser la logique de leur outil informatique, en cherchant à ce que l’outil soit effectivement le prolongement de leur pensée et non l’inverse. Il me semble cel amène de la cohérence interne. Merci pour ces billets et découvertes.
, le 03.02.2017 à 22:54
Les calculateurs HP, à ne pas confondre avec les calculatrices des autres… TI, Casio, Sharp, …
Chez HP, ce sont des calculateurs programmables.
Pour ma part je suis resté coincé au modèle 48, SX pour commencer, puis G. J’ai toujours les deux, n’arrivant pas à me faire à l’idée de m’en séparer de l’une d’elle. La G s’est fait faire une beauté il y a quelques années, sous la forme d’un nouveau clavier, échangé chez HP.
Et ces claviers, sans rire, les meilleurs du monde, rien de moins. Je crois que c’est le premier souvenir que j’ai d’un calculateur HP… la sensation que cela procure quand on appuie sur ces touches… c’est unique. Avez-vous remarqué que les touches de ces calculateurs sont faits dans la masse? Autrement dit, si on prend la touche « 2 », la touche est extrudée de la forme du 2, et le trou du 2 est rempli dans la masse par une autre matière/couleur (et non de la peinture qui s’effacerait au bout d’un certain temps).
J’ai toujours un des modèles 48 avec moi, partout. Et j’ai gardé les modèles 32S, 49 (une 48 récente mais avec un clavier pourri), 11C, 31E, et enfin un 28C. Tous ces modèles ont la notation polonaise inverse, et pour une grande partie programmable.
J’adore… merci pour ces souvenirs, à bientôt je l’espère ysengrain :-)
Au plaisir de vous relire.
, le 03.02.2017 à 23:21
@ Ange: ce n’est pas le fait que notre installation soit partie à la benne qui m’a déplu. C’est le fait que nos successeurs, médecins, aient fait le choix de s’asseoir sur 30 années de dossiers médicaux, classés, structurés, pour reprendre du « papier ».
Sont ils vraiment médecins ? soignants ?
J’observe bon nombre de commentaires relatifs aux merveilles que HP avait su mettre à notre disposition. Je possède toujours la mienne qui va sur ses 40 ans, toujours fonctionnelle, avec des piles. Malheureusement, on ne trouve plus les accus rechargeables seuls capables de faire fonctionner le lecteur de cartes magnétiques.
@skyroller01: excellente remarque à propos du clavier et cette sensation unique.
@ Sirensis: thanks for flowers. Je suis tout à fait d’accord avec ce que tu écris.
@Aigle4: non, non, ça n’a pas été un marathon, mais vraiment un ultra trail
Encore merci à tous les cukiens de leur participations. Ensemble, c’est tout.
, le 03.02.2017 à 23:32
Certes il y a eu des exigences réglementaires qui se sont accrues avec les années, j’ai eu l’occasion de le voir aussi dans mes fonctions
Certes il y a maintenant des dossier patient informatisés ( DPI), qui font beaucoup de choses, en standard
Certes du coup faut rentrer dans les clous de ce qui est admissible sur le plan de la traçabilité sécurité etc etc.
Certes il ne correspondent pas forcément à votre activité et il faut se refaire les formulaires divers qui permettront de gérer votre activité ( et objectivement certains DPI permettent des choses pas mal, quand même) ( bon moi c’était excel que j’ai beaucoup aimé dompter pour mes bilans. Faire rédiger des courriers à excel c’est sport !)
Mais quand même voir tant d’années de travail , et d’un travail si soigné adapté si précisément à un domaine où les gens qui vous font la morale n’avaient pas la moindre ébauche d’un début de solution à vous proposer, bref, quand on voit tout à la poubelle, avec décontraction, et ceci avec le sourire indulgent des jeunes qui regardent ce travail comme ils regardent les machines à vapeur des anciens (« et vous avez vraiment travaillé avec ça ? Non ! »)
hé bien
Ca fait …braire (pour rester poli, sur cuk on a de la tenue :-) )
, le 04.02.2017 à 10:38
ysengrain et bobi, je ne sais pas si c’est les jeunes qui s’assoient sur ce que l’on a fait ou pas…
Il se trouve que les outils ont changé, et que les exports sont parfois très compliqués.
Tout comme Guru, j’ai beaucoup travaillé avec 4D (à l’époque, j’avais beaucoup hésité entre 4D et Omnis).
4D ne nous a jamais fait le coup de ce que tu racontes, ysengrain, à savoir ne pas permettre de passer d’une version à l’autre nos données.
FileMaker non plus d’ailleurs.
Ysengrain, merci beaucoup pour cet excellent article qui nous fait revivre de l’intérieur d’une profession tout ce par quoi nous sommes passés.
Je constate que tu es un précurseur avec O…r.
Reste-le, même à la retraite!
Je te remercie pour tout.
Bien amicalment
François
, le 04.02.2017 à 12:05
Oui, mais quand on voit que tous les établissements sont soumis aux même règles et critères concernant la qualité des soins via la procédure de certification.
Oui, mais quand on sait qu’aujourd’hui, pour assurer cette qualité demandée, seul un dossier informatisé est capable de rendre le service voulu, pour assurer fiabilité des données, des prescriptions, des soins, du suivi pharma, du suivi facturation et tout et tout… et d’assurer que toutes les infos nécessaires seront accessible partout et à qui de droit, et tout le temps et que et que et que…. j’en oublie et j’en oublie, devant toutes les exigences d’un dossier de soin moderne doit remplir (et c’est parfaitement justifié, même si on n’est pas toujours satisfait de toutes les administrativeries qu’on a pu y greffer)
Bref quand on voit mettre à la poubelle un dossier informatisé qui fonctionne et remplit toutes ces exigences pour revenir au PAPIER, le top du inadéquat de nos jours….c’est rejeter la machine à vapeur non pas pour passer à l’électrique ou au diesel, mais pour retourner labourer avec un boeuf! Sans déc’ !
Et quand on voit que des services hospitaliers dans des disciplines de pointe peuvent tranquillement faire ça et passer (sûrement brillamment) les critères de la certification…
les bras m’en tombent. Mais j’ai déjà constaté avec cette certification des établissements de santé que des points qui, par ici, seraient rédhibitoires, ces points passent par là comme une fleur. Allez comprendre.
En tous cas, vu (un peu) de l’intérieur je comprends bien la désabusation ( c’est français ce truc ? pas sûr…) d’Ysengrain
, le 04.02.2017 à 16:36
Médecine, informatique ? Parfois ce n’est pas la panacée, ni le remède miracle …
Cela dit, moi aussi, je garde un souvenir ému de mes découvertes du Basic, des calculs en notation polonaise inverse avec les calculatrices HP, du langage Forth, dans lequel on pouvait créer des « mots » réutilisables, du Prolog si étrange, qu manipule les notions de logique par chaînage avant ou arrière … De quoi se dérouiller les neurones en se faisant plaisir et en inventant des trucs complètement fous parfois.
Je me demande si des plus jeunes ont l’envie et la possibilité de s’initier à ce genre de programmation.
J’en doute un peu.
, le 04.02.2017 à 16:45
… et la seule solution c’est un outil informatique performant qui limite ce temps …
Là l’ergonomie n’est pas toujours au top, il y a encore du boulot. Et le temps hors soin existera toujours, quoi qu’on en aie.
Mais un BON outil permet de tenir des dossiers d’une qualité impossible à la main. Et pour une médecine qui progresse la qualité des dossiers est devenue une base fondamentale. Même si cette idée m’a beaucoup agacé.
, le 04.02.2017 à 16:46
@ bobi, et tous: je crois que c’est un véritable serpent de mer.
J’ai eu à connaitre de façon assez proche du fonctionnement de 2 services médicaux et 1 de chirurgie au CHU de la grande ville proche.
Pas de dossier informatisé: il y a toujours le cahier à la couverture beige claire et légèrement cartonnée dans laquelle on ajoute les feuilles. Les médecins y écrivent une chronologie approximative. Il y a 52 ans, quand je suis entré dans un service pour la première fois, c’était déjà comme ça. Aucun changement.
Les infirmières relèvent les constantes stockées sur des portables sans que je sache la destination des données.
L’imagerie est entièrement et exclusivement accessible par informatique.
Quand je vois qu’il faut 2 à 3 MOIS pour qu’un compte rendu d’hospitalisation ou une synthèse soit accessible… je pleure
@ Zallag: je ne connais pas le CHUV de Lausanne, mais ne vaut il pas mieux passer du temps à analyser des images, ou des résultats d’examens – si c’est accessible – plutôt que de fouiller un fatras inextricable au lit du patient, sans avoir de capacité de synthèse ?
, le 04.02.2017 à 17:03
Ysengrain, il y a la piste Watson, d’IBM … L’intelligence artificielle. Watson lit les dossiers sous presque tous les formats possibles, fait un diagnostic juste en trois secondes …
Lors d’un test effectué en 2012 au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center de New York, Watson a pu diagnostiquer un cancer du poumon avec un taux de succès de 90%, contre 50% pour un médecin. L’intelligence augmentée avait intégré 600 000 données médicales, 2 millions de pages issues de revues spécialisées et les dossiers de 1,5 million de patients.
, le 04.02.2017 à 17:09
et donc ….
il faut d’abord un BON dossier rentré dans la bécane. Ca passe donc par un médecin qui sait observer qui n’est pas rebuté par l’informatique et qui dispose d’un bon outil !
, le 04.02.2017 à 17:31
@ Zallag: tu penses bien que Watson avait été abondamment nourri de données structurées; mais ton Watson face à un médecin n’ayant accès qu’au bazar déstructuré auquel il est habitué, sûr qu’il gagne.
Je ne veux absolument pas dire que l’exercice médical ne passera pas dans le futur par l’IA, hein ?
@bobi: Aujourd’hui, médecin qu’il s’agisse d’un service hospitalier, d’une clinique d’un cabinet … la pression de toutes parts est tellement énorme qu’il ne reste pas de temps pour se consacrer à la réflexion nécessaire. O…r et moi avons arrêté de réfléchir/programmer pour plusieurs raisons que j’ai déjà exposées. Une, non citée est l’avénement du système de paiement des services, appelé en France la T2A où tout doit être codé. Et ça prend un temps énorme, parce qu’on ne peut le faire que quand on a la conclusion du dossier … que l’on a … que 2 à 3 mois … plus tard quand la secrétaire peut trouver le temps de le saisir … après qu’un médecin lui ait transmis des données.
, le 05.02.2017 à 00:03
Je suis néonatologiste, praticien hospitalier à la retraite, ici pseudo-nommé « Resistant » parce que le serveur de ce blog refuse l’accent aigu pour la graphie des pseudonymes (on est mal partis). J’ai dirigé un service hospitalier pendant 24 ans en région parisienne, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).
J’ai donc lu le long et triste billet du sire Ysengrain. Le pseudonyme est parfaitement choisi : à une lettre près, c’est le nom du loup dans le Roman de Renart, qui était si naïf et m’a fait tant rire quand j’étais gosse. L’un des premiers livres composés en Français vulgaire, et l’un des premiers livres que j’ai lus ! et dont j’ai retenu un peu les leçons.
L’histoire de ce moderne Ysengrin est triste et banale. Il a cru que grâce à l’ordinateur, il allait mieux soigner ses malades. Il ne s’est pas rendu compte que derrière lui Renart était tapi. De quoi ce Renart était-il le nom ? Renart représentait la clique sortie, depuis les années 70 précisément de l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP) de Rennes (dans le contexte hexagonal). Une École d’application, souvent nourrie d’énarques, à charge d’en faire des directeurs d’hôpitaux et autres hauts fonctionnaires du système de santé français. De prendre le pouvoir à l’hôpital. La crème de l’Administration hospitalière. Car le seul pouvoir qui vaille aux yeux de l’énarchie est le pouvoir administratif.
L’arme de ce pouvoir est l’ordinateur, comme outil de gestion et de flicage des médecins et du personnel soignant. Pour tromper Ysengrain-médecin, on l’a appâté au moyen des meilleures machines et on lui a laissé « le soin » (c’est le cas de le dire) de concevoir le Dossier médical « partagé » (DMP). Le mot partagé est ici le maître-mot. Ysengrain est tombé dans le panneau : pour alimenter son dossier médical informatique, sa bien-aimée chimère, il a rassemblé inlassablement des « données », des data, fournissant ses armes de gestion et de pouvoir à l’Administration, qui du coup a acquis le pouvoir convoité, et — justement — un pouvoir sans partage. Dans le jargon hospitalier, l’outil complet (médical et administratif) s’appelle le PMSI (voir ce terme sur Gogol).
Quant au DMP, il n’a aucune utilité pour le patient, ni d’ailleurs pour le médecin. Ysengrain, enfin les moins crétins des Ysengrains, ont commencé à s’en apercevoir il y a une vingtaine d’années. Trop tard, la queue du loup était déjà prise dans les glaces. La manœuvre de Renart avait été grandiose (relire ici la Branche III du Roman de Renart) : les données, obligatoirement recueillies par l’ex-encadrement infirmier (les anciennes « surveillantes » ayant été converties en « cadres de santé », et mises au service et sous l’autorité exclusifs du directeur de l’hôpital), et par les médecins eux-mêmes, étaient automatiquement transmises aux super-ordinateurs des comptables de l’Administration centrale hospitalière. Leur exploitation à des fins médicales (à l’exception peut-être de l’imagerie médicale) s’est vite avérée quasi inopérante : un malade, une maladie, une poly-pathologie, la psychologie, la souffrance, la douleur, la vie et la mort, sont des choses infiniment plus complexes et compliquées qu’un compte d’exploitation. Et quand Ysengrain n’était pas un con, l’ordinateur restait inintelligent et surtout, inhumain.
Les résultats à l’hôpital : une perte de temps médical considérable. Le gaspillage des énergies de tous les petits Ysengrains. La démotivation. La perte de la qualité des soins. Le gaspillage. L’inflation inattendue et paradoxale de la paperasse. Le développement fou des « procédures » plus ou moins inapplicables, coercitives, et ennemies de l’intelligence. Des dossiers papier — car ils ont la peau dure — devenus inexploitables pour ces soins. Un retour confus et désordonné aux moyens d’antan : le stylo et des dossiers papier tant bien que mal, mais à un niveau de qualité profondément dégradé, car en une génération de médecins dévoyés, les bonnes habitudes de la bonne vieille « observation » logiquement structurée, lisiblement rédigée, retraçant le véritable « parcours de soins » et le restituant dans sa réalité humaine, s’étaient largement perdues.
À tout cela est venu s’ajouter le désastre des 35 heures à l’hôpital. Voici la situation actuelle. Vous aurez compris qu’Ysengrain pourrait passer pour un couillon. Qu’il s’est, en tous cas, joyeusement laissé couillonner par Renart-l’Énarque passé par la filière rennaise. Que ce dernier a définitivement pris le pouvoir. Dans le public, comme dans le privé aussi, puisque pour gérer l’ensemble du système hospitalier, l’État a inventé les Agences régionales de santé (ARS), qui sont de mini-ministères aux mains de super-Renarts.
Je suis bien heureux d’avoir quitté ce m….er médico-administratif. Ysengrain-l’Helvète m’y a fait replonger quelques instants. Douloureusement. Mais avant de fermer ce sujet ce soir, je veux préciser que je ne me reconnais pas dans le personnage d’Ysengrain. Bien des années avant ma retraite, ce devait être à la fin des années 90, un collègue hiérarchiquement supérieur « au sens administratif », une sorte d’Ysengrain muté devenu suppôt de Renart, et Renart lui-même, patenté PMSI, est venu me trouver dans mon bureau pour m’annoncer que désormais tous mes actes de soins, toutes mes prescriptions, devraient être « codés » par moi-même. Un travail de gratte-clavier, destiné à parfaire et augmenter le volume des données fournies à Renart, sous la forme d’un « codage » de chaque acte médical, et même infirmier. Docilement, je me suis attelé à cette nouvelle tâche, nous y étions tous astreints. Un travail abrutissant (un résultat accessoirement recherché, sans doute), et infiniment chronophage. Ysengrain dispose d’une secrétaire ? Il a bien de la chance. Plutôt qu’à « coder », je suis persuadé qu’il aurait préféré l’employer à taper sous sa dictée de bons CRH, et les courriers aux confrères.
Or il se trouve que moins d’un mois plus tard est survenue, dans un hôpital voisin de l’AP-HP, l’histoire suivante. Un enfant de deux ans est amené par ses parents aux Urgences dans un état subcomateux et fébrile. Il est examiné par un interne peu expérimenté. Mais par prudence et devant l’état préoccupant de l’enfant, il demande à sa « cadre de santé » (voir plus haut) d’aller chercher le médecin sénior du service, présent cet après-midi-là. Un Chef de clinique chevronné, un brave petit Ysengrain. La « cadre de santé », séide bien dressée de Messire Renart, fait savoir sans ciller au jeune interne qu’Ysengrain est occupé au « codage », et entend n’être dérangé sous aucun prétexte. En effet, l’Administration lui avait aimablement signalé que le codage avait pris beaucoup de retard dans son service, et que ce retard devait être impérativement rattrapé. L’interne se trouve dès lors livré à lui-même ; un temps précieux est perdu ; l’état de l’enfant se détériore rapidement ; sa pression artérielle s’effondre ; il meurt dans son petit lit des Urgences, en état de choc infectieux. Évidemment, il y aura une enquête. Elle établira que l’enfant avait un purpura fulminans, une forme de méningite bactérienne gravissime, le type même de l’urgence pédiatrique, conduisant à un collapsus irréversible en l’absence de traitement approprié. L’Administration sera lourdement condamnée au civil.
J’ai appris l’affaire (avant même qu’elle ne fasse grand bruit dans les hôpitaux parisiens), et dès lors « bravement » désobéi à la consigne. Je n’ai plus jamais fait de « codage » des actes. J’entendais, pendant tout le temps de ma présence à l’hôpital, être au service exclusif de nos malades, et des collègues et personnels que j’avais la charge de former et d’encadrer. Je l’ai payé assez cher, ma « carrière » en a pris un coup, mais c’est une autre histoire. J’en suis très fier. D’avoir résisté, et peut-être évité que de tels drames se reproduisent dans mon service. Au passage, c’est un moindre mal, on m’a « sucré » l’une de mes deux secrétaires, mesquine rétorsion.
Voici mon « retour » à propos d’Ysengrain. J’espère pour lui qu’il dort aussi bien que moi, qu’il a aussi bonne conscience qu’il est possible à un médecin, car nous avons tous commis des erreurs. À propos de Renart, je pourrais aussi raconter tout un tas d’histoires fort édifiantes, mais une autre fois peut-être.
Conclusion et épilogue : Ysengrain s’est longtemps cru seigneur à l’hôpital. Il ne « gérait » pas ses malades, il se contentait de les soigner. Un beau jour, Renart-le-technocrate l’a persuadé de tremper sa queue dans un algorithme pour pécher de beaux « parcours de soins », afin de l’assister dans la tâche qui était la sienne : pas de soigner les malades, mais de gérer l’établissement hospitalier. Mais si le brave Ysengrain n’y a pas perdu sa queue, il y a perdu son âme. Et aujourd’hui, il pleure qu’on la lui ait volée !
, le 05.02.2017 à 02:20
En mars peut être?
T
, le 05.02.2017 à 12:20
Résistant, ou plutôt « Résistant » puisqu’ici, on peut entrer les accents, votre commentaire fort long et bien écrit est tout de même, à mon avis, pour le moins caricatural.
Je ne doute pas une seconde qu’ysengrain ait fait, pendant sa carrière française (il n’est pas suisse), son travail de soigner les patients au plus près de sa conscience.
Il est tout de même permis d’imaginer que l’informatisation de certains services n’a pas amené à la catastrophe dont vous parlez.
Vous avez vécu des histoires difficiles, celle du petit patient décédé que vous relatez dans un autre service me semble monstrueuse, cela n’empêche pas que l’on passe à l’informatique pour certaines tâches.
Votre métier est comme le mien: de plus en plus, il faut se couvrir de toutes les erreurs possibles, sans quoi, nous risquons le procès ou des recours multiples.
Pour se couvrir, il y a des procédures, des rapports qui se multiplient.
C’est cela qui est regrettable, pas le fait que l’on informatise certains domaines.
Parce qu’avec ou sans cette informatisation, la paperasse (qu’elle soit virtuelle ou bien réelle) aurait de toute manière augmenté.
Elle est chronophage. Le fait qu’elle puisse être informatisée pourrait même, peut-être, allez savoir, améliorer les choses, et au moins, si le système est bien fichu, les mettre à disposition de tous les intervenants.
, le 05.02.2017 à 14:00
@ Resistant:
Collègue,
Mon pseudonyme date de mon enfance, à un âge où le codage et le classement catégoriel n’existaient pas. Dont acte.
Et bien oui, Seigneur Resistant, je crois avoir pu améliorer la qualité des soins prodigués, et ce pour plusieurs raisons.
Au début de ma carrière, la discipline n’était pas pédiatrique – ça te dit, ce mot ? – mais néonatale.
Il a fallu tout construire.
La médecine de ces patients en survie grâce à un appareillage, je parle des insuffisants rénaux chroniques, nécessitait une observation plus que très attentive, une réflexion de chaque instant, et un apprentissage constant – ne serait ce que pour les prescriptions médicamenteuses.
Notre but, mon associé et moi n’a jamais été autre, le soin, le soin et encore le soin. J’ai montré combien, par un seul exemple, même à La Mecque de la néphrologie, un des grands prêtres n’y comprenait rien lui même.
Aux heures des débuts de nos travaux, l’EHESP n’avait même pas encore germé dans les neurones des fonctionnaires des ministères.
J’ai aussi indiqué à quel point je trouvais scandaleux la tenue actuelle des dossiers, foutoir immonde d’une poubelle de données inextricables qui nuisent aux patients.
Le codage ? nous l’avions automatisé, à la notable exception des hospitalisés: impossible.
Oui, tu as raison, collègue, avant c’était mieux.
Je te rejoins sur les ARS, peuplées de mononeuronaux dont la seule préoccupation est la logique comptable. le patient, rien à battre.
Je suis aussi heureux d’avoir quitté ce monde d’hypocrisie.
Quant à ton exemple de senior codant et ne soignant pas, parce qu’incapable de discerner l’important, j’espère qu’il a été lourdement condamné pour connerie professionnelle.
Jamais je ne me suis cru « Seigneur » à la notable différence des dysorthographiques qui l’écrivaient « Saigneur ».
Et bien non, je n’ai pas perdu mon âme, Resistant aigri.
Pas du tout confraternellement.
PS: Resistant, tu n’es pas obligé de lire ce qui suit.
Je déteste avoir eu à écrire ce que je viens d’écrire: une sorte de règlement de compte avec un commentateur qui n’a pas saisi ce que nous avons fait … pour mon dernier billet.
Heureusement que pendant 15 ans, ça n’a pas été comme ça. Ah… les boules puantes.
, le 05.02.2017 à 15:35
Ami Ysengrain,
Il n’est pas grave d’avoir perdu son âme si l’on a été subjugué par le Démon, de manière involontaire. Nous nous rendrons justice. Je ne mets pas en doute que tu aies été abusé par les ruses de son suppôt Renart. Tu n’es pas Renart, comme toi je suis un Ysengrain. Moi je n’ai aucun compte à régler avec toi, au contraire je t’aime.
Comme moi, souviens-toi du temps où, lorsque quelque chose n’allait pas dans la grosse machinerie qu’était notre hôpital, le chef de service convoquait le directeur dans son bureau pour le mettre en demeure de prendre les mesures correctives. C’est dans ce sens que j’écris que nous nous croyions, et que nous étions un peu, les seigneurs de ce domaine.
Un commentaire, plus haut, signale que le temps médical aujourd’hui est consommé pour plus de la moitié par les tâches informatiques. Les collègues qui sont dans cette situation ont, sinon perdu, du moins aliéné leur âme. Les autres font, de bon ou de mauvais gré, des semaines de 70 heures à l’hôpital. Pour continuer de soigner, et au bout du compte, souvent pour mourir, eux, prématurément, j’en connais plein d’exemples. Nous avons amélioré la qualité des soins, écris-tu, je n’en suis pas persuadé. Une énorme iatrogénie hospitalière s’est développée. L’hygiène, mais aussi la qualité de l’alimentation, qui sont sans doute les premières causes de l’augmentation de la durée de vie, n’ont pas fait de tels progrès dans nos hôpitaux. L’ordinateur a fleuri dans la poussière et au milieu des germes.
À la fin des années 60, j’ai passé deux semestres dans un grand service de Médecine interne de l’AP, dirigé par le Pr F.S. et son assistant P.G. Une immense compétence médicale, réellement pluridisciplinaire, mais animée d’un profond humanisme, formait l’atmosphère du service. Les malades étaient longuement écoutés, réconfortés, soignés toute la journée. Cela a « presque » disparu. Un après-midi, pendant « la garde », marchons dans un couloir d’hôpital en 2017. De grands panneaux sont couverts de revendications catégorielles, voire politiciennes. Quelques loupiottes rouges luisent au dessus des portes. D’ailleurs, les seules portes ouvertes sont celles des chambres de malades, car — miracle — il y a encore des malades ! Par ces portes ouvertes (bonjour l’intimité) s’échappent des gémissements, des appels, parfois des cris de malades, que le personnel n’entend plus que par hasard. Ils peuvent sonner pendant une demi-heure sans que personne ne vienne à leur chevet. Médecins et infirmières sont pour la plupart devant un écran d’ordinateur, au fond d’un aquarium, portes fermées. La surveillante est occupée à faire ses « tableaux de service », dans un bureau aux vitres dépolies : pas question de la déranger. L’autre moitié du personnel, médecins en tête, est « en réunion », avec l’Administration et d’autres ordinateurs. Parfois « en formation », de ces formations où il n’est plus question que d’informatique, de procédures, de gestion informatisée des ressources. Quelque part, au fond d’un secrétariat hypertrophié mais « débordé », le sénior fait du codage. Des dossiers par centaines, jonchent le sol de son bureau, devrais-je dire de « sa tanière d’Ysengrain » ?, où la poussière s’accumule depuis sa dernière nomination. La contre-visite, en compagnie de l’interne, sera fait en vitesse.
Bien sûr, comme tu l’écris, le but est le soin, le soin et encore le soin. Je préciserais : les bons soins. Mais tout ça ne fonctionne pas bien, personne n’est heureux, (pas même le directeur), ça coûte une fortune, on risque de fermer tous les deux ans, on restructure sans cesse et sans cesse le trou se creuse. Et pendant ce temps, les malades continuent d’appeler dans le vide… J’exagère à peine.
Confraternellement.
, le 05.02.2017 à 15:48
Décidément, tu n’as pas su me lire.
Ce que tu décris est le résultat de décisions d’ignares ayant obtenu un budget pour acheter des ordinateurs et des applications avec pour but de surveiller la consommation médicale.
Nous, O…r et moi, voulions ne pas nous noyer et emmener nos patients par le fond. C’est ce que nous avons fait. Personne, je dis bien personne ne nous a jamais rien imposé. Quand est arrivée la T2A et son codage maléfique, nous avons programmé l’adaptation.
Lors de l’accréditation, les 3 experts ont noté la particulière efficacité de notre gestion médicale sans déroger aux obligations administratives.
Pour ce que tu décris des secrétariats pavés de dossier à coder, je ne peux qu’être d’accord. Notre secrétaire n’a jamais connu ça.
Au fait, PG en médecine interne est il toujours de ce monde ?
, le 05.02.2017 à 16:25
Pourtant, si je t’ai bien lu, toute votre informatique, tout le fruit d’un travail de deux médecins, vingt-cinq années de peine et de sacrifices, et pas d’un travail « médicalisé », s’est retrouvé un beau matin dans une benne ? Je comprends ta déception, et une certaine aigreur de tes propos.
Chaque fois que je prenais ma consultation, avant de m’installer à mon bureau, je prenais soin de débrancher l’ordinateur qui y trônait, et de le déposer par terre. Ça faisait enrager Renart. Et me comblait d’une certaine jouissance. J’utilisais le dossier papier, un stylo, et mon Vidal… papier.
Encore une fois, j’affirme que nous n’avons pas à gérer, que les malades ne se gèrent pas mais se soignent, que gérer l’hôpital n’est pas notre vocation. Que nous n’avons pas assez de temps et d’énergie à perdre pour ça, que ce temps médical nous le devons aux malades, à leurs familles, à eux seuls et à rien d’autre. Que c’est au médecin de décider les ressources nécessaires.
Oui, P.G. est toujours de ce monde. Mais je crois qu’il ne pilote plus ses magnifiques Facel Vega, ni d’ordinateur. Fait-il encore du vélo, je ne sais… Je vénère cet homme, comme je vénérais son maître F.S. Il paraît qu’on le rencontre régulièrement au 16 rue Bonaparte.
, le 05.02.2017 à 17:08
Mais au fait, il y a une heure encore, je ne connaissais pas le contenu du site cuk.ch. Je viens juste de m’y pencher, et de réaliser que l’on y parle (surtout) d’informatique. Pas étonnant alors qu’Ysengrain et moi ne soyons pas tout à fait sur la même longueur d’onde, bien qu’ayant exercé la même profession !
Ceci dit, pendant près de 30 années, j’ai travaillé sur mac pour mon courrier, la biblio du service, mes publications. Et j’ai apprécié. J’ai toujours un excellent iMac à la maison, fonctionnant parfaitement depuis près de 9 ans. Mais, ayant la chance de vivre à la campagne, je préfère encore utiliser le vélo.
, le 05.02.2017 à 19:23
@ Resistant et ysengrain
Votre échange restera un exemple de ce que l’on pouvait trouver sur Cuk.ch.
Venant d’un commentateur qui a ouvert sa participation sur cet article, c’est vivifiant et triste à la fois puisque cela prouve que Cuk.ch, c’était la bonne voie…
, le 05.02.2017 à 19:50
Pourquoi « c’était » ? Notre échange me semble prouver que ça fonctionne encore. Je suis ravi d’avoir découvert ce site, et l’on parait me dire qu’il est mort. J’ai dû rater un épisode. Merci d’éclairer ma lanterne.
, le 05.02.2017 à 20:09
Justement, c’est les progrès de la médecine digitale… ici on sait tous quand le patient Cuk mourra et comment il sera embaumé pour l’éternité. Lenin aura bientôt un concurrent.
T
, le 05.02.2017 à 21:02
Je ne sais pas si le tombeau de Lénine a besoin d’énergie électrique pour assurer son éternité, Cuk.ch par contre c’est sûr….
, le 05.02.2017 à 21:49
Il m’a pourtant semblé apercevoir des fleurets pas toujours mouchetés
, le 05.02.2017 à 22:40
Certes, mais tu as dû remarquer que les bretteurs se sont vite repris, avec une certaine élégance que j’ai appréciée.
Merci pour le Dakaroy, d’autant que la marque de fabrique de l’ébéniste distingué que fut mon ami Urbain était, je crois bien, les « Ateliers du Roy ». Il ne travaillait que le vène, essence royale de Casamance à laquelle il vouait une passion quasi mystique ;-)
, le 05.02.2017 à 23:10
@ Resistant, François, l’administrateur de ce site (Cuk) depuis 15 ans a décidé de le fermer à la fin du mois.
Ysengrain, sur iPad ce n’est pas teop pratique de relire en même temps qu’on écrit alors je cite de mémoire. Il me semble avoir compris que ton collègue et toi n’avaient pas souhaité divulguer votre travail. Ce que je peux comprendre, vu le temps que vous y avez passé. Mais alors pourquoi t’étonnes tu que ce travail soit parti à la benne ?
, le 05.02.2017 à 23:17
@Tom 25: bien sûr que si que nous avons publié notre travail.
Notre application a fonctionné dans 7 services hospitaliers et cliniques.
Notre installation est partie à la benne après que nos successeurs n’aientt pas jugé bon d’en extraire le contenu (30 ans de dossier) et de se contenter de tout reprendre à zéro avec une nouvelle application dont j’ai parlé. Je rappelle si besoin l’obligation légale de conserver les dossiers des patients pendant une durée de 30 ans.
J’avais aussi été désigné au sein d’une équipe qui devait jeter les bases d’un dossier commun de néphrologie. Cette tentative a capoté sans que j’en connaisse la raison.
, le 06.02.2017 à 11:52
J’avais donc mal compris ce passage, surtout celui entre guillemets «» :