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Les livres et leur salon

Vous savez ce que c’est - de­puis des dé­cen­nies, on pré­dit la mort du livre. D’ailleurs, le bu­reau in­for­ma­tisé de­vait sup­pri­mer le pa­pier. Il est vrai que nous com­mu­ni­quons da­van­tage par cour­rier élec­tro­nique et moins par lettre cou­chée sur pâte de bois. Mais ja­mais nous n’avons été inon­dés de pa­pier au­tant que de­puis le mo­ment où les or­di­na­teurs ont pro­vo­qué une ex­plo­sion de la consom­ma­tion en ren­dant fa­cile, oh com­bien, la mise en forme de textes.

Pour les livres, c’est pa­reil.

Vous en­ten­dez sou­vent des plaintes: on ne lit plus, la culture n’est plus ce qu’elle était, etc, etc, je ne m’at­tarde pas sur ce re­frain bien connu.

La vé­rité vraie, c’est qu’il n’y a ja­mais eu au­tant de livres en cir­cu­la­tion, ni ja­mais au­tant de gens qui li­saient. Bien sûr, tous les lec­teurs ne sont pas des éru­dits qui avalent des textes sa­vants au ki­lo­mètre ou des clas­siques à la tonne. Je pré­tends pour­tant que pro­por­tion­nel­le­ment, il y en a da­van­tage qu’au­tre­fois, les livres sont à la por­tée de tout le monde.

Le livre des livres, celui qu'au­tre­fois seuls des pri­vi­lé­giés avaient le droit de lire: au­jour­d'hui tous les livres qui existent sont à la por­tée de tous, dans les pays dé­mo­cra­tiques.

Ce qui risque de tuer le livre, ce n’est pas une désaf­fec­tion des lec­teurs, ce n’est pas non plus l’in­for­ma­tique, au contraire - c’est la trans­for­ma­tion de cet objet d’ex­cep­tion (cultu­relle) qu’est un bou­quin en simple mar­chan­dise sou­mise aux lois du mar­ché de la même façon qu’un oi­gnon ou un t-shirt.

Ac­tuel­le­ment, le dan­ger est à son comble, du moins en Suisse: la com­mis­sion de la concur­rence tente de li­bé­ra­li­ser le prix du livre au nom de la sa­cro-sainte li­berté du com­merce.

La Suède est là pour nous rap­pe­ler les ef­fets per­vers de cette li­berté, ins­tau­rée dans ce pays-là il y a une ving­taine d’an­nées: les livres ont très vite ren­chéri, les ventes ont baissé en consé­quence, les pe­tits li­braires et les pe­tits édi­teurs qui pu­bliaient la lit­té­ra­ture sué­doise ont dis­paru par cen­taines, et avec eux la di­ver­sité, et, en der­nière ana­lyse, la li­berté de choix des lec­teurs. Quelques “gros” ont mo­no­po­lisé l’édi­tion et la vente, et ont pré­féré les best-sel­lers venus du monde an­glo­phone aux au­teurs du pays. Il a fallu que l’Etat in­ter­vienne, mais il n’a pas vrai­ment fait re­fleu­rir la di­ver­sité créa­trice d’an­tan. Au­jour­d’hui sans aides de l’Etat il n’y au­rait pro­ba­ble­ment plus ni édi­tion, ni écri­vain. Mais la Suède lit­té­raire n’en est pas moins un pays si­nis­tré.

En Suisse fran­co­phone, où les prix fixes ont pra­ti­que­ment dis­paru, la concur­rence achar­née à coups de baisses et d’es­comptes que se livrent Ha­chette (pro­prié­taire de la chaîne Payot, au­tre­fois suisse) et la Fnac a déjà abouti à la fer­me­ture de 30 li­brai­ries, de celles qu’on aime, en deux ou trois ans.

Un salon pour quoi faire?

Si on veut la preuve que des livres, il y en a vrai­ment beau­coup, plus que ja­mais, même, une vi­site à un Salon du livre vous la donne illico. Il y en a pas mal, un peu par­tout dans le monde fran­co­phone, et no­tam­ment celui de Paris, Porte de Ver­sailles, en mars, et celui de Ge­nève, à Pa­lexpo, fin avril: il a fermé ses portes pour la 19e fois hier di­manche.

Un mot pour ré­gler son compte à la com­plainte an­nuelle qui veut que le Salon du livre de Ge­nève soit un fourre-tout parce qu’on y trouve, à côté de beau­coup de livres, une ex­po­si­tion d’oeuvres d’art, et quelques ar­ticles an­nexes; des fau­teils re­laxants dans les­quels on est cen­sés lire confor­ta­ble­ment calé, par exemple. Il y a aussi une sec­tion “al­ter­na­tive”, où on vous parle de Tiers-Monde, d’ex­ploi­ta­tion, de vic­times des guerres - gé­né­ra­le­ment au moyen de livres, d’ailleurs.

Il y a un vil­lage al­ter­na­tif, avec des stands pour toutes sortes de causes, et un car­rou­sel au mi­lieu, pour la dé­tente entre deux livres...

Per­son­nel­le­ment, tout cela ne me dé­range pas, au contraire. Et puis, n’est-ce pas, si on veut se consa­crer aux livres ex­clu­si­ve­ment, per­sonne n’oblige per­sonne à voir les oeuvres d’art ou à rendre vi­site aux al­ter­na­tifs.

Quoi qu’il en soit, la part du lion est ré­ser­vée aux bou­quins.

Dans des “ave­nues” qui portent des noms qui vont de An­der­sen à Zola, on trouve quelque chose que je qua­li­fie­rai de ca­ta­logue gran­deur na­ture: une bonne par­tie des livres ac­tuel­le­ment sur le mar­ché sont là, prêts à être tou­chés, feuille­tés. Et ache­tés s’ils ont réussi à nous sé­duire.

Un grand ca­ta­logue, qu'on peut bu­ti­ner à loi­sir.

Et puis si on a de la chance, on peut même ren­con­trer les au­teurs des livres, ob­te­nir une dé­di­cace.

Jus­te­ment parce que le livre n’est pas un objet comme un autre, j’ai tou­jours aimé les foires du livre, alors que je dé­teste les foires et les comp­toirs com­mer­ciaux gé­né­ra­listes. J’y vais pour bou­qui­ner, et gé­né­ra­le­ment une vi­site ne me suf­fit pas.

On ne comp­tera donc pas sur moi pour dire que “les foules, ma chère, c’est d’un vul­gaire, d’un fa­ti­gant!”. C’est fa­ti­gant, c’est vrai, si vous pas­sez une jour­née à bu­ti­ner de livre en livre. Mais c’est une bonne fa­tigue. Du moins je trouve.

La lec­ture, un amour qui se cultive, dans un Salon du livre aussi. Des mil­liers d'en­fants viennent lire ici.

Le Salon de Ge­nève 2005

Ren­con­trer Jean Zie­gler si­gnant son der­nier livre, croi­ser Jean Mohr, grand pho­to­graphe de ré­pu­ta­tion mon­diale, ou Vir­gi­nie, gym­na­sienne vau­doise en quête de lec­tures, dans tout cela le maître-mot c’est REN­CON­TRER. Plu­tôt que de par­ler du côté foire, je pré­fère voir le côté po­si­tif de ce Salon du livre (c’est plus joli que Foire du livre, Salon...). Sans comp­ter que pour nous qui écri­vons, tout seuls dans notre coin, qui sa­cri­fions une par­tie de notre confort pour avoir le temps d’écrire (car l’écri­ture ne nour­rit guère son plu­mi­tif, dans nos contrées), c’est im­por­tant de ren­con­trer notre pu­blic.

On pour­rait ren­con­trer Jean Mohr, un pho­to­graphe de ré­pu­ta­tion in­ter­na­tio­nale...

... ou Jean Zie­gler, tou­jours prêts à dé­fendre les dé­mu­nis.

On peut même ren­con­trer Henri Dès, parce qu'il y a aussi un salon de la mu­sique.

Et enfin, tous tant que nous sommes, nous ren­con­trons des livres dont nous ne soup­çon­nions pas l’exis­tence, nous fai­sons des dé­cou­vertes qui nous ac­com­pa­gne­ront bien au-delà des trois ou quatre jours que dure le Salon. Je vous le prou­ve­rai un de ces jours, j’ai dé­cou­vert entre autres un livre qui va in­té­res­ser les in­ter­nautes de Cuk, mais il faut que je le fi­nisse d’abord, alors jusque-là - motus. C’est le cas de le dire.

Le Salon du livre de Ge­nève offre par ailleurs chaque année l’oc­ca­sion de ren­con­trer un pays ou une ré­gion. Une idée qui a tou­jours un grand suc­cès. Je me sou­viens de la ren­contre de Bâle, il y a quelques an­nées. C’est en­core la Suisse, Bâle, à moins de trois heures de train par le pied du Jura. Et pour­tant, la ren­contre de cette ville qui est un des ber­ceaux de l’im­pri­me­rie et du livre, un car­re­four d’idées comme nous en avons peu, a pas­sionné jus­te­ment parce qu’on ne prête gé­né­ra­le­ment pas at­ten­tion à ceux qui nous sont proches. On a dé­cou­vert Bâle comme on l’au­rait fait d’un pays loin­tain.

Cette année, c’était le tour de notre voi­sine l’Ita­lie.

L'Ita­lie était l'hôte d'hon­neur du Salon du livre 2005.

Le stand était très of­fi­ciel et un des pro­blèmes ma­jeurs en était ab­sent - pour cause. En effet, une bonne tranche de l’édi­tion ita­lienne est entre les mains de l’homme qui est au­jour­d’hui pre­mier mi­nistre. Et le stand étant entre autres pa­tronné par le mi­nis­tère ita­lien de la culture, les pro­blèmes po­li­tiques créés par la pré­do­mi­nance du pre­mier mi­nistre sont bien en­tendu évi­tés. Mais il y a les ren­contres, comme ailleurs. Et lors­qu’on com­men­çait à dis­cu­ter avec les écri­vains ita­liens, ils vous ra­con­taient leurs contor­sions pour ten­ter de trou­ver d’autres édi­teurs, hors du groupe. Oui, ils sont venus, en dépit du gou­ver­ne­ment tel qu’il est, avec le­quel ils sont en désac­cord. Ils ne vou­laient pas se pri­ver des ren­contres pos­sibles, de la chance de ra­con­ter à des gens comme moi, par exemple, leurs dif­fi­cul­tés ac­tuelles, qui viennent s’ajou­ter à celles qui sont com­munes à toute per­sonne qui écrit.

Ces ren­contres étaient fi­na­le­ment émou­vantes. En effet les pro­blèmes que pose la contra­dic­tion entre be­soin d’être lu et pro­blèmes po­li­tiques ag­gravent la si­tua­tion des écri­vains. Il faut d’ailleurs pré­ci­ser que beau­coup d’entre eux re­con­naissent que les édi­teurs du groupe Ber­lus­coni ne font pas spé­cia­le­ment de pres­sions po­li­tiques sur le contenu de leurs oeuvres. Ce sont eux (ou du moins nombre d’entre eux), les écri­vains, qui, en signe de pro­tes­ta­tion, ne veulent pas sou­mettre leurs oeuvres aux édi­teurs du groupe. Une forme de grève lar­vée, en quelque sorte.

Lorsque les feux se sont éteints

Que dire, au bout de ce Salon? Je n’ai pas réussi à tout voir. J’ai ren­con­tré des di­zaines de per­sonnes. Avec cer­taines d’entre elles, j’ai pris des ren­dez-vous pour plus tard. Des pro­jets, des idées, res­sor­ti­ront peut-être de ces ren­contres. Des im­pul­sions. On ne sait ja­mais. Ce qui est sûr, c’est que pour se faire une idée de l’uti­lité de telles bas­tringues, il n’y a qu’un moyen: y par­ti­ci­per, y aller en vi­site.

Qu’est-ce que j’en­tends bou­gon­ner, là-bas, au der­nier rang? Vous au­riez pré­féré que je vous écrive cette hu­meur lorsque vous au­riez au moins une chance d’al­ler vé­ri­fier par vous-même si j’avais rai­son? Vous avez en par­tie rai­son, Vous-du-Der­nier-Rang. Mais voilà. Le Salon n’a com­mencé que mer­credi soir, jeudi c’était trop tôt, et ven­dredi c’était le jour du Tigre - à tout Sei­gneur tout hon­neur. Cela dit, si vous au Qué­bec, en Bel­gique, dans les ré­gions fran­çaises ou Outre-Mer, vous avez peut-être un Salon pro­chain qui vous at­tend (et dont j’ignore les dates), si êtes à Paris, votre Salon a lieu en mars, et si vous êtes en Suisse, l’an­née pro­chaine c’est le ving­tième an­ni­ver­saire, ce sera sans doute un Salon par­ti­cu­liè­re­ment splen­dide. Alors, ren­dez-vous fin avril 2006? D’ac­cord. De toute façon, les livres vous at­ten­dront.

26 com­men­taires
1)
pilote.​ka
, le 02.05.2005 à 05:30

Avec mes yeux qui me lâchent len­te­ment je ne lis plus que les modes d’em­ploi :(
En re­vanche sur l’in­for­ma­tique tu a rai­son. Avec l’or­di­na­teur on a aussi in­venté l’im­ri­mante, la PAO etc.

2)
Griz­zi­mero
, le 02.05.2005 à 07:46

J’adore aller au salon du livre, et comme j’adore les bou­quins aussi, j’en achète tout plein. Je n’ai mal­heu­reu­se­ment pas le temps de les lire et ça m’énerve. Du coup, je ne vais plus au salon du livre…et j’évite aussi les payot, fnac, yeux fer­tiles et autres li­brai­ries qu’elles soient grandes ou pe­tites! J’at­ten­drai donc la re­traite pour trou­ver le temps de lire…

Allez plus que 35 ans avant la pre­mière paie AVS, cou­rage mon petit!

Cela dit, j’ai tou­jours ri­golé pen­dant mes études en mé­dias in­ter­ac­tifs (1998-2002), lors­qu’on pré­di­sait la mort du pa­pier… Sur­tout lorsque je voyais les étu­diants sor­tir en ver­sion pa­pier des sites web com­plets pour le confort de lec­ture uni­que­ment… J’en ai en­core pleins d’autres des exemples comme ce­lui-là! En bref, le pa­pier n’est pas mort et pas avant long­temps!

3)
Franck_­Pas­tor
, le 02.05.2005 à 07:48

Moi aussi j’en­ten­dais par­tout que l’in­for­ma­tique al­lait tuer le pa­pier, et j’y croyais. Le moins que l’on puisse dire est que c’est faux, y com­pris de­puis In­ter­net. Mais pour­quoi ? Quel­qu’un peut-il ex­pli­quer les rai­sons pour les­quelles le livre im­primé est tou­jours en pleine forme à notre époque ?

[Edit : par­tiel­le­ment grillé par Griz­zi­mero]

4)
Ca­plan
, le 02.05.2005 à 08:13

Merci Anne pour cette pro­me­nade à Piogre!
Pour ma part, je trouve que les livres pour en­fants pro­duits par or­di­na­teur, par exemple, n’ont ja­mais été aussi beaux du­rant ces der­nières dé­cen­nies! Quand on voit les hor­reurs pro­duites dans les an­nées 70, on se rend compte du pro­grès!

5)
Griz­zi­mero
, le 02.05.2005 à 08:14

Franck, je pense que le pa­pier a en­core de très beaux jours de­vant lui. A mon avis, les per­sonnes n’ont pas en­core com­pris que le pa­pier doit être en com­plé­ment à In­ter­net et vice versa. Com­bien de sites y-t-il qui sont une simple copie de la ver­sion pa­pier…? Ou pour les jour­naux, il n’y a que Le Matin qui s’en sort bien car son contenu léger ainsi que la cour­tesse de leurs ar­ticles aident gran­de­ment la lec­ture à l’écran. (es­sayez de lire des textes du jour­nal « Le Temps »…) Il est vrai que cela est propre à la ligne ré­dac­tion­nel de ce jour­nal et non pas à une ré­flexion de fond sur com­ment pu­blier une in­for­ma­tion sur pa­pier et élec­tro­ni­que­ment. Donc, le mé­rite n’est que mi­nus­cule…! :-) Mais cela prouve bien que pour la lec­ture à l’écran, ce n’est pas en­core ça.

Je peux don­ner éga­le­ment une autre ex­pli­ca­tion: l’être hu­main adore pos­sé­der, pos­sé­der ma­té­riel­le­ment. Avoir sous forme élec­tro­nique ne suf­fit pas. Cela est dû à la conser­va­tion des don­nées. Avez-vous déjà es­sayé d’ou­vrir un do­cu­ment tapé sur le trai­te­ment de texte de Com­mo­dore ou d’Atari…? Les don­nées ac­tuelles se­ront-elles conser­vables? Nous ne pou­vons pas l’af­fir­mer pour l’ins­tant quand bien même des ins­ti­tu­tions de stan­dar­di­sa­tion es­saient de rendre les do­cu­ments élec­tro­niques les plus in­tem­po­rels pos­sible.

Je me ré­jouis de connaître l’avis des autres per­sonnes sur ce sujet. :-)

6)
Guillôme
, le 02.05.2005 à 08:44

au­jour­d’hui tous les livres qui existent sont à la por­tée de tous, dans les pays dé­mo­cra­tiques.

Hélas, ma chère Anne, si tu pou­vais avoir rai­son…

Je me rap­pelle en­core d’amis ja­po­nais qui se four­nis­saient en livre d’his­toire à l’étran­ger pour connaître les pé­riodes sombres de leur pays. L’ac­tua­lité ré­cente a en­core sou­li­gné cette pro­blè­ma­tique (le japon mi­ni­mi­sant le mas­sacre de Nan­kin en dé­cembre 1937).

Mais, ce pays est loin. Re­gar­dons beau­coup plus près. La France.
La ligue des droits de l’homme re­cense l’en­semble des lois li­ber­ti­cides qui per­mettent en France de cen­su­rer à tout va :
http://​www.​ldh-france.​org/​telechargement/​loi_​observatoire/​TRICOIRE20200.​rtf

Fic­tion? Ou­tils ju­ri­diques non uti­li­sés? Que nenni. Chaque année, nom­breux sont les livres qui sont in­ter­dits. Le plus sou­vent car ils sont de na­ture po­li­tique ou ju­ri­dique (ex : livres sur Mit­te­rand même si ça date) mais pas seule­ment, pour des rai­sons mo­rales aussi, Chris­tian La­borde avec  » l’os de Dyo­ni­sos » est in­ter­dit le 12 mars 1987 (ce n’est plus le cas au­jour­d’hui).

Le plus dif­fi­cile est de se rendre compte de cette cen­sure qui est sou­vent in­vi­sible ou sans pu­bli­cité. Gé­né­ra­le­ment on le sait plus tard.

Là où je te re­joins, c’est qu’il est pos­sible « pour tous » d’avoir accès à n’im­porte quel livre grâce à In­ter­net, l’im­por­ta­tion… en­core faut-il sa­voir quoi cher­cher ou lire! Mais ne soyons pas dupe, chaque époque, chaque état et chaque pou­voir en place exerce une cen­sure car quel­que­soit la rai­son évo­quée (trouble à l’ordre pu­blique, at­teinte aux moeurs…), cet avis est par na­ture uni­la­té­ral.

Sinon, sur l’as­pect « li­bé­ral » du livre comme une mar­chan­dise évo­qué dans ton ar­ticle, nous sommes en­core pro­tégé en France de cela avec l’in­ter­dic­tion de sol­der le livre et le contrôle des prix :)

guillôme

7)
Sa­luki
, le 02.05.2005 à 09:06

Cela dit, j’ai tou­jours ri­golé pen­dant mes études…(1998-2002), lors­qu’on pré­di­sait la mort du pa­pier…

… j’en­ten­dais par­tout que l’in­for­ma­tique al­lait tuer le pa­pier, et j’y croyais.

Il y a bien plus long­temps, bon sang: il y a qua­rante ans!, lors de mes études d’in­gé­nieur, j’ai en­tendu la même chose. Et ap­prendre le For­tran sur un ca­hier ne me sem­blait pas trop pa­ra­doxal.

J’ai vite eu le dé­menti:
pour ob­te­nir le chiffre des ventes de mon sec­teur, cinq ans plus tard, on me don­nait tous les lundi matin 800 pages de lis­ting où j’al­lais pio­cher 4 ou cinq lignes.
Au­jour­d’hui je n’im­pri­me­rais, éven­tuel­le­ment, que ces cinq lignes là.

8)
Sa­luki
, le 02.05.2005 à 09:35

En deux ans, Mme Sa­luki et moi, avons perdu nos deux ma­mans, pas loin du siècle pour l’une, 85 ans pour l’autre.

Nous avons du dé­mé­na­ger leurs mai­sons et avons sto­cké en près de cent car­tons – donc pas loin de trois tonnes – leurs bi­blio­thèques qui avaient pour ca­rac­té­ris­tique d’avoir été ac­cu­mu­lées de bric et de broc avec éga­le­ment des ou­vrages ayant ap­par­tenu à leurs pa­rents.

En fai­sant les car­tons, nous avons heu­reu­se­ment éta­bli la liste des ou­vrages et ainsi, au­jour­d’hui, nous ré­ins­tal­lons les ou­vrages dans la pièce qui est de­ve­nue d’abord par force, main­te­nant par bon­heur, notre bi­blio­thèque.
Que d’ou­vrages d’in­con­nus – sur­tout dans les bon­dieu­se­ries, ça c’est pour Alec6 – mais aussi des es­sais pu­bliés à « compte d’au­teur » par le grand-père, nor­mal, il était à la Cour des Comptes!

Et, au dé­tour de la page de garde des « Voix du Si­lence », un « Pour Jac­que­line au ta­lent af­firmé, André Mal­raux » ou mieux sur le pa­pier jauni et corné, et la cou­ver­ture rouge d’un « Pa­roles » de 1946 ou 47, la même dé­di­cace si­gnée « J.P. »

Les plus an­ciens se sou­viennent des livres non mas­si­co­tés, et de l’uti­lité du coupe-pa­pier ou de l’ouvre lettres pour lire. Nous en avons trou­vés, tran­quilles, at­ten­dant leur pre­mier lec­teur de­puis qua­rante ou cin­quante ans.

Et tout ceci se mé­lange au­jour­d’hui à nos ou­vrages ré­cents.
C’est la vie.

9)
Stil­gar
, le 02.05.2005 à 10:37

Je hais les livres !!!

Ils me ruinent, je ne sais pas leur ré­sis­ter. Les li­brai­ries sont des ai­mants hon­nis.

Trèves de plai­san­te­ries, le livre ne dis­pa­rai­tra ja­mais au pro­fit de l’in­for­ma­tique. Avez vous sé­rieu­se­ment es­sayé de lire un ou­vrage com­plet sur un or­di­na­teur ?

Un livre se trans­porte de par­tout. Ah le plai­sir de se plon­ger dans une belle his­toire, confor­ta­ble­ment ins­tallé à l’ombre d’un arbre, ra­frai­chi par une douce brise…

10)
Fran­çois Cuneo
, le 02.05.2005 à 10:52

Un livre se trans­porte de par­tout. Ah le plai­sir de se plon­ger dans une belle his­toire, confor­ta­ble­ment ins­tallé à l’ombre d’un arbre, ra­frai­chi par une douce brise…

Ouais ben bon, un Po­wer­Book, on peut aussi le prendre à l’ombre d’un arbre, ra­fraî­chi par une douce brise hein…

Quoi? Ok, je vais à l’ombre d’un arbre, ra­fraî­chi par une douce brise, et je ferme bien la porte.

11)
Sa­luki
, le 02.05.2005 à 11:33

Ouais ben bon, un Po­wer­Book, on peut aussi le prendre à l’ombre d’un arbre, ra­fraî­chi par une douce brise hein…

Ces jours-ci, mieux vaut quand même choi­sir son arbre et faire at­ten­tion aux al­ler­gies dues aux pol­lens.

Nous sommes ar­ri­vés tard le soir, ven­dredi, et ce n’est pas ré­vé­ler un se­cret d’al­côve que de dire que nous dor­mons la fe­nêtre ou­verte.
Sa­medi matin, nous nous sommes ré­veillés …jaunes.
Hé oui, il y a quatre hec­tares de colza à l’ouest de la mai­son!
Il y avait près d’un mm de pol­len par­tout. Et les abeilles du maire (notre syn­dic) qui ne se don­naient même pas la peine d’al­lon­ger de quelques cen­taines de mètres leur ronde amas­seuse.

12)
Anne Cuneo
, le 02.05.2005 à 13:17

Je suis d’ac­cord avec ceux d’entre vous qui me cor­rigent en me fai­sant re­mar­quer que tous les livres ne sont pas à la dis­po­si­tion de tous. Mais je fai­sais une gé­né­ra­li­sa­tion par rap­port à l’époque où la lec­ture de la Bible en fran­çais vous va­lait la mort au bû­cher. Dans cer­tains pays non dé­mo­cra­tiques, cela se re­trouve en­core… Di­sons que dans les pays évo­lués tous les livres ne sont pas à la por­tée de tout le monde dans le pays, mais il n’est pas très dif­fi­cile de se les pro­cu­rer ailleurs.
Exemple, qui date d’avant In­ter­net, je le prends ex­près: en Suisse, il a long­temps été im­pos­sible de se pro­cu­rer le livre de Jean-Bap­tiste Mau­roux “Du bon­heur d’être Suisse sous Hit­ler”. Il avait été os­tra­cisé par tous les édi­teurs hel­vé­tiques. Il di­sait des vé­ri­tés in­ac­cep­tables en 1968, que cer­tains ont plus ou moins ac­cep­tées en 1995, mais ce n’est tou­jours pas vrai­ment di­géré. Son livre a été pu­blié par Jean-Jacques Pau­vert à Paris. Nous avons tout de même tous pu le lire, nous l’avons acheté en France. On ne nous l’a pas pris à la fron­tière, nous n’avons pas été jetés en pri­son. C’est grave, un livre qu’on oc­culte, mais le degré de per­sé­cu­tion n’est pas le même. Voilà ce que j’ai voulu dire, un peu ra­pi­de­ment bien en­tendu.
L’im­por­tant, c’est que main­te­nant, avec les pro­jets de li­bé­ra­li­sa­tion du prix du livre (qui vous pend au nez en France aussi, les amis, soyez lu­cides!), le lec­teur fi­nira par ne plus avoir le choix: il ne pourra lire que les livres dont les édi­teurs mo­no­po­listes dé­ci­de­ront D’AVANCE qu’ils vendent un chiffre mi­ni­mum – 10’000 par exemple. Et tous les in­ven­teurs de la lit­té­ra­ture, les jeunes, n’au­ront plus d’es­pace où s’ex­pri­mer et faire leurs pre­mières armes. Ça, c’est l’at­taque la plus grave à la dé­mo­cra­tie de la lec­ture ac­tuel­le­ment – même dans les pays dé­mo­cra­tiques.

Anne

13)
JCP
, le 02.05.2005 à 17:24

Ce qui risque de tuer le livre, ce n’est pas une désaf­fec­tion des lec­teurs, ce n’est pas non plus l’in­for­ma­tique, au contraire – c’est la trans­for­ma­tion de cet objet d’ex­cep­tion (cultu­relle) qu’est un bou­quin en simple mar­chan­dise sou­mise aux lois du mar­ché de la même façon qu’un oi­gnon ou un t-shirt.

Non. De la même façon que de la mu­sique, qu’un film ou qu’une pièce de théâtre.

Si l’on veut faire du livre une ex­cep­tion cultu­relle (et je n’y suis pas op­posé), sub­ven­tion­nons les au­teurs, pas les li­braires ou les édi­teurs. Comme on sub­ven­tionne (ou pas) les autres ar­tistes.

JCP

14)
Spa­rhawk
, le 02.05.2005 à 17:32

Bravo Anne, très bon ar­ticle. Je par­tage to­ta­le­ment ton point de vue. J’ai d’ailleurs trans­mis ton ar­ticle à Pierre-Mar­cel Favre (le pré­sident du Salon du livre, pour les non-Ro­mands ;-) ) Pour faire suite à ta re­marque sur les cri­tiques comme quoi le Salon du livre se­rait un fourre-tout, j’abonde dans ton sens. M. Favre nous a fait re­mar­quer que le Salon du livre de Paris a vu sa fré­quen­ta­tion di­mi­nuer dras­ti­que­ment ces der­nières an­nées, alors qu’il a lieu à Paris, ag­glo­mé­ra­tion de plu­sieurs mil­lions d’ha­bi­tants, ca­pi­tale de la langue fran­çaise, ber­ceau d’une foule d’édi­teurs et d’ins­ti­tu­tions cultu­relles. Il bé­né­fi­cie éga­le­ment d’un im­mense sou­tien de la presse. Pour­tant, cette année, il n’a eu que 140000 vi­si­teurs. Le Salon du livre de Ge­nève at­tire bon an, mal an plus de 100000 vi­si­teurs, dans une ville de 200000 ha­bi­tants. Je pense qu’un tel suc­cès est dû à l’éclec­tisme de la ma­ni­fes­ta­tion. Même si on n’est pas pas­sionné de livres, on peut trou­ver une bonne rai­son de s’y rendre et, il y a de fortes chances que par la même oc­ca­sion on s’in­té­resse aux livres.

Il est vrai qu’à un mo­ment on a parlé de la mort du pa­pier, mais c’était les pro­pos de gou­rous de l’in­for­ma­tique, qui sont, à mon humble avis, sou­vent dans un monde à part, loin des pré­oc­cu­pa­tions des gens. A ce pro­pos, je me rap­pelle mes dé­buts dans l’in­for­ma­tique, au début des an­nées 80, à l’époque où au ni­veau in­for­ma­tique per­son­nelle, on ne trou­vait que peu de lo­gi­ciels. Sur mon ZX81, je de­vais pro­gram­mer les lo­gi­ciels que je vou­lais ou les re­co­pier dans des re­vues in­for­ma­tiques: Dans ces der­nières, on trou­vait alors des « pré­dic­tions » selon les­quelles dans l’ave­nir, la plu­part des êtres hu­mains al­laient de­ve­nir des pro­gram­meurs… Le même genre de « phi­lo­so­phie » fai­sait dire, lors de lan­ce­ment du Mac, que cette his­toire de sou­ris, de dos­siers, de clic, double-clic, c’était juste un gad­get, que la vraie in­for­ma­tique se fai­sait à la ligne de com­mande.

Quant à la cen­sure, In­ter­net est un bon com­plé­ment du pa­pier. Des livres in­jus­te­ment cen­su­rés peuvent être dif­fu­sés par ce moyen tant qu’une lé­gis­la­tion en la ma­tière ra­ti­fiée par tous les gou­ver­ne­ments du monde n’existe pas. Cet état de fait qui pro­fite à des gens aux vi­sées ignobles (nazis, ra­cistes, pé­do­philes, etc.) peut aussi bé­né­fi­cier aux gens hon­nêtes.

15)
Oli­vier Pel­le­rin
, le 02.05.2005 à 22:26

Je rêve d’un livre…
qui puisse sur lire sur un écran, un PDA, avec de l’encre élec­tro­nique, qui soit mis à jour fa­ci­le­ment, qui dif­fuse des idées contro­ver­sées, ou nou­velles, ou clas­siques, qui se trans­mette ai­sé­ment, qui puisse être tiré à 3 exem­plaires et un peu plus, sans dif­fi­culté, qui ne coûte pas cher, mais qui per­mette aux au­teurs d’en tirer pro­fit, ainsi qu’aux édi­teurs (car il en faut)…
et j’y tra­vaille.

Merci Anne, les livres (qu’ils soient en pa­pier ou autre chose) c’est la vie.

16)
Anne Cuneo
, le 03.05.2005 à 09:47

Si l’on veut faire du livre une ex­cep­tion cultu­relle (et je n’y suis pas op­posé), sub­ven­tion­nons les au­teurs, pas les li­braires ou les édi­teurs. Comme on sub­ven­tionne (ou pas) les autres ar­tistes.

Le prix fixe du livre, cela ne si­gni­fie nul­le­ment sub­ven­tion­ner les li­braires, ne confon­dons pas. Cela si­gni­fie seule­ment faire d’un prix unique d’un cer­tain livre une obli­ga­tion. Cela per­met de pro­té­ger les pe­tits li­braires qui ne peuvent pas se payer le luxe de faire les mêmes ra­bais mi­ro­bo­lants qu’une Fnac par exemple. Or la lit­té­ra­ture na­tio­nale a be­soin des li­braires, qui la dé­fendent, qui sont sou­vent nos pre­miers lec­teurs et qui par­tagent leurs coups de coeur.
En Suisse, il y a quelques aides aux édi­teurs, et de rares aides aux au­teurs. Quant au reste, il faut se dé­brouiller avec les droits d’au­teur. Et que de­viennent les droits d’au­teur d’un écri­vain mal connu qui n’est plus of­fert en coup de coeur par des li­braires qui ne sont plus là? La de­mande du prix fixe, c’est, de la part des au­teurs, la re­ven­di­ca­tion de ga­gner cor­rec­te­ment sa vie; de bonnes ventes di­mi­nuent le be­soin qu’on a de sub­ven­tions pu­bliques. L’ex­cep­tion cultu­relle de­man­dée pour le livre (pour la culture), c’est une pro­tec­tion de la créa­tion “lo­cale”, c’est-à-dire na­tio­nale, face au rou­leau com­pres­seur de la lit­té­ra­ture no­tam­ment an­glo-saxone qui, du fait qu’elle est pu­bliée dans la langue la plus lue du monde, a ten­dance à ba­layer tout le reste. La concur­rence est, avec des prix li­bé­rés, dé­loyale.

Anne

17)
JCP
, le 03.05.2005 à 14:13

Cela per­met de pro­té­ger les pe­tits li­braires qui ne peuvent pas se payer le luxe de faire les mêmes ra­bais mi­ro­bo­lants qu’une Fnac par exemple.

Et bien, c’est exac­te­ment ça, sub­ven­tion­ner.

La concur­rence est, avec des prix li­bé­rés, dé­loyale.

Vu comme ça, alors, la concur­rence est tou­jours dé­loyale pour celui qui la subit…

Et le prix unique ne ré­duit pas le be­soin de sub­ven­tion, il trans­fert le paie­ment de l’Etat (qui ne paie donc pas de sub­ven­tion) vers le lec­teur (qui paie son livre plus cher).

Je ne suis PAS d’ac­cord de payer glo­ba­le­ment mes bou­quins plus cher pour les beaux yeux de pe­tits li­braires que je ne fré­quen­te­rai (en grande ma­jo­rité) mal­heu­reu­se­ment pas.

JCP

18)
Sa­luki
, le 03.05.2005 à 14:50

Je ne suis PAS d’ac­cord de payer glo­ba­le­ment mes bou­quins plus cher pour les beaux yeux de pe­tits li­braires que je ne fré­quen­te­rai (en grande ma­jo­rité) mal­heu­reu­se­ment pas.

Les « pe­tits » li­braires n’ont pas que des beaux yeux, ils ont sou­vent un conseil éclairé et l’amour du bou­quin, une offre in­tel­li­gente dis­jointe des listes de « meilleures ventes », ils vous disent aussi bon­jour quand tu entres chez eux… Il y a vingt-cinq ans, la FNAC fai­sait ET son mé­tier de dis­coun­ter ET le mé­tier de li­braire, avec un per­son­nel qua­li­fié et pas­sionné. Au­jour­d’hui on y trouve les mêmes ELS*, ou à peu près, que chez n’im­porte quel hy­per­mar­ché de ban­lieue. Et les mêmes piles de top-sel­lers.
La dif­fé­ren­cia­tion ne doit pas por­ter que sur l’en­seigne, elle doit être fon­dée sur la qua­lité: d’offre, de ser­vice, de qua­li­fi­ca­tion.
Elle ne de­mande pas grand-chose : elle de­mande le même prix de vente que celui que fe­rait l’hy­per­mar­ché en ne mar­geant pas à zéro sur le livre – placé ainsi en prix d’ap­pel – grace à sa marge ar­rière sur les yaourts. Il ne s’agit pas de payer plus cher, mais de ne pas vendre en com­pen­sant ailleurs !

Tiens, voilà que Ca­lida se paye Au­bade: les abri­bus de Bof­flens vont bien­tôt mé­ri­ter un coup de Nikon bien au point plu­tôt que de Canon…

*ELS= em­ployés de libre-ser­vice

19)
JCP
, le 03.05.2005 à 16:34

Dé­solé Sa­luki, je ne peux pas m’iden­ti­fier à tes af­fir­ma­tions. J’ai le sen­ti­ment que le pou­voir émo­tion­nel du livre en­gendre des ré­ac­tions aveu­glées, voire des peurs ir­ra­tion­nelles au sujet de son ave­nir.

Com­pa­rons avec la mu­sique.

Il y a 20 ans, j’al­lais chez un dis­quaire chez qui je pou­vais écou­ter tous les disques en rayons (on pou­vait même fumer dans la bou­tique…). Il me connais­sait, sa­vait ce que j’avais acheté les X der­nières an­nées et me conseillait à l’oc­ca­sion tel ou tel album.

J’étais par­fai­te­ment heu­reux d’ache­ter, année après année, le der­nier album de mes ar­tistes fa­vo­ris. Grâce à lui, j’avais la pos­si­bi­lité d’étendre mon ca­ta­logue.

Au­jour­d’hui, les pe­tits dis­quaires ont dis­paru, les grandes chaînes vendent 98% de daube, j’écoute tou­jours de la mu­sique, qui est ra­re­ment clas­sée dans les hit-pa­rade, et j’ar­rive tou­jours à faire des dé­cou­vertes (grâce, par exemple, au forum de Cuk…). Les ca­naux ont changé.

Et quand j’achète de la mu­sique dans une grande sur­face ou sur in­ter­net, je la paie net­te­ment moins cher qu’à l’époque.

Je suis d’ac­cord, l’exemple n’est pas par­fait et il faut du souffle pour af­fir­mer que le prix du disque est libre…

Pour le livre, je ne me fais aucun sou­cis. Tout le monde s’ac­corde ici à dire que le livre en pa­pier n’est pas près de dis­pa­raître. Pour­quoi le livre de qua­lité dis­pa­rai­trait-il?

Et les li­braires sont des com­mer­çants comme les autres : leur pre­mière pré­oc­cu­pa­tion, c’est leur bif­teck. L’amour de la lit­té­ra­ture ou des gen­tils au­teurs vient loin der­rière…

De tout temps des mé­tiers ont dis­paru. Le ven­deur d’ap­pa­reil photo pré­féré de Fran­çois sur­vit dans un mar­ché lar­ge­ment conquis par la grande dis­tri­bu­tion grâce à la qua­lité de son ser­vice et à son en­tre­gent (même si, per­son­nel­le­ment, je trouve que l’échoppe tient un peu du ma­noir de la fa­mille Adams ;-)), je n’ai en­tendu per­sonne ré­cla­mer un prix unique pour les ap­pa­reils pho­tos…

JCP

20)
Anne Cuneo
, le 03.05.2005 à 17:48

Et les li­braires sont des com­mer­çants comme les autres : leur pre­mière pré­oc­cu­pa­tion, c’est leur bif­teck. L’amour de la lit­té­ra­ture ou des gen­tils au­teurs vient loin der­rière…

Merci pour eux. Ils ap­pré­cient sû­re­ment.
Ceci me semble assez bien ré­su­mer le mé­pris pour une cer­taine forme d’ar­ti­sa­nat où il est cer­tain que l’ar­ti­san vou­lait ga­gner sa vie, mais il fai­sait son mé­tier avec com­pé­tence, par­fois même avec amour. Si tu ne re­grettes pas ton petit dis­quaire, c’est toi qui vois. Per­mets-nous de re­gret­ter les ir­rem­pla­çables li­braires, au­tant que nous re­gret­tons les dis­quaires, d’ailleurs, per­mets-nous d’al­ler ache­ter nos ap­pa­reils de photo chez un mar­chand qui connaît à fond ce qu’il vend, nos Macs chez des re­ven­deurs qui savent pré­ci­sé­ment com­ment ça fonc­tionne et qui peuvent nous aider en cas de panne sans de­voir cou­rir à Cu­per­tino, ni même en Hol­lande.
Pour ma part, je pré­fère les lieux où on ne m’offre pas de la quan­tité pure, mais aussi un brin de qua­lité dans les rap­ports ven­deur-ache­teur.
Au ni­veau où tu le places, le débat de­vient hélas peu pro­duc­tif, je crains que nous ne nous par­lions entre sourds, aussi m’en tien­drai-je là.

Anne

21)
Sa­luki
, le 03.05.2005 à 18:27

De tout temps des mé­tiers ont dis­paru. Le ven­deur d’ap­pa­reil photo pré­féré de Fran­çois sur­vit…

Deux choses:
• D’abord une pe­tite his­toire.

Les mou­cheurs de chan­delle ont vu leur mé­tier vi­ve­ment concur­rencé. Ils ont en­gagé un coach après une for­ma­tion à l’er­go­no­mie.
Ils ont ainsi amé­lioré leur pro­duc­ti­vité de près de 50% en te­nant un étei­gnoir dans chaque main, mis leur cas­quette à l’en­vers pour mieux voir sans avoir à trop haus­ser la tête, et baissé dras­ti­que­ment leurs prix.
Les pou­voirs pu­blics ont dé­cité une en­quête pré­li­mi­naire pour dum­ping et en­vi­sagé des me­sures de sau­ve­garde.
Et pour­tant leur mé­tier a dis­paru.

Sa­laud d’Edi­son…

Il est donc des dis­pa­ri­tions iné­luc­tables.
Je ne consi­dère pas les li­braires comme de­vant faire par­tie de la pro­chaine perte de bio­di­ver­sité…

• En­suite quelques faits.

J’in­ter­viens dans des mis­sions de re­dy­na­mi­sa­tion des centres-ville.

J’ai fait mienne de­puis long­temps la dif­fé­rence entre «consom­ma­teur», ava­tar sta­tis­tique assez stable dans la durée, et «Client», in­di­vidu ou en­tité unique au com­por­te­ment fer­me­ment lié à l’ins­tant et aux boyaux qu’il a dans la tête.

Les en­seignes de pé­ri­phé­rie sont en dé­clin à pé­ri­mètre égal, ne t’en dé­plaise, et même les hard dis­coun­ters voient leurs li­mites, cf la nou­velle en­seigne d’Aldi de dé­sto­ckage …de leurs sur­plus !!!

La ten­dance lourde est au­jour­d’hui au re­vi­re­ment, au re­tour d’en­seignes na­tio­nales en centre-ville* – et ce, y com­pris dans de pe­tits bourgs – et elle conduit à leur concen­tra­tion sur quelques axes ma­jeurs et à la dé­va­lo­ri­sa­tion ac­cé­lé­rée des autres lieux.
À l’in­té­rieur même de ces pôles, le fa­meux «N°1» se ré­tré­cit.
La grande dis­tri­bu­tion s’en mêle aussi, à la re­cherche des re­lais de crois­sance qu’elle peine à éta­blir, en re­pre­nant des com­merces ali­men­taires de proxi­mité pour en confier la gé­rance à leurs an­ciens pro­prié­taires, presque la re­vanche (tar­dive) du fa­meux Fa­mi­lis­tère…

La dif­fé­ren­cia­tion entre les en­sembles de pé­ri­phé­rie et le centre-ville s’ar­ti­cule – ou de­vrait le faire – sur :
Iden­tité, Image, Ac­cueil, Ser­vices, Confort d’achat.
La mise en avant des com­plé­men­ta­ri­tés plu­tôt que des ri­va­li­tés est la plus pro­duc­tive des orien­ta­tions de com­mu­ni­ca­tion.
Le com­merce se rap­proche du Client, an­ti­cipe ses be­soins et c’est bien ainsi: il tend à vendre en al­lant vers lui, plu­tôt qu’à cher­cher à l’at­ti­rer pour qu’il achète .
Il veut non seule­ment vendre une fois, mais faire re­ve­nir …sou­vent.

La dy­na­mi­sa­tion du cœur même des villes, où une ma­jo­rité des com­merces – hors res­tau­ra­tion ra­pide – sont en dif­fi­culté, passe sou­vent par :
• leur désen­cla­ve­ment et une amé­lio­ra­tion de la sé­cu­rité,
• la pré­sence, main­tien ou ré­ap­pro­pria­tion de ser­vices et es­paces pu­blics,
• l’en­tre­tien (au delà de la simple ré­no­va­tion du bâti), le gain de ver­dure,
• le re­cru­te­ment d’un co­or­don­na­teur « cha­ris­ma­tique », et sou­vent c’est l’em­bauche par les mu­ni­ci­pa­li­tés et les as­socs de com­mer­çants d’un « ma­na­ger de centre-ville »,
• l’ac­cep­ta­tion et la conduite d’une évo­lu­tion de l’offre et de l’or­ga­ni­sa­tion –ré­ti­cences te­naces de la part d’in­di­vi­dua­listes – liée éga­le­ment à la for­ma­tion de tous les ac­teurs.

*
Les baux ré­cents im­po­sés par les centres com­mer­ciaux fran­çais sont sou­vent léo­nins ; ils conduisent à l’aban­don de la pro­priété com­mer­ciale et de­viennent ainsi le meilleur allié des cœurs de ville, fussent-ils pe­tits !

22)
JCP
, le 03.05.2005 à 18:59

Anne,

Vous vous mé­pre­nez/je m’ex­primme mal : j’aime l’ar­ti­sa­nat. J’aime les belles choses bien faites. J’ap­pré­cie la pa­tine unique d’un meuble fa­bri­qué len­te­ment à l’an­cienne.

Et j’éco­no­mise long­temps pour, enfin, pou­voir me l’of­frir.

Mais je ne m’at­tends pas à ce qu’on im­pose un prix unique sur les tables gi­gognes…

De même, je pense qu’il y aura tou­jours une clien­tèle pri­vi­lé­giant l’ac­cueil, le conseil, le « ser­vice » per­met­tant à l’une ou l’autre des « pe­tites » li­brai­ries de res­ter en vie. Je le sou­haite.

Et si je ci­tais la bou­tique du Bou­le­vard de Grancy, c’est jus­te­ment pour prou­ver que c’est pos­sible. Sans prix unique. Sans sub­ven­tion. J’ad­mets y avoir été très bien servi et conseillé et y être re­tourné. Alors pour­quoi pas pour une li­brai­rie?

Mais si ça n’était pas le cas, si une ville comme Lau­sanne ne conte­nait pas assez d’ama­teurs éclai­rés sus­cep­tibles de faire vivre une telle en­seigne… alors cela me dé­ran­ge­rait que la­dite en­seigne per­dure pour le bé­né­fice d’un petit nombre, mais « sur le dos » de tous les ama­teurs de livres.

Pro­mis, je n’en veux pas aux li­braires. Je ne leur sou­haite pas de mal.

Autre exemple : j’achète mes lu­nettes chez le même op­ti­cien de­puis 30 ans (enfin, au­jour­d’hui c’est chez le fils de l’op­ti­cien d’il y a 30 ans). Je sais que je les paie plus cher que dans une grande en­seigne. Mais j’ai un ser­vice in­com­pa­rable.

Le car­tel des op­ti­ciens est tombé et per­sonne (mis à part les op­ti­ciens) ne s’est plaint…

Sa­luki, merci pour ton ex­posé sur les centre-ville. Je n’ai rien à y re­dire…

Les en­seignes de pé­ri­phé­rie sont en dé­clin à pé­ri­mètre égal, ne t’en dé­plaise,

Mais pour­quoi « ne t’en dé­plaise » ??? Je suis ravi si les centres se re­dy­na­misent. Je conti­nue­rai à aller faire mes courses « ali­men­taires et ré­cur­rentes » en pé­ri­phé­rie, là où je peux garer ma grosse ba­gnole et rem­plir le coffre à ras-bord.

Puis j’irai flâ­ner en ville où j’ef­fec­tue­rai des achats im­pul­sifs au gré des vi­trines pré­sentes.

Ni­ckel!

Rien qui me dé­plaise.

Je ne me fais pas l’apôtre de telle ou telle théo­rie. Je suis juste sur­pris que l’on s’étonne d’une évo­lu­tion com­mer­ciale jugée en gé­né­ral (et par moi) nor­male pour les phar­ma­ciens ou les op­ti­ciens, mais scan­da­leuse pour les li­braires.

Voilà, voilà!

JCP

23)
Sa­luki
, le 03.05.2005 à 19:43

Mais pour­quoi « ne t’en dé­plaise » ???

Par­donne-moi, s’il te plaît,
c’est une for­mule qui « dé­gou­line toute seule du cla­vier » et j’au­rais dû y ajou­ter « ma chère ». Je n’ai pas envie de me faire cas­ser la gueule à la Cuk­Day ;-)

Je conti­nue­rai à aller faire mes courses « ali­men­taires et ré­cur­rentes » en pé­ri­phé­rie, là où je peux garer ma grosse ba­gnole et rem­plir le coffre à ras-bord.

Et si tu al­lais à pied, pas trop loin de chez toi si tu vis en centre-ville, com­man­dais et qu’on te li­vrait à do­mi­cile tout ton bou­zir pour 15 CHF et franco au delà de ±150-200 d’achat ? Ca com­mence à se faire par ici.

Les phar­ma­ciens au­jour­d’hui en France vivent par et de la par­phar­ma­cie et non plus par l’of­fi­cine. Il est scan­da­leux que l’im­plan­ta­tion d’une of­fi­cine soit plus dif­fi­cile que celle d’un gros centre com­mer­cial en rai­son des vis­co­si­tés men­tales de l’Ordre des Phar­ma­ciens. Quand tu penses qu’ils n’ac­ceptent de dif­fu­ser les mé­di­ca­ments gé­né­riques que parce que leur taux de marge a été ré­éva­lué afin qu’ils n’aient pas de perte en sub­sti­tuant !

(cau­che­mard pour se connec­ter sur le site, ce soir, m’sieur l’ad­min’)

24)
JCP
, le 03.05.2005 à 21:48

Ouaip : quand je vais en ville, je prends le trol­ley ou je vais à pied, c’est selon.

Mais les sur­faces « ali­men­taires » ne sont pas lé­gion. Le choix de pro­duit est moins vaste qu’en pé­ri­phé­rie. Les en­seignes qui livrent le font pour des ta­rifs, de mé­moire, assez pro­hi­bi­tifs si tu veux être livré le jour-même.

Et si le centre-ville veut (re)de­ve­nir vi­vant, il doit ac­cueillir plus que les ha­bi­tants. Cette concep­tion de ville fer­mée que nous im­pose pro­gres­si­ve­ment la gauche (en par­tant du pos­tu­lat, vé­ri­fié au de­meu­rant, que pour ré­duire le tra­fic il faut em­pê­cher les au­to­mo­bi­listes de rou­ler et de se par­quer) ne fait rien pour aider au dé­ve­lop­pe­ment de nos cités.

JCP

25)
Sa­luki
, le 03.05.2005 à 23:09

Cette concep­tion de ville fer­mée que nous im­pose pro­gres­si­ve­ment la gauche…

La gauche l’a sans doute rêvé, mais la droite le fait, comme di­rait Sony.
Je ne prends que le centre-ville de ma voi­sine, Troyes, où le maire ac­tuel, F. Ba­roin, est UMP bon teint et a suc­cédé a Ro­bert Gal­ley, gendre de Le­clerc, tré­so­rier en son temps du parti gaul­liste RPR et maire de Troyes pen­dant quinze ans.
De re­dou­tables gau­chos…
A Stras­bourg, la gauche a com­mencé et la droite ac­cen­tue…

Tout qat­qat que je suis, la cir­cu­la­tion au­to­mo­bile in­di­vi­duelle for­ce­née en centre ville, beurk: j’étais Caire il ya peu, deux jours et demi et tu de­viens raide écolo.

Pour en re­ve­nir à ce que nous di­sions, à Paris de nom­breux pdv livrent et je connais pas mal de Fran­prix, -y com­pris pas loin de chez Alec6, bien si­len­cieux ces jours-ci. Il a du aller faire le plein de foie gras…
C’est ce que j’es­saie aussi de pro­po­ser dans mes pe­tits chan­tiers de dy­na­mi­sa­tion…

26)
zi­touna
, le 04.05.2005 à 15:13

Je me rap­pelle en­core d’amis ja­po­nais qui se four­nis­saient en livre d’his­toire à l’étran­ger pour connaître les pé­riodes sombres de leur pays.

C’est aussi un pays où les livres sont assez peu chers, très lus (plu­sieurs heures de trans­ports en com­mun par jour, ça doit aider) et je crois qu’ils n’ont pas moins de 6 ou 7 tra­duc­tions dif­fé­rentes d' »à la re­cherche du temps perdu »!
Pour ce qui est de la dé­fense du p’tit li­braire, je suis ab­so­lue­ment pour. Le jour où la flaque aura le mo­no­pole, un livre qui pour­rait seule­ment dé­plaire ou même faire haus­ser un sour­cil à mr Pi­nault, se­rait dans l’im­pos­si­bi­lité de trou­ver un édi­teur.
En prime, un petit ar­ticle du très gau­chi­sant La Tri­bune qui traite d’une autre par­tie du pro­blème.
Zit, qui adore lire en mar­chant…