Le bas­son ba­roque

Après la viole de gambe, après la dis­co­gra­phie ba­roque, après vous avoir dit com­ment et pour­quoi j'étais ba­ro­queux, après le tra­verso, je vous pré­sente le bas­son.

Le bas­son ? Mais si, voyons. Vous connais­sez Pierre et Le Loup de Pro­ko­fiev, écrit pour faire dé­cou­vrir les ins­tru­ments de l'or­chestre.

 

 

L'un des per­son­nages, le Grand Père est re­pré­senté par un bas­son. Écou­tez (et re­gar­dez).

 

 

Donc un bas­son c'est ça.

Bas­son mo­derne

 

Voici la no­men­cla­ture de l'ins­tru­ment.

 

No­men­cla­ture du bas­son

 

 

De fait, il s'agit de 2 tubes, creux, ac­co­lés et mis en com­mu­ni­ca­tion dans les­quels cir­cule l'air. Le son est pro­duit en souf­flant une anche double fixée au bocal.

 

2 anches doubles pour bas­son.

Une anche ? Oui, 2 la­melles de ro­seau, taillées, ajus­tées et as­so­ciées par un lien.

Le bas­so­niste met la anche en vi­bra­tion par le souffle, il en contrôle les va­ria­tions par des pres­sions va­riables des lèvres.

Le bas­son est un ins­tru­ment à vent de la fa­mille des bois, dont la tes­si­ture est de 3 oc­taves et une quinte, un peu moins pour les ins­tru­ments d'étude. Il pos­sède des clés (comme un saxo­phone ou une cla­ri­nette).

Vous connais­sez as­pect, al­lure, et mé­ca­nique de pro­duc­tion du son, main­te­nant …

 

Une pe­tite his­toire du bas­son.

Nous n'avons en­tendu un bas­son « mo­derne » dont je vous laisse dé­cou­vrir les dé­tails ici.

Je m'in­té­resse plu­tôt aux bas­sons ba­roques (qui a dit « ça m'au­rait étonné ? »).

Voici un bas­son vé­ni­tien que nous en­ten­drons un peu plus loin. Il est l'œuvre du fac­teur hol­lan­dais Peter De Ko­ningh.

Bas­son vé­ni­tien ≈ 1700

 

 

Par rap­port au bas­son mo­derne, il n'y a que 4 clés, mais il y a aussi des trous que le mu­si­cien va fer­mer ou ou­vrir plus ou moins par­tiel­le­ment de ma­nière iden­tique au jeu d'une flûte à bec.

Voici main­te­nant, une ré­plique d'un bas­son al­le­mand du fac­teur J.H. Ei­chen­topf

 

Bas­son d'après Ei­chen­topf ≈ 1750

 

 

Les dif­fé­rences ex­té­rieures sont vi­sibles, mais à l'in­té­rieur…: en souf­flant, le bas­so­niste ap­porte aussi de l'hu­mi­dité (sou­ve­nez-vos flûtes à bec à l'école), hu­mi­dité qui se dé­pose plus ou moins au long des 2,5 mètres de la perce. Hu­mi­dité et bois (érable dans la ma­jo­rité des cas) ne font pas bon mé­nage. Le mu­si­cien se trouve, dans le temps d'un concert par exemple, dans l'obli­ga­tion de mo­di­fier les doig­tés … heu … pour la même note !! … s'il veut conser­ver un sem­blant de jus­tesse … bon cou­rage !!.

D'ac­cord, d'ac­cord, le bas­son « mo­derne » a ré­solu ce pro­blème: la perce du bas­son est in­té­gra­le­ment ta­pis­sée d'un ma­té­riau étanche à l'hu­mi­dité.

Le bas­son a un an­cêtre ap­pelé la dul­ciane (dé­solé pour le texte en an­glais, le Wi­ki­pe­dia en fran­çais contient un ar­ticle vide).

Voici la re­pré­sen­ta­tion qui en est don­née dans la « bible ins­tru­men­tale », le Syn­tagma Mu­si­cum de Mi­chael Pre­to­rius. Vous no­te­rez la pré­sence de plu­sieurs tailles d'ins­tru­ments, dont on pour­rait dire en em­ployant la no­men­cla­ture ac­tuelle qu'il existe des dul­cianes ténor, ba­ry­ton et basse.

 

 

Voici com­ment sonne un en­semble de dul­cianes dans le­quel on en­tend 3 tes­si­tures ins­tru­men­tales. On est à la Re­nais­sance.

Le terme ita­lien fa­gotto est tra­duit en France en 1636 dans l'Har­mo­nie Uni­ver­selle de Marin Mer­senne en bas­son.

La pre­mière men­tion his­to­rique du mot « bas­son » en France dans l'Har­mo­nie Uni­ver­selle

 

L'époque ba­roque sim­pli­fie et ne laisse que le bas­son … basse. Son rôle oc­cupe le conti­nuo dis­tri­bué, selon les res­sources entre la viole de gambe, le vio­lon­celle ou le bas­son.

Quelques exemples de mu­siques avec bas­son:

• Jo­hann Se­bas­tian Bach en fait l'ins­tru­ment do­mi­nant dans un Duetto de la can­tate BWV 149
• Mi­chel Cor­rette dans son re­cueil « Les Dé­lices de la So­li­tude » in­ter­prété par le très très grand bas­so­niste Danny Bond, trop, trop peu connu. Danny a été un des pi­liers de la ré­dé­cou­verte du bas­son ba­roque.
•  Jean-Phi­lippe Ra­meau a beau­coup illus­tré les am­biances d'opé­ras avec le bas­son. Voici l'en­trée de Po­lym­nie dans Les Bo­réades par Marc Min­kowski et son or­chestre Les Mu­si­ciens du Louvre (Marc, avant d'être chef d'or­chestre était … bas­so­niste)

L'époque ba­roque a aussi confié des par­ti­tions de so­listes au bas­son. Vi­valdi consacre 37 concer­tos au bas­son so­liste et 15 avec d'autres so­listes ce qui en fait le com­po­si­teur le plus pro­li­fique pour cet ins­tru­ment. Te­le­mann signe 4 concer­tos pour bas­son, ainsi que Karl Sta­mitcz.

Avant d'illus­trer ces mu­siques, je sou­haite vous faire dé­cou­vrir quelques dé­tails so­nores et cou­leurs ame­nées de l'ins­tru­ment par l'in­croyable dy­na­mique que voici.

Voici un son grave.

Voici un son al­lant un peu plus dans le haut du re­gistre.

Ici, on souffle fort.

Enfin, un échan­tillon de va­ria­tions.

 

Dis­co­thèque

Ma pre­mière ren­contre avec le bas­son ba­roque s'est faite vers 1977 avec cet en­re­gis­tre­ment da­tant de l'an­née pré­cé­dente.

 

Das Alte Werk 6.41961 AW

Le so­liste est Milan Tur­ko­vic, dont on peut dire qu'il a ini­tié le re­nou­veau du bas­son ba­roque que le XIX ème avait en­terré.

Milan Tur­ko­vic

 

 

La pre­mière plage de ce 33T est celle-ci: concerto pour bas­son et basse conti­nue en Mi mi­neur d'An­to­nio Vi­valdi RV 484.

L'ins­tru­ment joué est du fac­teur Kas­par Tau­ber.

Le voici

Je vous fais écou­ter une ver­sion la plus ré­cente, en­re­gis­trée par Ser­gio Az­zo­lini et son en­semble L'Aura Soave de Cre­mone.

Ser­gio Az­zo­lini

 

Ser­gio a en­tre­pris d'en­re­gis­trer les 39 concer­tos pour bas­son de Vi­valdi. Il joue sur le bas­son vé­ni­tien mon­tré plus haut Ils ont été com­po­sés entre 1730 et 1740. On ne connait pas le des­ti­na­taire … enfin … peut-être une des « jeunes » pro­té­gées de Vi­valdi de l'Os­pe­dale della Pieta.

À noter que cet en­re­gis­tre­ment a été réa­lisé sur un … Mac­Book … « assez bien » épaulé par DAW Magic Se­quoia.

Dans une émis­sion de radio, Ser­gio rap­porte sa vi­sion des concer­tos pour bas­son de Vi­valdi.

Voici com­ment Ser­gio en­tend le concerto en sol ma­jeur, RV 493.

D'abord l'en­trée: Buon­giorno si­gnora, buon­giorno si­gnore, puis l'ar­ri­vée sur la la­gune de Ve­nise.

Et main­te­nant, Ser­gio joue ce concerto.

Que pen­sez-vous de la vi­sion de Ser­gio de cette mu­sique …  ?

Enfin, Vous pou­vez voir Ser­gio jouer ici.

 

J'ai évo­qué plus haut Danny Bond, peu mis en lu­mière, ayant exercé sur­tout le conti­nuo. Vous trou­ve­rez sa dis­co­gra­phie ici.

 

La­dies and Gent­le­men…Mis­ter Danny Bond

 

Merci de m'avoir ac­com­pa­gné.

 

 

P.S. La ré­dac­tion de cet ar­ticle se ter­mine au mo­ment où j'ap­prends la dis­pa­ri­tion de Ni­ko­laus Har­non­court.

Mon­sieur le Comte en plein tra­vail

Nous al­lons dans le contexte de cet ar­ticle, lui rendre hom­mage. Voici le concerto pour flûte tra­verso avec ac­com­pa­gne­ment de bas­son. Le flû­tiste était un des com­pa­gnons des dé­buts d'Har­non­court, Leo­pold Stastny, aussi dis­paru, le bas­son est tenu par Milan Tur­ko­vic.

 

Leo­pold Stastny

La par­tie de vio­lon prin­ci­pal est tenue par Ma­dame Alice Har­non­court.

Alice Har­non­court lors du concert donné pour ses 80 ans

Vous no­te­rez dans l'in­ter­pré­ta­tion, l'ex­pres­sion d'une « vio­lence » (?) dans les 1er et 3 ème mou­ve­ments. Ce n'est pas « joli » et que c'est ex­pres­sif.

La fin du 3 ème mou­ve­ment qui s'éteint et meurt … c'était ça, la vie d'Har­non­court.