Aujourd'hui je ne vais pas vous présenter un test.
J'ai décidé de vous faire partager une de mes autres passions en dehors du Mac: la bande dessinée.
Et c'est un événement bien particulier qui me pousse à m'adonner à ce nouvel exercice. En effet, la semaine dernière, une BD très attendue est parue: Trente-deux Décembre.
Enki Bilal, monstre sacré du neuvième art (la BD) nous aura fait attendre cinq longues années avant de nous offrir la suite de son magnifique Sommeil du monstre.
Je vais tenter ici de vous donner envie de lire cette oeuvre sans pour autant vous dévoiler tous ses secrets, ce serait dommage.
Le dessin de Bilal, comme le bon vin, s'améliore avec les années. Son style à la fois sombre et dynamique, réaliste et extravagant, aérien et solide ne peut que séduire. Chaque détail compte, même le plus saugrenu. Il attache toujours autant d'importance à de petits faits anodins qui amènent une ambiance hors du commun (minicat et les mouches du Sommeil du monstre ont cédé leur place à des poissons).
Au niveau scénaristique, Bilal fait très fort, comme à l'accoutumée. Dans tous ses albums, l'auteur amène un contexte actuel. Par exemple, son premier album, La croisière des oubliés (1975) suinte la peur des expérimentations scientifiques militaires, Les phalanges de l'ordre noir (1979) se situe dans le contexte des guerres franquistes en Espagne, le Sommeil du monstre (1998) parle intensivement de la guerre en Bosnie (Bilal est né à Belgrade en ex-Yougoslavie).
Dans Trente-deux décembre, Bilal s'interroge sur les limites que l'homme est prêt à franchir pour accéder à la gloire, à la reconnaissance, ou au pouvoir. Jeffersson Holeraw, artiste en vogue, choque et plaît grâce à ses happenings tous plus sanglants les uns que les autres. Il invente une nouvelle forme d'art:
"Ce n'est pas de l'art brut, c'est de l'art brutal"
Un autre de ses happenings tuera les spectateurs venus y assister.
Ce que je tire de ce récit c'est que Bilal fait un constat: la mort ne choque plus, elle plaît.
La télévision, le cinéma, ou toute autre forme de média (jeux vidéos y compris) tendent à banaliser la mort. Et la règle d'or, c'est que pour sortir du lot, il faut choquer, encore et toujours plus. L'acte de destruction est ainsi encensé. On a pu voir lors de la triste guerre en Irak que l'on plaçait maintenant des caméramans dans les chars d'assaut américains. On veut être aux premières loges pour assister à ce magnifique spectacle qu'est la violence.
Dans sa BD Bilal franchit le prochain pas et fait de tout ceci un art. Et il parle ainsi de ses craintes en essayant de se protéger avec le bouclier de l'humour (toujours omniprésent à un certain degré dans ses BDs). L'humour est-il la solution à la folie de l'homme ?
- Vous êtes fou !
- Non. Artiste.
Mais parallèlement à tout ça, le scénario du Sommeil du monstre continue à évoluer. Toujours au plus proche des trois personnages autour desquels tourne cette histoire. Ces deux hommes et cette femme, qui sont nés le même jour de l'année 1993 et se sont tous les trois retrouvés dans un hôpital de Sarajevo, orphelins, pour ensuite se perdre de vue. Trente ans plus tard, Nike Hatzfeld, dont la mémoire prodigieuse lui permet de se souvenir du lendemain de sa naissance, dans cet hôpital, avec Amir et Leyla pleurant à ses côtés, continue sa quête pour retrouver ses deux amis.
Cet album est tout d'abord beau. Puis il interroge et interpelle. Ce futur proche est-il celui qui nous attend ?
Puis il y a cette date, le trente-deux décembre. Date mystère, à la frontière entre deux années, entre une fin et un commencement. Fin de quoi ? Commencement de quoi ? Que signifie-t-elle ?
Bilal pousse à la réflexion mais ne donne pas de réponse...la suite dans cinq ans ?
A noter qu'il existe deux éditions différente, l'une intitulée 32 Décembre et l'autre Trente-deux Décembre. Cette dernière est accompagnée d'un petit livret contenant les dialogues du livre
Alors, une humeur totalement déconnectée du Mac ? Pas vraiment, puisque Bilal dessine ses cases, puis il les scan et les retravaille sur son ordinateur. Puis il ajoute les dialogues grâce à une police de caractère imitant son écriture, et fait enfin la mise-en-page.