Un grand vibraphoniste de jazz en concert, comme Mak Sherman, c'est pas tous les jours. Et pour cause: ce monstre de métal qu'est le vibraphone n'est pas facile à transporter, ni à trouver en location. Heureusement, celui-ci a été prêté par un jeune musicien romand. De plus, comme le violon… Enfin, comme tous les instruments en fait (sauf la guimbarde), il ne supporte pas la médiocrité… Et il fait partie de ces instruments qui tendent à disparaître de l'équipement des musiciens de jazz, tout comme l'orgue Hammond, complètement supplanté par les synthétiseurs.
La sonorité de cet instrument est très particulière, avec une tenue de note exceptionnelle, un son métallique (contrairement au xylophone, aux lames de bois) et bien sûr ce vibrato «artificiel», que les virtuoses savent moduler avec un curseur sur le côté de l'instrument. Un système qui actionne des petits ventilateurs qui tournent dans les tubes résonateurs.
Oui, je sais. Quand on pense «vibraphone», on se remémore ce jazz d'ascenseur des années 60, avec ce vibrato mécanique insupportable! Mais heureusement, de grands virtuoses se sont penchés sur cet instrument… Et Mark Sherman, vibraphoniste New-yorkais en fait partie. Je l'ai vu en concert il y a 4 jours à Chorus, accompagné par de très talentueux jazzmen européens: Antonio Faraò au piano, Martin Gjakonovski à la basse, et le fabuleux André Ceccarelli à la batterie.
Pour les photos, ce fut difficile, vu le monde dans ce caveau: impossible de me déplacer devant la scène avec un grand angle. J'ai donc travaillé d'assez loin, au téléobjectif, avec chaque fois des têtes devant…
Mark Sherman n'est pas le plus connu des vibraphonistes: beaucoup moins célèbre que Gary Burton, dont j'ai parlé dans un article sur Cuk en 2012. Il n'en reste pas moins que c'est aussi un des rares vibraphonistes de jazz à utiliser 4 baguettes à la fois! Bobby Hutcherson, immense vibraphoniste du post-bop, joue avec 2 baguettes, néanmoins avec une dextérité hallucinante!
Sherman a collaboré avec de grands jazzmen, allant de Kenny Kirkland dans les années 70, jusqu'à Kenny Baron récemment (la liste serait trop longue…) Il s'est aussi frotté à la musique classique contemporaine, suite à une collaboration avec Leonard Bernstein.
Rassurez-vous, la musique jouée ce samedi 7 novembre à Chorus fut d'un niveau tout-à-fait accessible: un répertoire magnifique bop et post-bop, allant de Thelonious Monk, le génie pianistique incontournable des années 60… Puis Art Blakey avec le célèbre «Moanin'» (vous savez, le truc que tout le monde connaît: «j'aime pas le jazz, mais ça j'aime»!) et bien sûr McCoy Tyner (avec «You taught my hart to sing»), sans oublier John Coltrane (Giant Steps). Et aussi quelques compositions originales et un blues magnifique pour le rappel…
Impressionnant de voir ce vibraphoniste passer de 3 à 4 baguettes, et surtout cette apparente facilité dans l'improvisation… Et Antonio Faraò, extraordinaire pianiste italien, fut génial d'inventivité et de virtuosité lui aussi…
Grand moment d'émotion lorsque Sherman céda la place au jeune vibraphoniste qui lui avait prêté l'instrument (je n'ai pas retenu son nom hélas, mais une grande carrière se prépare!)
Une soirée incroyable, qui s'est terminée à 0h30! De plus, comme je le dis toujours, on est tellement mieux dans un petit club de jazz chaleureux que dans une grande salle comme le Victoria Hall, assis sur un strapontin à Fr 70.– à ne rien voir du tout! Hélas, les grosses pointures du jazz, au vu de leurs cachets très élevés, ne se produisent plus que dans ce genre de lieux, ou alors dans les festivals pour une heure de concert.
Hélas, presque au même moment, à Pully, se produisait le fabuleux joueur de chora Toumani Diabaté. J'y serait bien allé aussi, mais j'aurais loupé une partie d'un des deux concerts dans ce cas!
J'adore le jazz, mais au fond je regrette que la cave à jazz de Lausanne ne fasse pas une place aux musiques improvisées du monde, comme l'AMR à Genève. Quand on écoute un musicien africain comme Diabaté, il s'agit bien des racines du jazz…
Avec 3 baguettes…
… Puis avec 4 baguettes.
Antonio Faraò au piano.
Martin Gjakonovski, contrebasse.
André «Dédé» Ceccarelli, batterie
Je n'ai pas pu m'approcher plus pour voir l'instrument…
À deux sur un vibraphone!
, le 11.11.2015 à 09:56
Qu’est-ce que cet ostracisme anti-guimbarde ??????
, le 11.11.2015 à 10:53
Ne disposant pas du son, il vaut la peine de s’attarder sur les images, superbes, malgré les conditions difficiles…
Mais la chemise du gars, comment dire… Attire beaucoup l’attention…
, le 11.11.2015 à 11:34
Ah, le Chorus, que de souvenirs…
Le jeune vibraphoniste est Jean-Lou Treboux.
Et je suis d’accord avec Guru: qu’est-ce que cet ostracisme anti-guimbarde ?
Tristan, la première photo de Dédé on ne peut pas l’agrandir.
, le 11.11.2015 à 11:49
Grâce à la Suisse, on sait désormais que la « différence » vestimentaire peut être la marque de très grands talents !
😄
, le 11.11.2015 à 13:24
Belle découverte! Pour le son en image
, le 11.11.2015 à 15:49
Oui je l’avoue, je n’aime pas la guimbarde, personne n’a utilisé ce truc en jazz. En plus ça fait mal aux dents… Rien que d’y penser ça me glace les os!
Merci à Nic de m’avoir rappelé le nom de Jean-Lou Treboux, à retenir!
On peut agrandir Dédé.
, le 12.11.2015 à 09:39
ah bon? par exemple Dizzy Gillespie (1980) ;-)