J’ai fait des années de thérapie; j’ai lu des livres, écrits par des auteurs spirituels, des psys; j’ai lu des articles, assisté à des conférences; j’ai fait des retraites, des stages...
Une vérité m’a été enseignée, partagée, expliquée; une vérité profonde, en laquelle je crois de plus en plus fermement au fur et à mesure que je progresse dans l'art de l’incarner au quotidien: une des ressources les plus utiles que l’on puisse développer dans la vie, c’est la capacité à accepter la réalité telle qu’elle se présente.
(Cette véritable acceptation n’a rien à voir avec la résignation, le fatalisme, ni même l’approbation. Mais ceci est un autre débat.)
Cette acceptation de la réalité, de l’environnement, et plus particulièrement de l’autre, je l’ai apprise d’une façon plus précise dans les écrits de Carl Rogers. Ce psychologue américain a fait de l’acceptation une des trois clés principales de la relation d’aide; mais aussi une des attitudes de base qui permettent à la personne de se développer de façon saine et satisfaisante.
J’ai connu une femme. Elle n’a pas lu Rogers. Ni Gandhi. Elle n’a pas fait de séminaires de développement personnel. Mais elle a été à mes yeux une incarnation particulièrement juste et apaisée de cette vérité. Elle prenait la vie comme elle vient, les gens comme ils sont, en profitant avec reconnaissances de tout ce qui est bon, beau, utile, agréable ou simplement satisfaisant. Sa faculté de dire oui à ce qui est m’impressionnait, et, aujourd’hui encore, me nourrit.
Qu’on ne s’y méprenne pas: elle savait dire non aussi. Elle savait s’opposer, se révolter, prendre les moyens de changer ce qui pouvait l’être, quand la situation ne lui convenait pas. Mais elle avait cette sagesse de partir de la réalité telle qu’elle est.
Certains vont au bout du monde pour apprendre cela. Auprès d’un gourou indien, d’un sage africain, d’un maître ou d’une maîtresse, reconnu(e) ou autoproclamé(e), dans l’espoir de parvenir à grappiller quelques miettes de cette grande sagesse et devenir, tant que faire se peut, un peu plus «acceptant».
− • • • −
Il y a environ trois ans, je suis allé à Châtel-St-Denis, trouver ma belle mère.
C’était elle, la femme en question.
Je l’aimais beaucoup. Déjà, elle avait eu le bon goût de mettre au monde celle avec qui j’allais partager ma vie. Et, de plus, c’était un amour de belle-mère.
Je suis donc allé trouver Henriette, qui était alors dans une phase de pratique intensive de cet exercice d’acceptation de la réalité. Et sa réalité, à ce moment, c’était de sentir la fin de sa vie approcher à grands pas. Elle était là, dans l’attente du moment où le lien ténu qui la reliait encore à ce monde voudrait bien se défaire et la laisser passer à autre chose.
Assis à son chevet, je repensais au Darshan hindou. Et j’avais un peu l’impression de me trouver dans cette situation. Certes, Henriette n’était pas un gourou, mais je crois qu’il n’y a pas besoin d’avoir à faire à un grand maître pour ressentir cela: Qui de nous ne s’est-il jamais senti «meilleur» par le simple fait de fréquenter une personne perçue comme «bonne»?
En me tenant proche de cette femme pour laquelle j’avais une grande estime (rien à voir avec la vénération!), je me sentais un peu comme en état de réceptivité; comme si je pouvais recevoir, par sa simple présence, un peu de sa sagesse. Non la sagesse d’un gourou, d’un maître spirituel, mais la sagesse toute simple d’une femme ordinaire, issue d’un milieu modeste, sans prétention aucune; et bien sûr une femme imparfaite, qui avait comme toute personne humaine son lot de limites, de défauts, de maladresses; mais une femme qui resterait pour moi un exemple particulièrement pertinent de ce qu’accepter veut dire.
− • • • −
Henriette, je voudrais pouvoir encore te serrer dans mes bras, sur mon cœur. Je garde de toi cette image, paisible, sur laquelle tu sembles avoir deux ailes rouges. Ces ailes sont en fait les bords d’un coussin en forme de cœur. Et ça me plait bien.
Et si, à cause de cette image, je pense à toi comme à un ange gardien, je ne puis m’empêcher de me dire également que tu représentes un peu, pour moi, la Mère. Et, par là, tu me relies à la mienne.
Henriette, tu sais quoi?
Je t’aime.
Billet originalement publié sur j'y pense
, le 20.04.2015 à 07:10
Merci…
, le 20.04.2015 à 07:53
superbe !
, le 20.04.2015 à 08:13
Faudrait mettre un avertissement à ces articles, genre « Attention émotifs, attendez d’être rentrés chez vous pour lire cette humeur. »
J’ai l’air de quoi, moi, à verser une larme en plein milieu du wagon ?
, le 20.04.2015 à 09:03
Oui, très bel hommage!
, le 20.04.2015 à 18:21
Je pense que le faible nombre de commentaires n’est surement pas du au fait que ce texte n’est pas lu par les lecteurs de cuk mais que ce texte est tellement émouvant que les mots manquent.
, le 20.04.2015 à 18:56
Journée difficile, pas revenu par là…
Merci pour vos commentaires! Et je crois que c’est de toute façon un billet qui n’en appelait pas beaucoup!
, le 20.04.2015 à 20:41
Il n’appelait peut-être pas beaucoup de commentaires mais il a été l’occasion pour moi de repenser de bon matin à ma grand-mère : c’est elle que j’ai vue en regardant la si douce photo de Henriette. Merci.
, le 20.04.2015 à 21:18
Merci, émotion, me fait penser à Arthur.
, le 20.04.2015 à 21:30
Merci pour ce texte m’invitant aussi à revoir en quoi j’accepte simplement ce qui est, ou pas.
Peut-être une nouvelle série sur cuk; après les différentes manières d’écouter de la musique, aurons-nous un thème sur les personnes qui nous ont marqué.
, le 20.04.2015 à 21:30
Ce n’est pas parce que je n’ai pas émis de commentaire que je n’ai pas lu…et savouré dès l’aube.
, le 20.04.2015 à 23:34
Guru: Marant, j’ai sursauté en lisant ton commentaire… Il se trouve que le mari d’Henriette se prénommait Arthur!
Du coup j’ai relu avec plaisir le billet sur ton grand-père. Le coup du vélo en pièces détachées me plait bien!
Sierensis: j’aime bien ton idée: François, pourquoi pas une catégorie « portraits »? Il y en a déjà queques uns (je pense notamment au billet d’Anne sur Frankie)